Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l’ouverture du procès : 10 juin 2014.

Endroit : BFC Petawawa, édifice L-106, terrain de parade Nicklin, Petawawa (ON).

Chefs d’accusation
•Chef d’accusation 1 : Art. 129(2) LDN, acte préjudiciable au bon ordre et à la discipline.
•Chefs d’accusation 2, 3 : Art. 130 LDN, possession d’une substance (art. 4(1) LRCDAS).

Verdicts
•Chef d’accusation 1 : Coupable.
•Chefs d’accusation 2, 3 : Coupable.

Sentence
•Une amende au montant de 1000$.

Contenu de la décision

 

COUR MARTIALE

 

Référence : R c Lyons, 2014 CM 4005

 

Date : 20140610

Dossier : 201413

 

Cour martiale permanente

 

Base des Forces canadiennes Petawawa

Petawawa (Ontario) Canada

 

Entre :

 

Soldat J.S. Lyons, contrevenant

 

- et -

 

Sa Majesté la Reine

 

 

 

 

Devant : Capitaine de frégate J.B.M. Pelletier, J.M.

 


 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DE LA SENTENCE

 

(Prononcés de vive voix)

 

[1]        Soldat Lyons, ayant accepté et enregistré votre plaidoyer de culpabilité pour les deuxième et troisième chefs d’accusation, les seuls chefs restants figurant sur l’acte d’accusation, la cour vous déclare maintenant coupable de ces deux infractions aux termes de l’article 130 de la Loi sur la défense nationale, pour possession de marijuana, contrairement au paragraphe 4(1) de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances.

 

[2]        Il me revient maintenant, en tant que juge militaire présidant cette Cour martiale permanente, de déterminer la peine. Pour ce faire, j’ai pris en compte les principes de détermination de la peine qu’appliquent les cours ordinaires de juridiction criminelle au Canada et les cours martiales. J’ai également pris en compte les faits propres à cette affaire tels qu’ils sont révélés dans la preuve et dans les pièces produites au cours de l’audience de détermination de la peine, de même que les conclusions des avocats, celui de la poursuite et celui de la défense.

 

[3]        Le système de justice militaire constitue le moyen ultime de faire respecter la discipline – un élément fondamental de l’activité militaire – dans les Forces canadiennes. Ce système a pour objet de promouvoir la bonne conduite en faisant en sorte que toute inconduite soit dûment sanctionnée. C’est par la discipline qu’une force armée peut s’assurer que ses membres rempliront leurs missions avec succès et d’une manière fiable. On a ainsi l’assurance que l’intérêt public pour la bonne application des lois du Canada sera servi par la condamnation des contrevenants relevant du Code de discipline militaire.

 

[4]        Il est admis de longue date que le but d’un système autonome de justice ou de tribunaux militaires est de permettre aux Forces armées de statuer sur les cas qui concernent l’application du Code de discipline militaire et qui touchent au maintien de l’efficacité et au moral des troupes.

 

[5]        Ainsi que l’écrivait la Cour suprême du Canada dans l’arrêt R c Généreux, [1992] 1 R.C.S. 259, à la page 293 :

 

[...] Pour que les Forces armées soient prêtes à intervenir, les autorités militaires doivent être en mesure de faire respecter la discipline interne de manière efficace.

 

À la même page, la Cour suprême soulignait que, dans le contexte particulier de la justice militaire :

 

[...] Les manquements à la discipline militaire doivent être réprimés promptement et, dans bien des cas, punis plus durement que si les mêmes actes avaient été accomplis par un civil.

 

[6]        Tel est le cas pour les infractions liées à la drogue, comme l’avait jugé en 1986 la Cour d'appel de la cour martiale dans l’arrêt R c MacEachern, (1986) 24 C.C.C. (3d) 439, et dans de nombreux autres cas portés en appel, principalement des cas liés au trafic de drogue. Les cours martiales ont également entériné l’idée selon laquelle une peine plus lourde peut être requise dans le contexte militaire pour les infractions liées à la drogue, comme ce fut le cas dans la décision R c Benedetti, 2013 CM 2009, portée à mon attention par les avocats, où le juge Lamont écrivait, au paragraphe 10, que, selon

lui :

 

[...] la violation des lois liées aux drogues sera dans presque tous les cas punie plus sévèrement que ce que l’on observe dans le contexte civil quand des civils commettent les mêmes infractions.

 

Je souscris à ces propos.

 

[7]        Cela dit, la peine imposée par tout tribunal, militaire ou civil, devrait constituer l’intervention minimale nécessaire qui est adéquate, compte tenu des circonstances. Ce principe s’accorde également avec l’obligation du tribunal de prononcer une peine proportionnée à la gravité de l’infraction et aux antécédents du contrevenant, ainsi que le prévoient les Ordonnances et règlements royaux. Autrement dit, toute peine infligée par un tribunal doit être adaptée au contrevenant et représenter l’intervention minimale requise puisque la modération est le principe fondamental de la théorie moderne de la détermination de la peine au Canada.

 

[8]        La détermination d’une peine par une cour martiale a pour objectif premier de garantir le respect de la loi et le maintien de la discipline, au moyen de sanctions visant un ou plusieurs des objectifs suivants :

 

a)         protéger le public, y compris les Forces canadiennes;

 

b)         dénoncer le comportement illégal;

 

c)         dissuader le contrevenant ou quiconque de commettre la même infraction;

 

d)         isoler au besoin les contrevenants du reste de la société; et

 

e)         réinsérer et réformer les contrevenants.

 

[9]        Lorsqu’il impose une peine, le tribunal militaire doit également tenir compte des principes suivants :

 

a)         la peine doit être proportionnée à la gravité de l’infraction;

 

b)         la peine doit être proportionnée à la responsabilité du contrevenant et aux antécédents de celui-ci;

 

c)         la peine devrait être semblable aux peines infligées à des contrevenants semblables pour des infractions semblables commises dans des circonstances semblables;

 

d)         le contrevenant ne devrait pas être privé de sa liberté s’il est possible, eu égard aux circonstances, de lui infliger une peine moins contraignante; et

 

e)         enfin, toute peine devrait être alourdie ou allégée pour tenir compte des circonstances aggravantes ou atténuantes se rapportant à l’infraction ou au contrevenant.

 

[10]      Je suis arrivé à la conclusion que, eu égard aux circonstances particulières de la présente affaire, la peine devrait donner la priorité aux objectifs que sont la dénonciation, la dissuasion et la réinsertion sociale.

 

[11]      Ici, la cour a affaire à une infraction de possession de cannabis (marijuana), c’est-à-dire à une violation du droit canadien consistant en des activités liées aux drogues et relevant du Programme des Forces canadiennes sur le contrôle des drogues, dont il est question au chapitre 20 des Ordonnances et règlements royaux. Il s’agit donc de la violation d’un important principe du service dans les Forces canadiennes.

 

[12]      Devant la cour comparaît un contrevenant âgé de 24 ans, qui s’est joint aux Forces armées canadiennes le 8 juillet 2009. Il a été soldat d’infanterie dans le Royal Canadian Regiment, où il a suivi le cours de commis NQ3, d’avril 2010 à septembre 2012, date à laquelle il est devenu sapeur-pompier. Il a été déployé en Afghanistan, de septembre à décembre 2010, au sein du groupement tactique du Royal Canadian Regiment. Il sert actuellement dans l’hébergement à la base de Petawawa et n’a pas de personnes à charge. Il a plaidé coupable de deux chefs de possession de marijuana.

 

[13]      L’exposé des circonstances a été lu par le poursuivant et accepté comme preuve concluante par le Soldat Lyons. Les circonstances de la première infraction sont les suivantes :

 

a)         aux premières heures du 23 juin 2013, des membres de la police militaire procédaient à une vérification des véhicules au portail nord de la Base des Forces canadiennes Borden. Alors qu’ils fouillaient l’intérieur d’un véhicule automobile conduit par le Soldat Lyons, un policier militaire a remarqué, dans la console centrale du véhicule, un attirail généralement utilisé pour la consommation de drogue. Les restes de ce que la police croyait être un joint de marijuana consumé ont été observés à l’intérieur d’une bouteille de plastique; et

 

b)         le Soldat Lyons a été arrêté pour possession d’une substance désignée. La substance saisie, qui pesait 0,3 gramme, fut plus tard analysée, et il fut confirmé qu’il s’agissait de cannabis (marijuana).

 

[14]      La deuxième infraction a eu lieu à la BFC Petawawa au matin du 20 octobre 2013 :

 

a)         un membre de la police militaire a observé le Soldat Lyons au volant de son véhicule, qui sortait d’une voie conduisant au terrain de camping de la base. Cela a éveillé ses soupçons puisque le terrain de camping de la base était fermée pour la saison. Le policier militaire a intercepté le véhicule automobile puis s’est adressé au Soldat Lyons, qui était le seul occupant du véhicule;

 

b)         il a décelé une odeur de marijuana brute qui sortait de l’intérieur du véhicule et a placé le Soldat Lyons en détention pour enquête. Après avoir été informé de ses droits de consulter un avocat et avoir reçu une mise en garde, le Soldat Lyons a déclaré qu’il y avait des résidus de marijuana dans le véhicule. C’est alors qu’il a été arrêté pour possession d’une substance désignée, compte tenu de l’odeur de marijuana consumée et de son aveu; et

 

c)         une fouille liée à l’arrestation a révélé la présence d’une quantité de substance ressemblant à de la drogue. La substance saisie, qui pesait 0,86 gramme, fut plus tard analysée, et l’on constata qu’il s’agissait de cannabis (marijuana).

 

[15]      Pour évaluer ce qui constituerait une peine juste et adéquate, la cour a considéré la gravité objective de l’infraction, laquelle, comme le prévoient l’article 130 de la Loi sur la défense nationale et le paragraphe 4(5) de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, est punissable d’une peine pécuniaire ne dépassant pas 1 000 $ ou d’un emprisonnement d’une durée maximale de six mois, ou à la fois d’une peine pécuniaire et d’un emprisonnement, compte tenu que la quantité de cannabis (marijuana) en la possession du contrevenant ne dépasse pas 30 grammes.

 

[16]      La cour considère comme facteur aggravant, dans la présente affaire, la gravité subjective de l’infraction commise, en ce sens que la possession de la substance a eu lieu sur la base à deux occasions, encore que l’infraction n’ait eu aucune incidence sur d’autres membres ou sur des opérations, et qu’il n’ait pas été prouvé que le contrevenant conduisait son véhicule sous l’emprise de la drogue. Par ailleurs, bien que la cour ait affaire à un contrevenant primaire pour ce qui concerne les deux chefs d’accusation dont elle est saisie, la preuve révèle que le contrevenant était sous le coup d’une mise en garde et d’une surveillance au regard de la première infraction quand la deuxième infraction a été commise.

 

[17]      La cour tient compte aussi des facteurs atténuants suivants évoqués dans les conclusions des avocats et attestés par la preuve produite concernant les circonstances atténuantes, en particulier par l’avocat de la défense :

 

a)         en premier lieu, le plaidoyer de culpabilité du contrevenant, que la cour considère comme un signe authentique de remords et comme une indication que le contrevenant assume pleinement la responsabilité de ce qu’il a fait. Le contrevenant a collaboré avec les autorités et communiqué rapidement son plaidoyer, s’évitant ainsi les frais d’un procès et les possibles exceptions d’irrecevabilité d’éléments de preuve. Il a reconnu sa responsabilité au cours d’une audience publique très formelle de la cour martiale;

 

b)         les états de service du contrevenant au sein des Forces canadiennes, états de service qui comprennent un déploiement en 2010. Même si le contrevenant a une fiche de conduite, cette fiche se rapporte à la négligence qu’il avait montrée quand il avait déchargé sans autorisation son arme à feu en 2011; une infraction qui ne fait pas ressortir une inconduite systématique. Le rendement du contrevenant au sein des Forces armées canadiennes a été généralement satisfaisant ainsi qu’en attestent les documents produits par l’avocat de la défense. Ces documents montrent que le contrevenant est un élément prometteur dont l’avancement a été stoppé au moment de la perpétration des infractions. En dépit des chefs d’accusation, le contrevenant a continué de montrer un rendement satisfaisant après les infractions;

 

c)         un autre élément atténuant considéré par la cour est l’état mental du contrevenant, état qui a pu se développer à la suite de son déploiement, mais qui est devenu particulièrement aigu à la date de la première infraction, ainsi qu’en atteste l’évaluation psychiatrique datée du 24 juillet 2013 qui a été produite comme pièce; et

 

d)         finalement, et point très important, la cour considère l’âge du contrevenant, et le fait qu’il laisse espérer une contribution intéressante à la société canadienne dans l’avenir, même si son maintien dans les Forces armées canadiennes doit être évalué à la lumière de la décision de la cour.

 

[18]      L’avocat de la poursuite et l’avocat de la défense ont présenté une recommandation conjointe concernant la peine que devrait imposer la cour. Ils ont recommandé à la cour d’imposer au contrevenant une peine pécuniaire de 1 000 $ pour répondre aux exigences de la justice. La cour n’est pas liée par cette recommandation, mais il est généralement reconnu que le juge qui détermine la peine ne devrait s’écarter de la recommandation conjointe que s’il existe des motifs impérieux de le faire, notamment lorsque la peine est inappropriée, déraisonnable, de nature à déconsidérer l’administration de la justice ou contraire à l’intérêt public.

 

[19]      En l’espèce, j’ai tenu compte des précédents qui m’ont été soumis, par consentement des deux avocats, précédents qui se révèlent utiles dans l’appréciation de ce qui constituerait ici une peine adéquate. Eu égard à la nature de l’infraction, aux circonstances dans lesquelles elle a été commise, aux principes applicables de détermination de la peine, y compris des peines imposées par les tribunaux militaires à d’autres contrevenants pour des infractions semblables commises dans des circonstances semblables, et compte tenu des facteurs aggravants ou atténuants mentionnés précédemment, ces précédents me confortent dans l’idée qu’une peine pécuniaire de 1 000 $, ainsi que le proposent les avocats, se situe ici dans la gamme des peines adéquates.

 

[20]      La recommandation conjointe présentée par les avocats n’est pas contraire à l’intérêt public et n’aura pas pour effet de déconsidérer l’administration de la justice. La cour acceptera donc cette recommandation.

 

[21]      La poursuite voudrait que la cour ordonne, conformément au paragraphe 490(9) du Code criminel, que la marijuana saisie par la police dans le cadre des accusations portées devant la cour soit détruite. La défense s’oppose à une telle ordonnance car, selon l’avocat du contrevenant, la cour n’a pas le pouvoir de la rendre.

 

[22]      Après examen de cette question, la cour n’est pas persuadée qu’elle a le pouvoir de rendre l’ordonnance demandée par la poursuite car la poursuite n’a pas clairement établie que le juge militaire présidant une cour martiale est un juge ou un juge de paix selon les définitions données de ces termes aux articles  488.1 ou 552 du Code criminel. Par ailleurs, la cour considère que les attributions dont il est question à l’article 179 de la Loi sur la défense nationale ou à l’article 101.01 des Ordonnances et règlements royaux ne suffisent pas à conférer le pouvoir spécifique qui est requis ici pour que l’ordonnance demandée puisse être rendue. Par conséquent, la cour ne rendra pas l’ordonnance.

 

[23]      Soldat Lyons, les circonstances des chefs d’accusation dont vous avez plaidé coupable révèlent un comportement qui n’a pas sa place au sein des Forces canadiennes. Il se peut que votre avenir dans l’armée ne soit pas un sujet qui dépend totalement de vous à ce stade, mais les lettres produites par votre avocat et écrites par certains de vos amis et de vos proches me donnent à penser que vous pouvez compter sur leur soutien dans les efforts que vous faites pour venir à bout de vos difficultés personnelles et demeurer un membre productif de la société; un membre respectueux de la loi. J’espère que vous ne décevrez pas vos amis et vos proches en récidivant.

 

POUR CES MOTIFS, LA COUR :

 

[24]      VOUS DÉCLARE coupable des deuxième et troisième chefs d’accusation aux termes de l’article 130 de la Loi sur la défense nationale, pour possession de marijuana, contrairement à la Loi réglementant certaines drogues et autres substances.

 

[25]      VOUS CONDAMNE à une peine pécuniaire de 1 000 $.


 

Avocats :

 

Major T.E.K. Fitzgerald, Service canadien des poursuites militaires

Procureur de Sa Majesté la Reine

 

Major S.L. Collins, Direction du service d’avocats de la défense

Avocat du soldat J.S. Lyons

 

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