Cour martiale
Informations sur la décision
Date de l’ouverture du procès : 15 décembre 2004.
Endroit : Garnison Valcartier, édifice 534, l’Académie, Courcelette (QC).
Chefs d’accusation:
• Chef d’accusation 1 (subsidiaire au chef d’accusation 2) : Art. 130 LDN, possession de substance explosive (art. 82(1) C. cr.).
• Chef d’accusation 2 (subsidiaire au chef d’accusation 1) : Art. 130 LDN, possession d’un bien criminellement obtenu (art. 354(1) C. cr.).
Résultats:
• VERDICTS : Chef d’accusation 1 : Une suspension d’instance. Chef d’accusation 2 : Coupable.
• SENTENCE : Une réprimande et une amende au montant de 400$.
Contenu de la décision
Référence : R. c. Ex-sapeur C.M. Asselin, 2004 CM 69
Dossier : S200469
COUR MARTIALE PERMANENTE
CANADA
GARNISON VALCARTIER., QUÉBEC
5E RÉGIMENT DU GÉNIE DE COMBAT
Date : 15 décembre 2004
SOUS LA PRÉSIDENCE DU LIEUTENANT-COLONEL M. DUTIL, J.M.
SA MAJESTÉ LA REINE
Poursuivante
c.
EX-SAPEUR C.M. ASSELIN
(Accusé)
SENTENCE
(Oralement)
[1] Avant de prononcer la sentence, ex-sapeur Asselin, la Cour ayant accepté et enregistré votre plaidoyer de culpabilité au 2ième chef d’accusation, une infraction punissable selon l’article 130 de la Loi sur la défense nationale, soit la possession d’un bien criminellement obtenu, contrairement au paragraphe 354(1) du Code criminel, elle vous trouve coupable de ce 2ième chef d’accusation et ordonne une suspension d’instance
à l’égard du 1er chef d’accusation.
[2] Comme l’a souligné l’ancien juge en chef Lamer de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt R c. Généreux ,(1992) 1 R.C.S. 259:
Pour que les Forces armées soient prêtes à intervenir, les autorités militaires doivent être en mesure de faire respecter la discipline interne de manière efficace. Les manquements à la discipline doivent être réprimés promptement et, dans bien des cas, punis plus durement que si les mêmes actes avaient été accomplis par un civil.
Il n’en demeure pas moins que la sentence imposée par une cour martiale, tout comme celle d’un tribunal civil siégeant en matière criminelle et pénale, doit être la sentence minimale requise à la lumière de l’ensemble des circonstances de l’affaire et de celles du contrevenant. Lors de la détermination d’une sentence juste et équitable, la cour doit trouver l’équilibre qui permettra d’assurer la protection du public, mais également le maintien de la discipline au sein des Forces canadiennes.
[3] En déterminant la sentence qu’elle considère être appropriée et minimale dans les circonstances, la Cour a considéré les circonstances entourant la commission des infractions telles que révélées par le sommaire des circonstances complet et détaillé présenté par la poursuite et dont vous avez accepté la véracité, la preuve documentaire ainsi que votre propre témoignage. La Cour a finalement pris en compte les plaidoiries des procureurs et les principes applicables en matière de détermination de la peine.
[4] Le premier principe de la détermination de la peine est la protection du public et la Cour doit déterminer si cette protection sera assurée par une peine qui vise à punir, à réhabiliter, à dénoncer ou à dissuader. Combien d'emphase devrait être mise sur l'un ou l'autre de ces principes dépend évidemment des circonstances qui varient d'un cas à l'autre. Dans certains cas, le souci principal, quand ce n'est pas le seul souci, sera la dissuasion du contrevenant et/ou celle des autres. Dans de telles circonstances, peu ou aucune importance ne sera accordée à l'aspect réhabilitation ou réformation du contrevenant. Dans d'autres cas, l'accent sera plutôt mis sur la réhabilitation que sur la dissuasion. Dans la présente cause, l'accent doit être plutôt mis sur la dissuasion tant collective qu’individuelle, mais également la réhabilitation du contrevenant pour assurer la protection du public et le maintien de la discipline.
[5] En considérant quelle sentence serait appropriée, la Cour a considéré comme aggravant les facteurs suivants:
Premièrement, la nature de l’infraction et la peine prévue par le législateur. La poursuite a accepté un plaidoyer de culpabilité au 2ième chef d’accusation, c’est-à dire une infraction punissable selon l’article 130 de la Loi sur la défense nationale, soit la possession de biens criminellement obtenus contrairement à l’article 354 du Code criminel. Le deuxième chef d’accusation était subsidiaire au premier chef d’accusation. Aux termes de l’article 355 du Code criminel, cette infraction est passible d’un emprisonnement maximal de deux ans lorsque la valeur de l’objet ne dépasse pas cinq mille dollars. C’est une infraction qui est objectivement sérieuse, mais force est de constater qu’elle est objectivement moins sérieuse que l’infraction de possession de substance explosive contrairement au paragraphe 82(1) du Code criminel qui est passible d'un emprisonnement maximal de cinq ans et qui faisait l’objet du 1er chef d’accusation.
Deuxièmement, la Cour a considéré comme aggravant le contexte de cette cause et les circonstances entourant la commission de infraction pour laquelle vous avez reconnu votre culpabilité. Il s’agit là de la gravité subjective de l’infraction. La preuve révèle que le C-4, d’une quantité d’environ 200 grammes, soit le format d’une balle de golf, et qui coûtait environ 10 dollars, vous a été donné à Gagetown, au cours de l’été 2001 par un militaire qui l’avait volé des Forces canadiennes alors que vous étiez membre du peloton d’attente de l’École de Génie Militaire des Forces canadiennes. Vous étiez à ce moment parfaitement conscient qu’il était interdit de posséder une telle substance et vous saviez que votre donateur l’avait volé. Vous avez tout de même gardé cette substance pendant plus de 2 ans dans votre chambre, par simple plaisir, jusqu’au jour où vous l’avez donnée à votre compagnon de chambre. La preuve indique toutefois que la substance explosive de type C-4 est très stable et qu’elle ne peut exploser sans l’assistance d’un détonateur ou d’une source de chaleur intense tel un incendie. Il semble que la faible quantité en cause dans cette affaire réduisait substantiellement les risques potentiels à la sécurité des personnes et des biens.
Troisièmement, la Cour retient comme facteur aggravant le fait que vous avez trahi la confiance des Forces canadiennes et de l’ensemble de la population canadienne qui mettent à votre disposition certaines substances dangereuses pour des fins légitimes et ce en perpétuant le comportement criminel relié à la substance explosive qui vous avait été remise illégalement. La Cour veut bien croire que vous étiez jeune, sans expérience et que vous étiez fasciné par les explosifs, force est de constater que vous avez lamentablement failli aux devoirs et aux responsabilités élémentaires d’un militaire, mais surtout celles d’un sapeur qui oeuvre au sein d’un régiment de génie de combat.
[6] Quant aux facteurs atténuants, la Cour retient le fait que vous ayez reconnu votre culpabilité au 2ième chef d’accusation. Ce plaidoyer de culpabilité est, selon cette cour, sincère et franc. D’ailleurs, la poursuite a fait état de votre grande coopération dès le début du processus d’enquête et par la suite. Elle a aussi mentionné qu’en reconnaissant votre culpabilité, vous avez évité à la poursuite la tenue d’un long procès qui aurait requis la présence de 11 témoins. La cour a également pris en compte votre jeune âge et le fait que vous avez commencé une nouvelle carrière de charpentier-menuisier. La sentence que cette cour va imposer ne doit pas freiner injustement votre réinsertion dans le monde du travail, mais aussi votre réhabilitation. La poursuite semble reconnaître qu’il s’agit d’une malheureuse erreur de jugement de votre part et qu'il s’agisse d’un cas isolé.
[7] La nature de l' infraction, le contexte et les circonstances entourant la commission de cette infraction sont les principaux éléments pour lesquels cette cour considère que la protection du public et le maintien de la discipline seront mieux servis par une sentence qui reflète la dissuasion tant collective qu’individuelle, mais qui favorise la réhabilitation du contrevenant.
[8] Il n’existe aucune preuve devant cette cour que la possession illégale de biens criminellement obtenus, qu’il s’agisse de substance explosive ou non, constitue un fléau ou un problème au sein des Forces canadiennes.
[9] La poursuite a également tenu à préciser que les gestes reprochés à l’ex-sapeur Asselin n’étaient pas reliés, directement ou indirectement, à d’autres activités criminelles ou au profit ou sous la direction d’une organisation criminelle. La cour tient à souligner qu’il ne s’agit pas non plus d’une infraction qui aurait été perpétrée dans le cadre d’un geste inspiré par le terrorisme. Toutefois, il ne doit subsister aucun doute dans l’esprit de quiconque que l’existence de l’un ou de plusieurs de ces facteurs constitueraient des circonstances particulièrement aggravantes dans le contexte de la possession illégale par des militaires de substances explosives appartenant aux Forces canadiennes, et ce peu importe la quantité.
[10] Comme l’a indiqué le procureur de la poursuite, les faits entourant cette cause se situent au bas de l’échelle de gravité en semblable matière. Il recommande que cette cour vous impose une réprimande et une amende de 500 dollars. La défense suggère qu’une réprimande n’est pas nécessaire dans les circonstances, si elle a pour but de favoriser le principe de la dissuasion générale, et ce en raison de votre âge et de votre manque d’expérience au moment de la commission de l’infraction. La Cour favoriserait une telle approche si la dissuasion individuelle ou spécifique était d’importance égale dans cette affaire. Ce n’est pas le cas. L’analyse des principes de la détermination de la peine à la lumière de la nature de l’infraction et des circonstances entourant la commission de cette infraction, requiert que le principe de dissuasion générale doive primer, en l’espèce, sur celui de la dissuasion individuelle.
[11] En conséquence, la cour vous condamne à une réprimande et à une amende de 400 dollars. La Cour n’émettra pas d’ordonnance aux termes de l’article 147.1. de la Loi sur la défense nationale.
LIEUTENANT-COLONEL M. DUTIL, J.M.
Avocats :
Major G. Roy, Procureur militaire régional de l'Est
Avocate de la poursuivante
Major J.A.M. Côté, Direction du service d'avocats de la défense
Avocat de l’ex-sapeur C.M. Asselin