Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l’ouverture du procès : 3 juin 2013.

Endroit : BFC Borden, Centre de formation des services de santé des Forces canadiennes, édifice O-166, 30 chemin Ortona, Borden (ON).

Chefs d’accusation
•Chef d’accusation 1 (subsidiaire au chef d’accusation 2) : Art. 130 LDN, trafic de substances (art. 5(1) LRCDAS).
•Chef d’accusation 2 (subsidiaire au chef d’accusation 1) : Art. 130 LDN, trafic de substances (art. 5(1) LRCDAS).
•Chef d’accusation 3 (subsidiaire au chef d’accusation 4) : Art. 130 LDN, trafic de substances (art. 5(1) LRCDAS).
•Chef d’accusation 4 (subsidiaire au chef d’accusation 3) : Art. 130 LDN, trafic de substances (art. 5(1) LRCDAS).

Résultats
•VERDICTS : Chefs d’accusation 1, 3 : Coupable. Chefs d’accusation 2, 4 : Une suspension d’instance.
•SENTENCE : Emprisonnement pour une période de six mois.

Contenu de la décision

 

COUR MARTIALE

 

Référence : R c Vezina, 2013 CM 3014

 

Date : 20130612

Dossier : 201264

 

Cour martiale permanente

 

Base des Forces canadiennes Borden

Borden (Ontario) Canada

 

Entre :

 

Sa Majesté la Reine

 

- et -

 

Soldat A.L. Vezina, accusée

 

 

Devant : Lieutenant-colonel L.-V. d'Auteuil, J.M.

 


 

TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE

 

MOTIFS DE LA DÉCISION CONCERNANT LA DEMANDE DE DÉFENSE DE PROVOCATION POLICIÈRE

 

(Prononcés de vive voix)

 

[1]               Le 10 juin 2013, la cour martiale a conclu, à la lumière de l’ensemble des éléments de preuve liés aux éléments essentiels concernant les quatre chefs d’accusation dont elle était saisie, que la poursuite avait prouvé hors de tout doute raisonnable que le Soldat Vezina avait perpétré quatre infractions d’ordre militaire punissables aux termes de l’article 130 de la Loi sur la défense nationale pour trafic de drogue en contravention du paragraphe 5(1) de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances.

 

[2]               Immédiatement après le verdict de culpabilité rendu par la cour martiale permanente relativement aux quatre chefs d’accusation dont elle était saisie, l’avocat de la défense du Soldat Vezina a présenté une demande de suspension d’instance en invoquant la défense de provocation policière.

 

[3]               La preuve liée à cette demande est composée de tous les éléments de preuve présentés durant le procès. Durant l’audience, les deux parties ont décliné l’offre de présenter des éléments de preuve supplémentaires sur l’affaire qui nous occupe. La preuve est donc composée des éléments suivants :

 

a.       le témoignage des cinq témoins entendus dans l’ordre suivant : le Sergent Chapdelaine, le Sergent Janes, le Caporal-chef Krull, l’enquêteur principal dans le dossier, M. Daily et le Maître de 2e classe Clowe, agente d’infiltration dans le cadre de l’enquête;

 

b.      un certain nombre de pièces, notamment des photos de petits sacs contenant une substance, la substance en tant que telle, deux certificats d’analyse, des documents liés à la manipulation des substances durant les analyses et des documents liés à l’opération d’infiltration;

 

c.       la connaissance judiciaire prise par la cour des faits et questions contenues dans la règle 15 des Règles militaires de la preuve et, plus précisément, le contenu de l’annexe D du Manuel sur les consignes et procédures techniques de la police militaire (A-SJ-100-004/AG-000) sur le recours aux informateurs et aux agents.

 

[4]               Le CFCR est un peloton de la Base des Forces canadiennes Borden où les candidats qui ont terminé leur instruction élémentaire attendent le début de leur instruction professionnelle. Le Soldat Vezina était membre de ce peloton.

 

[5]               Du 14 novembre 2011 au mois d’avril 2012, la police militaire a recueilli des renseignements concernant la consommation de drogue par certains membres du CFCR. Durant cette période, le Caporal-chef Krull, enquêteur principal dans le dossier, a appris ce qui suit par l’entremise de trois informateurs confidentiels, de la Police provinciale de l’Ontario et du Service de police de Barrie :

 

a.       certains membres du CFCR consommeraient de la cocaïne;

 

b.      le Soldat Vezina était un membre du CFCR;

 

c.       le Soldat Vezina consommerait de la cocaïne;

 

d.      le Soldat Vezina avait consommé de la cocaïne durant son instruction élémentaire;

 

e.       le Soldat Vezina avait une petite amie, Elizabeth Smith;

 

f.       le Soldat Vezina vivait dans l’appartement de sa petite amie, à Barrie, dans la région de la BFC Borden;

 

g.      le Soldat Vezina avait une chambre dans le bâtiment A-79 de la BFC Borden où tous les membres de sexe féminin du CFCR étaient temporairement logés;

 

h.      il aurait été confirmé que trois membres des FC qui vivaient dans le bâtiment A-79 consommaient de la cocaïne;

 

i.        une femme responsable de l’entretien ménager dans le bâtiment A-79 fréquenterait ces membres des FC qui consommaient de la cocaïne;

 

j.        le club d’effeuillage Crossover était l’endroit où les membres des FC de la BFC Borden se rendaient pour se procurer la drogue;

 

k.      il y avait des membres d’un gang qui consommaient de la drogue dans l’habitation où le Soldat Vezina vivait avec sa petite amie;

 

l.        Elizabeth Smith, supposément une ancienne danseuse nue, serait celle qui fournissait la drogue;

 

m.    Elizabeth Smith serait une trafiquante de drogue connue à Barrie qui vendrait différentes sortes de drogues;

 

n.      Elizabeth Smith aurait fourni de la drogue à certains membres des FC identifiés comme étant des consommateurs et logés temporairement dans le bâtiment A-79.

 

[6]               La plupart des renseignements recueillis auprès des trois informateurs confidentiels ont été « jugés fiables » par la police militaire et, dans le cas d’autres renseignements, leur fiabilité a été confirmée. En outre, selon la politique de la police militaire, « jugé fiable » signifie que « la connaissance actuelle de l’informateur est favorable et donne à penser qu’il fournira des renseignements fiables ».

 

[7]               Le 16 décembre 2011, le Caporal-chef Krull a défini un plan d’enquête qui prévoyait une opération de surveillance du Soldat Vezina afin de confirmer qu’Elizabeth Smith était trafiquante de drogue. Il avait aussi prévu une opération d’infiltration afin de confirmer les renseignements fournis par ses sources confidentielles.

 

[8]               Cependant, seule l’opération d’infiltration a été approuvée par son supérieur dans le but de confirmer la consommation de drogue dans le bâtiment A-79. Il était aussi prévu de soumettre certains membres des FC qui habitaient dans le bâtiment à une analyse d’urine fondée sur des motifs raisonnables, mais cela n’a jamais eu lieu, faute de motifs raisonnables.

 

[9]               Le 30 janvier 2012, une demande d’opération d’infiltration a été présentée. Les deux objectifs étaient les suivants :

 

a.       confirmer les renseignements fournis par les informateurs et saisir les narcotiques achetés par les trois membres des FC, y compris le Soldat Vezina et sa petite amie, Elizabeth Smith;

 

b.      évaluer l’ampleur du problème de consommation de drogue dans le bâtiment A-79 parmi les locataires de sexe féminin.

 

[10]           Le 15 avril 2012, l’opération d’infiltration a commencé. Le Sergent Janes était responsable de l’opération, l’agente d’infiltration, le Maître de 2e classe Clowe.

 

[11]           L’objectif principal de l’opération à ce moment-là était d’essayer d’acheter de la cocaïne du Soldat Vezina afin de confirmer qu’elle était impliquée dans le trafic de drogues. Cinq autres cibles ont été cernées dans le cadre de l’opération d’infiltration, y compris la petite amie du Soldat Vezina, mais les membres des FC visés avaient emménagé ailleurs, et seule l’accusée avait encore une chambre dans le bâtiment A‑79. Même si l’agente d’infiltration gardait à l’esprit qu’elle pouvait essayer d’enquêter sur d’autres cibles, le Soldat Vezina est devenue sa principale et unique cible.

 

[12]           Le Maître de 2e classe Clowe est arrivée à la BFC Borden le 15 avril 2012 et a obtenu une chambre dans le bâtiment A-79 le jour même. Certains des membres du CFCR servaient de mentors dans le cadre du Programme de mentorat autochtone, un programme de prérecrutement utilisé pour initier les Autochtones intéressés à une carrière militaire aux exigences de base du programme d’instruction élémentaire. Certains membres des FC du CFCR devaient fournir une assistance et agir à titre de mentors auprès des Autochtones qui participaient au programme, y compris le Soldat Vezina et le Maître de 2e classe Clowe, qui s’appelait, dans le cadre de l’opération d’infiltration, le Soldat Samson. Cela signifiait qu’elles se trouvaient toutes les deux dans le même environnement de travail.

 

[13]           Le Maître de 2e classe Clowe a rencontré pour la première fois le Soldat Vezina le 16 avril 2012. Elles ont fait connaissance au cours des jours suivants, et, le soir du 18 avril 2012, durant une conversation où le Soldat Vezina lui a dit que sa petite amie travaillait au bar d’effeuillage Crossover, le Maître de 2e classe Clowe lui a demandé : [traduction] « Peux-tu me trouver de la coke? » Le Soldat Vezina lui a ensuite dit : [traduction] « Tu consommes, vraiment? » À quoi le Maître de 2e classe Clowe a répondu : [traduction] « Oui, pourquoi pas? » Le Soldat Vezina a confirmé qu’elle pouvait lui en fournir.

 

[14]           Le soir même, l’agente d’infiltration est retournée à sa chambre avec l’accusée et a confirmé que celle-ci pouvait lui fournir de la drogue.

 

[15]           Le lendemain, au cours d’une conversation par messages textes engagée par le Maître de 2e classe Clowe, le Soldat Vezina a déclaré qu’elle ne pouvait pas lui fournir la drogue avant le jour suivant parce qu’elle devait retourner chez elle et en parler à sa petite amie ce soir-là.

 

[16]           Le matin du 20 avril 2012, le Maître de 2e classe Clowe a reçu un appel du Soldat Vezina. Elles ont convenu d’un endroit pour se rencontrer. Elles ont échangé de l’argent durant le dîner dans le véhicule du Soldat Vezina, devant la salle de mess de la BFC Borden. Le Maître de 2e classe Clowe a payé pour un gramme de cocaïne. Elle a remis d’avance 80 $ au Soldat Vezina, soit quatre billets de 20 $.

 

[17]           Ce soir-là, le Soldat Vezina est venue dans la base pour livrer la drogue. Elle a envoyé un message texte à l’agente d’infiltration pour déterminer un lieu de rencontre. Le Maître de 2e classe Clowe a ensuite organisé l’échange de drogue, qui a eu lieu dans le stationnement du bâtiment T-115 de la BFC Borden. Le Soldat Vezina était dans sa voiture, et une autre femme était assise dans le siège du passager. Le Maître de 2e classe Clowe s’est présentée du côté conducteur. La fenêtre était descendue à moitié. Elle a donné 20 $ au Soldat Vezina pour l’essence, ce qui avait été convenu avant l’échange, et le Soldat Vezina lui a remis un petit sac contenant de la poudre blanche. Le Maître de 2e classe Clowe a discuté brièvement avec le Soldat Vezina. Elle est ensuite retournée au travail, et le Soldat Vezina est partie.

 

[18]           Après son quart de travail, le Maître de 2e classe Clowe a donné le petit sac au Sergent Janes, le coordonnateur de l’opération, qui l’a remis au Caporal-chef Krull. Ce dernier l’a mis sous clé dans une armoire d’éléments de preuve temporaires.

 

[19]           Les choses se sont poursuivies normalement entre le Maître de 2e classe Clowe et le Soldat Vezina. Le 20 avril 2013, le Maître de 2e classe Clowe a parlé avec le Soldat Vezina pour lui acheter à nouveau de la cocaïne. Le Soldat Vezina a accepté et confirmé qu’elle devait être payée d’avance, comme la dernière fois.

 

[20]           Le 24 avril 2012, le Maître de 2e classe Clowe a payé 100 $ au Soldat Vezina, soit 80 $ pour la cocaïne, et 20 $ pour la livraison. L’échange d’argent a eu lieu vers 14 h, dans les salles de bain des femmes du bâtiment T-83 de la BFC Borden.

 

[21]           Il a fallu un certain temps pour que le Soldat Vezina trouve quelqu’un pouvant lui fournir la drogue, et le Maître de 2e classe Clowe a communiqué avec elle une fois de temps en temps pour savoir quand elle pourrait obtenir la drogue. L’échange a enfin eu lieu devant le bâtiment A-79, vers 23 h 30. Le Maître de 2e classe Clowe est sorti du bâtiment et s’est présentée du côté conducteur du véhicule du Soldat Vezina. Elles ont parlé brièvement. Le Soldat Vezina lui a remis un petit sac contenant de la poudre blanche. Le Soldat Vezina, qui était seule cette fois-ci, est partie. Pour sa part, le Maître de 2e classe Clowe est retournée dans le bâtiment.

 

[22]           Plus tard ce soir-là, le Maître de 2e classe Clowe a remis le petit sac à son responsable, le Sergent Janes, qui l’a remis au Caporal-chef Krull. Ce dernier l’a mis sous clé dans une armoire d’éléments de preuve temporaires.

 

[23]           Le 27 avril 2012, le Maître de 2e classe Clowe a réglé ses formalités de départ de la BFC Borden et a quitté la base.

 

[24]           Lorsqu’on présente une demande de suspension d’instance, le fardeau de la preuve incombe à l’accusé, qui doit prouver selon la prépondérance des probabilités que le comportement des forces de l’ordre, dans ce cas-ci la police militaire, constitue un abus de procédures (en l’espèce, une provocation policière). Si l’accusée réussit à prouver qu’il y a eu une telle provocation, la suspension d’instance est la solution appropriée, mais seulement dans les cas où cela ne fait aucun doute. Les dispositions législatives sur la provocation policière ont été décrites dans l’arrêt R. c. Mack, [1988] 2 R.C.S. 903, où les deux fondements principaux du critère de provocation policière sont énoncés aux pages 964 et 965 comme suit :

 

(a) les autorités fournissent à une personne l'occasion de commettre une infraction sans pouvoir raisonnablement soupçonner que cette personne est déjà engagée dans une activité criminelle, ni se fonder sur une véritable enquête;

 

(b) quoi qu'elles aient ce soupçon raisonnable ou qu'elles agissent au cours d'une véritable enquête, les autorités font plus que fournir une occasion et incitent à perpétrer une infraction.

 

[25]           Dans R. c. Kang-Brown, [2008] CSC 18, la notion de « soupçon raisonnable » a été décrite par le juge Binnie, au paragraphe 75, dans les termes suivants :

 

Les « soupçons » sont une impression que l’individu ciblé se livre à une activité criminelle. Les soupçons « raisonnables » sont plus que de simples soupçons, mais ils ne correspondent pas à une croyance fondée sur des motifs raisonnables et probables.

 

[26]           L’accusée affirme que sa demande concerne uniquement le premier élément du critère. Selon elle, la police ne pouvait pas raisonnablement soupçonner qu’elle était déjà engagée dans le trafic de cocaïne lorsqu’elle lui a fourni l’occasion de commettre l’infraction en question. De plus, la police ne pouvait pas, à ce moment-là, se fonder sur une véritable enquête.

 

[27]           L’accusée a aussi dit à la cour que, conformément à la décision de la Cour suprême dans R. c. Barnes, [1991] 1 R.C.S. 449 et R. c. Brown, [1999] 3 R.C.S. 660, qui confirment la décision de la cour martiale permanente rendue par le juge militaire Barnes, la police doit avoir un soupçon raisonnable qu’elle était engagée dans l’infraction précise de trafic avant de lui fournir l’occasion de commettre cette infraction.

 

[28]           Le procureur de la poursuite a fait valoir que l’accusée ne s’est pas acquittée du fardeau de la preuve et que la longue enquête policière a permis de conclure que l’accusée était bel et bien le lien entre un trafiquant et certains membres des FC, ce qui constituait un soupçon raisonnable que le Soldat Vezina faisait du trafic de cocaïne, et ce, avant de lui fournir l’occasion de commettre cette infraction. En réponse à l’argument de l’accusée, le procureur de la poursuite a souligné que, conformément à l’arrêt R. c. Lebrasseur, [1995] CCC (3d) 167 de la Cour d’appel du Québec, même si, relativement à une personne, on a un soupçon raisonnable qu’elle possède des drogues illégales, le contexte pourrait justifier, si le geste n’est pas disproportionné, qu’on offre à ladite personne une occasion de faire le trafic de drogues.

 

[29]           En l’espèce, la cour conclut que la question ne concerne pas le caractère véritable de l’enquête ni l’incitation à perpétrer une infraction. L’enjeu principal est l’existence ou non d’un soupçon raisonnable. La police ne menait pas une véritable enquête sur un endroit ciblé et elle n’essayait pas non plus de fournir une occasion de commettre une infraction de trafic.

 

[30]           La question à laquelle la cour doit répondre est la suivante : l’accusée a-t-elle établi selon la prépondérance des probabilités que la police n’avait pas un soupçon raisonnable lorsqu’elle lui a fourni l’occasion de commettre une infraction de trafic?

 

[31]           Pour répondre à cette question, la cour doit déterminer à quel moment l’agente d’infiltration a fourni à l’accusée l’occasion de commettre l’infraction. Il semble, à la lumière des faits de l’espèce, que, quand l’agente d’infiltration, le Maître de 2e classe Clowe, a demandé pour la première fois à l’accusée de lui fournir de la cocaïne, la police avait un soupçon raisonnable qu’elle en consommait. Cependant, je reconnais, comme l’a mentionné l’avocat de la défense, que la police n’avait aucun soupçon raisonnable à ce moment-là. Au mieux, elle avait un simple soupçon que l’accusée s’adonnait au trafic de cocaïne.

 

[32]           La teneur des renseignements fournis à la police à ce moment-là et leur niveau de fiabilité, d’un point de vue objectif, permettaient de conclure raisonnablement que le Soldat Vezina était engagée dans l’activité criminelle de possession ou de consommation de cocaïne. Je conclus aussi que l’enquêteur principal dans le dossier, le Caporal-chef Krull, n’a pas embelli ni exagéré les renseignements reçus. Il est vrai que c’est son inférence qui l’a poussé à conclure que, puisque le Soldat Vezina vivait avec une personne impliquée dans le trafic de drogues et avait une chambre dans un endroit où vivaient des consommateurs de drogue confirmés, ceux-ci s’approvisionnaient auprès de la personne avec qui vivait le Soldat Vezina, et que, enfin, le Soldat Vezina consommait de la drogue, et devait être elle aussi impliquée dans le trafic. Cependant, comme l’avocat de la défense l’a mentionné, l’implication de l’accusée dans le trafic n’était pas l’unique possibilité permettant d’expliquer que des membres des FC étaient en possession de drogues.

 

[33]           Comme on l’a décrit dans R. c. Imoro, [2010] C.A. Ont. 122, au paragraphe 16, et comme l’a confirmé la Cour suprême du Canada dans l’arrêt [2010] CSC 50, quand l’agent d’infiltration a posée la question [traduction] « Peux-tu me trouver de la coke? », à l’accusée, il s’agissait d’une étape dans l’enquête policière pour confirmer une inférence logique découlant des renseignements connus par la police à ce moment-là. Cela n’équivaut pas au fait de fournir une occasion au Soldat Vezina de faire du trafic de cocaïne. Cette étape a été franchie deux jours plus tard au moment de l’échange d’argent en vue de l’achat de cocaïne. Comme la Cour d’appel de l’Ontario l’a statué dans R. c. Bayat, [2011] C.A. Ont. 778, au paragraphe 19, c’était l’équivalent de frapper à une porte. En outre, comme l’a mentionné la Cour d’appel de la Colombie-Britannique dans son arrêt dans R. c. Olazo, [2012] C.A. C.-B. 59, qui portait sur la décision dans Imoro, la cour a dit ce qui suit au paragraphe 25 :

 

[Traduction]

Grâce à cette approche, la police peut obtenir un niveau raisonnable de soupçon en franchissant les étapes préliminaires d’une transaction de drogue sans risquer la provocation policière.

[34]           Il ne fait aucun doute à la lumière des renseignements obtenus par l’agente d’infiltration durant les deux jours précédant le premier échange d’argent que la police avait un soupçon raisonnable à ce moment-là que le Soldat Vezina était engagé, d’un point de vue objectif, dans l’activité criminelle de trafic de cocaïne.

 

[35]           Comme la mentionné le juge Cormick dans l’arrêt R. c. Stubbs, [2012] C.A. Ont. 1882 (CANLII), au paragraphe 13 :

 

[Traduction]

La justification de la doctrine de la provocation policière a été bien décrite par le juge Sharpe dans l’arrêt R. c. Townsend, [1997] O.J. no 6516 (C.J. Ont. (Div. Gén.)), lorsqu’il a dit ce qui suit au paragraphe 41 du jugement :

Ce qu’il faut éviter ici, comme on l’a indiqué dans Mack, c’est de savoir si le comportement de la police crée un risque inutile d’attirer des personnes innocentes et respectueuses des lois à perpétrer une infraction.

[36]           Par conséquent, la cour conclut que l’accusée n’a pas établi selon la prépondérance des probabilités que la police militaire n’avait pas un soupçon raisonnable lorsqu’elle lui a fourni l’occasion de commettre une infraction de trafic.

 

[37]           La demande de défense de provocation policière présentée par le Soldat Vezina est par le fait même rejetée.

 


 

Avocats :

 

Major E. Carrier, Service canadien des poursuites militaires

Procureur de Sa Majesté la Reine

 

Capitaine de corvette B.G. Walden, Direction du service d’avocats de la défense

Avocat du Soldat A.L. Vezina

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.