Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l’ouverture du procès : 6 mai 2013.

Endroit : Centre de ressource pour les familles militaires, 674 chemin Kingsway, Cold Lake (AB).

Chefs d’accusation
•Chef d’accusation 1 : Art. 90 LDN, s’est absenté sans permission.
•Chef d’accusation 2 : Art. 85 LDN, a insulté verbalement un supérieur.
•Chef d’accusation 3 : Art. 114 LDN, vol.
•Chef d’accusation 4 : Art. 129 LDN, acte préjudiciable au bon ordre et à la discipline.

Résultats
•VERDICTS : Chefs d’accusation 1, 2 : Coupable. Chefs d’accusation 3, 4 : Non coupable.
•SENTENCE : Une amende au montant de 800$.

Contenu de la décision

COUR MARTIALE

 

Référence : R c Hubick, 2013 CM 3012

 

Date : 20130506

Dossier : 201265

 

Cour martiale permanente

 

Base des Forces canadiennes Cold Lake

Cold Lake (Alberta) Canada

 

Entre : 

 

Sa Majesté la Reine

 

- et -

 

Matelot-chef D.G. Hubick, contrevenant

 

 

Devant : Lieutenant-colonel L.-V. d'Auteuil, J.M.

 


 

 

TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE

 

MOTIFS DE LA SENTENCE

 

(Prononcés de vive voix)

 

[1]               Matelot-chef Hubick, ayant accepté et enregistré votre plaidoyer de culpabilité à l’égard des premier et second chefs d’accusation, la cour vous déclare coupable de ces chefs d’accusation. La cour vous ayant déclaré non coupable des troisième et quatrième chefs d’accusation, et la poursuite ayant décidé de ne pas présenter de preuve, il n’y a pas d’autre chef d’accusation à traiter.

 

[2]               Il est de mon devoir, à titre de juge militaire présidant la présente cour martiale permanente, de déterminer la peine.

 

[3]               Le système de justice militaire constitue l'ultime recours pour faire respecter la discipline, qui est une dimension essentielle de l'activité militaire dans les Forces canadiennes. Ce système vise à prévenir toute inconduite ou, d’une façon plus positive, à promouvoir la bonne conduite. C'est grâce à la discipline que les Forces armées s'assurent que leurs membres rempliront leurs missions avec succès, de manière fiable et confiante. Le système assure également le maintien de l'ordre public et veille à ce que les personnes assujetties au Code de discipline militaire soient punies de la même façon que toute autre personne vivant au Canada. Il est depuis longtemps reconnu que le but d’un système de justice ou de tribunaux militaires distincts est de permettre aux Forces armées de régler les affaires qui portent sur le respect du Code de discipline militaire et d’assurer le maintien du rendement et du moral au sein des Forces canadiennes (voir R. c. Généreux, [1992] 1 R.C.S. 259, à la page 293). Cependant, la sanction imposée par tout tribunal, militaire ou civil, devrait constituer l’intervention minimale nécessaire qui est adéquate, eu égard aux circonstances de l'espèce.

 

[4]               En l’espèce, la procureure de la poursuite et l’avocat de la défense ont formulé une suggestion commune au sujet de la peine à infliger. Ils ont recommandé que la Cour vous inflige une amende de 800 $ afin de répondre aux exigences de la justice. Bien que la cour ne soit pas liée par cette recommandation conjointe, il est généralement reconnu, comme l’a mentionné la procureure, que le juge qui prononce la peine ne devrait s’écarter de la suggestion commune que lorsqu’il a des raisons convaincantes de le faire. Ces raisons peuvent notamment découler du fait que la peine n'est pas adéquate, qu'elle est déraisonnable, qu'elle déconsidérerait l’administration de la justice ou qu’elle irait à l'encontre de l'intérêt public (R c Taylor, 2008 CACM 1, au paragraphe 21).

 

[5]               L’objectif fondamental de la détermination de la peine par une cour martiale est d’assurer le respect de la loi et le maintien de la discipline en imposant des sanctions ayant un ou plusieurs des objectifs suivants :

 

a)                  la protection du public, y compris les Forces canadiennes;

 

b)                  la dénonciation du comportement illégal;

 

c)                  la dissuasion du contrevenant et de quiconque de commettre les mêmes infractions;

 

d)                 l’isolement, au besoin, des contrevenants du reste de la société;

 

e)                  la réhabilitation et la réadaptation des contrevenants.

 

[6]               Lorsqu’il détermine la peine à infliger, le tribunal militaire doit également prendre en compte les principes suivants :

 

a)                  la peine doit être proportionnelle à la gravité de l’infraction;

 

b)                  la peine doit être proportionnelle à la responsabilité du contrevenant et aux antécédents de celui-ci;

 

c)                  la peine doit être semblable aux peines imposées à des contrevenants similaires relativement à des infractions semblables commises dans des circonstances semblables;

 

d)                 le cas échéant, le contrevenant ne doit pas être privé de liberté, si une peine moins contraignante peut être justifiée dans les circonstances. En bref, la cour ne devrait avoir recours à une peine d’emprisonnement ou de détention qu’en dernier ressort, comme l’ont établi la Cour d’appel de la cour martiale et la Cour suprême du Canada;

 

e)                  et finalement, toute peine qui compose une sentence devrait être adaptée aux circonstances aggravantes ou atténuantes liées à la perpétration de l'infraction et à la situation du contrevenant.

 

[7]               J’en suis venu à la conclusion que, compte tenu des circonstances particulières de l’espèce, la peine doit surtout viser les objectifs de dénonciation et de dissuasion générale.

 

[8]               En l’espèce, la cour est appelée à statuer sur ce qu’on appelle des infractions purement militaire, qui relèvent uniquement du Code de discipline militaire et qu’on rencontre très peu souvent dans le monde civil.

 

[9]               Le Matelot-chef Hubick était un militaire affecté à l’administration de la 4e Escadre Cold Lake, dans la Base des Forces canadiennes Cold Lake, en Alberta, au moment de la perpétration des infractions. Il semble que, le 21 octobre 2011, le supérieur immédiat du Matelot-chef Hubick, le Maître de 1re classe Bramburger, lui a demandé de lui remettre son titre de permission de Noël à la fin du jour ouvrable. Ce jour-là, le M 1 Bramburger a envoyé un courriel au Matelot-chef Hubick pour lui rappeler de remettre son titre de permission de Noël avant la fin de la journée de travail. Le Matelot-chef Hubick a refusé d’obtempérer et a ajouté pouvoir seulement le faire le lundi suivant, 24 octobre 2011, à 1500 heures, après avoir parlé à son épouse. Le Maître de 1re classe Bramburger a montré l’échange de courriels entre le Matelot-chef Hubick et lui-même au Capitaine Bourque, qui a ensuite demandé par courriel au Matelot-chef Hubick de remettre son titre de permission d’ici la fin de la journée de travail. À la fin de la journée, le Maître de 1re classe Bramburger a attendu le Matelot-chef Hubick à la porte. Ce dernier lui a remis brusquement son titre de permission et a dit : [traduction] « Tiens, mon petit bébé, le voilà ton maudit titre de permission ». En ce qui concerne l’accusation d’absence sans permission, il semble que, le 13 janvier 2012, le même supérieur immédiat, le Maître de 1re classe Bramburger, a remis un formulaire sur les affectations professionnelles au Matelot-chef Hubick. Le formulaire contenait ses heures de travail de la journée, de 0730 heures à 1630 heures, y compris un dîner de 1200 heures à 1300 heures. Le 19 mars 2012, après une semaine de congé, le Maître de 1re classe Bramburger est arrivé au travail à 0720 heures. Ce jour-là, le Matelot-chef Hubick est arrivé au travail à 0830 heures, soit environ une heure après le début prévu de son quart de travail. À ce moment-là, le Maître de 1re classe Bramburger lui a demandé pourquoi il était en retard au travail, ce à quoi il a répondu : [traduction] « Je ne savais pas que tu revenais aujourd’hui ».

 

[10]           Comme la procureure de la poursuite l’a mentionné, ces infractions sont directement liées à certaines des obligations éthiques des membres des Forces canadiennes, comme celles de responsabilité et d’intégrité, dans le cas des militaires du rang. En outre, pour ce qui est des officiers, la fiabilité en tout temps est plus qu’essentielle à la réalisation d’une tâche ou d’une mission au sein d’une force armée, peu importe la fonction ou le rôle dont il faut s’acquitter, surtout dans une telle situation.

 

[11]           Pour déterminer une peine qu’elle considère comme juste et appropriée, la cour a tenu compte des facteurs atténuants et aggravants suivants :

 

a)                  La cour considère la gravité objective des infractions comme un facteur aggravant. Vous avez été accusé d’infractions aux termes des articles 90 et 85 de la Loi sur la défense nationale qui sont punissables par une peine d’emprisonnement de moins de deux ans dans le cas de l’absence sans permission, et par une destitution ignominieuse du service de Sa Majesté ou par une punition moindre dans le cas de l’insubordination;

 

b)                  La cour a tenu compte de la gravité subjective des infractions et a relevé deux aspects :

 

                                            i.            premièrement, votre grade et votre expérience. À la lumière de votre Sommaire des dossiers du personnel militaire, il est évident que vous avez beaucoup d’expérience dans le monde militaire et au sein des Forces canadiennes, et, pour cette raison, compte tenu de votre grade et de votre expérience, vous auriez dû agir différemment dans les circonstances. Être à l’heure et respecter un supérieur sont deux exigences fondamentales, et, compte tenu de votre grade, je suis convaincu que vous le saviez déjà, parce que vous avez probablement vous-même supervisé d’autres personnes et, si ce n’est pas le cas, du moins, on s’attend à ce que les gens qui occupent votre poste, je ne parle pas ici de votre grade, mais du poste que vous occupez, donnent l’exemple, même si, malheureusement, vous n’êtes pas d’accord. Je crois que c’est votre droit d’être en désaccord, mais il faut savoir maîtriser votre colère et surveiller la façon dont vous vous exprimez, et je crois, à ce sujet, que vous réfléchirez plus longtemps, la prochaine fois, afin d’agir de façon appropriée;

 

                                          ii.            deuxièmement, votre fiche de conduite. Il est vrai que les deux incidents qui figurent sur votre fiche de conduite sont différents, mais ils révèlent à la cour que, de temps en temps, pas très souvent, mais une fois de temps en temps, un tribunal militaire doit vous rappeler la teneur du Code de discipline militaire. Par conséquent, je considère cela comme un facteur aggravant.

 

[12]           Par ailleurs, j’ai aussi tenu compte des facteurs atténuants suivants :

 

a)                  Premièrement, votre plaidoyer de culpabilité. À la lumière des faits qui lui ont été présentés, en l’espèce, la cour doit considérer votre plaidoyer de culpabilité comme un véritable signe de remords et une volonté sincère de rester un élément utile au sein des Forces canadiennes. Ce plaidoyer témoigne aussi du fait que vous reconnaissez la pleine responsabilité de vos actes;

 

b)                  Je dois aussi tenir compte des circonstances uniques entourant les deux infractions :

 

                                            i.            Premièrement, en ce qui concerne l’absence sans permission, je comprends que c’est une situation très unique. En effet, le contexte m’a fait comprendre qu’il y avait une certaine confusion en ce qui concerne non pas ce que votre superviseur vous avait dit, mais ce que vous ont dit les gens dans l’environnement de travail. En outre, je comprends que votre intention n’était peut-être pas d’être en retard, mais, avant de confirmer auprès de votre supérieur direct votre interprétation de la situation, vous avez probablement décidé de procéder comme bon vous semblait. Malheureusement, ce n’est pas ainsi qu’on fait les choses dans les Forces canadiennes. C’est malheureux, parce que c’est peut-être quelque chose que vous devriez vérifier. Cependant, c’est une situation très unique et ce n’est donc pas la même chose. Vous n’étiez pas sur un navire, contrairement aux deux incidents figurant sur votre fiche de conduite, vous étiez dans un bureau. Il s’agit de l’interprétation ou de l’interprétation erronée d’une règle, et je ne crois pas que ce soit quelque chose que vous envisagiez de faire à l’avenir. Je crois que vous avez indiqué précisément comment les choses devaient se passer;

 

                                          ii.            En ce qui concerne l’insubordination, c’est la première fois que vous êtes déclaré coupable par un tribunal militaire d’une telle infraction. Je crois que vous comprenez très bien, compte tenu de votre grade et de votre expérience, et pas seulement en tant que militaire, mais en tant qu’humain qui interagit avec d’autres, que vous devez tout de même donner l’exemple. Cependant, je crois aussi que, d’une certaine façon, vos paroles ont dépassé vos pensées. Le contexte était malheureux, et la situation, très unique. Rien n’indique que vous avez tendance à manquer de respect à l’égard des personnes en position d’autorité, alors je considère l’événement comme un incident isolé, ce qui en fait un facteur atténuant;

 

c)                  Il y a aussi le fait que vous vous êtes retrouvé devant la cour martiale. Le fait d’avoir à se présenter devant une cour martiale, très souvent, a un effet dissuasif sur les gens qui sont forcés de s’y présenter, parce qu’ils n’ont pas eu le choix. C’est la procureure de la poursuite qui a décidé de porter des accusations devant le présent tribunal. Vous m’avez entendu affirmer que la dissuasion générale était un des objectifs poursuivis, et le fait d’avoir à se présenter peut être un élément dissuasif, pas seulement pour vous, mais pour d’autres personnes ici présentes et dans la base. Vous comparaissez devant vos pairs et vos collègues, et c’est donc important de considérer ce la comme un facteur atténuant, qui sera probablement et une leçon que vous retiendrez;

 

d)                 Je dois aussi tenir compte du fait que, si j’accepte la suggestion, la sanction restera sur votre fiche de conduite, tout comme les autres éléments qui y figurent déjà, jusqu’à ce que vous obteniez un pardon relativement à votre casier judiciaire. Cela vient donc s’ajouter à votre fardeau, puisque vous auriez probablement pu demander un pardon n’eussent été les procédures actuelles, qui vous obligeront sans doute à reporter votre demande de pardon. Je dois aussi tenir compte de cette répercussion supplémentaire. C’est une conséquence qu’on oublie souvent : vous devrez patienter plus longtemps avant de pouvoir obtenir un pardon relativement à votre casier judiciaire.

 

[13]           J’espère que cela vous aura servi de leçon. Je ne crois pas avoir à vous sermonner longtemps, compte tenu des renseignements au dossier : vous êtes marié, avez deux filles et avez acquis beaucoup d’expérience, vous étiez cuisinier et vous avez changé de spécialité pour devenir steward et vous êtes membre des Forces canadiennes depuis longtemps. Je crois donc que vous comprenez parfaitement ce qui s’est produit et que vous savez comment vous devrez vous comporter à l’avenir, raison pour laquelle je ne veux pas m’éterniser sur le sujet. J’espère que vous n’y voyez pas seulement que du négatif, mais que vous tirerez les leçons qui s’imposent. En outre, si vous avez l’occasion de superviser des gens et d’agir à titre de chef à l’avenir, vous vous souviendrez de ne pas reproduire ce qui vous a amené ici. Je suis sûr et convaincu que vous adopterez une telle attitude.

 

[14]           En conséquence, la cour accepte la suggestion commune des avocats de vous infliger une amende de 800 $ étant donné que cette peine n’est pas contraire à l’intérêt public et qu’elle ne risque pas de déconsidérer l’administration de la justice.

 

POUR CES MOTIFS, LA COUR :

 

[15]           VOUS DÉCLARE coupable à l’égard du premier et du second chefs d’accusation figurant à l’acte d’accusation.

 

[16]           VOUS CONDAMNE à une amende de 800 dollars payable en versements mensuels égaux de 200 dollars à compter du 1er juin 2013.


 

Avocats :

 

Capitaine de corvette S. Torani, directeur des poursuites militaires

Procureure de Sa Majesté la Reine

 

Major J.L.P.L. Boutin, Direction du service d’avocats de la défense

Avocat du Matelot-chef D.G. Hubick

 

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