Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l’ouverture du procès : 26 mai 2014.

Endroit : BFC Gagetown, édifice F-1, Oromocto (NB).

Chefs d’accusation :
•Chef d’accusation 1 (subsidiaire au chef d’accusation 2) : Art. 130 LDN, avoir commis une fraude (art. 380(1) C. cr.).
•Chef d’accusation 2 (subsidiaire au chef d’accusation 1) : Art. 130 LDN, vol (art. 334 C. cr.).
•Chefs d’accusation 3, 4 : Art. 125a) LDN, a fait volontairement ne fausse déclaration dans un document officiel signé de sa main.

Résultats
•VERDICTS : Chefs d’accusation 1, 3, 4 : Retirés. Chef d’accusation 2 : Coupable.
•SENTENCE : Détention pour une période de 90 jours.

Contenu de la décision

 

COUR MARTIALE

 

Référence : R c. Parent, 2014 CM 2012

 

Date : 20140526

Dossier : 201387

 

Cour martiale permanente

 

Base des Forces canadiennes Gagetown

Oromocto (Nouveau-Brunswick), Canada

 

Entre : 

 

Sa Majesté la Reine

 

- et -

 

Caporal M. Parent, contrevenant

 

 

En présence du Colonel M.R. Gibson, J.M.

 


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DE LA SENTENCE

 

(Prononcés de vive voix)

 

 

[1]         Caporal Parent, ayant accepté et inscrit votre plaidoyer de culpabilité à l’égard du deuxième chef d’accusation, la cour vous déclare à présent coupable de ce chef d’accusation. La cour doit maintenant rendre une sentence juste et appropriée en l’espèce.

 

[2]         Pour ce faire, la cour a tenu compte des principes de la détermination de la peine appliqués par le système de justice militaire et des faits de l’espèce décrits dans le sommaire des circonstances présenté en preuve à titre de pièce 6, ainsi que des observations des avocats du poursuivant et de la défense.

 

[3]               Les faits de l’espèce révélés dans le sommaire des circonstances peuvent être résumés ainsi. Le caporal Parent est un technicien d’armes en poste à la Base des Forces canadiennes (BFC) Gagetown. Il est membre de la force régulière depuis six ans. Il a un enfant avec Mme Isabelle Dostie, soit un fils qui est né en 2006. Au cours de son instruction, le caporal Parent a fourni les formulaires pertinents afin que son statut de célibataire soit remplacé par celui de conjoint de fait avec Mme Dostie, bien qu’ils demeurent en fait séparés et qu’ils ne soient pas engagés dans une union de fait. Le 6 janvier 2009, le caporal Parent a demandé une indemnité d’absence du foyer, malgré le fait qu’il n’était pas effectivement engagé dans une union de fait. Chaque mois, le caporal Parent a continué de demander frauduleusement une indemnité pour restrictions imposées (RI) et des prestations pour absence du foyer en remplissant, en signant et en soumettant la Formule générale de demande d’indemnité (CF 52). Il déclarait sur chaque demande qu’il avait engagé les dépenses réclamées, qu’il avait une personne à charge et qu’il n’y a pas eu de séparation de façon intentionnelle au cours de cours de la période couverte par la demande. Le gouvernement du Canada déposait les sommes demandées dans le compte bancaire du caporal Parent et ce dernier s’est approprié des montants en sachant qu’il n’y avait pas droit en réalité.  

 

[4]   Du 6 janvier 2009 au 17 avril 2012, le caporal Parent a frauduleusement réclamé la somme de 46 773 $ et s’est approprié l’argent qui appartenait au gouvernement du Canada sans apparence de droit.

 

[5]   Sur un montant total de 46 773 $, 1 260 $ ont été récupérés en août 2012 pour deux avances d’indemnité pour RI non réglées. Le caporal Parent n’a pas encore remboursé au gouvernement du Canada le montant restant de 45 513 $.

 

[6]   Au printemps 2012, le coordonnateur des RI à la BFC Gagetown a eu des doutes au sujet du véritable statut du caporal Parent. Le 22 mai 2012, ce dernier a avoué à un collègue puis, le même jour, à son superviseur, le sergent Gagnon, qu’il s’était approprié frauduleusement de sommes auxquelles il n’avait pas droit, en demandant une indemnité pour restrictions imposées (RI) et des prestations pour absence du foyer auxquelles il n’était pas admissible.

 

[7]   Le 23 mai 2012, le caporal Parent s’est rendu volontairement au détachement de la PM de la BFC Gagetown et a avoué au cours d’une entrevue après mise en garde qu’il avait frauduleusement demandé une indemnité pour restrictions imposées (RI) et des prestations pour absence du foyer auxquelles il n’avait pas droit, qu’il n’était pas en union de fait et qu’il s’était approprié des sommes qu’il avait frauduleusement réclamées.

 

[8]   Le caporal Parent a maintenant plaidé coupable aujourd’hui à une accusation de vol de plus de 5 000 $, en contravention de l’article 334 du Code criminel.

 

[9]   Dans le système de justice militaire, la détermination de la peine par les tribunaux militaires, dont font partie les cours martiales, a pour objectifs essentiels de favoriser l’efficacité opérationnelle des Forces canadiennes en contribuant au maintien de la discipline, de la bonne organisation et du moral, et de contribuer au respect de la loi et au maintien d’une société juste, paisible et sûre. En bref, favoriser l’efficacité opérationnelle et rendre justice.

 

[10]           L’atteinte de ces objectifs essentiels se fait par l’infliction de sanctions justes visant un ou plusieurs des objectifs suivants : renforcer le devoir d’obéissance aux ordres légitimes; maintenir la confiance du public dans les Forces canadiennes en tant que force armée disciplinée; dénoncer les comportements illégaux; dissuader les contrevenants et autres personnes de commettre des infractions; favoriser la réinsertion sociale des contrevenants; favoriser la réinsertion des contrevenants dans la vie militaire; isoler, au besoin, les contrevenants des autres officiers et militaires du rang ou de la société en général; assurer la réparation des torts causés aux victimes ou à la collectivité; susciter le sens des responsabilités chez les contrevenants, notamment par la reconnaissance des dommages causés à la victime et à la collectivité.

 

[11]           Le principe fondamental de la détermination de la peine est que la peine doit être proportionnelle à la gravité de l’infraction et au degré de responsabilité du contrevenant.

 

[12]           Parmi les autres principes de détermination de la peine, mentionnons les suivants : l’adaptation de la peine aux circonstances aggravantes et atténuantes; l’harmonisation des peines, c’est-à-dire l’infliction de peines semblables à celles infligées pour des infractions semblables commises dans des circonstances semblables; l’obligation, avant d’envisager la privation de liberté par l’emprisonnement ou la détention, d’examiner la possibilité de sanctions moins contraignantes lorsque les circonstances le justifient; l’infliction de la peine la moins sévère possible qui permette de maintenir la discipline, la bonne organisation et le moral; la prise en compte des conséquences indirectes du verdict de culpabilité ou de la sentence.

 

[13]           Dans l’affaire dont la cour est saisie aujourd’hui, je dois déterminer si les buts et objectifs de la détermination de la peine seraient mieux servis par la dissuasion, la dénonciation, la réinsertion sociale ou une combinaison de ces facteurs.

 

[14]           La cour doit infliger la peine la moins sévère possible qui permette de maintenir la discipline, la bonne organisation et le moral. La discipline, c’est cette qualité que doit posséder chaque membre des Forces canadiennes, celle qui lui permet de faire passer les intérêts du Canada et ceux des Forces canadiennes avant ses intérêts personnels. Elle lui est nécessaire parce qu’il doit obéir promptement et volontiers, sous réserve qu’ils soient légitimes, à des ordres qui peuvent avoir pour lui des conséquences très graves telles que des blessures ou même la mort. La discipline est définie comme une qualité, car, au bout du compte, bien qu’elle représente une conduite que les Forces canadiennes développent et encouragent par l’instruction, l’entraînement et la pratique, c’est une qualité intérieure et l’une des conditions fondamentales de l’efficacité opérationnelle de toute armée. Un des éléments les plus importants de la discipline dans le contexte militaire, c’est l’autodiscipline. Il faut notamment résister à la tentation de faire des demandes frauduleuses de prestations auxquelles on n’a pas droit. Le comportement du caporal Parent démontre que c’est un domaine dans lequel il a eu des faiblesses.

 

[15]           En l’espèce, la cour considère que les facteurs aggravants sont les suivants :

 

a)                  la gravité objective de l’infraction à laquelle le caporal Parent a plaidé coupable. L’infraction de vol d’un montant de plus de 5 000 $ aux termes du Code criminel est passible d’une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à 10 ans;

 

b)                  les actes prémédités et délibérés qui sont nécessaires pour enclencher des demandes frauduleuses. Il ne s’agissait pas d’une infraction commise sur un coup de tête;

 

c)                  la période prolongée pendant laquelle l’infraction a perduré, soit environ 39 mois. Cela veut dire que, à 39 reprises pendant cette période, le caporal Parent a répété son acte frauduleux et a dû confirmer la légitimité de ce qu’il réclamait. À chaque fois, il continué de faire de fausses déclarations et d’agir de façon malhonnête. Il n’a pas saisi les multiples occasions qui se sont présentées, lorsqu’il devait chaque mois réitérer sa demande d’indemnité, pour mettre fin à ses agissements malhonnêtes;

 

d)                 le fait que l’argent a été effectivement volé à son employeur, les Forces canadiennes;

 

e)                  l’importante somme d’argent obtenue de façon malhonnête, soit plus de 46 000 $;

 

f)                   le fait qu’une grande partie, soit plus 45 000 $, de l’argent obtenu de manière frauduleuse n’a pas été restitué et que le caporal Parent n’a pas rendu le fruit de sa malhonnêteté.

 

[16]           En l’espèce, les facteurs atténuants sont les suivants :

 

a)                  d’abord et avant tout, le caporal Parent a plaidé coupable à l’infraction. Il s’agit toujours d’un facteur atténuant important qui indique que le contrevenant a reconnu sa responsabilité;

 

b)                  deuxièmement, le caporal Parent a présenté devant le tribunal ses excuses aux Forces canadiennes et à son unité; par ailleurs le tribunal a été frappé par l’expression authentique du regret de la part de ce dernier d’avoir agi de façon malhonnête et d’avoir commis l’infraction;

 

c)                  troisièmement, l’absence de fiche de conduite ou de toute autre indication de condamnations antérieures;

 

d)                 quatrièmement, l’évaluation positive du rendement au travail du caporal Parent, donnée par son supérieur le sergent Gagnon qui a, par ailleurs, indiqué qu’il appuierait le maintien dans les Forces canadiennes du caporal, qui fera éventuellement l’objet d’un examen administratif. Le sergent Gagnon a déclaré dans son témoignage qu’[traduction] « il croyait possible sa réhabilitation ».

 

[17]           Les principes de détermination de la peine qui, selon la cour, doivent être mis en évidence en l’espèce sont la dénonciation et la dissuasion générale et individuelle. Le fait que le public en général et les autres membres des Forces canadiennes soient convaincus de l’honnêteté, de l’intégrité, de la discipline, de la maturité et du bon jugement des membres des Forces canadiennes est essentiel à l’efficacité de celles-ci dans l’exercice de ses importantes fonctions. En outre, le bon fonctionnement du système complet d’avantages financiers auquel ont accès les membres des Forces canadiennes pour les aider à exécuter leurs tâches et atténuer les difficultés que le service rendu au Canada peut parfois inévitablement susciter repose sur l’intégrité des membres. Une demande de prestations qui repose sur la malhonnêteté peut avoir des répercussions négatives sur les autres membres et nécessiter l’affectation de ressources administratives et autres ressources limitées pour procéder à une enquête. Ce type de vol n’est pas un crime inoffensif que ce soit en droit ou dans ses répercussions réelles sur les autres membres des Forces canadiennes.

 

[18]           Les membres des Forces canadiennes sont à juste titre tenus de respecter des normes très élevées. Le comportement du caporal Parent constitue une dérogation importante à ces normes. Il doit être plus particulièrement dissuadé de commettre de nouveau ces actes frauduleux, et les autres membres des Forces canadiennes doivent aussi comprendre que de tels actes ne sont tout simplement pas tolérables et qu’ils doivent être aussi dissuadés de les commettre.

 

[19]           Dans les circonstances de l’espèce, la cour estime qu’une peine privative de liberté est justifiée et qu’il s’agit d’une peine plus clémente qui est compatible avec le maintien de la discipline, de l’efficacité et du moral des troupes, et qui répond au principe de la parité. La question devient alors, quel type de peine privative de liberté : emprisonnement ou détention?

 

[20]           La poursuite et la défense ont formulé une recommandation conjointe au sujet de la sentence, soit 90 jours de détention.

 

[21]           Lorsqu’il y a une recommandation conjointe, la question que la cour doit se poser n’est pas de savoir si la peine proposée est celle que la cour aurait infligée si elle n’avait pas reçu de recommandation conjointe. La cour doit se demander s’il y a des motifs impérieux d’aller à l’encontre de cette recommandation conjointe; c’est-à-dire si la peine est inappropriée, déraisonnable, de nature à déconsidérer l’administration de la justice ou contraire à l’intérêt public.

 

[22]           J’ai passé soigneusement en revue tous les cas qui m’ont été soumis par les avocats et qui peuvent servir de précédents en matière de détermination de la peine. Les observations des avocats en l’espèce se situent dans la ligne de tels précédents.

 

[23]           La cour est également consciente, cependant, qu’il existe des précédents quant aux peines infligées à des types d’infraction du même genre qui ont fait l’objet d’une peine d’emprisonnement.

 

[24]           Cependant, caporal Parent, vous êtes encore jeune et vous semblez être une personne en mesure de tirer des leçons de ce triste épisode de votre vie. La cour a été impressionnée par le témoignage du sergent Gagnon à votre égard. Bien que les faits de la présente affaire, selon la cour, justifient une peine privative de liberté pour tenir compte des impératifs liés à la dissuasion et à la dénonciation, j’estime également qu’ils justifient l’imposition d’une peine qui favorisera votre réinsertion sociale et laisse ouverte la possibilité de votre réintégration dans les Forces canadiennes, si cela doit faire finalement l’objet d’une évaluation par les autorités militaires responsables.

 

[25]           La cour estime que la peine proposée n’est pas inappropriée, déraisonnable, de nature à déconsidérer l’administration de la justice ou contraire à l’intérêt public. Par conséquent, la cour va accepter la recommandation conjointe des avocats de la poursuite et de la défense en ce qui a trait à la sentence.

 

POUR CES MOTIFS, LA COUR :

 

[26]           vous DÉCLARE coupable du deuxième chef d’accusation inscrit sur la fiche de conduite. Les premier, troisième et quatrième chefs d’accusation ont été retirés par la poursuite.

 

[27]           vous CONDAMNE à  une peine de détention de 90 jours. Cette sentence a été prononcée à 14 h 45, le 26 mai 2014.

 


 

Avocats :

 

Major K. Lacharité, Service canadien des poursuites militaires

Procureur de Sa Majesté la Reine

 

Capitaine de corvette B. Walden, Service d’avocats de la défense

Avocat du caporal Parent

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