Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l’ouverture du procès : 9 mai 2006.
Endroit : Garnison Valcartier, édifice 534, l’Académie, Courcelette (QC).
Chefs d’accusation:
• Chef d’accusation 1 (subsidiaire aux chefs d’accusation 2, 3) : Art. 130 LDN, avoir braqué une arme (art. 87 C. cr.).
• Chef d’accusation 2 (subsidiaire aux chefs d’accusation 1, 3) : Art. 130 LDN, un usage négligent d’une arme (art. 86 C. cr.).
• Chef d’accusation 3 (subsidiaire aux chefs d’accusation 1, 2) : Art. 129 LDN, acte préjudiciable au bon ordre et à la discipline.
• Chef d’accusation 4 : Art. 129 LDN, acte préjudiciable au bon ordre et à la discipline.
Résultats:
• VERDICTS : Chefs d’accusation 1, 3, 4 : Non coupable. Chef d’accusation 2 : Retiré.

Contenu de la décision

Citation : R. c. Sergent J.J.G.M.L. Bergeron, 2006 CM 41

 

Dossier : V200641

 

 

COUR MARTIALE PERMANENTE

CANADA

QUÉBEC

2e BATAILLON DU ROYAL 22e RÉGIMENT

VALCARTIER, COURCELETTE

 

Date : 16 mai 2006

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DU LIEUTENANT-COLONEL M. DUTIL, J.M.

 

SA MAJESTÉ LA REINE

c.

SERGENT J.J.G.M.L. BERGERON

(Accusé)

 

VERDICT

(Oralement)

 

 

INTRODUCTION

 

[1]                    Le sergent Bergeron est accusé d'une infraction punissable aux termes de

l'article 130 de la Loi sur la défense nationale contrairement à l'article 87 du Code criminel, soit d'avoir braqué une arme à feu et la poursuite a porté une accusation subsidiaire aux termes de l'article 129 de la Loi sur la défense nationale, soit un acte préjudiciable au bon ordre et à la discipline. Ces accusations allèguent que l'accusé aurait pointé une arme à feu sur la personne d'un soldat Thériault, le ou vers le 14 janvier 2005 sur la Garnison Valcartier, Courcelette, province de Québec. Le sergent Bergeron est aussi accusé d'un autre chef d'accusation pour un acte préjudiciable au bon ordre et la discipline, allégué avoir été commis le même jour, au même endroit. Les détails de cette accusation allèguent que le sergent Bergeron aurait, cette fois, demandé à la personne du soldat Boudreau de lui pointer une arme sur la tempe.

 

LA PREUVE

 

[2]                    La preuve devant cette cour martiale est constituée essentiellement des éléments suivants, soit :

 


a. Les témoignages entendus, et ce dans l'ordre de leur comparution devant la cour, soit celui du soldat Thériault, du soldat Boudreau, de l'adjudant Masson, de l'adjudant Kelly et du sergent Bergeron, l'accusé dans la présente affaire.

 

b. De la pièce 3, soit une publication des Forces canadiennes qui est en partie une ordonnance intitulée « Pistolet 9 mm,  B-GL-385-003/PT-002 ».

 

c. De la pièce 4, soit une publication des Forces canadiennes qui est en partie une ordonnance intitulée « Sécurité à l'entraînement ». Cette publication porte le numéro B-GL-381-001/TS-000. Elle expose les grandes lignes de la politique des Forces canadiennes régissant l'utilisation ou le mauvais usage des armes, des munitions et des explosifs. Le para­graphe 5 de ladite publication précise qu'elle a pour but de préciser l'organisation, les responsabilités, les règles et les procédures qui s'appliquent à la conduite sécuritaire de l'entraînement sur les champs de tir et secteurs d'entraînement terrestres. Le paragraphe 6 ajoute qu'il s'applique à tous les champs de tir et secteurs d'entraînement terrestres et terrains, appartenant au MDN et privés, utilisés par tous les éléments des Forces canadiennes se servant des armes ou appliquant les procédures d'entraînement qui y sont décrites. De ce fait, le paragraphe 7 énonce clairement que cette publication constitue l'autorité régissant tous les aspects de la sécurité durant l'entraînement individuel et collectif sur les champs de tir et dans les secteurs d'entraînement terrestres.

 

d. De la pièce 5, soit les paragraphes 12 à 28 d'une publication des Forces canadiennes intitulé « Combat rapproché. »

 

e. De la pièce 6, un document intitulé « Sommaire des dossiers personnels des militaires » relativement à l'accusé.

 

f. De la pièce 7, un extrait d'un document identifié « B-GL-382-004/FP-000, intérim », soit les paragraphes 55 à 70. Ce document fut admis en preuve pour des fins limitées, soit pour démontrer qu'il fut remis à l'accusé par l'adjudant Kelly lors d'une rencontre qui aurait eu lieu après les incidents qui font l'objet de la présente affaire et le document n'a aucune pertinence pour la détermination de l'affaire.

 

g. Les admissions de la part de l'accusé relativement à la preuve d'identité, de la date et du lieu.

 


h. Finalement, la connaissance judiciaire prise par la cour des faits et questions qui sont du domaine de la règle 15 des Règles militaires de la preuve.

 

LES FAITS

 

[3]                    Les faits entourant cette cause gravitent donc essentiellement autour des événements qui se sont déroulés dans un des corridors de la bâtisse du 2e Bataillon du Royal 22e Régiment, lorsque le sergent Bergeron a tenu une séance de formation impromptue pour une dizaine de personnes de son peloton dans la matinée du 14 janvier 2005 sur la Garnison Valcartier, Courcelette, province de Québec. La formation avait pour objectif de familiariser des jeunes soldats sur le pistolet 9 mm Browning.

 

[4]                    Bien que les témoignages laissent paraître un certain nombre de contra­dictions ou incohérences à la lumière de l'ensemble de la preuve, il ressort de cette preuve que le sergent Bergeron a décidé de tenir une séance de familiarisation du pistolet 9 mm Browning avec un groupe d'une dizaine de personnes alors qu'un autre groupe recevait de l'information sur un type particulier de missile. Le sergent Bergeron était un instructeur qualifié pour l'enseignement du maniement des armes portatives, y compris le 9 mm Browning. Il ressort de la preuve que l'instruction portant sur le pistolet 9 mm ne fait pas partie de la formation initiale de jeunes fantassins parce qu'il ne s'agit pas d'une arme dont ils ont à se servir au début de leur carrière. Il s'agissait donc d'une opportunité pour ce petit groupe de se familiariser avec cette arme.

 


[5]                    Selon la preuve entendue, une partie du groupe de dix personnes qui comprenait les soldats Thériault et Boudreau, fut chargée d'aller chercher cinq pistolets 9 mm au quartier-maître alors que les autres devaient apporter des tables rectangulaires sur lesquelles les armes allaient être montées et démontées par les étudiants. Le groupe était divisé en équipe de deux personnes pour chaque arme. Le soldat Thériault a indiqué qu'il faisait partie du groupe qui avait été chercher les armes pour ensuite se raviser et dire qu'il était plutôt de ceux qui avait monté les tables. Selon lui, les tables étaient disposées parallèlement au mur. Le sergent Bergeron faisait dos au mur. Les tables étaient disposées entre lui et les étudiants. Le soldat Thériault a témoigné que le soldat Boudreau était placé à sa gauche. Il s'agissait de la première fois que le soldat Thériault recevait de la formation sur cette arme. Le soldat Thériault se rappelle que le sergent Bergeron procédait tout d'abord à une première démonstration du mouvement à exécuter suivi à tour de rôle par les étudiants.  Il ne se rappelle pas si le sergent a donné les mesures de sécurité à suivre sur l'arme, mais il a affirmé avoir été le deuxième de son groupe à avoir remonté/démonté l'arme suite à la démonstration du sergent Bergeron. Le soldat Thériault savait qu'il n'y avait aucune munition, à blanc ou réelle, lors de cette formation. Le soldat Boudreau a témoigné que le soldat Thériault était situé de l'autre côté de la table en diagonale, contrairement à ce que ce dernier a prétendu, et le soldat Boudreau a ajouté qu'il n'y avait qu'une table. Or la preuve devant cette cour satisfait le tribunal qu'il y avait effectivement deux tables.

 

[6]                    Selon le soldat Boudreau, le sergent Bergeron était plutôt au centre. Selon lui, les armes étaient démontées et le sergent Bergeron n'aurait pas donné les consignes de sécurité. Il est toutefois clair qu'aucun soldat n'a témoigné sur le sens précis qu'il fallait donner à ces consignes de sécurité. L'ensemble de la preuve indique toutefois que les étapes de démonstration visuelle faites par le sergent Bergeron comprenait le maniement sécuritaire de l'arme. La preuve fournie par les soldats Thériault et Boudreau semble indiquer que c'est à la suite de la démonstration de montage et démontage que le sergent Bergeron ait pointé son arme sur la tempe du soldat Thériault. Selon ce dernier, le sergent Bergeron a fait la démonstration de la séquence à suivre pour le démontage de l'arme. Par la suite, il a fait l'essai inverse. Les étudiants se sont alors exécutés lors de l'essai après remontage, le soldat Thériault étant le deuxième de son groupe à le faire. Selon la version du soldat Thériault, le sergent Bergeron aurait alors indiqué, démonstra­tion à l'appui, que lorsque l'arme était appuyée sur un objet, les parties de l'arme ne pouvaient pas glisser et l'arme ne pouvait pas tirer. C'est à ce moment que le sergent Bergeron se serait avancé vers lui pour lui mettre son arme sur la tempe en décrivant le geste dans le contexte de son explication précédente. Le soldat Thériault fut surpris par le geste de son supérieur, recula, en lui demandant alors, qu'est-ce qu'il faisait là, prétextant que ça ne se faisait pas. Le sergent lui demanda s'il avait peur, et le soldat Thériault répliqua que non, mais que selon lui, cela ne se faisait pas. Le sergent Bergeron se serait alors retourné vers le soldat Boudreau pour la poursuite de la démonstration en demandant si le témoin Boudreau voulait braquer le sergent Bergeron de la même façon. Le soldat Thériault s'est dit profondément offusqué par la manoeuvre et a quitté la séance de formation peu après pour aller rapporter cet incident à l'adjudant Masson. Pour rapporter ces paroles, il était en maudit. Selon le soldat Thériault, c'était la première fois qu'une telle chose lui arrivait lors d'une formation sur les nombreuses séances de formation sur les armes qu'il avait reçues à ce jour.

 


[7]                    Le soldat Boudreau a indiqué qu'à la suite de la démonstration du remontage et démontage de l'arme, le sergent Bergeron s'est ensuite adressé aux étudiants sur l'hypothèse d'être pris en otage lorsque l'ennemi serait muni d'un pistolet identique. Il aurait alors expliqué que si l'arme était poussée vers l'arrière, le coup ne partirait pas, en démontrant avec sa main que les parties de l'arme reculaient lorsqu'une pression s'exerçait sur le canon. Le soldat Boudreau a rapporté qu'après cette démonstra­tion, le sergent Bergeron a voulu le démontrer dans le contexte de la prise d'otage où l'arme serait appuyée sur la tête. C'est alors qu'en prenant le soldat Thériault comme exemple, il a voulu démontrer qu'en appuyant la tête sur le canon de l'arme, le tout reculerait et le coup ne pourrait partir. Le soldat Boudreau a indiqué que le sergent Bergeron a alors demandé au soldat Thériault de s'approcher pour faire la démonstration. Selon lui, le soldat Thériault est resté bête et a même reculé semblant ne pas apprécier cette démonstration. Selon le témoin Boudreau, le soldat Thériault aurait d'ailleurs indiqué son déplaisir au sergent Bergeron. Le sergent Bergeron se serait alors retourné vers lui en lui demandant de lui pointer son arme sur la tête puisque le soldat Thériault semblaient avoir peur. En se faisant, il a prit l'arme du soldat Boudreau par le canon pour se la mettre sur le front, le soldat Boudreau ayant lâché prise, et expliqué la manoeuvre d'évitement et de dégagement lorsque l'arme est pointée sur la tête. Le soldat Boudreau, lui aussi, fut surpris par la demande du sergent Bergeron parce que c'était la première fois qu'il était témoin de ce genre de démonstration dans le cadre d'une séance de formation dans le maniement des armes parce qu'on lui a toujours appris qu'il ne fallait jamais pointer une arme en direction d'une personne.

 

[8]                    L'adjudant Masson a témoigné à l'effet que le soldat Thériault s'est bien rendu à son bureau ce matin-là et qu'il le croyait bouleversé. Il lui aurait alors demandé s'il était normal, sans autres détails, de se faire pointer une arme sur la tempe lors d'une séance de formation sur les armes. L'adjudant Masson s'est alors précipité sur les lieux de la formation sur le 9 mm pour y mettre fin et enjoindre le sergent Bergeron d'aller remettre les armes au quartier-maître et de se rendre au bureau de l'adjudant-maître Lareau. L'adjudant Masson a témoigné qu'il a ensuite rencontré les étudiants dans une salle et leur a dit que les gestes du sergent Bergeron ne se faisaient pas et que ce dernier ne donnerait plus de formation sur les armes. L'adjudant Masson a témoigné à l'effet que les étudiants étaient assommés et bouches bées. Selon lui, ils avaient les yeux pleins d'eau et ils avaient le visage à terre. Il faut retenir de ce témoignage que l'adjudant Masson n'a aucunement fait mention dans son témoignage s'il était au courant du contexte dans lequel le sergent Bergeron avait fait la démonstration de l'arme sur la tempe du soldat Thériault. La cour ne peut conclure en se fondant sur l'ensemble de la preuve si la réaction des étudiants était due aux gestes même du sergent Bergeron, ou de la réaction de Thériault ou de Masson à la suite de cette démonstration, même si la cour reconnaît qu'ils ont sans doute tous été surpris par la manoeuvre. La description de l'adjudant Masson dépasse grandement toute description relative à l'état physique ou psychologique des participants suite à la manoeuvre du sergent Bergeron, et ce à la lumière du témoi­gnage des soldats Thériault et Boudreau qui sont pourtant les personnes visées par les gestes du sergent Bergeron. La version de l'adjudant Masson est difficilement « réconci­liable » avec les témoins Boudreau et Thériault sur cette question.

 

[9]                    L'adjudant Kelly est venu témoigner à titre de témoin expert et de témoin ordinaire. Il a décrit les mesures de sécurité et les normes nationales à suivre lors de périodes d'instruction sur les armes portatives, y compris le 9 mm. Il a témoigné que la technique d'évitement ou de dégagement démontré par le sergent Bergeron sur le soldat Thériault ne fait pas partie du type de manoeuvre qu'il connaît à titre d'officier des normes, tout en reconnaissant que cette manoeuvre a pu être enseigné au sergent Bergeron dans un autre contexte. Il a mentionné qu'on ne peut pointer une arme vers une autre personne lors d'un cours de maniement d'arme et qu'elle doit toujours être mani­pulée de façon sécuritaire.

 


[10]                  À titre d'expert, il a expliqué que ces questions étaient régies par les publications produites devant la cour sous les cotes 3 et 4. Il a ajouté qu'il n'existe pas de consigne sur le fait de pointer une arme sur la tempe de quelqu'un dans le cadre du cours sur le combat rapproché. La cour tient à préciser que le contexte de cette cause n'en est pas une d'une situation de combat rapproché. Le témoin Kelly a reconnu qu'il est possible de donner des conseils informels qui ne sont pas prévus dans le cadre d'instruction spécifique. Il a ajouté que les règles strictes interdisant de pointer les armes s'inscrivent dans le cadre de manoeuvres destinées à préparer au tir à blanc ou réel. C'est pourquoi d'ailleurs, selon le témoin, elles sont enseignées et pratiquées en l'absence de munitions lorsque la formation prépare aux manoeuvres de tir. Finalement, le témoin a reconnu qu'il existe une variété de situations d'entraînement où les militaires peuvent pointer une arme à feu vers une autre personne.

 

[11]                  Le sergent Bergeron a donné sa version des faits. Il reconnaît ne pas avoir déclaré que les armes étaient « claires » au début de la formation même si c'est la mesure normale à suivre. Il a indiqué comment il a fait la démonstration de remontage et du démontage de l'arme avant que les étudiants ne s'exécutent à tour de rôle. C'est alors qu'il a débordé de l'aspect formel de son cours pour traiter de la possibilité d'une situation qui pourrait exister dans le cadre d'une opération réelle. Selon lui, il a voulu leur enseigner une caractéristique du pistolet 9 mm qui pourrait peut-être leur sauver la vie. Après avoir fait la démonstration de la manoeuvre qui consiste à mettre de la pression sur l'arme pour se déprendre ou pour faire reculer l'arme pour l'empêcher de tirer, il aurait pris le soldat Thériault en exemple. Sa version corrobore celle du soldat Boudreau sauf sur deux aspects, le sergent Bergeron soutient qu'il a braqué le front du soldat Thériault et qu'il aurait demandé au soldat Boudreau de lui pointer le thorax. Cela résume l'ensemble des faits que la cour considère pertinents pour disposer de cette affaire.

 

LA PRÉSOMPTION D'INNOCENCE ET LA NORME DE PREUVE HORS DE TOUT DOUTE RAISONNABLE

 

[12]                  Avant d'appliquer le droit aux faits de la cause, il est opportun de traiter de la présomption d'innocence et de la norme de preuve hors de tout doute raisonnable qui est une composante essentielle de la présomption d'innocence.

 

[13]                  Qu'il s'agisse d'accusations portées aux termes du code de discipline militaire devant un tribunal militaire ou de procédures qui se déroulent devant un tribunal pénal civil pour des accusations criminelles, une personne accusée est présumée inno­cente jusqu'à ce que la poursuite ait prouvé sa culpabilité hors de tout doute raisonnable.

 

[14]                  Ce fardeau de la preuve incombe à la poursuite tout au long du procès. Une personne accusée n'a pas à prouver son innocence. La poursuite doit prouver hors de tout doute raisonnable chacun des éléments essentiels d'une accusation.

 


[15]                  La preuve hors de tout doute raisonnable ne s'applique pas aux éléments de preuve individuels ou aux différentes parties de la preuve. Elle s'applique à tout l'ensemble de la preuve sur laquelle s'appuie la poursuite pour prouver la culpabilité. Le fardeau de la preuve incombe à la poursuite tout au long du procès et ne se déplace jamais sur les épaules de l'accusé.

 

[16]                  Un tribunal devra trouver l'accusé non coupable s'il a un doute raison­nable à l'égard de sa culpabilité après avoir évalué l'ensemble de la preuve. L'expression « hors de tout doute raisonnable » est utilisée depuis très longtemps. Elle fait partie de l'histoire et des traditions de notre système judiciaire. Dans l'arrêt R. c. Lifchus [1997] 3 R.C.S. 320, la Cour suprême du Canada a établi la façon d'expliquer le doute raison­nable dans un exposé au jury. Les principes de l'arrêt Lifchus ont été appliqués dans plusieurs pourvois subséquents. Essentiellement, un doute raisonnable n'est pas un doute imaginaire ou frivole, il ne peut être fondé sur la sympathie ou sur un préjugé. Il doit plutôt reposer sur la raison et le bon sens. Il doit logiquement découler de la preuve ou de l'absence de preuve.

 

[17]                  Dans l'arrêt R. c. Starr [2000] 2 R.C.S. 144, au paragraphe 242, le juge Iacobucci, pour la majorité, a indiqué :

 

... qu'une manière efficace de définir la norme du doute raisonnable à un jury consiste à expliquer qu'elle se rapproche davantage de la certitude absolue que de la preuve selon la prépondérance des proba­bilités.

 

Il est toutefois opportun de rappeler qu'il est virtuellement impossible de prouver quelque chose avec une certitude absolue, et que la poursuite n'est pas tenue de le faire.  Une telle norme de preuve n'existe pas en droit. La poursuite ne doit prouver la culpabili­té de l'accusé, le sergent Bergeron, ici présent, que hors de tout doute raisonnable.

 

[18]                  Comme je l'ai indiqué plus tôt, l'approche appropriée relativement à la norme de preuve consiste à évaluer l'ensemble de la preuve, et non d'évaluer des éléments de preuve individuel séparément. Il est donc essentiel d'évaluer la crédibilité et la fiabilité des témoignages à la lumière de l'ensemble de la preuve. 

 

[19]                  La norme de preuve hors de tout doute raisonnable s'applique également aux questions de crédibilité, et la cour n'a pas à décider d'une manière définitive de la crédibilité d'un témoin ou d'un groupe de témoins. Au surplus, la cour n'a pas à croire en la totalité du témoignage d'une personne ou d'un groupe de personnes. Si la cour a un doute raisonnable relativement à la culpabilité du sergent Bergeron qui découle de la crédibilité des témoins, elle doit l'acquitter.

 

[20]                  Dans de telles circonstances, le droit exige que la cour trouve l'accusé non coupable :


a. premièrement, si la cour croit la version de l'accusé;

 

b. deuxièmement, même si la cour ne croit pas l'accusé,  mais qu'elle a un doute raisonnable en conséquence du témoignage de l'accusé, après avoir examiné la déposition de l'accusé dans le contexte de l'ensemble de la preuve.

 

Finalement, si la cour après avoir évalué l'ensemble de la preuve, ne sait pas qui croire ou a un doute raisonnable quand à qui croire, elle doit faire bénéficier ce doute à l'accusé et l'acquitter. Cette approche fut proposée dans l'arrêt R. c. W.(D.) [1991] 1 R.C.S., 742, à la page 758, par le juge Cory, et ce dans le contexte où le juge du procès pourrait avoir donné des directives aux jurés au sujet de la crédibilité dans le contexte de la norme de preuve hors de tout doute raisonnable, et je le cite :

 

Premièrement, si vous croyez la déposition de l'accusé, manifeste­ment vous devez prononcer l'acquittement.

 

Deuxièmement, si vous ne croyez pas le témoignage de l'accusé, mais si vous avez un doute raisonnable, vous devez prononcer l'acquittement.

 

Troisièmement, même si n'avez pas de doute à la suite de la déposi­tion de l'accusé, vous devez vous demander si, en vertu de la preuve que vous acceptez, vous êtes convaincus hors de tout doute raison­nable par la preuve de la culpabilité de l'accusé.

 

[21]                  Donc, après ces quelques propos sur la présomption d'innocence et la norme de preuve hors de tout doute raisonnable y compris lorsqu'elle s'applique aux questions de crédibilité, la cour va maintenant se pencher sur les faits révélés par la preuve en fonction du droit applicable.

 

ANALYSE

 

[22]                  La preuve qui est devant cette cour est telle que la cour doit se prononcer sur la crédibilité et la fiabilité des témoins à la lumière de l'ensemble de la preuve. La cour a examiné tous les témoignages à la lumière de l'ensemble de la preuve. Il n'existe aucune formule magique pour décider de la crédibilité d'un témoignage ou de la valeur qu'il faut y accorder. Mais la cour a entre autres porté attention à l'intégrité et l'intelligence de chacun des témoins, leur faculté d'observation et leur capacité de rapporter les observations devant la cour. La cour a considéré leur capacité de se souvenir des événements en tenant compte que certains événements ou certains faits peuvent marquer chaque personne de manière différente. La cour a observé les témoins en prêtant attention à des facteurs comme si le témoin tentait honnêtement de dire la vérité, s'il était sincère et franc ou s'il était partial, réticent ou évasif.

 


[23]                  Témoigner n'est pas une expérience courante. Les gens réagissent et se présentent différemment. Ils possèdent des capacités, des valeurs, des expériences de vie différentes. Il y a tout simplement trop de variables pour que le comportement d'un témoin constitue le seul facteur ou le facteur le plus important pour prendre une décision.

 

[24]                  Les témoins entendus devant cette cour sont généralement crédibles dans leurs versions des faits. Les contradictions ou les incohérences de leurs témoignages sont attribuables, selon cette cour, à l'écoulement du temps. La fiabilité de leurs témoignages s'en trouve d'ailleurs affectée selon ce que la cour a constaté. Le soldat Thériault avait de la difficulté à se remémorer les détails qui ont entouré la manoeuvre du sergent Bergeron qui lui a braqué le pistolet sur la tempe, mais cela s'explique par sa grande surprise d'être la victime d'un tel geste. Il ne fait aucun doute qu'il n'a pas apprécié, et ce avec raison, considérant son peu d'expérience en la matière, si on le compare au sergent Bergeron. En ce qui concerne le sergent Bergeron, la cour croit généralement son témoignage, sauf en ce qui a trait au fait d'avoir pointé le front plutôt que la tempe du soldat Thériault. La cour accepte les témoignages des soldats Thériault et Boudreau sur cette question. Les témoins Masson et Kelly sont crédibles, mais leur témoignage respectif n'est pas détermi­nant et suffisant pour décider des questions en litige, que ce soit l'excuse légitime relativement au 1er chef d'accusation ou le préjudice au bon ordre et la discipline relative­ment aux 3e et 4e chefs d'accusation.

 

Le 1er chef d'accusation (subsidiaire au 3e chef) : Une infraction punissable aux termes de l'article 130 de la Loi sur la défense nationale contrairement à l'article 87 du Code criminel

 

[25]                  Le paragraphe 87(1) du Code criminel se lit comme suit :

 

Commet une infraction quiconque braque, sans excuse légitime, une arme à feu, chargée ou non, sur une autre personne.

 

À l'égard du 1er chef d'accusation, l'exposé des détails de cette accusation est générale­ment admis par la défense même si elle n'a admis formellement que les éléments qui ont trait à l'identité de l'accusé, de même que les éléments relatifs à la date et au lieu de la commission de ladite infraction. La défense soulève que l'accusé avait une excuse légitime, plus particulièrement que l'accusé avait un but innocent lorsqu'il a pointé le pistolet 9 mm Browning sur le front ou la tempe du soldat Thériault, soit la version de l'accusé ou celle des soldats Thériault et Boudreau.

 


[26]                  La jurisprudence est unanime pour dire qu'il est impossible de donner une définition générale de l'excuse légitime. Si la loi créatrice de l'infraction n'en donne pas une signification précise, ce qui est le cas dans le cadre de poursuites sous l'article 87 du Code criminel, il faut en inférer le sens d'après le but de l'incrimination mais aussi en tenant compte du contexte et des circonstances de l'affaire. Il est toutefois clair que l'appréciation du caractère légitime de l'excuse n'est pas laissée à l'appréciation de l'accusé. L'appréciation de l'excuse légitime se fait sur la base d'une norme objective plutôt que subjective.

 

[27]                  En se fondant sur l'arrêt R. c. Holmes [1988] 1 R.C.S. 914, la poursuite a prétendu que l'excuse légitime doit s'appuyer uniquement sur un moyen de défense qui, en common law, constitue une raison suffisante pour dégager une personne de sa responsabilité criminelle de même que des infractions propres à des infractions particuliè­res ou de même que des défenses propres à des infractions particulières. Elle soutient que la manoeuvre de braquer la tempe du soldat Thériault dans le contexte de la présente affaire n'est pas prévue et autorisée dans la doctrine des Forces canadiennes, à tout le moins dans les règles et les principes énoncés dans la publication qui traite du pistolet 9 mm, la pièce 3, ou aux mesures de sécurité à l'entraînement, la pièce 4. En consé­quence, la poursuite allègue que l'accusé ne peut invoquer l'excuse légitime dans le cadre du 1er chef d'accusation.

 

[28]                  La démonstration du sergent Bergeron m'apparaît effectivement déborder le cadre de l'enseignement formel qui serait prévu pour cette arme et il est clair que les mesures de sécurité à l'entraînement ne visent pas une telle situation. La poursuite s'est notamment attardée sur  les paragraphes 104, 107 et 108 de ladite publication au soutien de son argumentation pour traiter d'une prohibition de pointer une arme. Or, le para­graphe 104 vise l'entraînement au tir réel, alors que les paragraphes 107 et 108 visent les vérifications de sécurité complètes qui s'appliquent aux instructeurs ou militaires qui se sont vus confiés des armes dans le cadre d'une instruction visant à tirer. Dans le contexte de cette affaire, il n'a jamais été question de tir réel, voire même à blanc, et les armes qui ont été remises au sergent Bergeron étaient toutes démontées.

 

[29]                  Or, la défense d'excuse légitime n'est pas limitée uniquement sur un moyen de défense qui en common law, constitue une raison suffisante pour dégager une personne de sa responsabilité criminelle de même que des infractions propres à des infractions particulières ‒‒ de même que des défenses propres à des infractions particu­lières. C'est d'ailleurs ce qui se dégage clairement de l'arrêt Holmes. Cette expression inclut l'excuse légitime d'intention innocente. Contrairement à la décision du juge Verdon dans l'arrêt R. c. Rainville cité par la poursuite, l'infraction de braquer une arme à feu n'est pas de même nature que celles qui étaient reprochées au Capitaine Rainville. C'est pourquoi le juge Verdon concluait que le tribunal ne voyait aucun fondement factuel ni juridique à quelque défense d'excuse ou de justification, ce qui n'est pas le cas dans la présente affaire.

 


[30]                  La preuve devant cette cour tend à soutenir la thèse, à tout le moins selon le soldat Boudreau et le sergent Bergeron, que l'accusé n'a pas pointé la tempe du soldat Thériault sans aucun avertissement ou sans avoir préalablement expliqué le contexte dans lequel se situait la démonstration. Cela s'est déroulé dans le contexte de la démonstration et de l'explication informelle d'une manoeuvre de dégagement ou d'évitement lors d'une prise d'otage. Cette démonstration débordait le cadre du remontage/démontage, et essai après démontage formel du pistolet 9 mm. Le sergent Bergeron témoignait d'une technique qui lui avait été enseignée par des spécialistes du JTF 2. Si l'on en croit la version du soldat Boudreau qui corrobore le sergent Bergeron sur cette question, ils furent certes surpris par la manoeuvre, mais elle s'inscrivait dans la logique de la démons­tration expliquée par le sergent Bergeron. Cela ne veut pas dire que dans le contexte de la formation de personnes n'ayant pas ou peu d'expérience comme fantassin, une telle démonstration est normale et appropriée, mais ce n'est pas là la nature de l'accusation de braquer une arme à feu sans excuse légitime. Pour ces raisons, la cour croit que l'accusé est parvenu à faire naître un doute raisonnable relativement à l'intention coupable.

 

Le 3e chef d'accusation (subsidiaire au 1er chef) : Un acte préjudiciable au bon ordre et à la discipline (Article 129 de la Loi sur la défense nationale)

 

[31]                  En ce qui a trait au 3e chef d'accusation subsidiaire au 1er chef, soit d'avoir commis un acte préjudiciable au bon ordre et à la discipline aux termes de l'article 129 de la Loi sur la défense nationale, outre l'identité, la date et le lieu qui ont d'ailleurs été admis par la défense, la poursuite devait prouver hors de tout doute raisonnable :

 

a. l'acte reproché à l'accusé, soit dans ce cas précis, d'avoir pointé sur la tempe du soldat J. Thériault un pistolet 9 mm Browning;

 

b. que l'acte était dans les circonstances préjudiciable au bon ordre et à la discipline; et, finalement;

 

c. l'intention coupable de l'accusé au moment de la commission de l'infraction.

 


[32]                  La poursuite n'a pas réussi à établir hors de tout doute raisonnable une norme qui interdirait formellement et absolument la manoeuvre du sergent Bergeron de pointer la tempe du soldat Boudreau dans le contexte de la démonstration d'une ma­noeuvre de dégagement/d'évitement lorsqu'une personne est prise en otage et que l'ennemi appuie une arme 9 mm sur la tempe d'un prisonnier. Ni la pièce 3, ni la pièce 4, ni le témoignage du témoin expert Kelly sont suffisants pour établir une telle norme. Les nombreuses opérations auxquelles les Forces canadiennes ont pris part au cours des dernières années sont de plus en plus exigeantes et dangereuses. Il est donc primordial que l'entraînement qui prépare nos soldats puisse leur permettre d'affronter les dangers réels et potentiels auxquels ils peuvent être confrontés. Ces entraînements doivent être rigoureux et se dérouler dans un contexte qui se rapproche le plus possible des condi­tions réelles qu'ils peuvent avoir à affronter. Toutefois, le fait que la démonstration informelle d'une technique qui, selon la preuve entendue, existe et qui n'est pas le résultat d'une invention de la part de l'accusé destinée à faire peur, menacer, ou intimider les soldats, devrait être enseignée, le cas échéant en faisant preuve de discernement, c'est-à-dire, avec des gens d'expérience ou ailleurs que dans le cours de familiarisation du pistolet 9 mm. Cela n'est pas une raison suffisante en soi pour établir hors de tout doute raisonnable le préjudice au bon ordre et à la discipline dans le contexte de cette affaire. Il ne s'agit pas d'une situation dont les circonstances permettent à la cour de conclure clairement au préjudice comme dans le cas de la décision de la Cour d'appel de la martiale dans l'arrêt Jones. L'ensemble de la preuve devant cette cour démontre que le geste du sergent Bergeron n'était ni violent, ni gratuit. Ce geste s'inscrivait dans la foulée des explications qu'il était en train de donner à ces étudiants sur la manoeuvre à exécuter pour se dégager ou éviter l'arme lors d'une situation hypothétique de prise d'otage où le soldat aurait un pistolet 9 mm similaire braqué sur la tempe. Il ne fait aucun doute que les jeunes étudiants ont été surpris par cette démonstration et qu'ils n'ont pas particulière­ment apprécié l'initiative du sergent Bergeron. Dans le contexte de soldats inexpérimen­tés, cela est tout à fait compréhensible lorsque la démonstration a lieu dans le cadre d'une période d'instruction sur une arme portative dont ils étaient peu ou pas familiers, alors que leurs instructeurs dans le maniement de différentes armes leur répètent constamment de ne jamais pointer une arme.

 


[33]                  D'ailleurs, comment peut-on s'attendre à ce qu'ils sachent ce qui fait partie du contenu formel ou informel de la période d'instruction si on ne leur dit pas? La conduite du sergent Bergeron à cet égard est tout à fait blâmable, répréhensible et inexcusable pour un militaire de son grade et de son expérience. Il devait s'adapter à son audience; ce qu'il n'a pas fait. Cela étant, il n'en demeure pas moins que la poursuite n'a pas réussi à prouver hors de tout doute raisonnable que la turpitude du sergent Bergeron a été préjudiciable au bon ordre et à la discipline. Certes, le soldat Thériault était profondément choqué et il s'est plaint à l'adjudant Masson. Ce dernier a même témoigné à l'effet que les étudiants étaient assommés et bouches bées. Selon lui, ils avaient les yeux pleins d'eau et ils avaient le visage à terre. Comme je l'ai souligné auparavant, la descrip­tion de l'adjudant Masson dépasse grandement toute description physique ou psycholo­gique à l'égard de la réaction de l'ensemble des participants qui a été rendue par les témoins Thériault et Boudreau, qui pourtant sont les personnes visées par les gestes du sergent Bergeron. Il n'y a également pas de preuve devant cette cour que la situation s'est détériorée de quelque manière par la suite ou qu'un soldat, le soldat Thériault ou un autre fut incapable de remplir ses fonctions ou qu'il ait perdu confiance en sa chaîne de commandement ou en le sergent Bergeron lui-même. La cour reconnaît toutefois que, dans d'autres circonstances, un geste précis pourrait constituer un acte préjudiciable au bon ordre et à la discipline. La preuve de l'acte lui-même démontrerait dans un tel cas que le préjudice se produit comme conséquence naturelle du fait prouvé. La manoeuvre du sergent Bergeron, selon la preuve entendue, n'entre pas dans cette catégorie. Ainsi, force est de reconnaître que la preuve indique que cet incident était clos le matin même si on fait exception à ce qui s'est passé entre le sergent Bergeron et ses supérieurs. Or, les mesures disciplinaires ou administratives de la chaîne de commandement à l'endroit du sergent Bergeron ne peuvent, dans un tel cas, constituer une preuve hors de tout doute raisonnable d'un préjudice au bon ordre et à la discipline. Pour ces raisons, l'accusé doit bénéficier du doute raisonnable sur ce 3e chef  d'accusation en ce qui a trait à la norme ainsi qu'au préjudice au bon ordre et à la discipline.

 

Le 4e chef d'accusation (subsidiaire au 1er chef) : Un acte préjudiciable au bon ordre et à la discipline (Article 129 de la Loi sur la défense nationale)

 

[34]                  Pour ces mêmes raisons, l'accusé doit également bénéficier du doute raisonnable à l'égard du 4e chef d'accusation parce que la poursuite ne s'est pas acquittée de son fardeau de preuve en ce qui a trait à la norme ainsi qu'au préjudice au bon ordre et à la discipline.

 

DISPOSITIF

 

[35]                  En conséquence, la poursuite ayant déjà retiré le 2e chef d'accusation, cette cour vous trouve non coupable du 1er, du 3e et du 4e chef d'accusation.

 

 

 

 

                                                                    LIEUTENANT-COLONEL M. DUTIL, J.M.

 

Avocats :

 

Major G. Roy, Procureur militaire régional, Région de l'est

Major J.J.L.J. Caron, Procureur militaire régional, Région de l'est

Avocats de la poursuivante

Lieutenant-colonel J.E.D. Couture, Direction du service d'avocats de la défense

Avocat du sergent Bergeron

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.