Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l’ouverture du procès : 17 juillet 2014.

Endroit : BFC Esquimalt, édifice 30-N, Victoria (CB).

Chefs d’accusation
•Chefs d’accusation 1, 2 : Art. 116 LDN, a volontairement endommagé un bien public.
•Chef d’accusation 3 (subsidiaire au chef d’accusation 4) : Art. 130 LDN, entrave à la justice (art. 139(2) C. cr.).
•Chef d’accusation 4 (subsidiaire au chef d’accusation 3) : Art. 129 LDN, acte préjudiciable au bon ordre et à la discipline.
•Chef d’accusation 5 : Art. 129 LDN, acte préjudiciable au bon ordre et à la discipline.Chef d’accusation 6 : Art. 97 LDN, ivresse.

Résultats
•VERDICTS : Chefs d’accusation 1, 4, 6 : Coupable. Chefs d’accusation 2, 3, 5 : Retirés.
•SENTENCE : Un blâme et une amende au montant de 2000$.

Contenu de la décision

COUR MARTIALE

 

Référence : R. c. Admiraal, 2014 CM 1016

 

Date : 20140717

Dossier : 201404

 

Cour martiale générale

 

Base des Forces canadiennes Esquimalt

Victoria (Colombie-Britannique) Canada

 

Entre :

 

Sa Majesté la Reine

 

- et -

 

Matelot de 3e classe L.W. Admiraal, contrevenant

 

 

Devant : Colonel M. Dutil, juge militaire en chef

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DE LA SENTENCE

 

(Prononcés de vive voix)

 

 

[1]               Le matelot de 3e classe Admiraal a plaidé coupable à un chef d’endommagement volontaire d’un bien public au titre de l’article 116 de la Loi sur la défense nationale, un chef d’acte préjudiciable au bon ordre et à la discipline au titre de l’article 129 de la Loi sur la défense nationale, et un chef d’ivresse au titre de l’article 97 de la Loi sur la défense nationale. Ces infractions ont été commises le 23 août 2013, alors qu’il suivait le cours de communicateur naval NQ3, ici même à la Base des Forces canadiennes Esquimalt.

 

[2]               Les avocats de la poursuite et de la défense ont conjointement recommandé que la Cour impose un blâme et une amende de 2 000 $ payable en vingt versements égaux de 100 $. Il va sans dire que la Cour n’est pas liée par cette proposition conjointe, mais qu’elle ne peut la rejeter que si elle est inadéquate, contraire à l’intérêt public ou qu’elle jetterait autrement le discrédit sur l’administration de la justice militaire. Tel n’est pas le cas.

 

[3]               Les circonstances entourant la perpétration des infractions révèlent qu’à cette date, le matelot de 3e classe Admiraal vivait dans une chambre de la caserne Nelles de la Base des Forces canadiennes Esquimalt. Une autre chambre inoccupée, portant le numéro 312, n’avait pas été assignée et avait été laissée non verrouillée par des inconnus. À la fin de sa journée de travail le 23 août 2013, le contrevenant a été relevé de ses fonctions. Il n’était alors plus en service et ne devait être réaffecté à ses tâches que le lundi 26 août suivant. Après le travail, il a donc regagné sa chambre et a commencé à boire de l’alcool. Puis il s’est mis à la recherche d’un ami et a découvert que la chambre 312 était ouverte. Il a continué à boire avec d’autres camarades qui l’avaient rejoint dans cette chambre. Il a ensuite regagné la sienne puis s’est rendu au Pacific Fleet Club pour continuer à boire.

 

[4]               Le samedi 24 août 2013, le matelot de 3e classe Admiraal s’est réveillé dans sa chambre, vers neuf heures du matin, en état d’ébriété. Il est allé dans la chambre 312 de la caserne Nelles, où il a recommencé à boire abondamment. Une heure plus tard, il est sorti à la recherche de deux amis pour les inviter à le rejoindre dans la chambre 312. Il y est retourné accompagné d’autres camarades de cours. Alors qu’il buvait et discutait d’arts martiaux, le matelot de 3e classe Admiraal a déclaré qu’il s’était déjà battu au couteau. Un camarade lui a alors donné un couteau et lui a demandé de faire une démonstration des techniques de combat à l’arme blanche, et notamment de leur montrer comment procéder à une attaque frontale. Il a donc pris un matelas appartenant aux Forces canadiennes qui se trouvait dans cette chambre et a illustré sa technique en y donnant des coups de couteau et en le tranchant vers le haut. Bien entendu, ce matelas a été endommagé.

 

[5]               Le matin du 24 août 2013, le contrevenant a envoyé un message texte à un autre ami en y joignant une photographie du matelas endommagé de la chambre 312. Une semaine plus tard, des rumeurs circulaient à l’école suivant lesquelles des actes de vandalisme avaient été commis entre le 23 et le 25 août 2013. Compte tenu de ces rumeurs et des dommages découverts dans la chambre 312, l’unité a commandé une enquête disciplinaire le 30 août 2013.

 

[6]               Durant cette période, le matelot de 3e classe Admiraal a abordé l’ami à qui il avait envoyé le message texte au fumoir situé à l’extérieur de la caserne Nelles, à la Base des Forces canadiennes Esquimalt; ils ont discuté des événements, et le premier a fini par demander au second d’effacer le message texte contenant la photographie. Le contrevenant a expliqué à son ami qu’il devait supprimer le message et la photo parce c’étaient des éléments de preuve l’impliquant dans les événements survenus dans la chambre 312. Son ami a donc effacé le message texte.

 

[7]               À la suite de ces incidents, le matelot de 3e classe Admiraal a été retiré de son cours NQ3 et peu après, ou presque au même moment, il a réclamé de l’aide pour des problèmes d’alcoolisme et des troubles psychologiques. Depuis, il a complété avec succès des programmes de prise en charge du stress et de la colère et il n’a plus été mêlé à aucune mésaventure liée à alcool ou quelque autre incident.

           

[8]               Au moment de déterminer la sentence d’un contrevenant au titre du Code de discipline militaire, la Cour doit se laisser guider par certains objectifs et principes, notamment ceux qui sont énoncés aux articles 718.1 et 718.2 du Code criminel. La détermination de la sentence en cour martiale vise essentiellement à contribuer au respect de la loi et au maintien de la discipline militaire en infligeant des sentences qui répondent à un ou plusieurs des objectifs énoncés dans ces dispositions et qui respectent les principes qui y sont exposés. La poursuite demande aujourd’hui à la Cour d’imposer une sentence qui remplirait l’objectif de dissuasion générale et celui de la dénonciation du comportement. Je suis d’accord. Ces objectifs s’accordent avec les circonstances.

 

[9]               La preuve soumise à l’audience de détermination de la sentence ce matin montre bien que les événements sont attribuables à une consommation excessive d’alcool à une époque où le contrevenant souffrait de problèmes d’alcoolisme et de troubles psychologiques. Ces problèmes semblent bien maîtrisés aujourd’hui et, en ce qui concerne la première infraction, la conduite du contrevenant depuis presque un an est très encourageante, comme en témoignent les nombreuses pièces déposées par l’avocat de la défense. Par conséquent, j’estime qu’il n’est pas nécessaire que la sentence imposée mette l’accent sur la dissuasion spécifique. Comme je l’ai noté, son travail et son comportement ont été irréprochables depuis.

 

[10]           J’aborderai rapidement à présent les circonstances aggravantes et atténuantes de la présente affaire, au-delà de la gravité objective de l’infraction et de la faute morale commise par le contrevenant. J’estime que les facteurs aggravants en l’espèce sont les suivants :

 

a)                  La tentative délibérée de détourner une enquête disciplinaire le concernant en demandant à un camarade de détruire des éléments de preuve tendant à l’incriminer. Dans les circonstances, cela est très grave et malencontreux, et je suis presque certain que cela ne se reproduira plus jamais;

 

b)                  Le degré de responsabilité et de participation du matelot de 3e classe Admiraal à l’égard des événements ayant abouti à l’usage irrégulier des locaux de la caserne Nelles, i.e. de la chambre 312, les dommages causés à un matelas qui se trouvait dans une chambre non verrouillée, et la requête subséquente pour qu’un collègue efface des éléments qui l’auraient incriminé dans ces dommages.

 

[11]           Les circonstances atténuantes convaincantes sont les suivantes :

 

a)                  Le matelot de 3e classe assume l’entière responsabilité de sa conduite puisqu’il a plaidé coupable aux accusations dont la Cour était saisie, mais aussi parce qu’il a manifesté son intention de le faire à la première occasion. La Cour est convaincue que ses remords sont sincères et qu’il regrette profondément son comportement;

 

b)                  À 24 ans, il est encore très jeune. Il s’agit de son premier démêlé avec le système de justice militaire ou civil. J’espère que ce sera le dernier;

 

c)                  Sa performance et son comportement depuis août 2013 ont été irréprochables et sa chaîne de commandement, qui lui témoigne évidemment un grand soutien, pense qu’il deviendra un atout très précieux pour les Forces canadiennes s’il veut persévérer dans cette voie.

 

[12]           La Cour estime que la sanction proposée entre dans l’éventail des sentences applicables pour ce type d’infractions à l’égard desquelles la Cour tient un seul procès relativement à des événements survenus durant la même période. La sentence proposée convient aux objectifs recherchés, soit la dénonciation et la dissuasion générale et spécifique, et contribuera aussi à la réadaptation du contrevenant.

 

POUR CES MOTIFS, LA COUR :

 

[13]           DÉCLARE le contrevenant, matelot de 3e classe Admiraal, coupable d’un chef d’endommagement volontaire d’un bien public au titre de l’article 116 de la Loi sur la défense nationale, d’un chef d’acte préjudiciable au bon ordre et à la discipline au titre de l’article 129 de la Loi sur la défense nationale, et d’un chef d’ivresse au titre de l’article 97 de la Loi sur la défense nationale.

 

[14]           CONDAMNE le contrevenant, matelot de 3e classe Admiraal, à un blâme et à une amende de 2 000 $ payable en 20 versements mensuels égaux et consécutifs à compter du 31 juillet 2014. Si le contrevenant devait être libéré des Forces canadiennes avant le paiement complet de l’amende, le reste de la somme sera exigible immédiatement avant la date d’effet de la libération.

 

 

 

Avocats :

Major J.G. Simpson, Service canadien des poursuites militaires

Avocat de Sa Majesté la Reine

 

Major S. Collins, Direction du service d’avocats de la défense

Avocat du matelot de 3e classe Admiraal

 

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