Cour martiale
Informations sur la décision
Date de l’ouverture du procès : 27 juin 2005.
Endroit : Centre Asticou, bloc 2600, pièce 2601, salle d’audience, 241 boulevard de la Cité-des-Jeunes, Gatineau (QC).
Chef d’accusation:
• Chef d’accusation 1 : Art. 130 LDN, possession de pornographie juvénile (art. 163.1(4) C. cr.).
Résultats:
• VERDICT : Chef d’accusation 1 : Coupable.
• SENTENCE : Emprisonnement pour une période de six mois
Contenu de la décision
Référence:R. c. Capitaine Saint-Jacques,2005CM31
Dossier: S200531
COUR MARTIALE PERMANENTE
CANADA
GATINEAU, QUÉBEC
CENTRE ASTICOU
Date:29 juin 2005
PRÉSIDENT:LIEUTENANT-COLONEL M. DUTIL, J.M.
SA MAJESTÉ LA REINE
c.
LE CAPITAINE M.A. SAINT-JACQUES
(Accusé)
SENTENCE
(Prononcée oralement)
TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE
[1] Capitaine Saint-Jacques, après avoir accepté et enregistré vos plaidoyers de culpabilité relativement au premier chef d’accusation de possession de pornographie juvénile, la Cour vous déclare coupable de ce chef. Je vous demande pour le moment de vous asseoir avec votre avocat.
[2] Il m’incombe maintenant de déterminer votre peine. Comme il est déjà bien reconnu, le système distinct de justice militaire ou de tribunaux militaires vise à permettre aux Forces armées de connaître des affaires ayant directement trait à la discipline, à l’efficacité et au moral de l’armée. La Cour suprême du Canada a statué que les affaires d’infraction à la discipline militaire devaient être réglées rapidement et, en général, sanctionnées plus sévèrement que celles concernant un comportement semblable. Toutefois, la peine imposée par un tribunal, qu’il soit militaire ou civil, devrait représenter la mesure minimale nécessaire adaptée aux circonstances de l’espèce.
[3] Pour déterminer la peine, la Cour a tenu compte des circonstances entourant la perpétration de l’infraction, telles qu’indiquées par la poursuite dans le sommaire des circonstances, ainsi que des images et des courts vidéos présentées. L’avocat reconnaît que ces images et ces vidéos constituent un échantillon représentatif de la nature et du volume de matériel de pornographie juvénile en votre possession. La Cour a examiné la preuve documentaire qui lui a été fournie, ainsi que le témoignage de votre superviseure actuelle Mme Diane Dixon.
[4] La Cour a examiné la preuve à la lumière des principes applicables à la détermination de la peine, notamment ceux énoncés aux articles 718, 718.1 et 718.2 du Code criminel lorsque ceux-ci ne sont pas incompatibles avec le régime de détermination de la peine prévu par la Loi sur la défense nationale. Elle a également examiné les observations des avocats, y compris la jurisprudence fournie et les conséquences directes et indirectes que le verdict et la peine auront sur vous.
[5] En résumé, les faits entourant la présente affaire révèlent que l’accusé était en formation à Winnipeg, au Manitoba, du 11 mai au 9 juin 2004. Le 20 mai 2004, les analystes des Forces canadiennes ont observé un volume de trafic électronique inhabituel en provenance de Winnipeg qui, finalement, a conduit les enquêteurs du Service national des enquêtes, après l’obtention d’un mandat de perquisition, à un ordinateur du MDN assigné au capitaine Saint-Jacques, ainsi qu’à l’ordinateur personnel de ce celui-ci dans l’unité de logement qu’il occupait. Lors d’une inspection détaillée de l’ordinateur du capitaine Saint‑Jacques, les enquêteurs ont trouvé quatre disques durs, et ils ont constaté que le capitaine avait participé sur Internet à un forum affichant de la pornographie juvénile. Le capitaine Saint-Jacques avait payé un abonnement à ce forum de discussion. Les enquêteurs ont analysé le matériel informatique et constaté que les quatre disques durs contenaient le plus grand volume de pornographie juvénile jamais examiné par le détachement du Service national des enquêtes. Les disques durs contenaient environ 10 000 images et environ 200 films qui répondaient à la définition de pornographie juvénile prévue dans le Code criminel. Les images de pornographie juvénile étaient classées en ordre dans l’ordinateur du capitaine Saint-Jacques. Au cours de sa formation, le capitaine Saint-Jacques avait utilisé l’ordinateur du MDN pour télécharger des images à partir d’Internet, les transférer dans son ordinateur personnel et ensuite les effacer du logiciel qu’il avait installé sur cet ordinateur. L’examen de l’ordinateur personnel du capitaine Saint-Jacques indique que les images ont été téléchargées entre 2001 et juin 2004.
[6] La poursuite a présenté devant la Cour, dans le cadre du sommaire des circonstances, un échantillon représentatif de la nature et du volume de matériel de pornographie juvénile en votre possession. L’avocat de la défense n’a pas contesté cette preuve. L’avocat de la poursuite a indiqué qu’entre cinq et dix pour cent des images fixes étaient de nature explicite, tandis que, dans approximativement 90 et 95 pour cent des cas , il s’agissait d’images d’enfants, parfois d’adultes, prises dans des positions différentes. Certaines de ces images montraient des positions de pénétration sexuelle et de fellation entre adultes et enfants. Ces images montraient également des enfants menottés. D’autres images illustraient des enfants placés et confinés dans une grosse cage de voyage pour chiens. On a aussi demandé à la Cour de visionner une série de vidéos d’une durée de quelques minutes à un peu moins de 25 minutes. Les extraits choisis montraient toute une gamme d’activités, comme des enfants en train de prendre un bain, de se laver et de se frotter les organes génitaux, ainsi que des activités sexuelles plus explicites exercées entre de très jeunes enfants et des filles et des garçons d’âge prépubère et des adultes des deux sexes. Ces activités comprenaient la fellation exercée sur des enfants et par ceux-ci, des rapports sexuels anaux et vaginaux, des cunnilingus et des pénétrations anales et vaginales au moyen d’objets de forme et de taille différentes. Un vidéo a même montré des actes de fellation au cours desquels un enfant a été obligé d’avaler le sperme d’un adulte et a clairement exprimé son dégoût. D’autres vidéos présentaient une série d’autres activités sexuelles explicites et dégradantes pratiquées entre adultes et enfants. Un film comportait de longues scènes présentant une fillette d’âge prépubère agressée sexuellement pendant son sommeil. Dans ce film, elle a été pénétrée vaginalement, sodomisée au moyen de divers objets, ainsi que par un homme adulte pendant plusieurs minutes. Ces films montraient également un homme adulte en train de pratiquer la sodomie sur un enfant dont les deux mains et les deux pieds étaient attachés à des meubles. Il ne s’agit là que de quelques exemples extrêmes tirés de la quantité importante de matériel ayant été trouvé en la possession du capitaine Saint-Jacques à ce moment-là. La Cour reconnaît également que ces exemples, qui représentent une quantité importante du matériel présenté par l’avocat, constitue un échantillon représentatif de la nature et du volume du matériel en la possession de l’accusé.
[7] Lorsqu’un tribunal doit infliger une peine à un délinquant pour une infraction qu’il a commise, certains objectifs doivent être atteints à la lumière des principes applicables en matière de détermination de la peine. Il est reconnu que ces principes et ces objectifs varieront légèrement en fonction de chaque cas, mais ils doivent toujours être adaptés aux circonstances et à la situation de l’accusé. Afin de contribuer à l’atteinte de l’un des objectifs essentiels de la discipline militaire; c’est-à-dire, le maintien de forces armées opérationnelles professionnelles et disciplinées qui sont efficaces dans le cadre d’une société libre et démocratique, on peut formuler de la façon suivante les principes et les objectifs de détermination de la peine : Premièrement, la protection du public et le public inclut ici les Forces canadiennes; deuxièmement, la punition et la dénonciation de la conduite illicite; troisièmement, la dissuasion du délinquant et de quiconque de commettre les mêmes infractions; quatrièmement, l'isolement au besoin des délinquants du reste de la société, y compris des membres des Forces canadiennes; cinquièmement, la réinsertion sociale du délinquant; sixièmement, la proportionnalité à la gravité des infractions et le degré de responsabilité du délinquant; septièmement, l’infliction des peines semblables à celles infligées à des délinquants pour des infractions semblables commises dans des circonstances semblables; huitièmement, l’obligation, avant d’envisager la privation de liberté, d’examiner la possibilité de sanctions moins contraignantes lorsque les circonstances le justifient; enfin, le tribunal doit tenir compte de toute circonstance aggravante ou atténuante liée à la perpétration de l’infraction ou à la situation du délinquant.
[8] Dans l’arrêt R. c. Sharpe [2001] 1 R.C.S., 45, la Cour suprême du Canada a établi que l’objectif principal des dispositions relatives à la pornographie juvénile est la prévention du préjudice causé aux enfants. Il est largement reconnu que la pornographie juvénile cause un préjudice aux enfants à bien des égards. Les enfants sont de toute évidence exploités dans le cadre de ce type de production. Elle sert à initier et à séduire des victimes. Elle peut affaiblir la réticence des pédophiles à l’égard de l’exploitation sexuelle d’enfants. Comme le marché de la pornographie juvénile est stimulé par les gens qui désirent posséder ce matériel, la criminalisation de la possession peut réduire la demande pour ce matériel. Dans l’arrêt Sharpe, la Cour suprême a indiqué que l’article 163.1 du Code crminel donne suite à l’obligation que le Canada a contractée à l’article 34 de la Convention relative aux droits de l’enfant, qui vise à protéger l'enfant contre toutes les formes d'exploitation et de violence sexuelle, tout particulièrement empêcher que des enfants soient utilisés aux fins de la production ou de matériel de caractère pornographique.
[9] Il est largement reconnu que l’explosion de l’accès à l’Internet a augmenté la production et la distribution de matériel de pornographie juvénile au cours des dernières anées. Il est donc facile de comprendre pourquoi les tribunaux ont insisté pour que la dénonciation du comportement et la dissuasion du délinquant constituent les objectifs principaux de détermination de la peine dans le cas de cette infraction, c’est-à-dire, celle de possession de pornographie juvénile.
[10] Si l’on examine les peines infligées dans les diverses administrations au Canada, il ressort clairement que l’emprisonnement est souvent infligé au délinquant qui commet ce genre d’infraction. En l’espèce, il n’y a aucune rasion d’adopter une approche différente. La protection du public et des Forces candiennes doit être assurée par l’imposition d’une peine qui met l’accent sur la dissuasion générale, la punition et la dénonciation, ainsi que sur la dissuasion spécifique. La peine doit également permettre, mais dans une moindre mesure, la réinsertion sociale du délinquant.
[11] Pour fixer une peine équitable et appropriée, la Cour a tenu compte des circonstances atténuantes et aggravantes ci-après. La Cour considère comme aggravantes les circonstances suivantes :
a) La gravité objective de ces infractions et les peines maximales applicables. Bien que l’infraction de possession de pornographie juvénile ne soit pas objectivement une infraction aussi grave que celle de production ou de distribution, elle est néanmoins punissable d’une peine maximale de cinq ans d’emprisonnement;
b) La nature et la quantité de matériel en la possession du délinquant. D’abord, le matériel trouvé en la possession du capitaine Saint-Jacques contenait environ 10 000 images et environ 200 films qui satisfaisaient aux critères de la définition de pornographie juvénile prévue dans le Code criminel. Non seulement le matériel perquisitionné dans l’ordinateur du capitaine Saint-Jacques contenait le plus grand volume de pornographie juvénile jamais examiné par le détachement du Service national des enquêtes, mais le volume de matériel trouvé en sa possession se situerait en haut de l’échelle des affaires portant strictement sur une infraction de possession de pornographie juvénile. Ensuite, la nature du matériel est extrêmement explicite et, dans bien des cas, dégradante. L’avocat de la défense a fait valoir que le matériel ne contenait pas d’actes de violence commis envers des enfants. En répondant aux questions de la Cour, il a indiqué qu’aucun matériel ne montrait que les enfants avaient été battus. Il faut préciser que les vidéos et certaines images fournis à la Cour comportaient un degré élevé de violence et de mauvais traitements infligés à des enfants. La Cour estime que les actes sexuels de sodomie commis envers des enfants attachés à des meubles et que le viol d’une fillette pendant qu’elle dormait profondément sont des crimes extrêmement violents, peu importe que les enfants aient été battus ou non. Ces actes sont par définition une démonstration de l’exercice illicite de la force par un adulte à l’endroit d’enfants qui ne sont pas, ni physiquement ni mentalement, en mesure de se défendre. Cependant, il faut tenir compte du fait que le capitaine Saint-Jacques n’a pas été accusé de production ou de distribution de matériel de pornographie juvénile, et du fait qu’il n’y a aucune preuve révélant qu’il a exercé de telles activités.
c) Le fait que l’accusé avait en sa possession du matériel de pornographie juvénile, et le fait qu’il a accédé à de la pornographie juvénile et en a obtenue au moins en partie, d’après la preuve, en s’abonnant à un forum de discussion qui affichait du matériel de ce genre. Capitaine Saint-Jacques, la possession de ce matériel n’est pas une simple coïncidence ou le résultat d’une curiosité ou d’un intérêt soudain;
d) Le fait que vous êtes un officier des Forces canadiennes et que vous avez utilisé un ordinateur du MDN pour perpétrer l’infraction, même s’il semble que les disques durs contenant le matériel n’étaient pas des biens publics.
[12] La Cour estime que les circonstances suivantes atténuent la peine :
Premièrement, le fait que vous avez accepté la responsabilité de vos actes en plaidant coupable devant cette Cour à la première occasion. La Cour reconnaît qu’en agissant ainsi vous acceptez la responsabilité de vos actions, ce qui constitue certainement un pas dans la bonne direction vers votre réinsertion sociale. Je considère le fait que vous avez avoué votre culpabilité comme une reconnaissance véritable de votre comportement répréhensible et il s’agit là d’un élément qui, à mon avis, est essentiel à votre réinsertion sociale et à votre retour à une conduite meilleure. Votre avocat vous a décrit comme un collectionneur de matériel de pornographie juvénile. Aucune preuve en l’espèce ne permet de vous décrire autrement.
Deuxièmement, concernant vos états de service dans les Forces canadiennes, qui sont souvent décrits comme votre grade et votre niveau au sein des Forces canadiennes. Vous avez servi votre pays pendant dix ans. Votre superviseur actuelle a affirmé qu’elle a une très haute opinion de vous en tant qu’officier et spécialiste dans le domaine du génie aérospatial. Elle considère que le travail que vous avez accompli était de qualité supérieure, que vous aviez une très bonne éthique du travail, que vous étiez organisé, qu’on pouvait compter sur vous et que vous avez continué d’exercer votre travail de cette façon après le dépôt des accusations. Mme Dixon a témoigné qu’il est peu probable que vous puissiez continuer d’exercer vos fonctions actuelles, car elle ne croit pas qu’il y ait une place pour vous dans l’organisation par suite de ce comportement illicite. Votre avocat a également indiqué que vous serez probablement libéré des Forces canadiennes par suite de cette déclaration de culpabilité conformément à la ligne de conduite des Forces canadiennes concernant les inconduites à caractère sexuel intitulée Ordonnance administrative des Forces canadiennes 19-36, Inconduites à caractère sexuel, et ce, avant d’avoir accompli vingt ans de service pour lesquels vous auriez eu droit de toucher une pension immédiate. Bien que ces observations soient pour le moment que de simples hypothèses, la ligne de conduite des Forces canadiennes sur les inconduites à caractère sexuel est telle qu’il est très probable que cette situation se produise en l’espèce. Il ne fait pas de doute que si vous êtes libéré des Forces canadiennes vous serez privé d’un revenu important, ainsi que d’autres avantages. À cet égard, les renseignements fournis à la Cour indiquent que vous recevez actuellement une rémunération annuelle de l’ordre d’environ 85 000 $.
Et enfin, la Cour considère comme une circonstance atténuante l’absence de fiche de conduite ou de dossier criminel.
[13] L’avocat reconnaît que l’incarcération doit être une peine infligée en dernier recours, et que les faits entourant la présente affaire justifie l’imposition d’une telle peine. La poursuite recommande une période entre six et neuf mois d’emprisonnement, tandis que l’avocat de la défense soutient qu’une période entre trois et cinq mois servirait l’intérêt de la justice tout en assurant le maintien de la discipline. La poursuite cherche également à obtenir une ordonnance enjoignant à l’accusé de fournir des échantillons d’ADN sur le fondement que l’infraction de possession de matériel de pornographie juvénile est une infraction secondaire aux termes de l’article 487.04 du Code criminel et de l’article 196.11 de la Loi sur la défense nationale. La défense ne s’oppose pas à cette ordonnance. L’alinéa 196.14(1)b) confère à la Cour le pouvoir discrétionnaire de rendre une telle ordonnance si elle est convaincue que cela sert au mieux l’administration de la justice compte tenu de la nature de l’infraction et des circonstances entourant sa perpétration, de toute condamnation antérieure et de tout effet qu’une telle ordonnance aurait sur la vie privée de l’accusé et sur la sécurité de sa personne.
[14] L’infraction de possession de matériel de pornographie juvénile est une infraction de nature publique dans la mesure où, un moyen d’information, l’Internet, est souvent utilisé pour sa perpétration. Elle est aussi de nature publique du fait qu’elle stimule la demande de production de pornographie juvénile qui présente souvent l’exercice d’activités criminels contre des enfants. Bien que l’accusé n’ait pas de dossier criminel ou disciplinaire, aucune preuve présentée devant moi n’indique que le prélèvement d’un échantillon d’ADN aura sur lui un effet inhabituel ou particulier. La Cour estime que l’incidence sur sa vie privée et sur la sécurité de sa personne est moindre après une déclaration de culpabilité, et que le prélèvement d’échantillons à des conditions jugées acceptables constituerait, dans les circonstances, une atteinte minimale à l’égard de l’accusé. Je suis donc d’avis, après avoir pris en considération les critères énumérés au par. 196.14(3) et les arguments avancés par la poursuite et la défense, qu’il y a lieu en l’espèce de rendre une telle ordonnance.
[15] Pour déterminer la peine à infliger, la Cour a revu en entier non seulement la jurisprudence fournie par l’avocat, mais elle a aussi examiné d’autres décisions judiciaires. À la suite de cet examen, j’arrive à la conclusion que cette affaire doit être considérée comme se situant en haut de l’échelle des cas de possession de pornographie juvénile en raison de la nature et du volume du matériel. Conformément au régime de détermination de la peine prévu par la Loi sur la défense nationale et à ses particularités, la Cour estime qu’une période d’emprisonnement importante devrait être une peine équitable. La période suggérée par la poursuite respecte les principes et les objectifs applicables à la détermination de la peine dans la présente affaire. La peine d’emprisonnement pour une période de trois à cinq mois, comme le recommande l’avocat de la défense, ne répondrait pas adéquatement, à mon avis, aux objectifs de dénonciation et de dissuasion générale. Dans l’affaire R. c. Dixon, 2005 CMAC 2, la cour d’appel de la Cour martiale a examiné les faits et les circonstances entourant la perpétration de l’infraction de possession de matériel de pornographie juvénile et l’a classée dans la catégorie des infractions de pornographie juvénile se situant en bas de l’échelle. Dans l’affaire Dixon, la quantité de matériel était moindre. Le matériel contenait sept photos et trois films. Les photos ne présentaient pas d’activités sexuelles explicites, mais les films en présentaient. En examinant certaines disparités entre le système de justice militaire et le système de justice pénale, le juge Létourneau, s’exprimant au nom de la Cour, a indiqué aux paragraphes [23] et [24], et je cite :
[23] [TRADUCTION] Une autre disparité de traitement entre un civil et un membre des FC dans le cas d’une infraction prévue au Code criminel commise dans la vie civile découle du fait que la possession de pornographie juvénile, comme l’ensemble des infractions contenues dans le Code, est traitée et poursuivie sous le régime du Code de discipline militaire. Cela signifie que, dans le contexte militaire, cette infraction figurant au Code criminel perd son caractère hybride et ne peut être poursuivie conformément à la procédure applicable aux infractions punissables par procédure sommaire établie dans le Code criminel.
[24] En adoptant l’interdiction en matière de pornographie juvénile, le Parlement a reconnu qu’il peut arriver que le comportement qui, par ailleurs viole une interdiction, constitue une infraction relativement mineure qui n’exige pas l’application intégrale d’une poursuite par voie de mise en accusation. C’est pourquoi, cette infraction est devenue une infraction hybride susceptible d’être poursuivie par procédure sommaire, comportant une peine moindre et une limite de 2 000 $ sur l’amende pouvant être imposée. L’affaire R. c. Turcotte, [2001] A.J. No. 202 (B.R. de l’Alb.) est l’exemple d’une poursuite par procédure sommaire en matière de possession de matériel de pornographie juvénile. Cependant, il est possible que de nombreuses affaires aient été poursuivies par voie de mise en accusation en raison de la nécessité de dénoncer ce type de comportement et de la gravité subjective de l’infraction compte tenu de la quantité considérable de matériel en la possession de l’accusé, la nature explicite du matériel ou des antécédents judiciaires de celui-ci.
[16] Dans l’affaire R. c. Patterson 33 C.R. (5th) à la page 45, une décision de la Cour de justice de l’Ontario, le juge du procès a exprimé l’opinion selon laquelle les observations de la poursuite peuvent être utiles au tribunal. À la fin du paragraphe 13 de sa décision, la Cour a conclu que, et je cite :
3. [TRADUCTION] Lorsqu’un procureur de la Couronne, comme en l’espèce, choisit de procéder par procédure sommaire contre une personne accusée d’un seul chef de possession de pornographie juvénile, la période maximale d’emprisonnement prévue est de six mois. Bien que le Parlement ait récemment fixé à dix-huit mois la peine d’emprisonnement maximale possible dans le cas d’une procédure sommaire pour certaines infractions à caractère sexuel, il a décidé de ne pas étendre l’application de cette disposition aux infractions moins graves de possession de pornographie juvénile.
4. En prenant la décision de procéder par procédure sommaire contre cet accusé, le procureur de la Couronne a à juste titre exprimé, à mon avis, l’opinion de la poursuite selon laquelle il ne s’agit pas de la pire affaire de possession de pornographie juvénile. De plus, lorsque la poursuite se limite à demander l’imposition d’une peine d’emprisonnement équivalente à la moitié de la peine maximale prévue par voie de procédure sommaire, j’en conclus que celle-ci estime que le comportement de l’accusé n’entraîne, ni même, la moitié de la peine demandée. Même si je ne suis pas tenu de prendre en considération les observations du poursuivant portant sur la gravité de l’infraction, celles-ci me sont grandement utiles pour déterminer la gravité des actes criminels perpétrés par l’accusé.
[17] La Cour estime que cette affaire aurait probablement été poursuivie par voie de mise en accusation plutôt que par procédure sommaire, contrairement à l’affaire R. c. Patterson, principalement en raison de la quantité considérable de matériel qui se trouvait en votre possession et de sa nature grave. Je signale également que la recommandation de la poursuite concernant la détermination de la peine, c’est-à-dire, une période de six à neuf mois d’emprisonnement, signifierait forcément que l’infraction fait partie de cette catégorie.
[18] Veuillez vous lever, capitaine Saint-Jacques. Pour ces motifs, la Cour vous condamne à une peine d’emprisonnement d’une durée de six mois. Votre peine est infligée à 11 heures 10 minutes le 29 juin 2005. De plus, conformément à l’article 196.14 de la Loi sur la défense nationale, la Cour vous ordonne de fournir un échantillon de substances corporelles en vue de procéder à l’analyse génétique requise. Veuillez vous rasseoir.
LIEUTENANT-COLONEL M. DUTIL, JM
Avocats :
Major B.J. Wakeham, Poursuites militaires régionales, région de l’Ouest
Avocat pour sa Majesté la Reine
Major L. Boutin, Direction du service d’avocats de la défense
Avocat pour le capitaine M.A. Saint-Jacques