Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l’ouverture du procès : 30 janvier 2013.

Endroit : Centre Asticou, bloc 2600, pièce 2601, salle d’audience, 241 boulevard de la Cité-des-Jeunes, Gatineau (QC).

Chefs d’accusation
•Chefs d’accusation 1, 2, 3 : Al. 125a) LDN, a fait volontairement une fausse inscription dans un document officiel établit par lui.
•Chef d’accusation 4 : Art. 129 LDN, acte préjudiciable au bon ordre et à la discipline.

Résultats
•VERDICTS : Chefs d’accusation 1, 2, 3 : Retirés. Chef d’accusation 4 : Coupable.
•SENTENCE : Une réprimande et une amende au montant de 1500 $.

Contenu de la décision

COUR MARTIALE

Référence : R c Cook, 2013 CM 3005

Date : 20130130

Dossier : 201226

Cour martiale permanente

Centre Asticou

Gatineau (Québec) Canada

Entre :

Sa Majesté la Reine

- et -

Maître de 2e classe A.S. Cook, contrevenant

Devant : Lieutenant-colonel L.-V. d'Auteuil, J.M.


TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE

MOTIFS DE LA SENTENCE

(Prononcés de vive voix)

[1]               Maître de 2e classe Cook, après avoir accepté et inscrit un plaidoyer de culpabilité relativement au quatrième chef d'accusation figurant sur l'acte d'accusation, la Cour vous déclare à présent coupable de cette infraction. Comme la poursuite a retiré les premier, deuxième et troisième chefs d'accusation de l'acte d'accusation, la Cour n'a plus d'autre accusation à examiner.

[2]               Il m'incombe maintenant, à titre de juge militaire présidant la présente cour martiale permanente, de déterminer la peine.

[3]               Le système de justice militaire constitue l'ultime recours pour faire respecter la discipline, qui est une dimension essentielle de l'activité militaire dans les Forces canadiennes. Ce système vise à prévenir toute inconduite ou, d'une façon plus positive, à promouvoir la bonne conduite. C'est grâce à la discipline que les forces armées s'assurent que leurs membres rempliront leurs missions avec succès, en toute confiance et fiabilité. Le système assure également le maintien de l'ordre public et veille à ce que les personnes assujetties au Code de discipline militaire soient punies de la même façon que toute autre personne vivant au Canada.

[4]               Il est reconnu depuis longtemps que l'objectif d'un système distinct de justice ou de tribunaux militaires est de permettre aux forces armées de se saisir des questions liées au respect du Code de discipline militaire et au maintien de l'efficacité et du moral au sein des Forces canadiennes, comme l'a établi l'arrêt R c Généreux [1992] 1 RCS 259, à la page 293. Cela étant dit, la peine infligée par un tribunal, qu'il soit militaire ou civil, devrait être l'intervention minimale nécessaire et appropriée dans les circonstances particulières de l'affaire.

[5]               S'agissant de la peine à infliger en l'espèce, le procureur et l'avocat de la défense ont conjointement recommandé que la Cour vous condamne à une réprimande assortie d'une amende de 1 500 $, afin de répondre aux exigences de la justice. Bien que la Cour ne soit pas liée par cette recommandation conjointe, il est généralement reconnu que le juge qui prononce la peine ne devrait s'en écarter que lorsqu'il a des raisons impérieuses de le faire. Ces raisons concernent notamment les cas où la peine est inadéquate, déraisonnable, où elle va à l'encontre de l'intérêt public ou a pour effet de jeter le discrédit sur l'administration de la justice (voir R c Taylor, 2008 CACM 1, au paragraphe 21).

[6]               Comme l'a reconnu la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Généreux, « pour que les Forces armées soient prêtes à intervenir, les autorités militaires doivent être en mesure de faire respecter la discipline interne de manière efficace. » Elle soulignait également que, « dans le contexte particulier de la discipline militaire, les manquements à la discipline devraient être réprimés promptement, et dans bien des cas, punis plus durement que si les mêmes actes avaient été accomplis par un civil ». Or, le droit ne permet pas à un tribunal militaire d'imposer une sentence qui irait au-delà de ce qu'exigent les circonstances de l'affaire. En d'autres mots, toute peine infligée par un tribunal, qu'il soit civil ou militaire, doit être individualisée et représenter l'intervention minimale requise, puisque la modération est le principe fondamental de la théorie moderne de la détermination de la peine au Canada.

[7]               L'objectif fondamental de la détermination de la peine par une cour martiale est d'assurer le respect de la loi et le maintien de la discipline en infligeant des peines qui répondent à au moins l'un des objectifs suivants :

a)                  protéger le public, y compris les Forces canadiennes;

b)                  dénoncer le comportement illégal;

c)                  dissuader le contrevenant, et quiconque, de commettre la même infraction;

d)                 isoler, au besoin, les contrevenants du reste de la société;

e)                  réadapter et réformer les contrevenants.

[8]               Lorsqu'il détermine la peine à infliger, le tribunal militaire doit également tenir compte des principes suivants :

a)                  la peine doit être proportionnelle à la gravité de l'infraction;

b)                  la peine doit être proportionnelle à la responsabilité et aux antécédents du contrevenant;

c)                  la peine doit être semblable aux peines imposées à des contrevenants similaires relativement à des infractions comparables commises dans des circonstances analogues;

d)                 le cas échéant, le contrevenant ne devrait pas être privé de sa liberté, si une peine moins contraignante peut être justifiée dans les circonstances. En bref, la Cour ne devrait avoir recours à une peine d'emprisonnement ou de détention qu'en dernier ressort, comme l'ont reconnu la Cour d'appel de la cour martiale et la Cour suprême du Canada;

e)                  finalement, toute peine qui compose une sentence devrait être adaptée aux circonstances aggravantes ou atténuantes liées à la perpétration des infractions ou à la situation du contrevenant.

[9]               J'en suis arrivé à la conclusion que, eu égard aux circonstances particulières de l'espèce, la peine devrait mettre l'accent sur les objectifs de la dénonciation et de la dissuasion générale et spécifique.

[10]           La Cour a ici affaire à l'infraction militaire d'acte préjudiciable au bon ordre et à la discipline qui consistait en l'occurrence à plonger sans détenir une qualification à jour d'aptitude physique des Forces canadiennes (FC). Il ressort des circonstances entourant cette affaire qui ont été présentées à la Cour que le M 2 Cook a, entre le 6 septembre 2006 et le 4 octobre 2009, plongé à différents endroits sans qualification à jour d'aptitude physique des Forces canadiennes, comme l'exige le Manuel de plongée des Forces canadiennes. Au fond, si je comprends bien les tenants et aboutissants de cette affaire, vous deviez, pour pouvoir plonger, passer votre test EXPRESS FC, ce que vous n'avez pas fait pendant trois ans.

[11]           Je me dois de souligner que ce type d'infraction fait directement intervenir certaines obligations éthiques auxquelles sont soumis les membres des Forces canadiennes, telles que l'intégrité et l'honnêteté. Il est plus qu'essentiel que l'officier ou le militaire du rang se montre en tout temps digne de confiance pour pouvoir accomplir les tâches ou les missions des Forces canadiennes, quels que soient son rôle ou sa fonction, surtout s'il doit plonger.

[12]           Pour en arriver à ce qu'elle croit être une peine juste et appropriée, la Cour a tenu compte des circonstances atténuantes et facteurs aggravants suivants :

a)                  la Cour estime que la gravité objective de l'infraction constitue un facteur aggravant. L'accusation dont vous faites l'objet a été portée en vertu de l'article 129 de la Loi sur la défense nationale et elle est punissable de destitution ignominieuse du service de Sa Majesté ou d'une moindre peine;

b)                  deuxièmement, la gravité subjective de l'infraction qui fait intervenir deux éléments :

(i)                 premièrement, la durée de l'infraction. Il me semble que vous deviez passer votre test EXPRES FC au moins une fois par an, ce que vous n'avez pas fait. En réitérant cette omission trois années de suite, vous avez clairement démontré votre mépris du règlement, alors que cet aspect est particulièrement important dans votre domaine, car il s'agit d'être apte à plonger. Je crois comprendre qu'il ne s'agit pas ici d'un examen médical, mais si le manuel prévoit que vous devez réussir le test EXPRES FC pour vérifier que vous avez la condition physique requise, vous devez vous conformer à cette condition; ce que vous n'avez pas fait pendant une longue période;

(ii)               le second facteur aggravant concerne votre expérience. Entre 2006 et 2009, compte tenu de votre rang, de vos qualifications comme plongeur des Forces canadiennes et de votre poste, vous auriez dû vous montrer plus avisé. Vous connaissiez les conséquences. Imaginez un instant – et je veux que vous y réfléchissiez – que l'un de vos propres plongeurs vienne vous voir et vous dise « je n'ai pas besoin de le faire », comment répondriez-vous s'il vous disait : [traduction] « Je n'ai pas besoin de passer mon test EXPRES FC. » Vous auriez sans soute répondu que c'est une exigence à remplir. Vous vous devez d'être un exemple pour les plongeurs qui vous considèrent comme un leader, et je suis assez certain que vous en êtes conscient, je n'ai donc pas besoin de m'étendre là-dessus. Cela dit, je vois deux facteurs aggravants du point de vue subjectif.

[13]           J'ai également tenu compte des circonstances atténuantes suivantes :

a)                  tout d'abord, votre plaidoyer de culpabilité. Eu égard aux faits présentés en l'espèce, la Cour doit considérer votre aveu de culpabilité comme un signe clair et authentique de remords témoignant de votre désir sincère de demeurer un atout pour les Forces canadiennes. Ce plaidoyer révèle également que vous assumez la pleine responsabilité de vos actes, ce qui est manifeste. Un plaidoyer de culpabilité – les avocats ne se sont pas beaucoup attardés sur ce facteur, mais je peux vous assurer qu'il s'agit d'une circonstance atténuante conséquente. Vous assumez la pleine responsabilité de vos actes; vous reconnaissez que ce que vous avez fait est répréhensible;

b)                  il y a aussi le fait que votre fiche de conduite ne comporte aucune annotation. Rien n'indique que vous ayez déjà commis une semblable infraction, militaire ou criminelle, qu'elle soit liée ou non aux événements survenus;

c)                  par ailleurs, vous avez dû vous présenter devant cette cour martiale, ce qui, j'en suis convaincu, a déjà eu un effet dissuasif sur vous ainsi que sur d'autres. Au fond, vous comparaissez devant certains de vos pairs et d'individus qui appartiennent peut-être à la chaîne de commandement. Votre comparution devant cette cour martiale envoie donc un message clair, pas juste à vous, mais aussi à d'autres : un tel comportement ne peut être accepté dans les Forces canadiennes;

d)                 je dois considérer un élément qui n'a pas été soulevé devant moi, à savoir que vos actes n'ont eu aucune conséquence, c'est-à-dire qu'aucun incident n'est survenu durant cette période, et le fait que vous n'ayez pas passé votre test EXPRES n'a eu aucune répercussion ou issue défavorable. Je dois en tenir compte comme d'une circonstance atténuante;

e)                  qui plus est, si la Cour accepte la suggestion des avocats, cette peine demeurera sur votre fiche de conduite, à moins que vous n'obteniez un pardon relatif au casier judiciaire qui vous est aujourd'hui attribué. Le fait est que votre condamnation entraîne une conséquence non négligeable, mais souvent ignorée, c'est-à-dire que vous aurez désormais un casier judiciaire;

f)                   enfin, je dois tenir compte des retards. Le procureur m'assure, et je le crois, qu'il a tenu compte du retard de l'instruction de cette affaire parmi les facteurs pertinents pour suggérer à la Cour une peine juste et appropriée. L'infraction en cause a été commise entre 2006 et 2009 et vous avez été accusé en mai 2011. Comme il a tenu compte de ce facteur, je n'ai pas posé beaucoup de questions, mais je crois comprendre que la chaîne de commandement n'a pas agi avec diligence. Finalement, l'instruction a été retardée d'au moins un an. L'autre année qui s'est écoulée avant que la cause ne soit entendue par la cour martiale a plus à voir avec le temps qu'il a fallu aux avocats pour se saisir du dossier, fixer une date et traiter l'affaire. Cela a également pris beaucoup de temps. Je ne suis pas là pour blâmer qui que ce soit, mais cette infraction a été commise entre 2006 et 2009 et nous sommes aujourd'hui en 2013. J'imagine que vous avez eu beaucoup de temps pour réfléchir à ce qui s'est passé et probablement retourner à certaines de vos affaires. Je ne sais pas si votre carrière a été mise en suspens pendant cette période, mais il est certain que si vous êtes disposé à plaider coupable, vous voulez aussi tourner la page, et c'est ce que vous faites aujourd'hui. Le fait que l'affaire ait été portée devant moi après un tel délai me semble une circonstance atténuante.

[14]           Par conséquent, la Cour accepte la recommandation conjointe des avocats quant à la peine et vous condamne à une réprimande assortie d'une amende de 1 500 $, attendu que cette peine ne va pas à l'encontre de l'intérêt public et qu'elle n'est pas susceptible de déconsidérer l'administration de la justice.

POUR CES MOTIFS, LA COUR :

[15]           VOUS DÉCLARE coupable du quatrième chef d'accusation sur l'acte d'accusation relativement à l'infraction prévue à l'article 129 de la Loi sur la défense nationale.

[16]           VOUS CONDAMNE à une réprimande assortie d'une amende de 1 500 $, à payer immédiatement.


Avocats :

Capitaine K Lacharité, Service canadien des poursuites militaires

Procureur de Sa Majesté la Reine

Capitaine de corvette B.G. Walden, Direction du service d'avocats de la défense

Avocat du Maître de 2e classe Cook

 

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