Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l’ouverture du procès : 9 décembre 2004.
Endroit : CMR Kingston, Kingston (ON).
Chefs d’accusation:
• Chef d’accusation 1 (subsidiaire au chef d’accusation 2) : Art. 130 LDN, tenter de détourner le cours de la justice (art. 139(2) C. cr.).
• Chef d’accusation 2 (subsidiaire au chef d’accusation 1) : Art. 129 LDN, comportement préjudiciable au bon ordre et à la discipline.
Résultats:
• VERDICTS : Chef d’accusation 1 : Non coupable. Chef d’accusation 2 : Coupable.
• SENTENCE : Une réprimande et une amende au montant de 1200$.

Contenu de la décision

Référence : R. c. Lélève-officier A. Welsh,2004CM66

 

Dossier : S200466

 

 

 

COUR MARTIALE PERMANENTE

CANADA

ONTARIO

COLLÈGE MILITAIRE ROYAL DE KINGSTON

 

 

 

Date : 9 décembre 2004

 

 

 

PRÉSIDENT : LE COLONEL K.S. CARTER, J.M.

 

 

 

SA MAJESTÉ LA REINE

c.

LÉLÈVE-OFFICIER A. WELSH

(Accusé)

 

 

 

PEINE

(Prononcée oralement)

 

 

[1]                                         Élève-officier Welsh, après avoir accepté et enregistré votre plaidoyer de culpabilité en réponse à laccusation de conduite préjudiciable au bon ordre et à la discipline, constituant le deuxième chef porté sur lacte daccusation, la Cour vous déclare coupable de ce chef daccusation. Comme le premier chef est un substitut au deuxième chef, la Cour vous innocente du premier chef.

 

[2]                                         Pour déterminer la peine appropriée, la Cour a examiné la preuve à sa disposition, soit le sommaire des circonstances, les pièces déposées et numérotés de 4 à 8, le témoignage du capitaine de vaisseau Greening et les observations de lavocat de la défense.

 

[3]                                         Dans les cours martiales, le but recherché dans la détermination de la peine est de restaurer la discipline. Pour y parvenir, la Cour applique les principes pertinents de la dénonciation, de la dissuasion, tant générale que spécifique, de lamendement et de la réinsertion.

 


[4]                                         Lefficacité opérationnelle ne se conçoit pas sans discipline et constitue la principale obligation dune force militaire. La discipline exige bien plus que lobéissance aux ordres légitimes. Elle exige que lon place les intérêts du Canada et des Forces canadiennes avant ses intérêts personnels sil le faut.

 

[5]                                         Quand les Forces canadiennes ont besoin de connaître la vérité, le membre des Forces canadiennes a lobligation légale de dire la vérité. La Cour pense que, dans cette affaire, la question nest pas de savoir si la vérité est préjudiciable à la personne. La Cour ne fait pas allusion à un cas où une personne admettrait avoir commis une infraction et serait informée quelle na pas lobligation de parler, mais à une obligation plus générale.

 

[6]                                         Les Forces canadiennes doivent pouvoir compter sur lhonnêteté de tous leurs membres même si ce comportement peut avoir des conséquences personnelles gênantes, ou par ailleurs défavorables. En sa qualité de sous-officier supérieur ou dofficier, un membre a une obligation dhonnêteté et dintégrité encore plus importante, car le bien-être de ses subordonnés peut grandement dépendre de ces qualités. Si une personne ment pour protéger ses intérêts, si elle incite ou convainc dautres personnes de mentir, elle risque de mettre en péril le succès dune mission, et la vie des autres parce que les décisions sont fondées sur la sincérité, et il ny a pas application dune échelle mobile et celle-ci doit être absolue. Une personne ne peut mesurer toute limportance de ses propres actes. Elle peut avoir limpression quil sagit dun sujet mineur ou accessoire, mais en fait, ce quon lui a demandé constitue peut-être un facteur à part entière dun processus décisionnel plus large.

 

[7]                                         La Cour sest donc demandée comment, dans la présente affaire, la peine permettrait de rétablir la discipline. En lespèce, comme vous vous êtes arrangé pour faire mentir un autre membre des Forces canadiennes aux autorités de la police militaire, la Cour estime que le plus important principe de détermination de la peine à appliquer est celui de la dissuasion générale. En outre, pour décider de la peine appropriée, la Cour respecte certaines règles, il faut notamment que la peine constitue la sanction minimale exigée, quelle soit proportionnelle à la nature et aux circonstances de linfraction, ce qui englobe ses conséquences, et en vertu de larticle 112.48 des ORFC, la Cour doit tenir compte non seulement de linfraction mais aussi du contrevenant et des conséquences directes ou indirectes de la peine imposée.

 

[8]                                         La Cour a déjà brièvement mentionné la nature de linfraction et les faits tels quils sont décrits dans le sommaire des circonstances, qui constitue la pièce 3. Lincident a eu lieu en septembre 2003, il y a environ quinze mois. Selon cette pièce, il sagit dun acte délibéré. Il y a eu possibilité de rétractation dans les jours suivant la demande et précédant lentretien avec lélève-officier Garrison.

 


[9]                                         Le fait que lenquête nait pas donné lieu à des erreurs semble dû à des remords de conscience de lélève-officier Garrison ou aux qualités dintervieweur du caporal-chef Provost. Le mensonge et la rétractation ont été prononcés au cours du même entretien; ces mensonges nont apparemment pas entraîné lutilisation inutile de ressources, ni détourné lenquête de son cours ni mis une personne innocente en danger.

 

[10]                                     La Cour sest aussi interrogée sur vous, le contrevenant. Vous avez 21 ans, et comme le montrent les différentes pièces, notamment la pièce 5, vous vous êtes engagé dans les Forces canadiennes à 17 ans. Comme vous êtes né un 4 octobre, vous aviez semble-t-il 19 ans au moment de lincident. Vous êtes en deuxième année au Collège militaire royal, mais antérieurement vous avez appris à connaître la société et léthique militaires pendant six ans, dont cinq ans comme cadet de larmée et un an à St‑Jean.

 

[11]                                     Il semble quentre 2002 et 2004, vous avez vécu des changements : vous avez changé de domaine détudes, vous avez changé vos services, vous vous rétablissiez dune blessure. La pièce 7 indique que votre rendement a diminué dans de nombreux domaines. On vous a fait prendre des consultations et placé en probation, et, bien que cela soit inhabituel, compte tenu de votre expérience antérieure, cest peut-être le pilier militaire qui vous causait le plus de problèmes.

 

[12]                                     Le capitaine de vaisseau Greening a témoigné que votre guérison avait été presque miraculeuse. Et la Cour estime quil est important que son témoignage nest pas celui dune personne qui vous a rencontré pour la première fois en août, cette année, et vous évalue pendant trois mois. La Cour a tenu compte du fait que le capitaine de vaisseau avait elle-même étudié pendant quatre ans au Collège militaire royal où elle avait acquis une certaine expérience et quelle avait une expérience professionnelle au sein des Forces canadiennes de quatre ans, y compris une mutation. La Cour a accordé beaucoup de poids à lévaluation du capitaine de vaisseau vous concernant; dans cette évaluation, le capitaine de vaisseau indique que vous êtes un cadet en pleine forme et actif, et, à lappui de la pièce 8 quelle a fournie, conclut que avez retrouvé votre intérêt dans les matières militaires du Collège militaire royal, notamment en vous classant troisième sur 21 dans le pilier militaire. Le capitaine de vaisseau a estimé quil fallait vous faire confiance, et jemploie ce mot à escient, en qualité de chef et de mentor auprès des jeunes cadets. Le degré de confiance et de responsabilité qui se dégage de lévaluation est remarquable.

 

[13]                                     La Cour a tenu compte des conséquences directes et indirectes de toute peine susceptible dêtre infligée et la preuve ne révèle aucunement quil semblerait exister une issue inévitable. En dautres termes, la Cour ne dispose daucune preuve indiquant quà lheure actuelle vous faites lobjet dune instruction visant à vous libérer des Forces canadiennes.

 


[14]                                     En ce qui concerne les circonstances atténuantes, la Cour a aussi tenu compte de votre âge au moment de linfraction et de votre plaidoyer de culpabilité, comme preuve de votre reconnaissance de responsabilité à légard de vos agissements. La Cour a également tenu compte du fait que quinze mois se sont écoulés depuis lincident et quil sagit dune première infraction, cependant, elle voudrait souligner que, contrairement à un tribunal civil, une cour martiale voit rarement des contrevenants endurcis possédant une lourde fiche de conduite.

 

[15]                                     En ce qui concerne les circonstances aggravantes, la Cour a déjà indiqué quelle considérait que vous avez commis linfraction qui vous est reprochée de façon délibérée et, facteur peut-être encore plus aggravant, que vous avez entraîné un autre membre des Forces canadiennes dans vos agissements : il semble que vous ayez tiré avantage dune relation pour votre profit personnel.

 

[16]                                     Votre avocat a soutenu que vous vous étiez amendé. La Cour aurait tendance à dire quelle nen sait rien. Elle pense quil est trop tôt pour en juger. Ce que sait la Cour, cest que vous faites lobjet dune mise en garde et dune surveillance et que vous venez dêtre déclaré coupable dune infraction. Cette déclaration de culpabilité aura certainement des conséquences. Par exemple, si un jour vous postulez un emploi et que vous devez indiquer sur le formulaire de candidature si vous avez été déclaré coupable dune infraction pour laquelle vous navez pas été réhabilité, vous devrez indiquer que vous avez été condamné jusquà ce que vous layez été.

 

[17]                                     Il semblerait que vous ayez épuisé toutes vos chances dans larmée. Si lon vous réhabilite, tant mieux. Sinon, vous cesserez dici peu dêtre un problème pour les Forces canadiennes.

 

[18]                                     Permettez-moi de mentionner brièvement lautre infraction, celle dont vous navez pas été déclaré coupable : vous avez essayé de détourner le cours de la justice. Cette infraction est punissable dun maximum de dix ans demprisonnement. Elle est considérée comme une atteinte à la primauté du droit. Elle viole le code des valeurs fondamentales de la société. Cest une infraction extrêmement grave. Une condamnation pour une telle infraction conduirait à des sanctions comme la destitution et lemprisonnement. La dénonciation serait alors le facteur le plus important. Toutefois, vous avez été déclaré coupable de la deuxième infraction portée sur lacte daccusation, aussi la Cour vous inflige une peine relativement à cette infraction.

 

[19]                                     La présente affaire est grave. Par contre, pour une personne de votre âge, vous avez une expérience importante dans larmée. La Cour est portée à répéter quil sest écoulé beaucoup de temps avant que la présente affaire ne soit instruite, et elle voit rarement des cas où lon semploie de façon aussi efficace à la réadaptation.

 


[20]                                     Vous êtes un officier et vous aspirez à devenir un chef. Sans lintégrité, cest impossible. Lintégrité nécessite du courage et de la force de caractère, deux traits indispensables au chef et à lofficier. Par vos actes, vous avez gravement compromis votre intégrité et vous avez porté atteinte à lintégrité dun autre élève-officier. Vous vous interrogerez peut-être sur les qualités quil faut pour enseigner à des élèves moins expérimentés. Si vous restez dans les Forces canadiennes, vous comprendrez que lintégrité et la réputation constituent les qualités les plus importantes.

 

[21]                                     Le témoignage du capitaine de vaisseau Greening a convaincu la Cour quelle devrait vous autoriser à essayer de rétablir votre réputation, sous réserve des décisions administratives prises par dautres autorités qui pourraient voir les choses différemment du capitaine de vaisseau Greening,

 

[22]                                     Par conséquent, la Cour conclut que la réprimande et lamende proposées constituent une sanction pertinente. Toutefois, comme vous avez entraîné un autre élève-officier dans cette infraction, lamende sera élevée.

 

[23]                                     La Cour vous condamne à une réprimande et à une amende de 1 200 $. Elle vous permet de payer cette amende par tranches de 100 $ par mois pendant que vous êtes au service des Forces canadiennes. Si, pour une raison quelconque, vous quittez les Forces canadiennes et que lamende na pas été intégralement payée, alors le montant total de limpayé sera versé la veille de votre libération.

 

 

 

 

COLONEL K.S. CARTER, J.M.

 

Avocat :

 

Le capitaine de vaisseau S. Raleigh, directeur des poursuites militaires,

Procureur de Sa Majesté la Reine

Le capitaine de corvette J.A. McMunagle, Direction du service d'avocats de la défense,

Avocat de lélève-officier A. Welsh

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