Cour martiale
Informations sur la décision
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Date de l’ouverture du procès : 12 avril 2005.
Endroit : Garnison Edmonton, édifice 179, Edmonton (AB).
Chefs d’accusation:
• Chef d’accusation 1 (subsidiaire au chef d’accusation 2) : Art. 130 LDN, possession de pornographie juvénile (art. 163.1(4) C. cr.).
• Chef d’accusation 2 (subsidiaire au chef d’accusation 1) : Art. 130 LDN, accès à la pornographie juvénile (art. 163.1(4.1) C. cr.).
• Chef d’accusation 3 (subsidiaire au chef d’accusation 4) : Art. 130 LDN, possession de pornographie juvénile (art. 163.1(4) C. cr.).
• Chef d’accusation 4 (subsidiaire au chef d’accusation 3) : Art. 130 LDN, accès à la pornographie juvénile (art. 163.1(4.1) C. cr.).
Résultats:
• VERDICTS : Chefs d’accusation 1, 3 : Coupable. Chefs d’accusation 2, 4 : Une suspension d’instance.
• SENTENCE : Emprisonnement pour une période de 10 jours.
Contenu de la décision
Référence : R. c. Ex-soldat Carter, 2005CM21
Dossier n∘ : S200521
COUR MARTIALE PERMANENTE
CANADA
ALBERTA
1er BATAILLON DES SERVICES (EDMONTON)
Date : 10 juin 2005
PRÉSIDENT : COMMANDANT P.J. LAMONT, J.M.
SA MAJESTÉ LA REINE
c.
Ex-soldat CARTER
(accusé)
PEINE
(prononcée oralement)
TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE
[1] Monsieur Carter, après avoir accepté et consigné votre plaidoyer de culpabilité à l’égard des chefs d’accusation numéros 1 et 3 concernant des infractions de possession de pornographie juvénile, le tribunal vous déclare coupable des chefs d’accusation numéros 1 et 3 et ordonne la suspension des procédures relativement aux chefs d’accusation numéros 2 et 4.
[2] Il m’incombe maintenant de déterminer votre peine. Pour ce faire, j’ai pris en compte les principes de la détermination de la peine appliqués par les tribunaux de droit commun au Canada ayant compétence en matière pénale et par les cours martiales. De plus, j’ai pris en compte les faits de cette affaire tels que consignés dans l’Énoncé des circonstances, pièce 6, les éléments de preuve déposés durant les procédures et les plaidoiries des avocats de la poursuite et de la défense.
[3] Les principes de la détermination de la peine guident les tribunaux dans l’exercice de leur pouvoir discrétionnaire pour qu’ils infligent une peine juste et adaptée à chaque cas. En règle générale, la peine doit correspondre à la gravité de l’infraction et au degré de responsabilité du délinquant ainsi qu’à son caractère.
[4] Le tribunal s’inspire des peines infligées par d’autres tribunaux dans des affaires similaires, non parce qu’il applique aveuglément les précédents, mais parce que son sens de la justice veut que les affaires similaires soient jugées de façon similaire. Les décisions rendues précédemment par la Cour d’appel de la cour martiale lient le tribunal et il lui incombe d’appliquer ces décisions à titre de précédents relativement à des questions de droit; cependant, pour déterminer la peine à infliger, le tribunal prend en compte les nombreux facteurs qui distinguent chaque affaire dont il est saisi, tant des circonstances aggravantes susceptibles de justifier une peine plus sévère que des circonstances atténuantes susceptibles de justifier une peine moins sévère.
[5] Les buts et objectifs de la détermination de la peine ont été exprimés de différentes façons dans de nombreuses affaires précédentes. En règle générale, ils concernent la protection de la société, y compris, bien entendu, les Forces canadiennes, en favorisant le maintien d’une collectivité juste, paisible, sûre et respectueuse de la loi.
[6] Fait important, dans le contexte des Forces canadiennes, ces objectifs comprennent le maintien de la discipline, comportement ou obéissance si nécessaires à l’efficacité d’une force armée.
[7] Les buts et objectifs comprennent aussi l’aspect dissuasion afin que le délinquant ne récidive pas et que d’autres ne suivent pas son exemple. La peine vise aussi à assurer la réadaptation du délinquant, à promouvoir son sens de la responsabilité et à dénoncer les comportements illégaux.
[8] Inévitablement, l’un de ces buts et objectifs prévaudra sur les autres au cours du processus de détermination de la peine juste et adaptée à un cas particulier. Pourtant, il incombe au tribunal chargé de déterminer la peine de prendre en compte tous les buts et objectifs; une peine juste et adaptée est une combinaison de tous les buts, adaptée aux circonstances propres à chaque à affaire.
[9] Comme je vous l’ai expliqué lorsque vous avez enregistré votre plaidoyer de culpabilité relativement aux deux chefs d’accusation, l’article 139 de la Loi sur la défense nationale prévoit les différentes sanctions susceptibles d’être infligées par une cour martiale. Ces sanctions sont limitées par les dispositions de la loi créant les infractions et prévoyant les peines maximales et aussi par le champ de compétence susceptible d’être exercé par le présent tribunal. Une seule peine peut être infligée à un délinquant, qu’il soit déclaré coupable d’une infraction ou de plusieurs; cependant, la peine peut comprendre plusieurs sanctions.
[10] Un principe important veut que le tribunal inflige la peine la moins sévère qui permettra de maintenir la discipline.
[11] Pour déterminer une peine dans la présente affaire, j’ai pris en compte les conséquences directes et indirectes de la déclaration de culpabilité à l’égard du délinquant et de la peine que je vais infliger.
[12] Brièvement, les faits dans cette affaire révèlent que le 14 février 2004, les enquêteurs du Service national des enquêtes ont exécuté un mandat de perquisition dans les quartiers du délinquant à la base des Forces canadiennes d’Edmonton et saisi un ordinateur propriété du délinquant ainsi qu’un montage d’images imprimées trouvé dans le coffre de consigne de celui-ci. L’expertise judiciaire du disque dur de l’ordinateur a révélé plusieurs images et deux films que le délinquant avait téléchargé d’Internet entre le 30 décembre 2003 et le 13 février 2004.
[13] L’infraction a été signalée lorsque le camarade de chambre du délinquant a constaté que le délinquant regardait ces documents sur ordinateur et il a fait part de ce fait aux autorités. Plus tard, le délinquant a été interrogé par les enquêteurs et il a collaboré sans réserve avec ceux-ci. Dans le cadre de l’interrogatoire, il a déclaré que depuis la saisie de son ordinateur, il en avait acheté un autre et avait téléchargé du matériel pornographique dans le deuxième ordinateur. Un deuxième mandat de perquisition a été décerné et un deuxième ordinateur a été saisi à l’appartement du délinquant à Edmonton. L’expertise judiciaire du deuxième ordinateur a révélé quelques images de pornographie juvénile.
[14] Les images déposées en preuve dans la présente affaire montrent des enfants pré-adolescents nus des deux sexes. Certaines images montrent simplement des enfants nus, d’autres semblent avoir les organes génitaux comme caractéristique dominante et d’autres encore montrent des enfants se livrant à des activités sexuelles explicites avec d’autres enfants et, dans certains cas, avec ce qui semble être des adultes. Il ne fait aucun doute que la majorité de ces représentations constituent de la pornographie juvénile au sens du Code criminel.
[15] Dans cette affaire, les deux avocats sont d’avis qu’un emprisonnement de sept à dix jours constitue la peine appropriée. Bien entendu, il incombe au tribunal de prononcer la peine, mais lorsque les deux parties s’entendent pour recommander une peine, le tribunal tient compte de cette recommandation. Les cours d’appel du Canada, y compris la Cour d’appel de la cour martiale, ont jugé que le tribunal devrait souscrire à la recommandation conjointe de la poursuite et de la défense, sauf si la peine recommandée est susceptible de déconsidérer l’administration de la justice ou est contraire à l’intérêt public.
[16] Objectivement, les infractions reprochées dans la présente affaire sont graves et elles méritent une peine sévère. Certaines images déposées en preuve montrent la perpétration d’une infraction contre un enfant. Toutes les images impliquent des enfants trop jeunes pour être en mesure de prendre une décision au sujet de leur propre sexualité. Comme tous les enfants, ils ont le droit d’être protégés par les adultes au lieu d’être exploités par ceux-ci à des fins égoïste ou pour assouvir leurs passions sexuelles.
[17] Il est vrai que rien ne laisse croire que le délinquant était impliqué dans la production ou la distribution de ces documents. Ces actes constituent des infractions plus graves qui entraînent des peines maximales plus sévères en vertu du Code criminel, mais il est clair que si d’autres personnes, par exemple le délinquant, ne cherchaient pas à trouver ces images et à les conserver, il n’y aurait pas de marché pour celles-ci.
[18] Outre les motifs d’ordre purement financier, les fournisseurs de ces documents cherchent souvent à transmettre le message selon lequel l’utilisation des enfants pour satisfaire sexuellement les adultes constitue un comportement normal et acceptable. Les tribunaux de juridiction pénale doivent faire leur part pour condamner ce raisonnement pervers. Par conséquent, la principale préoccupation du tribunal chargé de prononcer la peine dans ce type d’affaire est la dénonciation de ces infractions et la dissuasion de ceux qui seraient tentés de les commettre.
[19] Ce faisant, le tribunal ne saurait faire abstraction des circonstances propres au délinquant et de ses chances de réadaptation. Le délinquant dans la présente affaire est un jeune homme de 23 ans, qui n’a jamais été condamné pour une infraction criminelle ou pour un manquement à la discipline. Il a plaidé coupable aux infractions reprochées. Depuis sa libération des Forces canadiennes en septembre 2004, après trois ans de service, il a perdu son emploi dans le civil lorsqu’il a informé son employeur des présentes accusations. À l’heure actuelle, il est sans emploi et il compte sur l’aide de ses parents. Il semble être conscient qu’il pourrait avoir un problème pour lequel il aurait besoin de l’aide d’un professionnel afin de mettre fin à son attraction pour le type de documents mis en preuve dans la présente affaire. Malheureusement, il a pris très peu de mesure à cette fin.
[20] Les avocats ont fait état des mesures de rechange aux peines qui ne sont pas disponibles en vertu de la Loi sur la défense nationale, mais auxquelles ont a souvent recours dans les cas comme en l’espèce lorsque la poursuite est fondée sur le Code criminel. Non seulement cette situation limite-t-elle les options dont peut se prévaloir la cour martiale en termes de détermination de la peine, mais elle ajoute aussi une charge additionnelle aux délinquants militaires qui sont responsables, bien entendu, de leur propre réadaptation, mais qui ne peuvent avoir accès aux services d’aide dans la collectivité, par exemple aux services de probation, dont peuvent se prévaloir les délinquants civils.
[21] Compte tenu de toutes les circonstances relativement aux infractions et au délinquant, je ne peux dire que la peine recommandée par les avocats est contraire à l’intérêt public ou susceptible de déconsidérer l’administration de la justice; par conséquent, je souscris à leur recommandation conjointe.
[22] La poursuite demande une ordonnance enjoignant au délinquant de fournir un échantillon de substances corporelles pour analyse génétique. La défense ne s’oppose pas à cette ordonnance. L’infraction de possession de pornographie juvénile est une infraction secondaire désignée aux termes de l’article 487.04 du Code criminel et l’article 196.11 de la Loi sur la défense nationale.
[23] Le tribunal peut, à sa discrétion, rendre l’ordonnance demandée, pourvu qu’il soit convaincu qu’il est dans le meilleur intérêt de l’administration de la justice de le faire. Compte tenu des effets bénéfiques du régime ayant trait aux empreintes génétiques à l’égard de l’administration de la justice et de la faible intrusion dans la vie privée du délinquant découlant du prélèvement d’échantillons de substances corporelles pour analyse génétique conformément aux modalités et à la position adoptées par la poursuite et la défense, à mon avis, il est opportun dans la présente affaire de rendre l’ordonnance demandée.
[24] Monsieur Carter, levez-vous.
[25] Je vous condamne à une peine d’emprisonnement de dix jours.
[26] Votre peine est infligée à 1148 heures, le 10 juin 2005.
[27] Conformément à l’article 196.14 de la Loi sur la défense nationale, je vous ordonne de fournir les échantillons de substances corporelles requis pour analyse génétique.
[28] J’ordonne aussi que la pièce 7, à savoir un cartable de photographies, soit détruite dans un délai de 30 jours après l’expiration de tout délai d’appel ou, s’il y a appel de la présente décision, dans un délai de 30 jours après la décision finale dans ledit appel.
COMMANDANT P.J. LAMONT, J.M.
Avocats :
Major B.J. Wakeham, Poursuites militaires régionales Ouest
Procureur de Sa Majesté la Reine
Major L. Boutin, Direction du service d’avocats de la défense
Procureur de l’Ex-soldat Carter