Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l'ouverture du procès : 12 janvier 2011

Endroit : 930 promenade Idylwyld, Saskatoon (SK)

Chefs d'accusation
•Chef d'accusation 1 : Art. 130 LDN, fraude (art. 380(1) C. cr.).

Résultats
•VERDICT : Chef d'accusation 1 : Coupable.
•SENTENCE : Emprisonnement pour une période de 21 jours et une rétrogradation au grade de caporal.

Contenu de la décision

 

COUR MARTIALE

 

Référence : R. c. Martinook, 2011 CM 2001

 

Date :  20110113

Dossier :  201032

 

Cour martiale permanente

 

The North Saskatchewan Regiment

Saskatoon (Saskatchewan) Canada

 

Entre : 

 

Sa Majesté la Reine

 

- et -

 

Sergent K.J. Martinook, contrevenant

 

 

En présence du Capitaine de frégate P.J. Lamont, J.M.

 


 

TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE

 

MOTIFS DE LA SENTENCE

 

(Prononcés de vive voix)

 

[1]        Sergent Martinook, ayant accepté et enregistré vos aveux de culpabilité à l’égard du premier et seul chef d’accusation énoncé dans l’acte d’accusation, soit une infraction de fraude en contravention du paragraphe 380(1) du Code criminel et de l’article 130 de la Loi sur la défense nationale, la cour vous déclare maintenant coupable cette accusation.

 

[2]        Il m’incombe maintenant de fixer et de prononcer votre sentence. Pour ce faire, j’ai tenu compte des principes de détermination de la peine appliqués par les tribunaux ordinaires du Canada ayant compétence en matière pénale et par les cours martiales. J’ai également examiné les faits de l’espèce tels qu’ils ont été exposés dans l’exposé des circonstances, pièce 6, ainsi que la preuve et les documents produits durant l’audience ainsi que les observations des avocats de la poursuite et de la défense.

 

[3]        Les principes de détermination de la peine guident la cour dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire afin qu’elle fixe une sentence appropriée et adaptée à chaque cas. En règle générale, la sentence doit être proportionnée à la gravité de l’infraction, aux antécédents du contrevenant et à son degré de culpabilité ou de responsabilité. La cour se fonde sur les sentences infligées par les autres tribunaux dans des affaires similaires, non parce qu’elle respecte aveuglément les précédents, mais parce que notre sens commun de la justice veut que les affaires similaires soient jugées de manière similaire. Quoi qu’il en soit, lorsqu’elle fixe la sentence, la cour tient compte des nombreux facteurs qui distinguent chaque affaire dont elle est saisie, des circonstances aggravantes pouvant justifier une peine plus sévère et des circonstances atténuantes pouvant en diminuer la gravité.

 

[4]        Les buts et les objectifs recherchés lorsqu’on fixe la sentence ont été exprimés de diverses manières dans de nombreuses affaires antérieures. En général, ils ont trait à la protection de la société, y compris bien entendu les Forces canadiennes, en contribuant au développement et au maintien d’une collectivité juste, paisible, sûre et respectueuse de la loi. Fait important, dans le contexte des Forces canadiennes, ces objectifs comprennent le maintien de la discipline, ce devoir d’obéissance indispensable à l’efficacité d’une force armée.

 

[5]        Les buts et objectifs comprennent aussi la dissuasion spécifique sur le contrevenant, afin que celui-ci ne récidive pas, et la dissuasion générale afin que d’autres ne suivent pas son exemple. La sentence vise aussi à assurer la réinsertion sociale du contrevenant, à promouvoir son sens des responsabilités et à dénoncer les comportements illégaux. Il est inévitable que certains de ces buts et objectifs prévalent sur les autres au cours du processus permettant d’arriver à une sentence juste et appropriée. Le tribunal chargé de fixer la sentence doit cependant tous les prendre en compte; une sentence juste et appropriée devrait représenter une combinaison de ces buts, adaptée aux circonstances particulières de l’espèce.

 

[6]        Comme je vous l’ai indiqué lorsque vous vous êtes avoué coupable, l’article 139 de la Loi sur la défense nationale prévoit les différentes peines qui peuvent être infligées par la cour martiale. Ces peines sont limitées par la disposition de la loi créant l’infraction et prévoyant une peine maximale. Une seule sentence peut être prononcée contre le contrevenant, qu’il soit déclaré coupable d’une seule infraction ou de plusieurs, mais la sentence peut comporter plus d’une peine. Un principe important veut que le tribunal inflige la peine la moins sévère qui permettra de maintenir la discipline.

 

[7]        Pour déterminer la sentence en l’espèce, j’ai tenu compte des conséquences directes et indirectes que la déclaration de culpabilité et la peine que je vais infliger pourraient engendrer sur le contrevenant.

 

[8]        Les circonstances entourant la commission de cette infraction sont décrites à l’annexe 6. Durant une période d’environ dix mois mentionnée dans le chef d’accusation, soit du 8 octobre 2008 au 31 juillet 2009, le contrevenant a été affecté au Essex and Kent Scottish Regiment à Windsor, en Ontario, à titre de commis-chef de l’unité. Durant cette période, il a écrit et signé 15 chèques à son nom compte des

fonds non publics et a encaissé les chèques. Le montant des chèques variait entre 400 $ et 2 650 $, le montant total de la fraude s’établissant à 17 945 $

 

[9]        Lorsque certaines irrégularités ont été constatées dans le compte par l’aide-comptable de l’unité, Mme Parker, en mai 2009, elle a sollicité l’aide du commandant qui a ordonné au sergent Martinook d’aider l’aide-comptable à préparer les états financiers de fin d’exercice, avant que le sergent Martinook n’occupe sa nouvelle affectation à son unité actuelle, The North Saskatchewan Regiment. Sergent Martinook n’a pas fourni les renseignements requis à Mme Parker, malgré avoir faussement dit au commandant qu’il l’avait fait. Il a également formé son successeur à titre de commis-chef responsable de la gestion du compte de fonds non publics. Quelques semaines suivant son départ du The Essex and Kent Scottish Regiment, l’unité s’est informée auprès de la banque après quoi le Service national des enquêtes s’est mêlé de l’affaire afin de mener une enquête.

 

[10]      La poursuite prétend que le principe de détermination de la peine le plus important en l’espèce est le principe de la dissuasion et fait valoir que la sentence minimale devrait être une peine d’emprisonnement d’au moins 60 jours. Si la cour devait conclure qu’une peine d’emprisonnement inférieure serait appropriée, la poursuite suggère alors que la sentence incluse une rétrogradation au rang de caporal.

 

[11]      L’avocat du contrevenant soutient que la sentence appropriée en l’espèce serait une rétrogradation ainsi qu’un blâme et une amende, et fait valoir qu’advenant l’imposition d’une peine d’emprisonnement, l’exécution de cette peine devrait être suspendue.

 

[12]      Le contrevenant est un homme mûr de 49 ans. Il a joint la Force régulière des Forces canadiennes en 1985 après avoir servi plusieurs années dans la Force de réserve. Il a suivi son cours de commis avec succès et a obtenu le rang de sergent avec une ancienneté de janvier 2007. Il n’a aucune fiche de conduite. Il est marié et a deux enfants majeurs, dont l’un habite toujours avec ses parents.

 

[13]      Le contrevenant a témoigné dans le cadre des présentes procédures avoir dépensé tout l’argent détourné appartenant à l’unité dans le jeu. Quelques années avant l’infraction, le contrevenant a affirmé s’est livré au jeu au moyen de ce qu’il a appelé l’achat de billets Nevada. Alors qu’il était affecté à Halifax entre 1993 et 2000, il est allé au casino d’Halifax à plusieurs reprises. Ensuite, lorsqu’il a été muté à Dundurn entre 2000 et 2007, il jouait sur des appareils de loterie vidéo environ trois à quatre fois par semaine, dépensant plusieurs centaines de dollars chaque fois. Ensuite, lorsqu’il a été muté à Windsor, il a fréquenté le casino de Windsor et l’hippodrome de Windsor en jouant aux machines à sous approximativement à la même fréquence. À la fin de 2008, sa femme s’est aperçue de ses habitudes de jeu et, comme il l’a décrit dans son témoignage [traduction] : « cela a créé des problèmes ».

 

[14]      Lui et son épouse ont eu recours à des services de thérapie par l’entremise du Windsor Mental Health Addiction Services et ont assisté à une série de rencontres de groupe pendant 12 mois entre janvier et juillet 2009. Je souligne qu’il s’agit de la période pendant laquelle le contrevenant a encaissé presque la totalité des chèques tirés à même les fonds de l’unité. Lorsqu’il a été affecté au North Saskatchewan Regiment, le contrevenant a demandé à ce que son dossier soit transféré au Saskatoon Health Region, Mental Health and Addiction Services où il a assisté à des séances de counselling. Il affirme que son conseiller, M. Pollock, semble confirmer qu’au moment où il a déménagé en Saskatchewan, il n’avait pas recommencé à jouer.

 

[15]      J’estime que les habitudes de jeu du contrevenant ne constituent pas des circonstances atténuantes en l’espèce. Certes, personne n’a diagnostiqué que le contrevenant était un joueur pathologique, mais, plus important encore, je ne vois simplement pas comment, d’après les témoignages que j’ai entendus, ses propensions au jeu ont poussé le contrevenant à voler de l’argent à l’unité au sein de laquelle il servait. J’ai été saisie de très peu d’éléments de preuve concernant la situation financière du contrevenant, que ce soit au moment où l’infraction a été commise ou de sa situation actuelle. Je ne vois aucune raison permettant de conclure raisonnablement que le contrevenant avait désespérément besoin d’argent pour combler ses besoins de dépendance au jeu au moment où la présente infraction a été commise.

 

[16]      Je souscris à l’observation du procureur portant que le principe de dissuasion est particulièrement important dans une affaire comme en l’espèce. Un militaire du rang le plus haut gradé à qui on confie la responsabilité de la gestion du compte des fonds non publics d’une unité occupe un poste où le niveau de confiance est élevé. Le degré de confiance ressort clairement des sentiments exprimés dans la lettre rédigée par le commandant du Essex and Kent Scottish Regiment (pièce 7).

 

[17]      Or, la question la plus difficile est de savoir si le principe de dissuasion nécessite l’imposition d’une peine d’emprisonnement en l’espèce. J’ai examiné les autres peines possibles que la cour peut imposer, mais j’ai conclu que les circonstances de l’infraction et du contrevenant exigent l’imposition d’une peine privative de liberté.

 

[18]      Les circonstances aggravantes et atténuantes ainsi que la preuve dont je suis saisie ont été abordées par les deux parties. J’ai déjà discuté de la position de confiance particulière dont jouissait le contrevenant au moment de l’infraction. En ce qui concerne l’infraction, il s’agissait d’une conduite répétée sur une longue période ayant mené à une perte d’argent substantielle. Le contrevenant a même tenté de dissimuler son crime en ne collaborant pas avec l’aide-comptable et en trompant son commandant. De façon générale, les montants des chèques ont augmenté au fil du temps et le contrevenant a encaissé les montants les plus importants immédiatement avant d’occuper son nouveau poste, alors qu’il devait savoir qu’il devait collaborer au rapprochement du compte de fonds non publics.

 

[19]      Aucun des montants d’argent n’a été remboursé, bien que le contrevenant se soit récemment organisé pour rembourser la perte financière de l’unité. Je souligne toutefois qu’en juin 2010, alors que les présentes procédures étaient en instance, le contrevenant a acheté une maison et a pris en charge un prêt hypothécaire. Cela m’apparaît comme un sentiment fallacieux de priorités financières. Je suis convaincue que son plaidoyer de culpabilité et ses excuses publiques sincères à son ancienne unité, qu’il a exprimées durant son témoignage, ont démontré l’existence de remords véritables de la part du contrevenant pour sa conduite. Je suis également convaincue qu’il est un membre hautement valorisé par son unité actuelle et qu’il contribue de façon importante à sa communauté en se livrant à des activités de bienfaisance.

 

[20]      L’emprisonnement est une sanction de dernier recours, mais il s’agit d’une affaire où j’estime que, compte tenu de toutes les circonstances, soit celles liées à l’infraction et au contrevenant, l’imposition d’une peine moins sévère n’est simplement pas adéquate pour répondre aux objectifs de dissuasion individuelle et générale. J’ai examiné la question de savoir si l’exécution de la peine d’emprisonnement devrait être suspendue. Je ne suis pas convaincue qu’il est approprié en l’espèce d’ordonner une telle suspension.

 

[21]      J’estime qu’il est pertinent en l’espèce de condamner le contrevenant à une rétrogradation. Comme je l’ai remarqué dans d’autres affaires, le rang est un signe manifeste montrant aux autres membres des Forces canadiennes le niveau de confiance accordé à ce membre par les FC et par le pays qu’il sert. Le service fondé sur l’abnégation est un principe éthique important que les FC tentent d’inculquer à tous les membres. À titre de       , on s’attend à ce que le contrevenant soit un modèle en ce qui a trait à ce principe éthique pour les autres membres, et à ce qu’il contrevienne à ce principe de la manière qu’il l’a fait en commettant l’infraction. Je reconnais qu’en raison de cette peine le contrevenant risque de perdre son poste actuel au sein de son unité. Il y a également des conséquences sur le plan financier liées à une rétrogradation ainsi que d’autres conséquences négatives moins tangibles, mais néanmoins importantes. Cependant, une fois rétrogradé, le contrevenant peut également tenter de retrouver son rang lorsqu’il aura prouvé à ses supérieurs qu’il est digne de la confiance accordée au rang.

 

POUR CES MOTIFS, LA COUR :

 

[22]      VOUS DÉCLARE coupable à l’égard du premier chef d’accusation relativement à une infraction visée au paragraphe 380(1) du Code criminel et à l’article 130 de la Loi sur la défense nationale, et

 

[23]      VOUS CONDAMNE à une peine d’emprisonnement d’une durée  de 21 jours et à une rétrogradation au grade de caporal. La sentence est prononcée à 10 h 35, le 13 janvier 2011.

 


 

Avocats :

 

Lieutenant-colonel M. Trudel and Capitaine R.D. Kerr, Service canadien des poursuites militaires

Procureur de Sa Majesté la Reine

 

Capitaine de corvette P.D. Desbiens, Direction du service d’avocats de la défense

Avocat du Sergent K.J. Martinook

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