Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l’ouverture du procès : 30 mai 2005.
Endroit : Garnison Valcartier, Édifice 534, l’Académie, Courcelette (QC).
Chefs d’accusation:
• Chef d’accusation 1 (subsidiaire au chef d’accusation 2) : Art. 83 LDN, a désobéi à un ordre d’un supérieur.
• Chef d’accusation 2 (subsidiaire au chef d’accusation 1) : Art. 129 LDN, comportement préjudiciable au bon ordre et à la discipline.
• Chef d’accusation 3 : Art. 97 LDN, ivresse.
Résultats:
• VERDICTS : Chefs d’accusation 1, 2 : Retirés. Chef d’accusation 3 : Coupable.
• SENTENCE : Une amende au montant de 900$.

Contenu de la décision

Citation : R. C. Caporal-chef J.R.F. Bourgouin, 2005 CM 18

 

Dossier : S200518

 

 

COUR MARTIALE PERMANENTE

CANADA

QUÉBEC

UNITÉ DE SOUTIEN DE SECTEUR VALCARTIER

 

 

Date : 30 mai 2005

 

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DU LIEUTENANT-COLONEL M. DUTIL, J.M.

 

 

SA MAJESTÉ LA REINE

c.

CAPORAL-CHEF J.R.F. BOURGOUIN

(Accusé)

 

 

SENTENCE

(Rendue oralement)

 

 

[1]                    Caporal-chef Bourgouin, la Cour ayant accepté et enregistré votre aveu de culpabilité au troisième chef d'accusation, la Cour vous trouve maintenant coupable de ce troisième chef d'accusation.

 

[2]                    La Cour suprême du Canada a reconnu dans l'arrêt R. c. Généreux,

[1992] 1 R.C.S., 259, que pour que les Forces armées soient prêtes à intervenir, les autorités militaires doivent être en mesure de faire respecter la discipline interne de manière efficace.

 

[3]                    La Cour suprême a souligné que dans le contexte particulier de la disci-


pline militaire, les manquements à la discipline doivent être réprimés promptement et, dans bien des cas, punis plus durement que si les mêmes actes avaient été accomplis par un civil. Ces directives de la Cour suprême ne permettent toutefois pas à un tribunal militaire d'imposer une sentence composée d'une ou plusieurs peines qui seraient au-delà de ce qui est requis dans les circonstances de l'affaire. En d'autres mots, toute peine infligée par un tribunal, qu'il soit civil ou militaire, doit toujours représenter l'interventi­on minimale requise.

 

[4]                    Aux fins de la détermination de la sentence, la Cour a pris en compte,

entre autres facteurs, l'ensemble des circonstances entourant la commission de l'infraction pour laquelle vous avez reconnu votre culpabilité telle que révélée au sommaire des circonstances dont vous avez accepté formellement la véracité. La Cour a pris en compte également l'ensemble de la preuve présentée lors de partie de l'audition relative à la détermination de la sentence, soit la preuve documentaire qui fait l'objet des pièces 3 à 6. La Cour a examiné cette preuve en fonction des principes applicables en matière de détermination de la peine et les exigences impératives pour garantir le maintien d'une force armée disciplinée, opérationnelle et efficace. La Cour a finalement pris en compte les plaidoiries des avocats et la jurisprudence dont ils ont fait référence.

 

[5]                    Lorsqu'il s'agit de donner une sentence appropriée à un accusé pour les

fautes qu'il a commises et à l'égard des infractions dont il est coupable, certains objectifs sont visés à la lumière des principes applicables quoiqu'ils varient légèrement d'un cas à l'autre. L'importance qui leur est attribuée doit toutefois être adaptée aux circonstances d'une affaire. Pour contribuer à l'un des objectifs essentiels de la discipline militaire, soit le maintien d'une force armée professionnelle et disciplinée, opérationnelle et efficace dans le cadre d'une société libre et démocratique, ces objectifs et ces principes peuvent s'énoncer comme suit :

 

premièrement, la protection du public et le public inclut ici les Forces canadiennes;

 

deuxièmement, la punition et la dénonciation du contrevenant;

 

troisièmement, la dissuasion du contrevenant et quiconque de commettre les mêmes infractions;

 

quatrièmement, la réhabilitation et la réforme du contrevenant;

 

cinquièmement, la proportionnalité à la gravité des infractions et le degré de responsabilité du contrevenant;

 

sixièmement, l'harmonisation des peines; et

 

finalement, la Cour prendra en compte les circonstances aggravantes et atténuantes qui sont liées aux circonstances d'une affaire et qui sont également liées à la situation du contrevenant.


[6]                    Dans la présente cause, les parties s'entendent pour recommander une sentence qui mettra l'emphase sur la dissuasion individuelle. Le procureur de la poursuite soumet également, dans une moindre mesure, que la protection du public sera atteinte par une sentence qui mettra l'emphase sur la punition et la dénonciation du contrevenant. La Cour accepte cette proposition et elle croit que les circonstances de cette cause favorise également l'imposition d'une sentence qui mettra une certaine emphase sur la dissuasion générale.

 

[7]                    En considérant quelle sentence serait appropriée, la Cour a pris en

considération les facteurs aggravants et les facteurs atténuants suivants. Et je commencerai par les facteurs qui aggravent la peine. La Cour considère comme aggravant :

 

Premièrement, la nature de l'infraction et la peine prévue par le législateur. Évidemment, dans le cas du troisième chef d'accusation, l'infraction d'ivresse aux termes de l'article 97 de la Loi sur la défense nationale, est punissable dans le contexte de cette cause d'un emprisonnement maximale de 90 jours.

 


Deuxièmement, les circonstances révélées par le sommaire des circonstances dont vous avez accepté la véracité. D'entrée de jeu, il faut préciser qu'un tribunal impose une sentence à un contrevenant pour les infractions dont il a été trouvé coupable ou pour lesquelles il a reconnu, comme en l'espèce, sa culpabilité. Le tribunal ne peut ni ne doit imposer une sentence pour les infractions dont l'accusé aurait pu être accusé ou trouvé coupable ou pour lesquelles il a été accusé, mais qui ont fait l'objet d'un retrait par la poursuite. Les circonstances de cette affaire mettent en lumière que durant la fête à laquelle vous assistiez le 28 mai 2004 vous avez consommé de l'alcool de manière excessive au point où votre comportement général était répréhensible. D'ailleurs, lors des présentations qui se sont déroulées après le souper, vous sembliez être dans un état d'ébriété avancé. C'est alors que vous avez formulé des commentaires inappropriés, vulgaires et très sarcastiques à haute voix. Il semble également que plus la soirée avançait, plus votre voix augmentait. La preuve devant cette cour est à l'effet que vous vous êtes montré agressif envers vos supérieurs et envers certaines autres personnes qui essayaient de vous convaincre de ne pas conduire votre véhicule en raison de votre ivresse. Il semble que votre état d'ivresse vous empêchait de bien comprendre que ces gens vous voulait du bien et non le contraire. Il est à noter que des policiers militaires vous ont même fait passer plusieurs tests avec un appareil de détection approuvé durant la soirée et qu'ils ont formulé l'opinion que vous n'étiez pas en mesure de conduire votre véhicule. Là encore, vous avez continué d'être agressif et d'ignorer les gens qui essayaient de vous aider à ne pas mettre votre vie et celle des autres en danger en conduisant votre véhicule. La Cour ne peut toutefois tirer d'inférence de la preuve qui lui a été soumise relativement aux taux d'alcoolémie que vous auriez pu avoir quand vous avez conduit votre véhicule pour vous rendre chez vous, ni que vous avez mis ou pu mettre la sécurité d'autrui en danger lorsque vous avez conduit ledit véhicule. Il s'agit de conclusions qui sont très attrayantes, mais la Cour partage l'opinion émise par votre avocat que la Cour ne dispose pas de la preuve nécessaire pour accepter comme faits prouvés devant la cour de telles conclusions sur la foi du sommaire des circonstances qui a été lu par le procureur de la poursuite. Or, la Cour est satisfaite que vous avez conduit votre véhicule malgré les inquiétudes qui vous avaient été formulées et que vous avez ignoré toutes les alternatives qui vous avaient été offertes pour rentrer chez vous alors que vous avez admis aujourd'hui en ces lieux que vous étiez ivre durant la soirée du 28 mai 2004. Comme erreur de jugement, à défaut de preuve d'acte criminel et d'accusation le cas échéan­t, il s'agit d'une erreur très sérieuse.

 

Troisièmement, le fait que vous êtes un homme d'âge mur et un militaire du rang qui comptait plus 15 ans d'expérience dans la force régulière au moment de la commission des infractions. La Cour est profondément convaincue que vous auriez dû faire preuve d'une plus grande maturité et d'un meilleur jugement. Il semble qu'une promotion vous attend, mais je retiens également des propos du procureur de la poursuite que la sentence que cette cour va vous imposer pourrait avoir un effet sur ladite promotion. Ce serait une erreur que de se fier uniquement à la sentence, car les circonstances de l'affaire sont beaucoup plus pertinentes dans une affaire comme celle-ci parce qu'elles permettent d'évaluer des facteurs comme le jugement, la maturité et le respect dont font preuve les personnes aptes à être promues. Sur cette question, la Cour veut simplement préciser que la sentence qu'elle s'apprête à vous imposer ne devrait pas être indicative du sort qui devrait être réservé à votre promotion future. Il incombe aux autorités compétentes d'évaluer quel impact devrait avoir les faits qui entourent cette affaire sur une éventuelle promotion.

 

Quant aux facteurs atténuants, la Cour retient les éléments suivants :

 

Premièrement, votre aveu de culpabilité devant cette cour. En plaidant coupable, vous avez évité la présence de nombreux témoins et la tenue d'un long procès.


Deuxièmement, vos états de service exemplaires. Vous avez été jusque là un militaire qui a su démontrer un courage, un dévouement exemplaire dont la conduite a été irréprochable. La Cour considère que votre comportement constitue une malheureuse, quoique très sérieuse, erreur de jugement.

 

[8]                    Pour ces raisons, la Cour vous condamne à une amende au montant de

900 dollars payable en trois versements mensuels égaux de 300 dollars.

 

[9]                    Faites sortir le caporal-chef Bourgouin.

 

[10]                  Les procédures de cette cour martiale permanente relativement au

caporal-chef Bourgouin sont maintenant terminées. Je vous remercie.

 

 

 

 

                                                                    LIEUTENANT-COLONEL M. DUTIL, J.M.

 

Avocats :

 

Major G. Roy, Procureur militaire régional, Région de l'est

Avocat de la poursuivante

Major L. Boutin, la direction du service d'avocats de la défense

Avocat du caporal-chef J.R.F. Bourgouin

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