Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l’ouverture du procès : 30 août 2005.
Endroit : Garnison Valcartier, Édifice 534, l’Académie, Courcelette (QC).
Chefs d’accusation:
• Chefs d’accusation 1, 2 : Art. 129 LDN, acte préjudiciable au bon ordre et à la discipline.
• Chef d’accusation 3 (subsidiaire au chef d’accusation 4) : Art. 130 LDN, avoir utilisé un document contrefait (art. 368 C. cr.).
• Chef d’accusation 4 (subsidiaire au chef d’accusation 3) : Art. 129 LDN, acte préjudiciable au bon ordre et à la discipline.
Résultats:
• VERDICTS : Chefs d’accusation 1, 2, 4 : Coupable. Chef d’accusation 3 : Une suspension d’instance.
• SENTENCE : Une réprimande et une amende au montant de 300$.

Contenu de la décision

Citation : R. c. ex-Soldat C. Bordeleau, 2005cm2019

 

Dossier : 200542

 

 

COUR MARTIALE PERMANENTE

CANADA

QUÉBEC

UNITÉ DE SOUTIEN DE SECTEUR VALCARTIER

 

 

Date : 1er septembre 2005

 

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DU LIEUTENANT-COLONEL M. DUTIL, J.M.

                                                                                                                                             

 

SA MAJESTÉ LA REINE

c.

EX-SOLDAT C. BORDELEAU

(Accusé)

 

 

SENTENCE

(Oralement)

 

 

 

[1]                    Ex-soldat Bordeleau, la Cour ayant accepté et enregistré votre plaidoyer de culpabilité aux 1er, 2e et 4e chefs d'accusation, la Cour vous trouve maintenant coupable des 1er, 2e et 4e chefs d'accusation et elle ordonne une suspension d'instance à l'égard du 3e chef d'accusation.

 

[2]                    L'ex-soldat Bordeleau a reconnu sa culpabilité à trois accusations portées aux termes de l'article 129 de la Loi sur la défense nationale pour des actes préjudiciables au bon ordre et à la discipline, soit :

 

premièrement, d'avoir porté, le ou vers le 13 janvier 2004, à Québec, province de Québec, un insigne sans autorisation, soit des ailes de parachutisme;

 

deuxièmement, d'avoir porté, le ou vers le 13 janvier 2004, à Québec, province de Québec, une médaille sans autorisation, soit une médaille du Service Spécial avec une barrette OTAN;

 

troisièmement, d'avoir fourni, le ou vers le 20 janvier 2004, à Québec, province de Québec, un certificat de réussite militaire attestant qu'il avait complété avec succès le cours de base de parachutiste, alors que le dit certificat était faux.

 

[3]                    La Cour suprême a reconnu dans l'arrêt R. c. Généreux que « pour que les Forces armées soient prêtes à intervenir, les autorités militaires doivent être en mesure de faire respecter la discipline interne de manière efficace. » La Cour suprême a souligné que dans le contexte particulier de la discipline militaire, les manquements à la discipline devaient être réprimés promptement, et dans bien des cas, punis plus durement que si les mêmes actes avaient été accomplis par un civil. Ces directives de la Cour suprême ne permettent toutefois pas à un tribunal militaire d'imposer une sentence composée d'une ou plusieurs peines qui seraient au-delà de ce qui est requis dans les circonstances de l'affaire. En d'autres mots, toute peine infligée par un tribunal, qu'il soit civil ou militaire, doit toujours représenter l'intervention minimale requise.

 

[4]                    Ex-soldat Bordeleau, en déterminant la sentence qu'elle considère être appropriée et minimale dans cette affaire, la Cour a pris en compte les circonstances entourant la commission des infractions telles que révélées par le sommaire des circonstances dont vous avez accepté la véracité, la preuve documentaire déposée devant la cour, les témoins entendus notamment le capitaine Christian Duchesne, soit le capitaine- adjudant de votre unité au moment de la commission des infractions, madame Carole Pelletier ainsi que votre propre témoignage. La Cour a pris en compte également les plaidoiries des avocats et la jurisprudence citée dans le cadre d'une analyse des principes applicables en matière de détermination de la sentence.

 

[5]                    Les faits entourant la commission des infractions révèlent que les incidents ont eu lieu au manège militaire du 55e Bataillon de service du Canada. Le 13 janvier 2004, lors d'une parade, l'ex-soldat Bordeleau s'est présenté en tenue de cérémonie en arborant sur son uniforme des ailes blanches de parachutiste et une médaille du Service Spécial de l'OTAN. Questionné par ses supérieurs sur son droit de porter cet insigne et cette décoration militaire, on lui demande de fournir un ou des documents qui pourraient justifier le port de ces items sur son uniforme. Une semaine plus tard, soir le 20 janvier 2004, l'ex-soldat Bordeleau fournit un faux certificat de réussite militaire pour son cours de parachutisme et le remet à un de ses sous-officiers supérieurs, le sergent Girard. L'ex-soldat Bordeleau a indiqué dans son témoignage qu'il s'est procuré la médaille et les ailes de parachutiste à la garnison Valcartier. Il a ajouté avoir obtenu le faux certificat d'un ami civil infographiste parce qu'il avait peur d'être dans le trouble à la suite de la discussion qu'il a eue avec son adjudant-maître qui lui avait demandé de lui fournir des certificats à l'appui pour porter les items en question. Selon l'ex-soldat Bordeleau, il a obtenu ce faux certificat de réussite parce qu'il se serait senti coincé, qu'il avait peur et qu'il s'agissait d'un geste irréfléchi. Une enquête s'amorce donc peu après et des accusations sont portées presque une année plus tard, soit le 12 janvier 2005, relativement aux actes de l'ex-soldat Bordeleau qui ont eu lieu le 13 et le 20 janvier 2004. Le 25 janvier 2005, le commandant de l'accusé demande à l'autorité de renvoi de connaître l'accusation et le 15 mars 2005, l'autorité de renvoi a transmis le dossier au Directeur des poursuites militaires. Le témoignage du capitaine Duchesne, capitaine-adjudant de l'unité, révèle que la raison fondamentale du renvoi de ce dossier par le commandant directement à l'autorité de renvoi repose sur la décision de l'unité de ne pas permettre à l'accusé d'exercer un choix d'être jugé sommairement ou par cour martiale, mais particulièrement par cour martiale parce qu'il s'agit du seul choix en fait prévu par la loi, parce qu'il fut jugé par les autorités de l'unité qu'il ne restait pas suffisamment de temps pour que ce dossier soit jugé par voie sommaire puisque les actes reprochés remontaient aux 13 et 20 janvier 2004. Il ressort également de ce témoignage que ni le commandant ni une personne sous son autorité n'ont désigné un officier pour aider l'accusé dès que possible après que les accusations furent portées, et ce contrairement à l'article 108.14 des ORFC. Il semble que cette décision s'inscrit dans la logique des autorités de l'unité qui avaient décidé d'acheminer le dossier disciplinaire directement à l'autorité de renvoi. La preuve indique toutefois qu'un officier a été désigné, même si l'accusé était déjà représenté par avocat et en attente d'être jugé par cour martiale, entre 30 jours et un mois et demi du début de cette cour martiale, soit près de 18 mois après le dépôt des accusations initiales. La preuve devant cette cour démontre également que l'accusé a été récemment libéré des Forces canadiennes même s'il en avait fait la demande peu après le dépôt des accusations initiales. La preuve indique aussi que l'ex-soldat Bordeleau s'était vu remettre les insignes de grade de caporal et rémunéré à ce titre peu avant le dépôt des accusations pour ensuite se les voir retirer après le dépôt des accusations. L'ex-soldat Bordeleau a témoigné à l'effet qu'il avait cru à ce moment que cette « rétrogradation » était reliée aux accusations. La preuve crédible devant cette cour démontre au contraire qu'il s'agissait plutôt d'une erreur administrative parce qu'il n'avait pas obtenu les qualifications exigées pour son grade dans son nouveau métier de policier militaire. Même s'il est crédible que certaines autres personnes de son unité aient pu être dans la même situation que celle de l'accusé et qu'elles aient été traitées différemment relativement à une telle promotion, ce fait n'est pas pertinent pour les fins de la détermination de la peine dans les circonstances. Il s'agit plutôt d'une question administrative qui aurait pu faire l'objet d'un redressement de grief et qui n'est pas du ressort de ce tribunal.

 

[6]                    La poursuite demande à la cour d'imposer une sentence composée d'une réprimande et d'une amende se situant entre 600 et 800 dollars pour assurer le maintien de la discipline. Elle invoque qu'une telle sentence permettrait de satisfaire les principes de détermination de la peine applicables en l'espèce, soit la protection du public et des Forces canadiennes, la dissuasion générale et spécifique ainsi que la dénonciation du geste et la punition du contrevenant.

 

[7]                    La défense soumet que la cour devrait imposer une peine mineure sous la forme d'un avertissement, mais elle ajoute que si la cour rejette cette suggestion, la sentence de cette cour ne devrait pas être supérieure à celle qu'aurait pu imposer un officier délégué lors d'un procès sommaire. Les principaux motifs invoqués par la défense au soutien de sa demande portent notamment sur les délais encourus depuis les accusations, la privation d'un procès sommaire pour l'accusé à la suite d'erreurs imputables à l'unité, la demande de libération volontaire de l'accusé dès janvier 2004 qui, selon la défense, a voulu ainsi se punir lui-même, la « rétrogradation administrative » qu'aurait subit l'accusé, les refus essuyés par l'accusé pour obtenir un emploi depuis les événements, l'effet d'un casier judiciaire qui constitue, selon la défense, une peine en soi et le fait que l'accusé soit sans emploi ni revenu à l'exception des prêts et bourses qui lui sont consentis parce qu'il est dorénavant étudiant à plein temps à l'Université de Montréal. La défense soumet également que cette cour ne peut imposer une sentence supérieure à celle que pourrait imposer un officier délégué lors d'un procès sommaire, dans les circonstances de cette cause, parce qu'elle serait contraire à l'alinéa 11 i) de la Charte canadienne des droits et libertés.

 

[8]                    Lorsqu'il s'agit de donner une sentence appropriée à un accusé pour les fautes qu'il a commises et à l'égard des infractions dont il est coupable, certains objectifs sont visés à la lumière des principes applicables en matière de détermination de la sentence, quoiqu'ils varient légèrement d'un cas à l'autre. L'importance qui est attribuée à chacun des objectifs et principes doit toutefois être adaptée aux circonstances de l'affaire. Pour contribuer à l'un des objectifs essentiels de la discipline militaire, soit le maintien d'une force armée professionnelle disciplinée, opérationnelle et efficace, ces objectifs et ces principes peuvent s'énoncer comme suit :

 

premièrement, la protection de la société y compris les Forces canadiennes;

 

deuxièmement, la punition et la dénonciation du contrevenant;

 

troisièmement, la dissuasion du contrevenant, et quiconque, de commettre les mêmes infractions;

 

quatrièmement, la réhabilitation et la réforme du contrevenant;

 

cinquièmement, la proportionnalité à la gravité des infractions et le degré de responsabilité du contrevenant;

 

sixièmement, l'harmonisation des peines; et

 

finalement, la Cour prendra en compte les circonstances atténuantes et aggravantes liées à la situation du contrevenant et à la perpétration des infractions.

 

[9]                    Dans la présente cause, la protection de la société sera atteinte par une sentence qui mettra l'emphase principalement sur la dissuasion collective, la punition et la dénonciation du contrevenant, ainsi que la réhabilitation de l'ex-soldat Bordeleau. Dans les circonstances de la présente cause, il n'est pas impératif que la sentence mette l'emphase sur la dissuasion individuelle puisque l'accusé a été libéré des Forces canadiennes et que les chances de récidive sont extrêmement minces, voire inexistantes.

 

[10]                  En considérant quelle sentence serait appropriée, la Cour a pris en considération les facteurs aggravants et les facteurs atténuants suivants. Et je commencerai par les facteurs qui aggravent la sentence. La Cour considère comme aggravants les facteurs suivants :

 

1.     La nature de l'infraction et la peine prévue par le législateur. L'article 129 de la Loi sur la défense nationale prévoit comme peine maximale la destitution ignominieuse du service de Sa Majesté. Il s'agit d'une infraction objectivement sérieuse.

 

2.     Le degré de sophistication, de préparation et de préméditation démontré dans la commission des infractions. Même si les motivations qui ont poussé l'accusé à se présenter lors d'une parade avec l'insigne de parachutisme et la médaille de l'OTAN auxquels il n'avait pas droit sont nébuleuses, l'ex-soldat Bordeleau a pris soin de se les procurer lui-même à la garnison de Valcartier. Par la suite, il a cousu les ailes de parachutisme sur son uniforme. Même si le certificat résulte d'une erreur de jugement qui n'avait pas été planifié de longue haleine, il a néanmoins été obtenu pour cacher sa supercherie en réponse aux questionnements de ses supérieurs à son endroit. Rien ne l'empêchait de cesser cette mascarade immédiatement ou durant la semaine située entre le 13 et le 20 janvier 2004. Au contraire, il en a profité pour recourir aux services d'un ami infographiste pour s'enliser dans son mensonge. Le comportement de l'ex-soldat Bordeleau n'était pas le reflet d'actions ponctuelles et subites. Bref, les actes reprochés s'inscrivent dans une séquence de gestes planifiés et destinés à faire croire ou à perpétuer, auprès de ses pairs, qu'il était un porteur légitime de cet insigne et de cette décoration.

 

3.     Le fait que vos actes démontre un manque d'intégrité à l'égard de l'institution militaire, mais aussi une absence de respect à l'égard des principes qui gouvernent l'octroi des décorations et des insignes et la banalisation des dits principes. Il faut préciser que Sa Majesté la reine du Canada a approuvé la création de la Médaille du Service Spécial afin de récompenser les membres des Forces canadiennes qui ont servi dans des circonstances exceptionnelles, dans un endroit précis et pendant une période déterminée. Quant à lui, l'insigne de parachutiste des Forces canadiennes peut être attribué à un membre de la Force régulière ou de la réserve qui a terminé avec succès un programme d'instruction officiel ou un cours de qualification des Forces canadiennes à l'intention des parachutistes. L'importance du respect que l'on doit accorder aux insignes et décorations militaires est cruciale dans le contexte d'une force armée. Les insignes et décorations militaires contribuent à promouvoir certaines des qualités essentielles à la vie militaire, notamment l'excellence, le sentiment d'appartenance, le dévouement et le courage. Elles représentent souvent l'atteinte d'un but ou d'une mission et elles témoignent de la reconnaissance par l'institution militaire ou par le Souverain envers un militaire ou un groupe de militaires. S'approprier sans droit des insignes ou des décorations viole impunément le caractère quasi-sacré qu'ils représentent.

 

Quant aux facteurs atténuants, la Cour retient les éléments suivants :

 

1.     Vos aveux de culpabilité devant cette cour et le fait que vous avez évité jusqu'à un certain point un long procès et la venue de nombreux témoins.

 

2.     Le fait que les autorités de votre unité n'ont pas respecté certaines procédures lors du processus disciplinaire et les délais encourus depuis la commission des infractions. Il ne fait aucun doute que les autorités militaires de votre unité avaient l'obligation de nommer un officier désigné dès que possible après que les accusations initiales furent portées le 12 janvier 2004. Le témoignage du capitaine Duchesne confirme également que la seule raison du transfert de votre dossier à l'autorité de renvoi se fondait sur la croyance des autorités militaires de votre unité qu'il n'y avait pas suffisamment de temps pour tenir un procès sommaire ou du moins vous donner le choix d'être jugé par cour martiale. Cette situation vous a certes pris par surprise puisqu'il semble, selon votre témoignage, que vous vouliez être jugé par voie sommaire. L'analyse des faits mis en preuve permet de conclure qu'il est vrai qu'il y aurait eu suffisamment de temps pour procéder sommairement à l'égard de l'infraction qui fait l'objet du quatrième chef d'accusation. Toutefois, cela n'était pas le cas pour les infractions qui font l'objet des deux premiers chefs d'accusation. En effet, même si les autorités de l'unité avaient respecté la procédure à la lettre, y compris l'obligation de nommer un officier désigné, les accusations qui font l'objet du premier et deuxième chef d'accusation n'auraient pas pu être jugées sommairement selon les faits de cette cause et l'application du paragraphe 27(2) de la Loi d'interprétation n'est d'aucune utilité. L'alinéa 69 b) de la Loi sur la défense nationale prescrit :

 

69. Toute personne qui était justiciable du code de discipline militaire au moment où elle aurait commis une infraction d'ordre militaire peut être accusée, poursuivie et jugée pour cette infraction sous le régime de ce code, compte tenu des restrictions suivantes :

 

b) nul ne peut être jugé sommairement à moins que le procès sommaire ne commence dans l'année qui suit le prétendue perpétration de l'infraction.

 

Dans ces circonstances, lesdites infractions ne pouvaient être jugées sommairement à moins que le procès sommaire débute avant le 13 janvier 2005. Cela n'aurait pas été possible aux termes de l'alinéa 108.17(2) des ORFC puisqu'il prévoit que si l'accusé a le droit d'être jugé devant une cour martiale, l'officier qui exerce sa compétence de juger sommairement l'accusé doit, avant de débuter le procès sommaire, faire informer l'accusé de ce droit et lui accorder un délai raisonnable qui est dans tous les cas d'au moins 24 heures. Bref, les actes des autorités de l'unité à partir du 12 janvier 2005 ne sont pas décisifs pour expliquer le fait que l'ex-soldat Bordeleau n'a pu être jugé sommairement. Cette question doit être examinée dans une perspective plus globale. Force est de reconnaître que les faits entourant cette cause sont peu complexes et ne justifient pas qu'une telle affaire n'ait pu être réglée beaucoup plus rapidement, et ce même s'il s'agit d'une unité de la Force de réserve. Un tel délai n'est tout simplement pas acceptable dans les circonstances. La Cour est convaincue que l'ensemble des intervenants auraient pu agir avec beaucoup plus de célérité.

 

3.     La Cour considère également comme atténuant votre âge ainsi que votre situation sociale et financière. Celle-ci n'est certes pas reluisante, mais elle n'est pas différente d'un bon nombre d'étudiants universitaires qui décident de se consacrer à leurs études à plein temps. La sentence que cette cour va vous imposer ne doit pas freiner injustement les démarches sérieuses d'un jeune adulte intelligent qui décide de poursuive des études, qui semble bien réussir et qui a de toute évidence un bel avenir devant lui. La preuve devant cette cour démontre que vous êtes un jeune homme particulièrement intelligent, confiant en ses moyens et dévoué à la tâche. Les erreurs qui vous ont conduit devant cette cour sont malheureusement attribuables à l'orgueil et à la peur de perdre la face devant vos pairs et vos supérieurs. J'ose espérer que vous aurez appris de vos erreurs de jugement et que vous comprendrez dorénavant que l'humilité est bien meilleure conseillère.

 

4.     Finalement, la Cour constate que vous n'aviez, avant la commission de ces infractions, aucun antécédent disciplinaire ou judiciaire. Il faut reconnaître que ce ne sera plus le cas. La possibilité que cette condamnation ait des répercussions négatives sur vos perspectives d'emploi ou autres est bien réelle. La Cour est tenue de la prendre en compte. Force est de constater que vous en êtes toutefois le seul responsable de cette situation. Il ne faut pas par ailleurs tomber dans la démesure et exagérer outrageusement les conséquences que ces condamnations auront sur vous à la lumière de la nature des infractions et des circonstances de leurs perpétrations.

 

[11]                  En ce qui a trait à la sentence proprement dite, la Cour rejette d'emblée la proposition de la défense d'infliger une peine mineure sous la forme d'un avertissement. D'une part, les gestes de l'accusé sont trop sérieux et, d'autre part, une telle peine banaliserait le comportement reproché au rang d'un béret laissé dans une automobile. Une telle sentence ne servirait pas l'intérêt de la justice militaire et nuirait à l'objectif du maintien de la discipline.

 

[12]                  La proposition visant à ne pas imposer une sentence supérieure à celle qu'aurait pu imposer un officier délégué mérite toutefois que l'on s'y attarde en raison des circonstances de cette cause. Même si l'analyse des faits ne permet pas de conclure de manière raisonnable que l'accusé aurait été inévitablement jugé sommairement par un officier délégué, la Cour reconnaît que ce dossier n'aurait pas fait l'objet d'un renvoi en cour martiale en temps normal, et ce à la lumière du témoignage du capitaine Duchesne et cet élément est important dans la détermination d'une sentence juste dans cette affaire.

 

[13]                  L'avocat de la défense a soumis à la cour que l'alinéa 11 i) de la Charte canadienne des droits et libertés ne permet pas à cette cour d'imposer une sentence supérieure à celle que l'accusé aurait pu avoir s'il avait été jugé par procès sommaire, plus spécifiquement par un procès sommaire devant un officier délégué, parce que le barème des sentences disponibles a été modifié par le renvoi du dossier de l'ex-soldat Bordeleau en cour martiale. L'accusé aurait donc droit, selon cet argument, à la peine la moins sévère.

 

[14]                  Cet argument n'est pas fondé en droit. L'article 129 de la Loi sur la défense nationale n'a pas été modifié. Le droit garanti par la Charte se rapporte strictement à l'infraction dont l'inculpé est reconnu coupable. L'alinéa 11 i) vise à insérer dans la Constitution certaines dispositions des lois d'interprétation qui accordent à un accusé le droit de bénéficier de la peine la moins sévère si des modifications législatives surviennent pendant qu'il a fait l'objet d'une poursuite judiciaire. Il est vrai que le simple fait d'être jugé par cour martiale permanente, plutôt que par voie sommaire, expose l'accusé à des peines plus sévères. Cela n'entre toutefois pas dans le cadre d'application de l'alinéa 11 i) de la Charte. D'ailleurs, le législateur serait certainement surpris de voir cet alinéa invoqué lorsqu'aucune modification n'a été apportée à la loi au cours de la poursuite. Cet alinéa ne s'applique pas à une échelle de peines mobile qui varie en fonction du type de procès ou de celui qui le préside.

 

[15]                  Monsieur Bordeleau, veuillez vous lever. Pour ces motifs, la Cour vous impose la sentence qu'elle considère la sentence minimale pour servir les intérêts de la justice et le maintien de la discipline dans les circonstances. Cette Cour vous condamne a une réprimande et une amende de 300 dollars payable en six versements mensuels égaux à compter d'aujourd'hui. L'amende sera payable par chèques certifiés ou mandats bancaires au nom du Receveur général du Canada. J'ordonne au procureur de la poursuite de vous fournir dès la fin de ces procédures les coordonnés exactes afin que vous puissiez vous acquitter de l'amende. Vous pouvez vous asseoir. En ce qui concerne la demande formulée par la défense visant à enjoindre les autorités militaires à s'acquitter de leurs obligations administratives en ce qui a trait à la fiche de conduite de l'accusé, une telle ordonnance est, selon l'avis de la Cour, tout à fait inutile à la lumière de l'article 112.81 des ORFC.

 

 

 

                                                                   LIEUTENANT-COLONEL M. DUTIL, J.M.

 

 

 

Avocats :

 

Major G. Roy, Procureur militaire régional de l'Est

Avocat de la poursuivante

Capitaine de corvette M. Reesink, Directeur du Service des avocats de la défense

Avocat de l'ex-soldat C. Bordeleau

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