Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l’ouverture du procès : 14 juillet 2014.

Endroit : BFC Esquimalt, édifice 30-N, Victoria (CB).

Chefs d’accusation
•Chef d’accusation 1 : Art. 85 LDN, s’est conduite d’une façon méprisante à l’endroit d’un supérieur.
•Chefs d’accusation 2, 3 : Art. 129 LDN, comportement préjudiciable au bon ordre et à la discipline.

Résultats
•VERDICTS : Chefs d’accusation 1, 2 : Retirés. Chef d’accusation 3 : Coupable.
•SENTENCE : Une réprimande et une amende au montant de 1500$.

Contenu de la décision

 

COUR MARTIALE

 

Référence : R. c. Cummings, 2014 CM 1015

 

Date : 20140714

Dossier : 201371

 

Cour martiale générale

 

Base des Forces canadiennes Esquimalt

Victoria (Colombie-Britannique), Canada

 

Entre :

 

Sa Majesté la Reine

 

- et -

 

Maître de 2e classe R.F. Cummings, contrevenant

 

 

En présence du : Colonel M. Dutil, juge militaire en chef


 

MOTIFS DE LA SENTENCE

 

(Prononcés de vive voix)

 

[1]               Avant que le comité de la Cour martiale ne soit constitué, la Cour a reçu le plaidoyer de culpabilité du maître de 2e classe Cummings relativement à la seule accusation restante qui figure au troisième chef d’accusation sur l’acte d’accusation. Les première et deuxième accusations ont été retirées par la poursuite au début de l’instance ouverte devant la présente Cour martiale générale. Comme la Cour n’est saisie d’aucune autre accusation, il m’incombe à présent de déterminer la sentence.

 

[2]               Le maître de 2e classe Cummings a plaidé coupable à l’infraction de comportement préjudiciable au bon ordre et à la discipline au titre de l’article 129 de la Loi sur la défense nationale. Les détails de l’accusation se lisent comme suit :

 

En ce que, entre le 13 janvier et le 8 février 2013, à la Base des Forces canadiennes Esquimalt (Colombie-Britannique), il a pris une mesure administrative contre un subalterne pour violation d’un Ordre permanent de la base, ordre que le maître de 2e classe Cummings a lui-même enfreint de façon répétée.

 

[3]               Les circonstances encourant la perpétration de l’infraction révèlent qu’à la mi‑janvier 2013, le contrevenant appartenait à la force régulière du Service de génie des systèmes de combat (GSC) du Navire canadien de Sa Majesté Winnipeg. À l’époque, il travaillait dans l’édifice N-93 de la Base des Forces canadiennes Esquimalt (Colombie-Britannique) où se trouve un terrain de stationnement dont un certain nombre de places, ou cantonnements, sont réservées. Conformément à l’Ordre permanent de la base (OPB) 2-307, chacun des cantonnements réservés est alloué à une personne pour qu’elle puisse y stationner son véhicule, et nul ne peut l’occuper excepté la personne à qui le cantonnement a été assigné. Des nombres ou des lettres peints sur l’espace de stationnement servent à désigner les cantonnements réservés. L’une des places de stationnement réservé à l’extérieur de l’édifice N‑93, marquée de la lettre I peinte, place I, était attribuée à un officier naval qui ne l’utilisait pas régulièrement. Un jour indéterminé entre le 13 et le 18 janvier 2013, un matelot appartenant aussi au Service de génie des systèmes de combat (GSC) du Navire canadien de Sa Majesté Winnipeg a stationné dans la place I. Le maître de 2e classe Cummings lui a dit qu’il ne pouvait pas le faire, car c’était un espace réservé. Le matelot a donc déplacé sa voiture.

 

[4]               Entre le 13 janvier et le 8 février 2013, le contrevenant a stationné son propre véhicule plusieurs fois à la place I. Le même matelot et d’autres membres du Service GSC l’ont remarqué. Le maître de 2e classe Cummings connaissait l’Ordre permanent de la base et savait qu’il n’était pas autorisé à stationner dans un espace réservé à quelqu’un d’autre que lui. Il savait aussi que la place I ne lui était pas réservée.

 

[5]               Après sa première conversation avec le matelot, le maître de 2e classe Cummings a remarqué que ce dernier avait stationné son véhicule dans une autre place réservée à l’extérieur de l’édifice N‑93. La personne à qui cette place avait été assignée a stationné son véhicule derrière le camion du matelot de manière à ce qu’il ne puisse pas sortir. Le maître de 2e classe Cummings a contacté la personne concernée et lui a dit qu’il s’occuperait de la situation de manière à ce qu’elle ne se reproduise pas. Après s’être entretenu avec un membre de l’état-major entre le 13 janvier et le 8 février 2013, le contrevenant a donc pris une mesure administrative contre le matelot, sous la forme d’une première mise en garde, comme le prévoit la Directive et ordonnance administrative de la Défense 5019‑4. Lorsque le contrevenant s’est adressé à son supérieur immédiat, ce dernier a approuvé qu’une mesure administrative soit prise contre le matelot. Le 7 février 2013, le superviseur immédiat du contrevenant s’est rendu à l’édifice N‑93 pour superviser la première mise en garde du matelot. Juste à l’extérieur du bâtiment, le supérieur immédiat du matelot l’a accosté et a demandé à lui parler. Il lui a fait remarquer que le contrevenant utilisait lui-même régulièrement l’espace de stationnement à l’extérieur de l’édifice N‑93, et s’est interrogé sur l’injustice apparente qu’il y avait à ce que le maître de 2e classe Cummings prenne une mesure administrative contre son subalterne parce qu’il avait stationné dans un espace réservé, alors qu’on l’avait vu faire la même chose plusieurs fois; il a ajouté que les membres de rang inférieur du service avaient eu vent de cette action, qui avait eu un effet négatif sur le moral, le bon ordre et la discipline au sein du service de GSC du Navire canadien de Sa Majesté Winnipeg. Pendant cette discussion, les deux superviseurs ont vu le contrevenant en train de conduire dans le terrain de stationnement à l’extérieur de l’édifice N‑93 et se garer à la place I. Peu après, alors que le maître de 2e classe Cummings et son superviseur évoquaient la question du stationnement et d’autres sujets, le contrevenant lui a répondu : [traduction] « Je n’en ai rien à foutre » ou quelque chose dans ce genre.

 

[6]               Compte tenu du comportement du contrevenant, son superviseur a décidé de ne pas approuver la sanction administrative visant le matelot qui n’avait pas respecté l’Ordre permanent de la base.

 

[7]               Je dois maintenant déterminer une sentence juste, équitable et appropriée. En ce qui intéresse la détermination de la sentence à infliger à un contrevenant aux termes du code de discipline militaire, la Cour d’appel de la cour martiale a expressément déclaré qu’une cour martiale devrait tenir compte des principes et objectifs pertinents, notamment ceux qui sont énoncés aux articles 718.1 et 718.2 du Code criminel. L’objectif fondamental de l’imposition d’une sentence en cour martiale est de contribuer au respect de la loi et au maintien de la discipline militaire en infligeant des sentences qui remplissent un ou plusieurs des objectifs suivants :

 

a)                  dénoncer le comportement illégal;

 

b)                  dissuader le contrevenant, mais aussi les autres personnes qui pourraient être tentées de commettre de semblables infractions;

 

c)                  isoler au besoin les contrevenants du reste de la société;

 

d)                 assurer la réparation des torts causés aux victimes ou à la collectivité;

 

e)                  susciter la conscience de leur responsabilité chez les contrevenants et la reconnaissance du tort qu’ils ont causé aux victimes et à la collectivité;

 

f)                   l’amendement et la réadaptation du contrevenant.

 

[8]               La sentence doit également tenir compte des principes suivants. La sentence doit être proportionnelle à la gravité de l’infraction, aux antécédents du contrevenant et à son degré de responsabilité. Elle doit être analogue à celles qui ont été infligées à des contrevenants comparables ayant commis de semblables infractions dans des circonstances analogues. La Cour doit également respecter le principe selon lequel le contrevenant ne devrait pas être privé de liberté si des sanctions moins contraignantes peuvent se justifier dans les circonstances. Enfin, la sentence devrait être augmentée ou allégée en fonction des circonstances aggravantes ou atténuantes liées à l’infraction ou au contrevenant. Cependant, le tribunal doit agir avec retenue lorsqu’il prononce la sentence, en imposant la sentence correspondant au minimum requis pour préserver la discipline.

 

[9]               Les avocats de la poursuite et de la défense recommandent conjointement que la Cour impose une sentence consistant en une réprimande et en une amende de 1 500 $. Je reconnais que leur recommandation appartient à l’éventail des sentences appropriées pour ce type d’infraction. La sentence remplit adéquatement les objectifs de dénonciation et de dissuasion qui sont essentiels dans les circonstances. Les faits de la présente affaire vont au-delà de la violation d’un ordre interdisant le stationnement d’un véhicule dans un espace réservé à quelqu’un d’autre. Ils concernent en vérité l’inaptitude à diriger d’un sous-officier supérieur qui doit faire respecter la discipline par ses subalternes relativement à un comportement que lui-même ne jugeait pas répréhensible.

 

[10]           Je me pencherai à présent sur les circonstances aggravantes et atténuantes spécifiques dans la présente affaire, au-delà des éléments qui intéressent généralement la gravité de l’infraction – il s’agit d’une grave infraction passible de destitution ignominieuse du service de Sa Majesté au titre de l’article 129 de la Loi sur la défense nationale – et la faute morale commise par le contrevenant.

 

[11]           La Cour considère les éléments suivants comme des facteurs aggravants en l’espèce :

 

a)                  l’impact sur la discipline au sein de l’unité : la décision du contrevenant de recommander une mesure administrative contre un subalterne en raison d’un comportement qui était la sienne a soulevé un sentiment immédiat d’injustice au sein de l’unité. Il est du moins louable que le superviseur du matelot ait démontré ses propres qualités de meneur en dénonçant ce comportement au superviseur du contrevenant;

 

b)                  l’expérience et les connaissances du contrevenant : le maître de 2e classe Cummings est un membre de longue date des Forces canadiennes et son grade exige nécessairement des qualités de meneur, la promotion du bien-être de ses troupes, une approche équitable dans l’application de la discipline au sein de l’unité, et le respect des ordres applicables. Un usager s’étant plaint et l’ayant informé que tel matelot avait encore stationné son véhicule dans un espace réservé, autre que celui qu’il utilisait lui-même régulièrement dans ce terrain, il a ignoré assez hâtivement sa propre violation en décidant de prendre une mesure administrative officielle contre le matelot fautif. S’il estimait que les règles de stationnement étaient inadéquates, le maître de 2e classe Cummings aurait dû profiter de l’occasion pour en parler avec ses supérieurs, et proposer une approche qui aurait permis de réexaminer l’ordre si nécessaire ou de trouver une solution logique et viable à la situation.

 

[12]           La Cour considère les éléments suivants comme des facteurs atténuants dans les circonstances :

 

a)                  le plaidoyer de culpabilité du contrevenant. Son plaidoyer de culpabilité à l’égard du troisième chef d’accusation revient en fin de compte à reconnaître sa responsabilité, et c’est toujours une circonstance atténuante pertinente au moment de prononcer la sentence d’un contrevenant. Cependant, nous noterons que ce plaidoyer de culpabilité n’a pas été communiqué à la première occasion pour être significativement profitable à l’administration de la présente cour martiale générale;

 

b)                  l’absence d’une fiche de conduite. Le maître de 2e classe Cummings n’a pas le moindre antécédent disciplinaire ou criminel en 23 ans de carrière au sein des Forces canadiennes;

 

c)                  la mesure administrative se rapportant aux événements qui ont abouti à l’accusation dont la Cour est saisie a été dûment appliquée. En août 2013, le contrevenant a complété la période de probation qui accompagnait la mesure administrative qui lui a été imposée sous la forme d’un avertissement écrit.

 

[13]           En conclusion, la Cour estime que la sentence proposée par les avocats suffit, dans les circonstances, pour remplir les objectifs recherchés, soit la dénonciation du comportement, la dissuasion ainsi que le maintien de la discipline militaire de base. La sentence n’est pas contraire à l’intérêt public et ne jetterait pas le discrédit sur l’administration de la justice militaire.

 

POUR CES MOTIFS, LA COUR :

 

[14]           DÉCLARE le contrevenant, maître de 2e classe Cummings, coupable du troisième chef d’accusation relative à l’infraction de comportement préjudiciable au bon ordre et à la discipline au titre de l’article 129 de la Loi sur la défense nationale.

 

[15]           CONDAMNE le contrevenant, maître de 2e classe Cummings, à une réprimande et en une amende de 1 500 $ payable en sept versements mensuels égaux et consécutifs de 200 $ à compter du 31 août 2014, plus un dernier versement de 100 $. Si le contrevenant était libéré des Forces canadiennes avant le paiement complet de l’amende, le reste de la somme sera payable immédiatement avant la prise d’effet de la libération.


 

Avocats :

 

Lieutenant-colonel S.D. Richards et Major J.G. Simpson, Service canadien des poursuites militaires, Avocats de Sa Majesté la Reine

 

Lieutenant-colonel D. Berntsen, Direction du service d’avocats de la défense, Avocat du maître de 2e classe Cummings

 

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