Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l’ouverture du procès : 28 août 2012.

Endroit : Réfectoire Yeo, édifice 32, salle de conférence du commandant, 22 avenue Amiens, Kingston (ON).

Chef d’accusation

•Chef d’accusation 1 : Art. 125a) LDN, a fait volontairement une fausse inscription dans un document officiel établit par elle.


Résultats
•VERDICT : Chef d’accusation 1 : Arrêt des procédures.

Contenu de la décision

 

COUR MARTIALE

 

Référence :  R c Balint, 2012 CM 2010

 

Date :  20120831

Dossier :  201219

 

Cour martiale permanente

 

Collège militaire royal du Canada

Kingston (Ontario), Canada

 

Entre : 

 

Sa Majesté la Reine

 

- et -

 

Sous‑lieutenant A. Balint, accusée

 

 

Devant :  Capitaine de frégate P.J. Lamont, J.M.

 


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

DÉCISION RELATIVE À UNE DEMANDE POUR FIN DE NON‑RECEVOIR FONDÉE SUR L’ABSENCE DE COMPÉTENCE

 

(Prononcée de vive voix)

 

[1]        À l’ouverture de son procès à la cour martiale permanente sur un chef d’accusation d’avoir fait volontairement une fausse inscription dans un document officiel, l’accusée, le Sous‑lieutenant Balint, présente, par l’intermédiaire de ses avocats, une demande pour fin de non‑recevoir en vertu de l’alinéa 112.05(5)b) des Ordonnances et règlements royaux des Forces canadiennes (ORFC) invoquant, au titre de l’alinéa 112.24(1)a) des ORFC, que la cause n’est pas de la compétence de la cour et qu’il faudrait donc mettre fin à l’instance.

 

[2]        L’avis écrit de demande pour fin de non‑recevoir a été versé au dossier à titre de pièce M1-1. À l’exception de l’acte d’accusation, pièce 2, la défense n’a présenté aucun autre élément de preuve à l’appui de la fin de non‑recevoir. La poursuite n’a pas fourni de preuve et la cour a donc entendu les plaidoiries des avocats.

 

[3]        Selon l’avis de demande pour fin de non‑recevoir, la cour n’a pas compétence pour instruire le procès. Dans sa plaidoirie, la défense a précisé que la fin de non‑recevoir est fondée sur l’absence de compétence à l’égard de l’accusée. Comme l’indique l’avis, [traduction] « [l]a cour n’a pas compétence à l’égard des réservistes qui présentent une demande parce que les renseignements figurant dans l’acte d’accusation, même s’ils sont établis, ne visent pas une personne justiciable du code de discipline militaire ».

 

[4]        L’acte d’accusation, soit la pièce 2, modifié, énonce ce qui suit :

 

[traduction]

F88 275 188, Sous‑lieutenant Balint A., Cadre de la première réserve du Quartier général de la Défense nationale, Forces de réserve, est accusée d’avoir commis l’infraction suivante :

 

Chef d’accusation 1

Section 125a) LDN

 

A FAIT VOLONTAIREMENT UNE FAUSSE DÉCLARATION DANS UN DOCUMENT OFFICIEL ÉTABLI DE SA MAIN

 

Détails : Le 4 novembre 2011, ou vers cette date, l’accusée a fait une déclaration dans une note de service, selon laquelle, à l’achèvement de la première phase pratique de l’instruction de l’année (PPT), elle avait satisfait aux normes requises de la course navette de 20 mètres (20 MSR), tout en sachant que la déclaration est fausse.

 

[5]        Dans la décision R c Faught rendue en 2006, j’ai déclaré ce qui suit :

 

Une cour martiale permanente est un tribunal d’instance inférieure et sa compétence lui vient d’une loi, la Loi sur la défense nationale. Sa compétence ne peut être présumée et lorsqu’elle est contestée, comme en l’espèce, la cour doit être convaincue qu’elle a effectivement compétence sur l’accusé et qu’elle peut connaître de l’accusation dont elle est saisie.

 

[6]        Lorsqu’il s’agit d’une fin de non‑recevoir, il incombe à la poursuite de démontrer la compétence de la cour. La Cour d’appel de la cour martiale s’est prononcée clairement sur cette question dans l’arrêt R c Ryan, 1987 4 CACM 563. Dans cette affaire, la cour a examiné une objection visant à contester la compétence d’une cour martiale générale, fondée sur ce que la cour a appelé l’absence de lien entre la vie militaire et l’infraction. Le juge Pratte, aux motifs duquel a souscrit le juge Lacombe, a dit ce qui suit, à la page 567:

 

En ce qui concerne les infractions commises à Nanaimo, la compétence de la Cour était subordonnée à l’existence d’un lien entre la vie militaire et l’infraction. Aucun élément de preuve n’a été produit en Cour pour réfuter l’existence de ce lien. En revanche, rien n’indiquait que ce lien existait dans les faits : l’infraction en elle‑même n’était pas liée à la vie militaire, et les circonstances dans lesquelles elle avait été commise, du moins ce qu’on en connaissait, ne laissaient pas à penser qu’il existait un tel lien. Il était donc impossible de décider si la Cour avait compétence. Étant donné ces circonstances, le juge‑avocat avait conclu qu’il fallait rejeter les prétentions de l’appelant qui contestait la compétence de la Cour parce que l’appelant n'avait pas prouvé que la Cour n’avait pas compétence. Cette conclusion est erronée. Une cour martiale est un tribunal inférieur. La principale différence entre une cour supérieure et une cour inférieure est que, sauf preuve du contraire, aucune affaire n’est présumée échapper à la compétence de la cour supérieure alors qu’aucune affaire n’est présumée relever de la cour inférieure. Une fois la compétence de la Cour martiale contestée, le juge‑avocat ne pouvait présumer, en l’absence de preuve du contraire, que la Cour était compétente.

 

[7]        Cet extrait a été cité par le juge en chef Strayer dans l’arrêt R c Reddick, 1996 CACM 393, de la Cour d’appel de la cour martiale. Encore une fois, la question de la compétence reposait sur la présence ou l’absence d’un lien avec la vie militaire.  Après avoir fait référence à la décision antérieure dans Ryan, le juge en chef a dit ce qui suit :

 

En toute déférence, j’estime qu’on ne peut interpréter cette décision comme signifiant que, dans chaque cas, la Couronne est obligée de présenter des éléments de preuve au sujet de la compétence si l’accusé soulève une exception d’incompétence. Je ne puis trouver aucune justification constitutionnelle pour cette proposition. Si, de par ses propres termes, la Loi sur la défense nationale confère manifestement une compétence, comme c’est le cas en l’espèce, le seul motif de contester la compétence de la cour martiale consiste à démontrer que cette loi ne peut constitutionnellement s’appliquer à cet accusé déterminé ou à cette infraction précise. Une simple assertion de l’accusé que tel est le cas ne peut certes pas imposer à la Couronne la charge de présenter la « preuve contraire » dont il est question dans l’extrait précité de l’arrêt Ryan. Je ne puis accepter que, parce qu’une cour martiale est un tribunal inférieur au sens juridique du terme, on doive présenter une « preuve » de sa compétence avant qu’elle puisse tenir une audience. Sauf erreur, un tribunal supérieur est présumé compétent, mais pas un tribunal inférieur. On considère que les tribunaux inférieurs qui sont constitués aux termes d’une loi ne possèdent que les pouvoirs qui leur sont conférés expressément ou par implication nécessaire. Mais il est loisible à une telle cour martiale, lorsque sa compétence est contestée, d’examiner sa loi constitutive et les circonstances entourant l’infraction reprochée. Si elle conclut que, si elles sont en fin de compte établies, ces circonstances feraient relever l’affaire de sa compétence, elle peut procéder à l’audition de l’affaire.

 

[Italiques ajoutés.]

 

[8]        Je conclus donc que, une fois la question de la compétence à l’égard de l’accusé  est soulevée à bon droit, il incombe à la poursuite d’établir que celui‑ci était justiciable du code de discipline militaire au moment des faits sur lesquels repose le chef d’accusation.

 

[9]        L’arrêt Reddick se distingue de l’espèce, car la principale question en litige portait sur la nécessité, le cas échéant, d’un lien avec la vie militaire permettant d’accorder à une cour martiale la compétence pour juger un accusé qui avait été libéré des Forces canadiennes depuis l’infraction reprochée, mais avant le procès. La Loi sur la défense nationale prévoyait clairement au paragraphe 60(2) le maintien du statut de justiciable du code de discipline militaire d’un membre libéré, pour avoir commis des infractions avant sa libération. Il s’agissait de savoir si cette disposition de la Loi sur la défense nationale était inconstitutionnelle parce que la compétence législative du Parlement ne pouvait pas s’appliquer à l’accusé sans empiéter sur la compétence des législatures provinciales conférée par la Loi constitutionnelle en matière d’administration de la justice dans la province, y compris la création, le maintien et l’organisation de tribunaux de justice pour la province, ayant juridiction criminelle. Ces distinctions par rapport à l’espèce n’ont pas pour effet de limiter la portée d’un autre principe énoncé dans l’arrêt Reddick, selon lequel, lorsque sa compétence est contestée, la cour martiale peut examiner les dispositions de la Loi sur la défense nationale et les allégations formulées dans l’acte d’accusation pour déterminer si la cour a compétence à l’égard de l’accusé, dans le cas où les allégations sont établies. Par conséquent, j’examinerai ces questions secondaires.

 

[10]      La partie III de la Loi sur la défense nationale renferme un code exhaustif régissant la discipline au sein des Forces canadiennes, appelé le code de discipline militaire. La compétence de la cour à l’égard de l’accusée dépend de la réponse à la question de savoir si l’accusée était justiciable du code de discipline militaire au moment des faits mentionnés dans le chef d’accusation. La compétence à l’égard d’un accusé est traitée à l’article 60 de la Loi.

 

[11]      Le paragraphe 60(1) prévoit ce qui suit :

 

Sont seuls justiciables du code de discipline militaire :

 

a) les officiers ou militaires du rang de la force régulière;

 

b) les officiers ou militaires du rang de la force spéciale;

 

c) les officiers ou militaires du rang de la force de réserve se trouvant dans l’une ou l’autre des situations suivantes :

 

(i) en période d’exercice ou d’instruction, qu’ils soient en uniforme ou non,

 

(ii) en uniforme,

 

(iii) de service,

 

(iv) [Abrogé] [...]

 

(v) appelés, dans le cadre de la partie VI, pour prêter main‑forte au pouvoir civil,

 

(vi) appelés en service,

 

(vii) en service actif,

 

(viii) à bord d’un navire, véhicule ou aéronef des Forces canadiennes ou dans – ou sur – tout établissement de défense ou ouvrage pour la défense,

 

(ix) en service dans une unité ou un autre de la force régulière ou de la force spéciale,

 

(x) présents, en uniforme ou non, à l’exercice ou l’instruction d’une unité ou d’un autre élément des Forces canadiennes [...]

 

[12]      Selon l’énoncé du chef d’accusation, l’accusée était membre de la force de réserve au moment de l’infraction reprochée. L’accusée est donc justiciable du code de discipline militaire à ce moment si au moins l’une ou l’autre des circonstances énumérées à l’alinéa 60(1)c) s’applique. Je ne dispose cependant d’aucun élément de preuve qui me permettrait raisonnablement de conclure que l’une ou l’autre des circonstances énumérées s’appliquait à l’accusée à la date alléguée dans le chef d’accusation, à laquelle celle‑ci aurait rédigé une fausse note de service .

 

[13]      Je ne puis non plus raisonnablement inférer de l’énoncé du chef d’accusation en lui‑même que l’une ou l’autre des circonstances précisées à l’alinéa 60(1)c) s’appliquait à l’accusée au moment pertinent.

 

[14]      Le paragraphe 60(1) renferme d’autres dispositions visant les personnes justiciables du code de discipline militaire, mais, je le répète, aucun élément de preuve ne permet raisonnablement de conclure que l’une ou l’autre de ces dispositions s’appliquait à l’accusée au moment ou elle aurait rédigé une fausse note de service.

 

[15]      Le procureur soutient qu’il existe plusieurs fondements sur lesquels il établira au cours du procès que l’accusée était justiciable du code de discipline militaire au moment de l’infraction reprochée. Il a refusé de préciser au moins l’un des fondements énumérés au paragraphe 60(1) parce qu’il se réservait le droit de la poursuite d’exercer son pouvoir discrétionnaire. Je n’ai pas à décider s’il s’agit ou non d’un domaine relevant du pouvoir discrétionnaire de la poursuite, parce qu’à mon avis, là n’est pas la question. La poursuite a eu la possibilité, dans le cadre de la procédure pour fin de non‑recevoir, de présenter des éléments de preuve pour convaincre la cour de sa compétence à l’égard de l’accusée au moment de l’infraction reprochée, mais elle a refusé de le faire. Du point de vue de la preuve, il ne me reste qu’à examiner l’énoncé du chef d’accusation en lui‑même.

 

[17]      Ni la preuve ni les arguments présentés sur la fin de non‑recevoir ne me convainquent que l’accusée était, à titre de membre de la force de réserve, « justiciable du code de discipline militaire » au moment des faits allégués dans le chef d’accusation. Il s’ensuit que la cour n’a pas compétence à l’égard de l’accusée. 

 

POUR CES MOTIFS, LA COUR :

 

[18]      ACCUEILLE la fin de non‑recevoir relativement au premier et seul chef d’accusation figurant dans l’acte d’accusation.

 

 


 

Avocats :

 

Major A.-C. Samson, Service canadien des poursuites militaires

Procureur adjoint de Sa Majesté la Reine

 

Capitaine K. Lacharité, Service canadien des poursuites militaires

Procureur adjoint de Sa Majesté la Reine

 

Major S.L. Collins, Direction du service d’avocats de la défense

Avocat adjoint du Sous‑lieutenant A. Balint

 

Major A. Reed, Direction du service d’avocats de la défense

Avocat adjoint du Sous‑lieutenant A. Balint

 

Capitaine K. Rudderham, juge‑avocat général adjoint (région de l’Ouest)

Avocat adjoint du Sous‑lieutenant A. Balint

 

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