Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l’ouverture du procès : 13 juin 2006.

Endroit : Garnison Valcartier, édifice 534, l’Académie, Courcelette (QC).


Chefs d’accusation

• Chef d’accusation 1 : Art. 88 LDN, a déserté.
• Chef d’accusation 2 : Art. 90 LDN, s’est absenté sans permission.

Résultats

• VERDICTS : Chef d’accusation 1 : Coupable. Chef d’accusation 2 : Retiré.
• SENTENCE : Emprisonnement pour une période de 15 jours et une amende au montant de 1000$.

Contenu de la décision

Citation : R. c. ex-Soldat B. Talbot, 2006 CM 26

 

Dossier : S200626

 

 

COUR MARTIALE PERMANENTE

CANADA

QUÉBEC

UNITÉ DE SOUTIEN DE SECTEUR VALCARTIER

 

Date : 13 juin 2006

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DU COLONEL M. DUTIL, J.M.C.

 

SA MAJESTÉ LA REINE

c.

EX-SOLDAT B. TALBOT

(Contrevenant)

 

SENTENCE

(Rendue oralement)

 

 

[1]                    La cour ayant accepté et enregistré votre plaidoyer de culpabilité au premier chef d'accusation, soit désertion aux termes de l'article 88 de la Loi sur la défense nationale, elle vous trouve coupable de ce premier chef d'accusation.

 

[2]                    Les procureurs en présence ont présenté à la cour une soumission commune relativement à la sentence que cette cour devrait infliger. Les procureurs recommandent à la cour d'infliger une peine d'emprisonnement de 15 jours assortie d'une amende de 1000 dollars payable en 10 versements égaux. Malgré une telle soumission commune, il faut bien comprendre que l'obligation d'en arriver à une sentence adéquate incombe au tribunal qui a le droit de rejeter la proposition commune des avocats. Il est toutefois de jurisprudence constante que seuls des motifs incontournables peuvent permettre au tribunal de s'en écarter et ce n'est pas l'intention de la cour de la faire aujourd'hui. Donc, le juge devrait accepter la soumission commune des avocats à moins qu'elle ne soit jugée inadéquate ou déraisonnable, contraire à l'ordre publique ou qu'elle déconsidérerait l'administration de la justice, par exemple si elle tombe à l'extérieur du spectre des sentences qui auraient été précédemment infligées pour des infractions semblables. En contrepartie, les avocats sont tenus d'exposer au juge tous les faits à l'appui de cette proposition commune.

 


[3]                    Aux fins de la détermination de la sentence, la cour a pris en compte, entre autres facteurs, l'ensemble des circonstances entourant la commission de l'infraction pour laquelle vous avez reconnu votre culpabilité telle que révélée au sommaire des circonstances dont vous avez accepté formellement la véracité. La cour a pris en compte également l'ensemble de la preuve présentée lors de la partie de l'audition relative à la détermination de la sentence. La cour a examiné cette preuve en fonction des principes applicables en matière de détermination de la peine, y compris les objectifs et les principes contenus aux articles 718, 718.1 et 718.2 du Code criminel lorsqu'ils ne sont pas incompatibles avec, d'une part, les exigences impératives pour garantir le maintien d'une force armée disciplinée, opérationnelle et efficace; et d'autre part, lorsqu'ils ne sont pas incompatibles avec le régime de détermination de la sentence aux termes de la Loi sur la défense nationale. La cour a finalement pris en compte les plaidoiries des avocats et la jurisprudence qu'ils ont soumise.

 

[4]                    Lorsqu'il s'agit de donner une sentence appropriée à un accusé pour les fautes qu'il a commises et à l'égard des infractions dont il est coupable, il est impératif que la sentence constitue l'intervention minimale requise après l'analyse des objectifs visés à la lumière des principes applicables en matière de détermination de la sentence. Force est de constater que ces objectifs et ces principes varient légèrement d'un cas à l'autre, mais l'importance attribuée à chacun doit être adaptée aux circonstances de l'affaire. Pour contribuer à l'un des objectifs essentiels de la discipline militaire, soit le maintien d'une force armée professionnelle disciplinée, opérationnelle et efficace, ces objectifs et ces principes peuvent s'énoncer comme suit :

 

premièrement, la protection du public et le public ici les Forces canadiennes;

 

deuxièmement, la punition et la dénonciation du contrevenant;

 

troisièmement, la dissuasion du contrevenant, et quiconque, de commettre les mêmes infractions;

 

quatrièmement, isoler le délinquant, le cas échéant, de la société y compris les membres des Forces canadiennes;

 

cinquièmement, la réhabilitation et la réforme du contrevenant;

 

sixièmement, la proportionnalité à la gravité des infractions et le degré de responsabilité du contrevenant;

 

septièmement, l'harmonisation des peines;

 


huitièmement, le recours à une peine privative de liberté seulement lorsque la cour est satisfaite qu'il s'agit de la peine de dernier ressort; et

 

finalement, la cour prendra en compte les circonstances aggravantes liées à la situation du contrevenant et liées à la perpétration des infractions ainsi que les circonstances atténuantes au même effet.

 

Même s'il existe peu de cas de désertion, il semble que les cours martiales ont eu recours à une peine privative de liberté dans les cas d'absence sans permission qui peuvent soutenir une certaine comparaison avec un cas de désertion de la nature et de l'ampleur de celui qui fait l'objet de la présente cour martiale. Le recours à une telle peine constitue très souvent, comme c'est le cas ici, la peine minimale qui permettra d'assurer la protection du public et l'intégrité du système militaire contre l'abandon inopiné de ses membres pour se soustraire à leur devoir à la suite de leur enrôlement volontaire. L'incarcération permet de mettre l'emphase sur les principes de dissuasion générale ainsi que la dénonciation du geste reproché qui sont les objectifs principaux qui doivent être mis de l'avant dans un tel contexte.

 

[5]                    En considérant quelle sentence serait appropriée, la cour a pris en considération les facteurs aggravants et les facteurs atténuants suivants. Et je commencerai par les facteurs qui aggravent la peine. La cour considère comme aggravants :

 

Premièrement, la nature de l'infraction de désertion. Il s'agit d'une infraction très sérieuse dans le contexte de la discipline militaire peu importe qu'il s'agisse d'un cas visé par l'emprisonnement à perpétuité ou celui passible d'un emprisonnement maximal de cinq ans.

 

Deuxièmement, le fait que vous saviez pertinemment ce que vous faisiez en désertant et que vous connaissiez les conséquences qui découleraient de votre désertion.

 

Troisièmement, le fait que vous avez tout simplement abdiqué vos responsabilités et vos obligations militaires auxquelles vous vous étiez engagé en vous enrôlant volontairement au sein des Forces canadiennes.

 


[6]                    Quant aux facteurs atténuants, ils sont peu nombreux. La cour retient le fait que vous ayez reconnu votre culpabilité et que vous n'aviez pas de fiche de conduite au moment de la commission de l'infraction. Le cour retient également votre jeune âge et le délai écoulé depuis que les accusations furent portées contre vous. Votre procureur a fait état que vous vouliez faire amende honorable en plaidant coupable devant cette cour. Force est de reconnaître que cet aveu de culpabilité s'inscrit plutôt dans une tentative de ré-enrôlement au sein des Forces canadiennes. Je laisse le soin aux autorités des Forces canadiennes en matière de recrutement de juger si vous êtes du genre d'individus qu'ils recherchent pour représenter le Canada ici et à l'étranger.

 

[7]                    En conséquence, la cour accepte la soumission commune des procureurs qu'elle considère être la sentence minimale pour assurer la protection du public et le maintien de la discipline et elle vous condamne à l'emprisonnement pour une période de 15 jours assortie d'une amende de 1000 dollars payable en 10 versements égaux.

 

[8]                    Monsieur le Procureur de la poursuite, veuillez informer l'avocat de la défense, et ce dans les plus brefs délais, des coordonnées complètes où le contrevenant pourra s'acquitter de l'amende imposée par la cour que ce soit par mandats-poste ou par chèques certifiés.

 

[9]                    La sentence a été prononcée à 12 h 45 le 13 juin 2006.

 

 

 

                                                                                            COLONEL M. DUTIL J.M.C.

 

Avocats :

 

Major J. Caron, Procureur militaire régional, Région de l'est

Avocat de la poursuivante

Capitaine de corvette J.C.P. Lévesque, Directeur du service d'avocats de la défense

Avocat de l'ex-soldat B. Talbot

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