Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l’ouverture du procès : 20 mars 2013.

Endroit : 6080 rue Young, 5e étage, salle d’audience, Halifax (NÉ).

Chef d’accusation
•Chef d’accusation 1 : Art. 90 LDN, s’est absenté sans permission.

Résultats
•VERDICT : Chef d’accusation 1 : Coupable.
•SENTENCE : Une amende au montant de 400 $.

Contenu de la décision

COUR MARTIALE

 

Référence : R c Weir, 2013 CM 3010

 

Date :  20130320

Dossier :  201304

 

Cour martiale permanente

 

Base des Forces canadiennes Halifax

Halifax (Nouvelle‑Écosse), Canada

 

Entre : 

 

Sa Majesté la Reine

 

- et -

 

Caporal T.A. Weir, contrevenant

 

 

Devant :  Lieutenant-Colonel L.-V. d'Auteuil, J.M.


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DE LA SENTENCE

 

(Prononcés de vive voix)

 

[1]               Caporal Weir, ayant accepté et inscrit un plaidoyer de culpabilité à l’égard du premier et unique chef d’accusation figurant dans l’acte d’accusation, la cour vous déclare maintenant coupable de ce chef d’accusation.

 

[2]               Il m’incombe maintenant, à titre de juge militaire présidant la présente Cour martiale permanente, de déterminer la peine.

 

[3]               Or, avant de présenter les considérations relatives à ma décision, je veux expliquer les observations formulées. Vous avez constaté que je me suis demandé pourquoi nous étions réunis ici aujourd’hui du point de vue du processus à suivre. Je veux seulement souligner cet aspect. L’infraction prévue à l’article 90, soit l’absence sans permission, est considérée comme une infraction mineure aux termes de l’article 108.17 des Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes, que je reproduis ici en partie :

 

(1) An Un accusé qui peut être jugé sommairement à l’égard d’une infraction d’ordre militaire a le droit d’être jugé devant une cour martiale, sauf si les conditions suivantes s’appliquent :

 

a) l’infraction a été commise contrairement à l’une des dispositions suivantes de la Loi sur la défense nationale :

 

Suit une liste de cinq infractions, dont celle prévue à l’article 90.

 

b) les circonstances entourant la commission de l’infraction sont de nature suffisamment mineure pour que l’officier qui exerce sa compétence de juger sommairement l’accusé détermine que, si l’accusé était déclaré coupable de l’infraction, une peine de détention, de rétrogradation ou une amende dépassant 25 p. 100 de la solde mensuelle de base ne serait pas justifiée.

 

[4]               Donc, pour l’essentiel, l’officier présidant le procès sommaire doit rendre une décision et, si vous êtes reconnu coupable,  vous infliger une peine de détention, la rétrogradation ou une amende élevée. J’ai été heureux d’entendre qu’il existe un processus dans le cadre duquel la chaîne de commandement, notamment la personne présidant le procès sommaire ou la personne habilitée à cet égard, a décidé de vous donner le choix, ce qui constitue l’objectif fondamental de la cour martiale. En choisissant d’être jugé devant une cour martiale, vous avez choisi d’être jugé devant un tribunal indépendant et impartial présidé par un juge indépendant et impartial, ce qui me convient parfaitement, parce que, en quelque sorte je n’ai aucune idée de ce qui s’est passé. Je n’étais nullement au courant de l’affaire et c’est là l’objectif visé. Je me demandais ce qu’il en était de la chaîne de commandement et de l’officier présidant, ou du commandant qui a décidé par lui‑même de soumettre l’affaire à une cour martiale sans vous demander votre consentement et à la place de la poursuite qui avait le pouvoir de renvoyer le dossier jusqu’à ce qu’un officier ou le commandant procède au procès sommaire. Voilà la question que je me suis posée. Dans de pareilles circonstances, le système de justice militaire ne fonctionne pas bien et on gaspille du temps et de l’argent. Mais, soyez rassuré, je n’ai aucune objection quant à votre choix; je me posais seulement des questions au sujet du processus suivi. En tant que juge, je suis tenu de—si la poursuite prend certaines décisions, je ne suis pas habilité à remettre en question le pouvoir discrétionnaire. Or, à un moment donné, nous nous demandons tous si les fonds publics sont dépensés de façon appropriée, et c’est pourquoi j’ai formulé cette question; cela n’avait rien à voir avec votre choix, soyez rassuré.

 

[5]               Vu que le système de justice militaire est une dimension essentielle de l’activité militaire, il est possible de dire qu’il constitue l’ultime recours pour faire respecter la discipline. Ce système vise à prévenir l’inconduite ou, d’une façon plus positive, à promouvoir la bonne conduite. C’est grâce à la discipline que les forces armées s’assurent que leurs membres rempliront leurs missions avec succès en toute confiance et fiabilité. Le système assure également le maintien de l’ordre public et veille à ce que les personnes assujetties au Code de discipline militaire soient punies de la même façon que toute autre personne vivant au Canada.

 

[6]               Il est reconnu depuis longtemps que l’objectif d’un système de justice ou d’un tribunal militaire distinct est de permettre aux forces armées de régler les affaires qui portent sur le respect du Code de discipline militaire et sur le maintien de l’efficacité et du moral au sein des Forces canadiennes; voir R c Généreux, [1992] 1 RCS 259, à la page 293. Cela étant dit, la peine infligée par un tribunal, qu’il soit militaire ou civil, devrait être la peine la moins sévère selon les circonstances particulières de l’affaire.

 

[7]               En l’espèce, le procureur de la poursuite et l’avocat de la défense ont présenté une recommandation conjointe quant à la peine à infliger. Ils ont recommandé que la cour vous condamne à une amende de 400 $ afin de satisfaire aux exigences de la justice.

 

[8]               Bien que la cour ne soit pas liée par cette recommandation conjointe, il est généralement reconnu que le juge chargé de la détermination de la peine ne doit aller à l’encontre de la recommandation conjointe que s’il existe des motifs impérieux de le faire, notamment lorsque la peine est inappropriée, déraisonnable, de nature à déconsidérer l’administration de la justice ou contraire à l’intérêt public; voir R c Taylor, 2008 CMAC 1, au paragraphe 21.

 

[9]               L’objectif fondamental de la détermination de la peine par une cour martiale est d’assurer le respect de la loi et le maintien de la discipline en infligeant des peines visant un ou plusieurs des objectifs suivants :

 

a.       protéger le public, y compris les Forces canadiennes;

 

b.      dénoncer le comportement illégal;

 

c.       dissuader le contrevenant, et quiconque, de commettre les mêmes infractions;

 

d.      isoler, au besoin, les contrevenants du reste de la société;

 

e.       réadapter et réformer les contrevenants.

 

[10]           Lorsqu’il détermine la peine à infliger, le tribunal militaire doit également tenir compte des principes suivants :

 

a.       la peine doit être proportionnelle à la gravité de l’infraction;

 

b.      la peine doit être tenir compte de la responsabilité du contrevenant et des antécédents de celui‑ci;

 

c.       la peine doit être semblable à celles infligées à des contrevenants ayant une situation semblable et ayant commis des infractions semblables dans des circonstances semblables;

 

d.      le cas échéant, les contrevenants ne doivent pas être privés de liberté, si une peine moins contraignante peut être justifiée dans les circonstances.  En bref, la cour ne devrait avoir recours à une peine d’emprisonnement ou de détention qu’en dernier ressort, comme l’ont établi la Cour suprême du Canada et la Cour d’appel de la cour martiale.

 

e.       enfin, toute peine devrait être adaptée aux circonstances aggravantes ou atténuantes liées à la perpétration de l’infraction ou à la situation du contrevenant.

 

[11]           J’arrive à la conclusion que, dans les circonstances de l’espèce, la peine doit surtout viser les objectifs de dénonciation et de dissuasion générale, comme l’ont fait valoir le procureur de la poursuite et l’avocat de la défense. Il est important de préciser que l’effet dissuasif général vise à faire en sorte que la peine infligée dissuade non seulement le contrevenant de récidiver, mais aussi toute autre personne se trouvant dans une situation semblable et qui, pour quelque raison que ce soit, serait tentée de se livrer aux mêmes actes illicites.

 

[12]           En l’espèce, la cour est appelée à statuer sur une infraction purement militaire que vous avez commise en vous absentant sans autorisation de votre unité, laquelle touche directement la discipline militaire. Ce type d’infraction concerne l’application des principes de responsabilité et d’intégrité. Être digne de foi et fiable en tout temps est plus qu’essentiel pour toute mission au sein de forces armées, quels que soient les fonctions ou le rôle dont vous devez vous acquitter. Toutefois, la cour impose la sentence qu’elle estime être la peine la moins sévère compte tenu des circonstances.

 

[13]           Le 22 juin 2012, vous deviez participer à une séance d’entraînement à 7 h 30, à Beaumaris Lake, à Edmonton, en Alberta. Vous avez été informé et vous avez compris qu’une séance d’entraînement faisait partie des fonctions de votre poste, mais vous ne vous y êtes pas présenté. Pour l’essentiel, le lieutenant Girard a appris, après vérification, que vous avez dormi tard ce matin‑là. Vous avez utilisé votre téléphone cellulaire comme réveil‑matin, mais la pile du téléphone est tombée à plat. Vous avez donc dormi tard et vous avez manqué la séance d’entraînement.

 

[14]           Pour en arriver à ce qu’elle croit être une peine juste et appropriée, la cour a tenu compte des facteurs atténuants et des facteurs aggravants suivants.

 

[15]           En premier lieu, il s’agit de la gravité objective de l’infraction. Vous avez été accusé, aux termes de l’article 90 de la Loi sur la défense nationale, de vous être absenté sans permission. Cette infraction est passible d’un emprisonnement maximal de deux ans ou d’une moindre peine.

 

[16]           Deuxièmement, il s’agit de la gravité subjective de l’infraction the subjective. Je dirais que c’est la durée de votre absence qui est le principal facteur aggravant. Je ne suis pas d’accord avec votre avocat pour dire qu’il s’agit d’une courte absence. Dans le service militaire, 4 heures et 30 minutes c’est long, alors qu’un retard de 10 minutes est court. Or, vous vous êtes absenté toute la matinée. De ce point de vue, je dois considérer cet élément comme un facteur aggravant.

 

[17]           J’ai également tenu compte des facteurs atténuants mentionnés suivants :

 

a.       Tout d’abord, il s’agit de votre plaidoyer de culpabilité. Vu les faits présentés en l’espèce, la cour ne peut que considérer votre plaidoyer de culpabilité comme un signe clair et authentique de remords témoignant de votre désir sincère de demeurer un atout pour les Forces canadiennes. Ce plaidoyer témoigne du fait que vous assumez la pleine responsabilité de vos actes. En outre, votre déclaration soumise comme élément de preuve par votre avocat indique clairement dès le début que vous éprouvez des regrets et que vous assumez l’entière responsabilité de vos actes, ce qui constitue un facteur atténuant.

 

b.      Je dois également tenir compte de votre efficacité dans le service militaire, qui constitue à mon avis un facteur atténuant. Sans aucun doute, à ce moment‑là, vous étiez en train d’améliorer votre rendement. Selon les deux RAP, vous faisiez de bons progrès. Je n’ai pas eu l’occasion de consulter le dernier RAP, parce que la période faisant l’objet de l’évaluation s’achève à la fin mars. Or, je crois comprendre que vous faisiez de bons progrès. Je dois également considérer cet élément comme un facteur atténuant.

 

c.       Comme l’a mentionné votre avocat, le fait d’avoir eu à faire face à la présente Cour martiale, qui est annoncée et accessible au public, et qui a eu lieu en présence de certains de vos collègues et de certains de vos pairs a certainement eu un effet dissuasif très important sur vous et sur eux. Le message est que le genre de conduite que vous avez eue ne sera toléré d’aucune manière et que ce genre de comportement sera réprimé en conséquence.

 

d.      Le fait que, dans une certaine mesure, il s’agit d’un incident isolé. Il est vrai que vous avez une fiche de conduite, mais je ne la considère pas comme un facteur aggravant dans les circonstances, notamment eu égard aux explications fournies à la cour. À mon avis, il s’agit bien de la deuxième fois dans votre carrière que vous agissez de la sorte, mais ce n’est pas une action systémique, une action répétée dans une courte période. J’estime que, compte tenu des RAP fournis et des commentaires sur votre rendement et votre potentiel à ce moment‑là, il s’agissait d’un incident inhabituel découlant des circonstances spéciales, et je suis d’avis que ce n’était pas une habitude. Selon moi, il s’agissait d’un incident isolé plutôt que d’un refus de respecter les règles.

 

e.       La cour doit aussi reconnaître qu’en fait, la peine infligée demeurera sur votre fiche de conduite, tout comme la précédente, tant que vous ne vous verrez pas accorder une réhabilitation pour votre casier judiciaire. Vous mettrez du temps avant d’obtenir une réhabilitation. Il y a donc des conséquences que l’on ignore parfois et la présence du casier judiciaire n’est pas sans importance.

 

[18]           Par conséquent, la cour accepte la recommandation conjointe des avocats quant à la peine et vous inflige une amende de 400 dollars, étant donné que cette peine n’est pas contraire à l’intérêt public et n’aura pas pour effet de déconsidérer l’administration de la justice.

 

POUR CES MOTIFS, LA COUR :

 

[19]           Vous DÉCLARE coupable du premier chef d’accusation, relativement à une infraction prévue à l’article 90 de la Loi sur la défense nationale.

 

[20]           Vous CONDAMNE à une amende de 400 dollars payable en deux versements. Le premier versement de 200 dollars sera effectué au 1er avril 2013, suivi du deuxième versement de 200 dollars qui sera effectué un mois plus tard, soit le 1er mai 2013.


 

Avocats :

 

Major A.C. Samson, Service canadien des poursuites militaires

Procureur de Sa Majesté la Reine

 

Major S.L. Collins, Direction du service d’avocats de la défense

Avocat du caporal T.A. Weir

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.