Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l’ouverture du procès : 11 septembre 2012.

Endroit : 8th Canadian Hussars (Princess Louise’s), 299 rue Parks, édifice 48, pièce 226, Moncton (NB).

Chefs d’accusation
•Chef d’accusation 1 (subsidiaire au chef d’accusation 2) : Art. 130 LDN, agression infligeant des lésions corporelles à une personne (art. 267b) C. cr.).
•Chef d’accusation 2 (subsidiaire au chef d’accusation 1) : Art. 95 LDN, a frappé une personne qui en raison de son grade lui était subordonnée.

Résultats
•VERDICTS : Chef d’accusation 1 : Une suspension d’instance. Chef d’accusation 2 : Coupable.
•SENTENCE : Un blâme et une amende au montant de 5000$.

Contenu de la décision

 

COUR MARTIALE

 

Référence : R c Deveaux, 2012 CM 2011

 

Date : 20120912

Dossier : 201225

 

Cour martiale permanente

 

8th Canadian Hussars (Princess Louise’s)

Moncton (Nouveau-Brunswick), Canada

 

Entre : 

 

SA MAJESTÉ LA REINE

 

- et -

 

L’adjudant G.A. Deveaux, contrevenant

 

 

Devant : Capitaine de frégate P.J. Lamont, J.M.

 


 

TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE

 

MOTIFS DE LA SENTENCE

 

(Prononcés de vive voix)

 

[1]               Adjudant Deveaux, ayant accepté et enregistré votre plaidoyer de culpabilité à l’égard du deuxième chef d’accusation figurant dans l’acte d’accusation, à savoir celui d’avoir frappé un subordonné contrairement à l’article 95 de la Loi sur la défense nationale, et après avoir pris en compte les faits admis et allégués, la cour vous déclare coupable du deuxième chef d’accusation et ordonne la suspension de l’instance relativement au premier chef d’accusation.

 

[2]        Il m’incombe maintenant de fixer et de prononcer votre sentence. Pour ce faire, j’ai pris en considération les principes de détermination de la peine qu’appliquent les cours ordinaires de juridiction criminelle du Canada et les cours martiales. J’ai également tenu compte des faits de l’espèce décrits dans le sommaire des circonstances (pièce 17), la preuve entendue au cours de l’audience ainsi que des observations des avocats de la poursuite et de la défense.

 

[3]        Les principes de détermination de la peine guident la cour dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire de fixer une sentence appropriée et adaptée au cas d’espèce. En règle générale, la sentence doit correspondre à la gravité de l’infraction, au degré de culpabilité ou de responsabilité du contrevenant et au caractère de ce dernier. La cour prend en compte les peines prononcées par les autres tribunaux dans des affaires semblables, non parce qu’elle respecte aveuglément les précédents, mais parce que le sens commun de la justice veut qu’elle juge de façon similaire les affaires semblables. Néanmoins, lorsqu’elle détermine la peine, la cour tient compte des nombreux facteurs qui distinguent chaque affaire dont elle est saisie, tant les circonstances aggravantes susceptibles de justifier une peine plus sévère que les circonstances atténuantes susceptibles de justifier une peine moins sévère.

 

[4]        Les buts et objectifs de la détermination de la peine ont été exposés de différentes façons dans de nombreuses affaires antérieures. En règle générale, ils ont trait à la protection de la société – qui comprend, bien sûr, les Forces canadiennes – en favorisant le développement et le maintien d’une collectivité juste, paisible, sûre et respectueuse des lois. Chose importante, dans le cadre des Forces canadiennes, ces objectifs comprennent le maintien de la discipline, cette habitude d’obéissance qui est si nécessaire à l’efficacité d’une armée.

 

[5]        Les buts et objectifs de la détermination de la peine comprennent aussi la dissuasion personnelle, pour éviter toute récidive du contrevenant, et la dissuasion générale, pour éviter que d’autres ne soient tentés de suivre son exemple. Parmi les autres buts, citons la réinsertion sociale du contrevenant, le développement de son sens des responsabilités et la dénonciation du comportement illégal. Il est normal qu’au cours du processus permettant d’arriver à une peine juste et adaptée à chaque cas, certains de ces buts et objectifs l’emportent sur d’autres, mais il importe de les prendre tous en compte : une peine juste et adaptée est une sage combinaison de ces buts, adaptée aux circonstances particulières de l’espèce.

 

[6]        Comme je vous l’ai expliqué lorsque vous avez présenté votre plaidoyer de culpabilité, l’article 139 de la Loi sur la défense nationale prévoit les peines que peuvent prononcer les cours martiales. Ces peines possibles sont limitées par la disposition législative qui crée l’infraction et prescrit la peine maximale. Une seule sentence est prononcée contre le contrevenant, qu’il soit déclaré coupable d’une ou de plusieurs infractions, mais cette sentence peut comprendre plusieurs peines. Un principe important veut que la cour prononce la sentence la moins sévère permettant de maintenir la discipline.

 

[7]        Pour déterminer la sentence dans la présente affaire, j’ai tenu compte des conséquences directes et indirectes qu’auront pour le contrevenant la déclaration de culpabilité et la sentence que je m’apprête à prononcer.

 

[8]        Les faits de l’espèce sont simples. Le contrevenant était l’adjudant de la troupe de l’administration et le plaignant, le caporal Blaine, était membre des troupes de chars de bataille de son escadron. Alors qu’il se trouvait au bord d’une piscine, dans un lieu de villégiature situé à Paphos, à Chypre, après leur déploiement en Afghanistan, ils ont commencé à se disputer et à s’invectiver.

 

[9]        À un moment donné, le caporal Blaine, qui était ivre, a placé sa main sur le visage de l’adjudant Deveaux et lui a égratigné le nez. Immédiatement, l’adjudant Deveaux a frappé le caporal Blaine au visage, le blessant au nez et à la joue gauche. Il a fallu faire des points de suture pour refermer la blessure de la joue. J’accepte le témoignage du témoin, le caporal-chef Jahjefendic, et je conclus qu’au moment de l’altercation, l’adjudant Deveaux était également en état d’ébriété et qu’il avait frappé son subordonné au moins à deux reprises avant que d’autres personnes n’interviennent pour mettre fin à l’altercation.

 

[10]      Je n’ai entendu aucun témoignage au sujet des effets que les blessures ont eus sur le caporal Blaine, notamment sur la gravité de la blessure, sur la question de savoir s’il a dû interrompre son travail ou s’il continue à souffrir des coups reçus.

 

[11]      D’après les faits, les parties ont recommandé conjointement d’infliger comme sentence une grave réprimande et une amende de 50 $. Il appartient évidemment à la cour de prononcer la sentence, mais lorsque, comme en l’espèce, les deux parties conviennent d’une recommandation conjointe, celle-ci doit peser lourd dans sa décision. Les cours d’appel du Canada, dont la Cour d’appel de la cour martiale dans l’affaire Soldat Chadwick Taylor rendue en 2008, ont statué que la cour devait retenir la recommandation conjointe des avocats quant à la peine, sauf si la sentence proposée a pour effet de déconsidérer l’administration de la justice ou est par ailleurs contraire à l’intérêt public.

 

[12]      Les avocats ont fait état des circonstances aggravantes et atténuantes dans leurs plaidoiries. L’infraction en cause est objectivement grave et je peux dire que, s’il y avait des raisons de croire que cet incident s’inscrivait dans une conduite générale semblable, le contrevenant aurait fort bien pu quitter la salle d’audience en ayant perdu son grade actuel. L’infraction a été commise devant d’autres personnes, notamment devant d’autres soldats des Forces canadiennes, dans un pays étranger, où la conduite des soldats canadiens doit être telle qu’elle renforce la réputation des Forces canadiennes en tant qu’institution et celle du pays qu’ils servent.

 

[13]      Pour ce qui est des nombreux facteurs atténuants, j’attache une importance particulière au fait que le contrevenant a rapidement plaidé coupable dans la présente affaire et j’accepte l’argument de l’avocat selon lequel cela indique que le contrevenant regrette vraiment ce qu’il a fait, particulièrement eu égard au fait que le contrevenant a immédiatement reconnu sa responsabilité aux enquêteurs de la police militaire. Après examen des documents déposés, je conclus que le contrevenant a un excellent dossier militaire, tant au sein des forces armées – comme instructeur exceptionnel et leader dans la Force de réserve – que dans le milieu des sports au Nouveau-Brunswick.

 

[14]      C’est un homme mûr de 48 ans qui est membre de la Force de réserve et de la Force régulière depuis mai 1983. Le contrevenant n’a, à ce que je sache, aucun antécédent d’infractions disciplinaires, et je conclus que l’incident à l’origine de l’accusation ne correspond pas du tout au caractère du contrevenant et qu’il est très peu probable qu’il récidive.

 

[15]      Je n’accepte pas l’argument de l’avocat du contrevenant selon lequel il y a lieu de réduire la peine dans la présente affaire parce que l’État ou ses mandataires ont mal conduit l’enquête. Je suis disposé à admettre que les enquêteurs de la police militaire n’ont pas été très efficaces parce qu’ils n’ont pas interrogé des témoins possibles et qu’ils n’ont pas enregistré sur vidéo les interrogatoires. C’est la raison pour laquelle il semble que l’unité a fait une nouvelle enquête lorsque le rapport PM définitif a été reçu et c’est ce qui explique qu’il y a eu un certain retard dans le dépôt des accusations en septembre 2011, soit quelque dix mois après la perpétration de l’infraction; je ne considère pas toutefois que les lacunes de l’enquête initiale effectuée par la PM dans la présente affaire justifient une diminution de la peine par ailleurs appropriée.

 

[16]      Il est exact qu’au moment où les accusations ont été déposées, le contrevenant avait reçu et accepté une offre de transfert de catégorie de service dans la Force régulière et que son transfert de catégorie de service a été retardé en raison de l’attente de l’issue des accusations portées devant la cour martiale. Encore une fois, j’estime que, si le fait de reporter le transfert de catégorie de service est regrettable pour le contrevenant, il est tout à fait raisonnable que les autorités militaires aient attendu l’issue de l’affaire avant de procéder à ce transfert, pour les raisons données par l’adjudant chef Cormier dans sa communication par courriel envoyée à l’avocat de la défense le 21 août 2012 à 0850 heures (voir la pièce 11).

 

[17]      Compte tenu de toutes les circonstances de l’espèce, à savoir les circonstances ayant trait aux infractions et au contrevenant, je ne peux affirmer que la sentence que les avocats ont conjointement recommandée est de nature à déconsidérer l’administration de la justice ou est par ailleurs contraire à l’intérêt public, et j’accepte donc cette recommandation conjointe.

 

POUR CES MOTIFS, LA COUR :

 

[18]      VOUS DÉCLARE coupable à l’égard du deuxième chef d’accusation, relativement à une infraction prévue à l’article 95 de la Loi sur la défense nationale.

 

[19]      VOUS CONDAMNE à un blâme et à une amende de 5 000 $ dollars payable sur‑le‑champ.


Avocats

 

Major P. Rawal, Service canadien des poursuites militaires

Avocat de Sa Majesté la Reine

 

Capitaine de corvette B.G. Walden, Direction du service d’avocats de la défense

Avocat de l’adjudant G.A. Deveaux

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