Cour martiale
Informations sur la décision
Date de l’ouverture du procès : 31 octobre 2006.
Endroit : BFC Shilo, Aménagements d’entraînement, Shilo (MB).
Chefs d’accusation
•Chef d’accusation 1 : Art. 129 LDN, acte préjudiciable au bon ordre et à la discipline.
•Chef d’accusation 2 : Art. 85 LDN, a menacé verbalement un supérieur.
Résultats
•VERDICTS : Chef d’accusation 1 : Coupable. Chef d’accusation 2 : Retiré.
•SENTENCE : Un blâme et une amende au montant de 800$.
Contenu de la décision
Référence : R. c. L’ex-Soldat S.D. Robbins, 2006 CM 29
Dossier : S200629
COUR MARTIALE PERMANENTE
CANADA
MANITOBA
BASE DES FORCES CANADIENNES SHILO
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Date : le 31 octobre 2006
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SOUS LA PRÉSIDENCE DU LIEUTENANT-COLONEL L.-V. D'AUTEUIL, J.M.
SA MAJESTÉ LA REINE
c.
L’EX-SOLDAT S.D. ROBBINS
(Contrevenant)
SENTENCE
(Prononcée de vive voix)
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TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE
[1] Ex-soldat Robbins, la cour, ayant accepté et enregistré votre plaidoyer de culpabilité relativement au premier chef d’accusation, vous en déclare maintenant coupable de cette accusation.
[2] Le système de justice militaire constitue l’ultime recours pour faire respecter la discipline – une dimension essentielle de l’activité militaire - dans les Forces canadiennes. Le but de ce système est de prévenir toute inconduite ou, de façon plus positive, de veiller à promouvoir la bonne conduite. C’est au moyen de la discipline que les forces armées s’assurent que leurs membres rempliront leurs missions avec succès, en toute confiance et fiabilité.
[3] Comme le déclare le Major Jean-Bruno Cloutier dans sa thèse intitulée L’utilisation de l’article 129 de la Loi sur la défense nationale dans le système de justice militaire canadien, « [e]n bout de ligne, pour promouvoir au maximum les chances de succès de la mission, la chaîne de commandement doit être en mesure d'administrer la discipline afin de contrôler les inconduites qui mettent en péril le bon ordre, l'efficacité militaire et finalement la raison d'être de l'organisation, la sécurité nationale ». Le système de justice militaire voit aussi au maintien de l’ordre public et s’assure que les personnes justiciables du Code de discipline militaire sont punies de la même façon que toute autre personne vivant au Canada.
[4] Il est reconnu depuis longtemps que le but d’un système de tribunaux ou de justice militaires distincts est de permettre aux Forces canadiennes de s’occuper des questions qui touchent au Code de discipline militaire et au maintien de l’efficacité et du moral des troupes. Cela dit, toute peine infligée par un tribunal, qu’il soit civil ou militaire, doit être la moindre possible dans les circonstances. Ce principe est conforme au devoir du tribunal d’infliger une peine proportionnée à la gravité de l’infraction et aux antécédents du contrevenant, comme le prévoit l'alinéa 112.48(2)b) des ORFC.
[5] La cour a pris en considération les arguments des avocats en fonction des faits pertinents, tels qu’ils se dégagent du sommaire des circonstances, et de leur importance. Elle a également examiné ces arguments en fonction des principes de la détermination de la peine, notamment ceux qui sont énoncés aux articles 718, 718.1 et 718.2 du Code criminel dans la mesure où ils ne sont pas incompatibles avec le régime des peines prévu sous le régime de la Loi sur la défense nationale. Ces principes sont les suivants : premièrement, la protection du public et le public comprend, en l’occurrence les intérêts des Forces canadiennes; deuxièmement, le châtiment du contrevenant; troisièmement, l’effet dissuasif de la peine non seulement sur le contrevenant, mais aussi sur toute personne qui pourrait être tentée de commettre de telles infractions et, quatrièmement, l’amendement et la réinsertion du contrevenant. Le tribunal doit également tenir compte des arguments avancés par les avocats, notamment la jurisprudence qu’ils ont produit et les documents qu’ils ont déposés en preuve.
[6] La cour convient avec l’avocate que la nécessité de protéger le public exige d’infliger une peine qui met l’accent sur l’effet dissuasif général. Il est important de retenir que celle-ci implique que la peine infligée devrait non seulement dissuader le contrevenant de récidiver mais aussi dissuader toute autre personne qui se trouve dans une situation analogue de se livrer aux mêmes actes illicites. En l’espèce, la cour examine une infraction qui a été commise lorsque l’ex-Soldat Robbins purgeait une peine et était consigné dans ses quartiers. Il s’agit donc d’une infraction grave, dans ce contexte.
[7] La cour estime également que la dénonciation est un principe dont elle doit tenir compte aussi en l’espèce.
[8] Pour en arriver à ce qu’elle croit être une peine juste et appropriée, la cour a également pris en comte les circonstances aggravantes et les circonstances atténuantes suivantes.
[9] La cour considère comme aggravants les facteurs suivants :
a. Premièrement, la gravité objective de l’infraction. Vous avez été accusé d’une infraction aux termes de l’article 129 de la Loi sur la Défense nationale, pour une conduite préjudiciable au bon ordre et à la discipline. Cette infraction peut emporter destitution ignominieuse du service de Sa Majesté, ou une peine moindre. Il s’agit d’une infraction grave.
b. Deuxièmement, la gravité subjective de l’infraction. Pendant que vous purgiez une peine et que étiez consigné dans vos quartiers pour quatorze jours par suite d’une absence sans permission, et que vous aviez été expressément averti de ne ramener personne dans vos quartiers pendant cette période, vous y avez été découvert en compagnie de votre petite amie. Vous avez alors fait preuve d’un manque total de respect pour la hiérarchie et pour votre unité.
c. Troisièmement, votre fiche de conduite montre clairement que vous avez bien du mal à respecter la discipline militaire de base. Même si vos déclarations de culpabilité antérieures n’ont aucun rapport avec l’infraction actuelle, elles nous fournissent une indication très claire de votre état d’esprit pendant que vous étiez dans les Forces canadiennes. Comme vous l’avez vous-même reconnu lors de votre témoignage, la vie militaire ne vous convenait pas.
[10] La cour considère comme atténuants les facteurs suivants :
a. Le fait que vous ayez assumé vos responsabilités en plaidant coupable devant ce tribunal. Il semble que vous acceptiez les conséquences de vos actes et que vous cherchiez à vous orienter vers une autre carrière dans la collectivité canadienne.
b. Vos états de service dans les Forces canadiennes.
c. Votre rang à l’époque, votre âge, de même que votre situation financière, économique, sociale et familiale actuelle. Le tribunal sait également que vous avez commencé à suivre un cours de génie énergétique.
d. Le fait que vous ayez décidé de devenir un actif dans la société canadienne. Même si la vie militaire ne vous convenait pas, il semble que, lorsque vous avez été rendu à la vie civile, vous n’ayez pas perdu de temps à vous trouver du travail afin de vous permettre de subvenir à vos besoins et à ceux de votre famille.
e. Les délais nécessaires pour traiter cette affaire. La cour ne veut blâmer personne, mais plus vite on règle un cas de discipline, plus la sanction revêt de pertinence pour le moral et la cohésion des membres de l’unité, surtout lorsque quelqu’un fait preuve d’un problème de comportement comme le vôtre. Par ailleurs, vous avez dû attendre au point que cette procédure devant la cour martiale est devenue indirectement un motif pour votre employeur de refuser de vous autoriser à vous absenter de votre travail pour comparaître devant la cour et qui a profité de cette occasion pour vous congédier. Cela ne serait peut-être pas arrivé si votre procès devant cette cour avait eu lieu plus tôt. Cependant, la cour ne croit pas que votre procès en cour martiale soit effectivement la cause de votre renvoi. Il vous a amené à demander un congé à votre employeur et ne peut être considéré comme davantage que cela.
[11] La poursuite recommande à la cour de vous infliger un blâme et une amende d’un montant se situant entre 700 $ à 1 200 $. Votre avocat prétend qu’un blâme et une amende de 200$ dollars seraient appropriés dans les circonstances.
[12] La cour estime que la recommandation faite par la poursuite est la peine la moindre possible dans les circonstances de l’espèce, mais elle aurait été insuffisante dans un contexte différent. Si vous n’aviez pas encore été rendu à vie civile et que vous étiez toujours en train de vous débattre avec les valeurs et les exigences de la discipline militaire, la cour aurait sérieusement envisagé de vous condamner à 30 jours de détention, étant donné qu’une telle peine vise surtout la dissuasion spécifique et la réinsertion du contrevenant. Ce n’est pas nécessaire en l’espèce.
[13] En conséquence, la cour vous condamne à un blâme et à une amende 800 $, payable par tranches mensuelles de 100 $ à compter du mois de novembre 2006 et pour les sept mois suivants. Le premier versement devra être effectué par chèque visé ou mandat à l’ordre du Receveur général du Canada, au plus tard le 18 novembre 2006. Tous les autres versements devront être effectués de la même façon au plus tard le 18 de chaque mois. Ces versements devront être adressés par courrier recommandé à l’adresse suivante :
Quartier général de la Défense nationale
Directeur juridique, Réclamations et contentieux des affaires civiles
10e étage, Édifice Constitution
305, rue Rideau
Ottawa, Ontario
K1A 0K2
LE LIEUTENANT-COLONEL L.-V. D'AUTEUIL, J.M.
Avocats :
Le Major S. MacLeod, Direction des poursuites militaires
Procureur de Sa Majesté la Reine
Le Capitaine de corvette M. Reesink, Direction du service d’avocats de la défense Avocat de l’ex-Soldat S.D. Robbins