Cour martiale
Informations sur la décision
Date de l’ouverture du procès : 18 octobre 2005.
Endroit : Garnison Edmonton, aménagements pour lectures d'entraînement, édifice 407, Edmonton (AB).
Chefs d’accusation:
• Chef d’accusation 1 : Art. 130 LDN, agression causant des lésions corporelles (art. 267 C. cr.).
• Chef d’accusation 2 : Art. 130 LDN, séquestration (art. 279(2) C. cr.).
• Chef d’accusation 3 : Art. 130 LDN, saisit de force (art. 279(2) C. cr.).
Résultats:
• VERDICTS : Chef d’accusation 1 : Coupable de l’infraction moindre et incluse de voies de fait. Chefs d’accusation 2, 3 : Non coupable.
• SENTENCE : Une amende au montant de 5000$.
Contenu de la décision
Référence : R. c. Le Caporal Jeffrey Rondeau, 2005 CM 45
Dossier : S200545
COUR MARTIALE PERMANENTE
CANADA
ALBERTA
BASE DES FORCES CANADIENNES EDMONTON
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Date : le 18 octobre 2005
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SOUS LA PRÉSIDENCE DU CAPITAINE DE FRÉGATE P.J. LAMONT, J.M.
SA MAJESTÉ LA REINE
c.
LE CAPORAL J. RONDEAU
(Contrevenant)
SENTENCE
(Prononcée de vive voix)
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TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE
[1] Caporal Rondeau, vous pouvez rompre et vous asseoir à côté de votre avocat.
[2] Caporal Rondeau, après avoir accepté et enregistré votre plaidoyer de culpabilité à une accusation connexe et moindre de voies de fait simples relativement au premier chef d’accusation, la cour vous déclare coupable de voies de faits. Il incombe maintenant à la cour de prononcer votre sentence. Pour ce faire, elle a tenu compte des principes de la détermination de la peine qu’appliquent les cours ordinaires de juridiction criminelle du Canada ainsi que les cours martiales. Elle a également tenu compte des faits de l’espèce, tels qu’ils se dégagent du sommaire des circonstances (pièce 7), des témoignages entendus pendant la phase préliminaire ainsi que des plaidoiries du poursuivant et de l’avocat de la défense.
[3] Les principes de la détermination de la peine servent à guider la cour dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire de décider d’une peine adéquate et adaptée à chaque cas. En règle générale, la peine doit correspondre à la gravité de l’infraction, au degré de responsabilité de son auteur et au caractère de celui‑ci. Dans cet exercice, la cour se fonde également sur les peines prononcées par les autres tribunaux dans des affaires similaires, non parce qu’elle respecte aveuglément les précédents, mais parce que son sens commun de la justice veut qu’elle juge de façon similaire les affaires similaires. Néanmoins, lorsqu’elle détermine la peine, la cour tient compte des nombreux facteurs qui distinguent chaque affaire dont elle est saisie, aussi bien des circonstances aggravantes susceptibles de justifier une peine plus lourde que des circonstances atténuantes susceptibles d’en diminuer la sévérité.
[4] Les buts et les objectifs de la détermination de la peine ont été formulés de diverses manières dans de nombreuses affaires passées. En général, ils visent à protéger la société, ce qui comprend, bien sûr, les Forces canadiennes, en favorisant le développement et le maintien au sein de cette société d’un climat de justice, de paix, de sécurité et de respect des lois. Fait important dans le contexte des Forces canadiennes, ces objectifs incluent le maintien de la discipline, cette habitude d’obéir si nécessaire à l’efficacité d’une force armée. Ces buts et objectifs comprennent aussi un volet dissuasion individuelle, pour éviter toute récidive du contrevenant, et un volet dissuasion générale, pour éviter que d’autres ne soient tentés de suivre son exemple. La peine a aussi pour objet d’assurer la réinsertion du contrevenant, de développer son sens de la responsabilité et de dénoncer les comportements illégaux. Il est inévitable qu’au cours du processus permettant d’arriver à une peine juste et adaptée à chaque cas certains de ces buts et objectifs l’emportent sur d’autres. Toutefois, il incombe à la cour chargée de déterminer la peine de les prendre tous en compte; une peine juste et adaptée est une sage combinaison de ces buts, adaptée aux circonstances particulières de l’espèce.
[5] Comme je vous l’ai expliqué lorsque vous avez plaidé coupable, l’article 139 de la Loi sur la défense nationale prévoit les différentes peines qu’une cour martiale peut infliger. Ces peines sont limitées par la disposition de la Loi qui crée l’infraction et qui prévoit une peine maximale et aussi par la compétence que peut exercer la présente cour. Un contrevenant reçoit une seule sentence, qu’il ait été ou non déclaré coupable de plusieurs infractions, mais cette sentence peut prévoir plusieurs peines. Un principe important veut que la cour inflige la peine la moins sévère permettant de maintenir la discipline.
[6] Pour déterminer la peine, dans la présente affaire, la cour a tenu compte des conséquences directes et indirectes qu’auront la déclaration de culpabilité et la peine qu’elle s’apprête à infliger. Voici quels sont brièvement les faits de la présente affaire : à la date indiquée, le contrevenant a saisi la plaignante en employant la force, dans ce qui paraît une tentative de la ramener dans le bar où ils avaient pris quelques consommations. La plaignante a opposé de la résistance et s’est élancée en direction de son logement. Le contrevenant l’a poursuivie, jetée à terre et l’a tirée jusqu’à l’étage supérieur, pour s’arrêter à la salle de bain. La plaignante était visiblement affectée et s’en est tirée avec des ecchymoses et une entorse au poignet.
[7] Les deux avocats estiment que, dans les circonstances, une amende de 5 000 $ constituerait une peine appropriée. Il appartient évidemment à la cour de décider de la peine à prononcer, mais lorsque, comme c’est le cas en l’espèce, les deux avocats se mettent d’accord pour recommander une peine, la cour attache beaucoup d’importance à cette recommandation conjointe. Les cours d’appel du Canada, y compris la Cour d’appel de la cour martiale, ont statué qu’à moins que la recommandation conjointe des avocats soit manifestement inadéquate ou contraire à l’intérêt public, celle-ci devrait être acceptée par la cour.
[8] La cour doit tenir compte de toutes les circonstances de l’infraction et de la situation du contrevenant. Ce dernier est un célibataire de 27 ans qui compte six années de service dans les Forces canadiennes. Il a plaidé coupable à l’infraction reprochée, ce que la cour prend pour un signe de remords véritable. De plus, il a, en fait, déjà passé une journée derrière les barreaux pour cette accusation. Comme son avocat l’a souligné, il n’y a aucune explication rationnelle pour son comportement à cette occasion. Il faut espérer que le fait qu’il ait suivi complètement et avec succès le cours de réadaptation pour alcooliques lui a ouvert les yeux sur son comportement.
[9] Caporal Rondeau, vous avez devant vous de très belles perspectives de carrière dans les Forces canadiennes si vous tirez les leçons de cette mésaventure et modifiez votre comportement.
[10] La cour ne peut pas dire que la peine proposée par les avocats est manifestement inadéquate ou qu’elle est contraire à l’intérêt public. Elle accepte donc la recommandation conjointe.
[11] Caporal Rondeau, levez-vous! Vous êtes condamné à une amende de 5 000 $ qui devra être entièrement acquittée avant le 31 octobre 2005.
LE CAPITAINE DE FRÉGATE P.J. LAMONT, J.M
Avocats :
Le Major B. Cloutier, Direction des poursuites militaires, Région du Centre
Le Capitaine T. Simms, Direction des poursuites militaires, Région de l’Ouest
Procureurs de Sa Majesté la Reine
Le Major S.E. Turner, Direction du service d’avocats de la défense
Le Capitaine J.G. Simpson, Juge-avocat adjoint Greenwood
Avocats du Caporal J. Rondeau