Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l'ouverture du procès : 19 avril 2011

Endroit : BFC Halifax, EONFC, Édifice S-15, Salle de conférence PM1 Mark St-Georges, Halifax (NÉ)

Chefs d'accusation
•Chef d'accusation 1 (subsidiaire au chef d'accusation 2) : Art. 130 LDN, voies de fait (art. 266 C. cr.).
•Chef d'accusation 2 (subsidiaire au chef d'accusation 1) : Art. 86 LDN, s'est battu avec une personne justiciable du code de discipline militaire.

Résultats
•VERDICTS : Chefs d'accusation 1, 2 : Non coupable.

Contenu de la décision

COUR MARTIALE

 

Référence : R c Williams, 2011 CM 2008

 

Date : 20110506

Dossier : 201171

 

Cour martiale permanente

 

Base des Forces canadiennes Stadacona

Halifax (Nouvelle-Écosse) Canada

 

Entre : 

 

Sa Majesté la Reine

 

- et -

 

Caporal-chef D.J.G. Williams, accusé

 

 

En présence du Capitaine de frégate P.J. Lamont, J.M.


TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE

 

MOTIFS DU VERDICT

 

(Prononcés de vive voix)

 

[1]               Caporal-chef Williams, veuillez vous lever. La cour vous déclare non coupable du premier chef d’accusation. Vous pouvez vous asseoir.

 

[2]               Le Caporal-chef Williams est accusé de deux infractions visées à la Loi sur la défense nationale. Ces deux infractions sont portées contre lui à titre subsidiaire. Le premier chef d’accusation concerne une accusation de voies de fait et le deuxième concerne une accusation pour s’être battu avec un autre justiciable du code de discipline militaire. À la conclusion de l’argumentation de la poursuite, j’ai accepté l’observation selon laquelle il n’y avait aucune preuve prima facie à l’égard de l’accusation relative à l’altercation et j’ai donc conclu que le Caporal-chef Williams est non coupable du deuxième chef d’accusation. Les présents motifs portent uniquement sur ma déclaration de non-culpabilité à l’égard de l’accusation de voies de fait.

 

[3]               En cour martiale, comme dans le cadre de toute poursuite criminelle devant un tribunal canadien, il incombe à la poursuite de prouver hors de tout doute raisonnable la culpabilité de l’accusé. Dans un contexte juridique, il s’agit d’un terme technique dont la signification est reconnue. Si la preuve ne permet pas d’établir la culpabilité de l’accusé hors de tout doute raisonnable, celui-ci ne doit pas être déclaré coupable de l’infraction. Le fardeau de preuve à cet égard incombe à la poursuite, et il n’est jamais renversé. La personne accusée n’a pas à établir son innocence. En fait, l’accusé est présumé innocent à toutes les étapes de la procédure, jusqu’à ce que la poursuite ait prouvé sa culpabilité hors de tout doute raisonnable, au moyen d’une preuve admise par le tribunal. Le doute raisonnable ne constitue pas une certitude absolue, mais la preuve qui ne mène qu’à conclure à la culpabilité probable n’est pas suffisante. Si la cour est plutôt convaincue que l’accusé est probablement plus coupable que non coupable, cela ne suffit pas pour le déclarer coupable hors de tout doute raisonnable; dans ce cas, l’accusé doit être acquitté. En effet, la norme de la preuve hors de tout doute raisonnable se rapproche beaucoup plus de la certitude absolue que d’une norme de culpabilité probable. Toutefois, le doute raisonnable n’est pas un doute frivole ou imaginaire; il ne repose pas sur la compassion ou sur un préjugé. Le doute raisonnable est fondé sur la raison et le sens commun découlant de la preuve ou de l’absence de preuve. Le fardeau de la preuve hors de tout doute raisonnable s’applique à chacun des éléments constitutifs de l’infraction reprochée. Autrement dit, si la preuve ne permet pas de prouver hors de tout doute raisonnable chacun des éléments de l’infraction, l’accusé doit être déclaré non coupable.

 

[4]               La règle du doute raisonnable s’applique à la crédibilité des témoins dans un cas, comme celui en l’espèce, où la preuve révèle différentes versions des faits ayant une incidence directe sur les questions en litige. Parvenir à une conclusion sur les faits ne se résume pas à préférer la version d’un témoin à celle d’un autre. Le tribunal peut accepter la véracité de tout ce que dit un témoin, ou ne pas l’accepter du tout. Il peut aussi accepter la véracité et l’exactitude d’une partie seulement du témoignage. Si le tribunal accepte le témoignage d’un accusé sur les questions ou les aspects essentiels d’une affaire, ce dernier ne peut être déclaré coupable de l’accusation qui pèse contre lui. Cependant, même si ce témoignage n’est pas accepté, l’accusé doit être acquitté s’il subsiste un doute raisonnable. Même si le témoignage de l’accusé ne soulève à son avis aucun doute raisonnable, le tribunal doit quand même examiner l’ensemble de la preuve dont il admet la crédibilité et la fiabilité pour décider si la culpabilité de l’accusé est établie hors de tout doute raisonnable.

 

[5]               La première accusation indique que le Caporal-chef Williams, [traduction] « entre juillet 2008 et août 2008, au ou dans les environs du Centre d’instruction du Secteur de l’Atlantique de la Force terrestre, à Aldershot, en Nouvelle‑Écosse, a commis des voies de fait sur le Caporal J.L. Amiro ». La preuve de la poursuite consiste en le témoignage du Caporal Amiro. Cette dernière a déclaré qu’elle et d’autres personnes bavardaient dans une chambre des casernes. Le Caporal-chef Williams est arrivé et a commencé à parler avec des amis dans la pièce. Le Caporal Amiro était assise sur un des deux lits dans la chambre lorsque le Caporal-chef Williams s’est approché d’elle, l’a soulevée du lit par les épaules et les bras, l’a jetée au sol et l’a frappée sur la tête et la cuisse. Le Caporal‑chef Williams a ensuite quitté la chambre. Peu de temps après, le Caporal Amiro a raconté ce qui venait de se passer au Caporal‑chef Lambert. Après un jour ou deux, le Caporal-chef Williams s’est excusé auprès du Caporal Amiro et lui a dit qu’il ne se rappelait pas de ce qui s’était passé. Le Caporal Amiro a reconnu que les événements sont flous dans sa tête et que certaines parties des événements sont même très floues. Elle ne pouvait se rappeler de la date de l’incident avec précision, mais estime qu’il a eu lieu vers la fin de juillet ou au début d’août 2008. Elle a déclaré que d’autres personnes étaient présentes dans la chambre au moment des faits, peut‑être six ou sept, y compris le Caporal-chef Williams et elle‑même. Elle est presque certaine que le Caporal Smallwood et le Caporal Faubert étaient tous deux présents.

 

[6]               Comme j’ai eu l’occasion de regarder le Caporal Amiro pendant son témoignage, je suis convaincu qu’elle tentait véritablement de se rappeler et de relater le mieux possible les événements dont elle parlait. Toutefois, pour les motifs suivants, j’estime que son témoignage ne m’a pas convaincu hors de tout doute raisonnable que les événements se sont déroulés de la façon dont elle l’a indiqué. À plusieurs moments dans son témoignage, tant en interrogatoire principal qu’en contre‑interrogatoire, le Caporal Amiro a répondu que sa mémoire lui faisait défaut. Certaines questions sont moins importantes, mais sa mémoire lui a également fait défaut concernant des questions que j’estime importantes, comme les questions de savoir quelle quantité d’alcool elle avait consommé, si le Caporal-chef Williams lui avait dit quoi que ce soit au moment des faits et quel degré de force avait été utilisé contre elle. Le 9 août 2008, elle a pris une photo à partir d’un cellulaire d’une ecchymose à sa cuisse, qui selon elle a été causée par le Caporal-chef Williams. Toutefois, dans son témoignage, elle ne répond pas à la question de savoir à quel moment le coup a eu lieu par rapport au moment où la photo a été prise. Le témoignage ne me permet pas de savoir à quelle date remontait l’ecchymose au moment où la photo a été prise, et le Caporal Amiro ne semble pas le savoir non plus.

 

[7]               Le Caporal Smallwood et le Caporal-chef Faubert ont témoigné pour la défense. Ils ont tous deux corroboré le témoignage du Caporal Amiro selon lequel ils étaient présents dans la chambre avec elle et le Caporal‑chef Williams, mais aucun des deux n’a vu l’attaque qu’elle a décrite. J’accepte le témoignage des deux témoins de la défense.

 

[8]               La poursuite prétend que ni le Caporal Smallwood ni le Caporal-chef Faubert ne portait attention à ce qui est arrivé lorsque le Caporal-chef Williams était dans la chambre, et c’est pour cette raison qu’ils n’ont pas vu l’attaque que le Caporal Amiro a décrite. Je n’accepte pas cet argument. La chambre était relativement petite et il me semble que rien n’aurait pu bloquer la vue de quiconque sur ce qui se passait.

 

[9]               Je ne dois pas oublier que le fardeau de la preuve incombe à la poursuite. Compte tendu de l’ensemble de la preuve, je ne saurais affirmer être convaincu hors de tout doute raisonnable que le Caporal-chef Williams a agressé le Caporal Amiro.

 

POUR CES MOTIFS, LA COUR :

 

[10]           DÉCLARE l’accusé non coupable du premier chef d’accusation.


Avocats :

 

Capitaine de corvette D.T. Reeves, Service canadien des poursuites militaires

Procureur de Sa Majesté la Reine

 

Lieutenant-colonel T. Sweet, Direction du service d’avocats de la défense

Avocat du Caporal-chef Williams

 

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