Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l'ouverture du procès : 6 septembre 2011

Endroit : Manège Military Pembroke, 177 rue Victoria, Pembroke (ON)

Chefs d'accusation
•Chef d'accusation 1 (subsidiaire au chef d'accusation 2) : Art. 130 LDN, agression sexuelle (art. 271 C.cr.).
•Chef d'accusation 2 (subsidiaire au chef d'accusation 1) : Art. 95 LDN, a maltraité une personne qui en raison de son grade lui était subordonnée.

Résultats
•VERDICTS : Chef d'accusation 1 : Coupable. Chef d'accusation 2 : Une suspension d'instance.
•SENTENCE : Un blâme et une amende au montant de 8000$.

Contenu de la décision

COUR MARTIALE

 

Référence : R c Amirault, 2011 CM 2018

 

Date : 20110907

Dossier : 201127

 

Cour martiale permanente

 

Manège militaire de Pembroke

Pembroke (Ontario), Canada

 

Entre : 

 

Sa Majesté la Reine

 

- et -

 

Capitaine (à la retraite) T.W. Amirault, contrevenant

 

 

En présence du capitaine de frégate P.J. Lamont, J.M.


 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Restriction à la publication : Par ordonnance de la cour rendue en vertu de l’article 179 de la Loi sur la défense nationale et de l’article 486.4 du Code criminel, il est interdit de publier ou de diffuser de quelque façon que ce soit tout renseignement qui permettrait d’établir l'identité de la personne décrite dans le présent jugement comme étant la plaignante.

 

MOTIFS DU VERDICT

 

(Prononcés de vive voix)

 

[1]               En cour martiale, comme dans toute poursuite criminelle devant un tribunal canadien, il incombe à la poursuite de prouver la culpabilité de l’accusé hors de tout doute raisonnable.  Dans un contexte juridique, il s’agit d’un terme technique dont la signification est reconnue.  Si la preuve ne permet pas d’établir la culpabilité de l’accusé hors de tout doute raisonnable, celui-ci doit être déclaré non coupable.  Le fardeau de preuve à cet égard incombe à la poursuite, et il ne s’inverse jamais.  L’accusé n’a pas à établir son innocence.  En fait, l’accusé est présumé innocent à toutes les étapes de la procédure, jusqu’à ce que la poursuite ait prouvé sa culpabilité hors de tout doute raisonnable, au moyen d’une preuve acceptée par le tribunal.

 

[2]               Hors de tout doute raisonnable ne signifie pas certitude absolue, mais il ne suffit pas de simplement prouver que l’accusé est probablement coupable.  La simple conviction qu’il est plus probable que l’accusé soit coupable que non coupable est insuffisante pour que la cour rende un verdict de culpabilité hors de tout doute raisonnable, et l’accusé doit être déclaré non coupable.  De fait, la norme de la preuve hors de tout doute raisonnable est beaucoup plus proche de la certitude absolue que de la culpabilité probable; toutefois, le doute raisonnable ne saurait être futile ou imaginaire et il ne repose pas sur la sympathie ou les préjugés; il s’agit d’un doute fondé sur la raison et le bon sens, qui découle de la preuve présentée ou de l’absence de preuve.  Le fardeau de la preuve hors de tout doute raisonnable s’applique à chacun des éléments constitutifs de l’infraction reprochée.  Autrement dit, si la preuve ne permet pas de prouver chacun des éléments de l’infraction hors de tout doute raisonnable, l’accusé doit être déclaré non coupable.

 

[3]               La plaignante, Bombardier N.F., a témoigné qu’à la date indiquée à l’acte d’accusation elle participait, dans l’après‑midi, à un exercice avec l’unité dans le secteur d’entraînement de Petawawa.  Elle s’acquittait de ses fonctions de reconnaissance, assise seule à l’arrière d’un véhicule militaire, lorsque l’accusé l’a abordée.  Ils ont tenus des propos anodins, puis il a posé sa main sur sa cuisse gauche, lui a massé la cuisse jusqu’à l’aide et lui a tâté l’entrejambe par‑dessus sa tenue de combat.  Le geste a frappé la plaignante de stupeur et l’a bouleversée; elle a ri nerveusement et lui a écarté la main.  Il a alors introduit la main sous sa veste et lui a palpé la poitrine par‑dessus son t‑shirt.  Il a arrêté lorsqu’elle a employé plus de vigueur et d’agressivité pour l’écarter.  Il a eu un petit rire et a dit qu’« ils pourraient tous deux être dans l’eau chaude à cause de çà ».  L’incident a peut‑être duré cinq minutes.  La plaignante ne se sentait pas en sécurité et elle est partie ailleurs, cherchant la compagnie d’autres personnes. Le lendemain elle a rencontré l’accusé au cours d’une activité sociale et il lui a présenté des excuses.

 

[4]               Le Service national des enquêtes a interrogé l’accusé le 4 août 2010.  Un enregistrement vidéo et audio de l’entrevue a été réalisé, dont une transcription a été fournie à la cour.  L’accusé a coopéré avec l’enquêteur.  Lors de l’instruction du procès par la cour, l’accusé a présenté ses déclarations enregistrées comme témoignage.  Je ne relève pratiquement aucune divergence entre la version des faits donnée par la plaignante et celle de l’accusé.

 

[5]               Relativement aux divergences qui peuvent exister, je retiens le témoignage de la plaignante qui a fait bonne impression, comme témoin, en relatant avec précision ses souvenirs de l’incident en dépit des difficultés qu’elle éprouvait visiblement à parler de ces questions en cour.

 

[6]               J’estime que lors de son entrevue avec l’enquêteur l’accusé a tenté de présenter son comportement sous un jour moins intrusif.  Je conclus du témoignage de la plaignante qu’il lui a plutôt palpé la poitrine et non qu’il l’a simplement touchée à cet endroit avec un ou deux doigts.

 

[7]               Compte tenu de la preuve, il n’est pas vraiment contesté que l’accusé s’est livré à des attouchements sexuels intentionnels sur la personne de la plaignante à la date et à l’endroit mentionnés, et j’accepte le témoignage de celle‑ci qu’elle n’y a pas consenti.  Toutefois, la poursuite doit démontrer que l’accusé savait que la requérante n’était pas consentante, car il s’agit d’un élément essentiel de l’infraction alléguée dans le premier chef d’accusation.

 

[8]               En l’espèce, je suis convaincu hors de tout doute raisonnable qu’il était à tout le moins indifférent à l’accusé que la plaignante ait consenti ou non aux attouchements.  En droit, cela équivaut à la preuve que l’accusé savait qu’il n’y avait pas consentement.  Compte tenu de l’ensemble de la preuve, l’accusé ne pouvait raisonnablement conclure que la plaignante les avances sexuelles faites alors qu’elle était assise dans un véhicule dans une carrière de gravier pendant un exercice militaire.

 

[9]               Au cours de l’entrevue avec l’enquêteur, toutefois, l’accusé a déclaré [traduction] « [h]onnêtement, j’ai mal interprété la demoiselle ».  Dans ce contexte, il semble affirmer que leurs conversations antérieures, au cours desquelles elle aurait déclaré, selon ses dires, qu’elle avait apprécié le massage à la cuisse qu’il lui avait fait, indiquaient qu’elle consentait aux attouchements sexuels.  Je n’accepte pas ce témoignage.

 

[10]           J’estime plutôt que l’accusé a véritablement décrit son état d’esprit à l’enquêteur lorsqu’il lui a indiqué : [traduction] « [a]u fond, je tâtais le terrain pour voir ce qu’elle voulait dire en disant que le jeu était sur son terrain, qu’il était disponible, et, vous savez, pour voir où ça menait exactement.  Mon intention, à ce moment-là, je pense, était plus de voir s’il y avait quelque chose de plus que, vous savez ».  Il a plus tard ajouté : [traduction] « Vous savez, il y a toutes sortes de raisons pour lesquelles cela n’aurait jamais dû se produire, sans compter que c’est tout simplement interdit au départ dans l’armée.  C’est inacceptable, vous savez , et je devrais le savoir.  Et c’est immoral, vous savez.  Je veux dire, même si elle était consentante, ce serait quand même mal à plusieurs points de vue ».

 

[11]           Je conclus que lorsqu’il a touché la plaignante il lui importait peu qu’elle soit consentante ou non; il voulait juste voir si elle consentirait ou si elle refuserait.  Cela constitue de l’indifférence, et l’élément moral est prouvé hors de tout doute raisonnable.

 

[12]           Le capitaine Amirault est coupable du premier chef d’accusation.  Pour ce qui est du deuxième chef, les avocats conviennent que la conduite avouée de l’accusé à cette occasion équivaut à du harcèlement sexuel et à un mauvais traitement; je suis invité à rendre un verdict de culpabilité.  Puisque j’ai déjà conclu à la culpabilité de l’accusé à l’égard du premier chef et que le deuxième est formulé à titre subsidiaire, j’ordonne la suspension de l’instance relativement au deuxième chef en application de l’alinéa 112.40(2)a) des Ordonnances et règlements royaux.

 

POUR CES MOTIFS, LA COUR :

 

[13]           Vous DÉCLARE coupable du premier chef d’accusation, relatif à l’infraction prévue à l’article 130 de la Loi sur la défense nationale, et elle ordonne la suspension de l’instance à l’égard du deuxième chef d’accusation, relatif à l’accusation prévue à l’article 95 de la Loi sur la défense nationale.

 


 

Avocats :

 

Capitaine R.D. Kerr, Service canadien des poursuites militaires

Procureur de Sa Majesté la Reine

 

Capitaine D.M. Hodson, Direction du service d’avocats de la défense

Procureur du capitaine (à la retraite) T.W. Amirault

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