Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l’ouverture du procès : 15 juillet 2014.

Endroit : BFC Borden, 25 chemin Anson, édifice S-149, Borden (ON).

Chef d’accusation
•Chef d’accusation 1 : Art. 116 LDN, a volontairement détruit un bien public.

Résultats :
•VERDICT : Chef d’accusation 1 : Coupable.
•SENTENCE : Une amende au montant de 300$.

Contenu de la décision

 

COUR MARTIALE

 

Référence : R c Landry, 2014 CM 4006

 

Date : 20140715

Dossier : 201419

 

Cour martiale permanente

 

Base des Forces canadiennes Borden

Borden (Ontario), Canada

 

Entre : 

 

Sa Majesté la Reine

 

- et -

 

Caporal C.J. Landry, contrevenant

 

 

Devant : Capitaine de frégate J.B.M. Pelletier, J.M.

 


 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DE LA SENTENCE

 

(Prononcés de vive voix)

 

[1]               Caporal Landry, ayant accepté et inscrit votre plaidoyer de culpabilité à l’égard du premier et seul chef figurant sur l’acte d’accusation, la cour vous déclare maintenant coupable de cette infraction, à savoir la destruction volontaire d’un bien public, laquelle est prévue à l’article 116 de la Loi sur la défense nationale –.

 

[2]               Il m’incombe maintenant, à titre de juge militaire présidant la présente cour martiale permanente, de déterminer la peine qu’il convient de vous infliger. Pour ce faire, j’ai tenu compte des principes de détermination de la peine qu’appliquent les tribunaux de juridiction criminelle au Canada et les cours martiales. J’ai également tenu compte des faits pertinents en l’espèce qui ont été révélés par le sommaire des circonstances et par les documents déposés au cours de l’audience de détermination de la peine, ainsi que des observations des avocats de la poursuite et de la défense.

 

[3]               Le système de justice militaire constitue l’ultime recours pour assurer le respect de la discipline dans les Forces canadiennes et est une composante essentielle de l’activité militaire.  Ce système a pour but de favoriser une bonne conduite en permettant l’infliction de la sanction appropriée en cas de faute. C’est grâce à la discipline que les forces armées s’assurent que leurs membres rempliront leurs missions avec succès, de manière confiante et fiable. Le système de justice militaire fait ainsi en sorte que les sanctions infligées aux personnes assujetties au Code de discipline militaire servent l’intérêt public concernant la promotion du respect des lois du Canada.

 

[4]               Il est reconnu depuis longtemps que le but d’un système distinct de justice ou de tribunaux militaires est de permettre aux Forces armées de s’occuper des questions qui touchent le respect du Code de discipline militaire et le maintien de l’efficacité et du moral au sein des Forces canadiennes.

 

[5]               Comme l’a reconnu la Cour suprême du Canada dans l’arrêt R c Généreux, [1992] 3 CSC 259, à la page 293 :

 

[...] Pour que les Forces armées soient prêtes à intervenir, les autorités militaires doivent être en mesure de faire respecter la discipline interne de manière efficace. […]

 

À la même page, la Cour soulignait que, dans le contexte particulier de la justice militaire :

 

[...] Les manquements à la discipline militaire doivent être réprimés promptement et, dans bien des cas, punis plus durement que si les mêmes actes avaient été accomplis par un civil.

 

[6]               Cela étant dit, la peine infligée par un tribunal, qu’il soit militaire ou civil, devrait constituer l’intervention minimale nécessaire et appropriée dans les circonstances particulières de l’affaire. En fait, la modération est le principe fondamental de la théorie moderne de la détermination de la peine au Canada. Ce que le juge qui détermine la peine doit faire, c’est « prononc[er] une sentence proportionnée à la gravité de l’infraction et aux antécédents du contrevenant », ainsi que l’indiquent les Ordonnances et règlements royaux. En d’autres termes, toute peine infligée doit être adaptée au contrevenant et à l’infraction qu’il a commise. 

 

[7]               L’objectif fondamental de la détermination de la peine par une cour martiale est d’assurer le respect de la loi et le maintien de la discipline en infligeant des peines qui répondent à au moins l’un des objectifs suivants :

 

a.                   protéger le public, ce qui comprend les Forces canadiennes;

 

b.                  dénoncer le comportement illégal;

 

c.                   dissuader le contrevenant et quiconque de commettre les mêmes infractions;

 

d.                  isoler au besoin les contrevenants du reste de la société;

 

e.                   réadapter et réformer les contrevenants.

 

[8]               Lorsqu’il inflige une peine, le juge doit également tenir compte des principes suivants :

 

a.                   la peine doit être proportionnelle à la gravité de l’infraction;

 

b.                  la peine doit être proportionnelle à la responsabilité et aux antécédents du contrevenant;

 

c.                   la peine doit être semblable aux peines infligées à des contrevenants semblables relativement à des infractions semblables commises dans des circonstances semblables;

 

d.                  le cas échéant, le contrevenant ne devrait pas être privé de sa liberté si une peine moins contraignante peut être appropriée dans les circonstances.

 

e.                   enfin, toute peine devrait tenir compte des circonstances aggravantes ou atténuantes liées à la perpétration de l’infraction ou à la situation du contrevenant.

 

[9]               Je suis parvenu à la conclusion que, compte tenu des circonstances particulières en cause en l’espèce, il faut mettre l’accent sur les objectifs de dénonciation et de dissuasion, tant sur le plan individuel que collectif, car la peine infligée ne devrait pas seulement dissuader le contrevenant, mais aussi les autres personnes se trouvant dans une situation semblable à la sienne, d’adopter le même comportement interdit.

 

[10]           En l’espèce, la contrevenant est accusé d’avoir détruit un bien public, une infraction prévue à l’article 116 de la Loi sur la défense nationale. En fait, les membres des Forces canadiennes se voient constamment confier des biens publics dans le cadre de l’exécution de leurs fonctions militaires. Cette infraction reconnaît le devoir de chaque membre de traiter ces biens avec soin. Cette obligation constitue un aspect important du service dans les Forces canadiennes.

 

[11]           Le contrevenant qui comparaît devant la cour est âgé de 27 ans. Il s’est joint à la Première réserve des Forces armées canadiennes en 2009 et est arrivé au Centre d’instruction de logistique des FC à Borden en août 2013 pour y suivre la formation de technicien en approvisionnement de la Force régulière. Il a maintenant terminé son cours NQ3 et fait partie de la Base de soutien de la 5e Division du Canada Gagetown depuis le 20 novembre 2013. Il a une conjointe de fait.  

 

[12]           Le sommaire des circonstances a été lu par le poursuivant et le caporal Landry a reconnu qu’il s’agissait d’une preuve concluante. Les circonstances relatives à l’infraction sont décrites ci‑dessous :

 

[traduction] À l’époque de la perpétration de l’infraction, l’accusé suivait la formation de technicien en approvisionnement NQ3 au Centre d’instruction de logistique des Forces canadiennes (CILFC) à la Base des Forces canadiennes (BFC) Borden.

 

Le 22 octobre 2013, après l’inspection du matin, le caporal Landry a fait un trou en donnant un coup de poing dans la porte du casier de l’espace du lit qui lui était assigné. Il en a informé immédiatement son supérieur. Lorsqu’on lui a demandé pourquoi il avait fait cela, il a répondu qu’il était stressé, sans donner plus d’explications.

 

Le caporal Landry a collaboré avec les enquêteurs de l’unité et a déclaré volontairement qu’il avait fait un trou dans la porte de son casier en y donnant un coup de poing, qu’il ne savait pas pourquoi, qu’il subissait beaucoup de stress, que la serrure était difficile à verrouiller, qu’il avait perdu patience et qu’il s’était mis en colère.

 

Le montant du dommage causé à la porte du casier a été fixé à 83,88 $.

 

[13]           Pour déterminer ce qui serait une peine appropriée, la cour a tenu compte de la gravité objective de l’infraction qui, comme le prévoit l’article 116 de la Loi sur la défense nationale, est passible d’un emprisonnement maximal de moins de deux ans.

 

[14]           La cour considère aggravante, dans les circonstances de l’espèce, la gravité subjective de l’infraction parce que celle‑ci a été perpétrée pendant la formation sur une base et qu’elle a eu des incidences sur l’unité qui a mené l’enquête disciplinaire. De plus, on a reconnu que le fait que la fiche de conduite du contrevenant indique qu’il a été condamné pour une infraction visée à l’article 129 de la Loi sur la défense nationale pour avoir consommé de l’alcool contrairement aux ordres permanents de l’unité révèle l’existence d’une tendance à l’inconduite qui existait à l’époque où l’infraction dont la cour est saisie en l’espèce a été commise. Toutefois, la peine faisant suite à cette condamnation a été prononcée le 25 octobre 2013, soit APRÈS que l’infraction en cause en l’espèce a été commise le 22 octobre 2013. Comme la Cour d’appel de la cour martiale l’a expliqué dans R c Castillo, 2003 CACM 6, cette condamnation ne peut pas être considérée comme une condamnation antérieure par le juge qui prononce la peine, car elle n’est pas survenue avant l’infraction dont la cour est saisie actuellement.

 

[15]           La cour a aussi tenu compte des facteurs atténuants suivants, qui ont été mentionnés par les avocats et établis par la preuve, en particulier par l’avocat de la défense :

 

a.                   d’abord et avant tout, le plaidoyer de culpabilité du contrevenant qui, aux yeux de la cour, démontre de véritables remords et indique que le contrevenant assume entièrement la responsabilité de ce qu’il a fait. Le contrevenant a collaboré avec les enquêteurs et a inscrit son plaidoyer dès le début de la procédure, ce qui a permis d’éviter le coût d’un procès. Le fait qu’il a admis sa responsabilité au cours d’une audience publique et officielle de la présente cour martiale n’est pas sans importance en l’espèce, car la conduite du contrevenant n’entraîne bien entendu pas toujours ou nécessairement le dépôt d’accusations devant des tribunaux militaires, comme le montre le fait que les avocats n’ont pas été en mesure de présenter à la cour un précédent relatif à une accusation déposée en vertu de l’article 116 de la Loi sur la défense nationale dans des circonstances semblables;

 

b.                  deuxièmement, le fait que la valeur du bien endommagé a été établie à 83,88 $, un montant relativement faible que le contrevenant a remboursé;

 

c.                   troisièmement, les états de service du contrevenant dans les Forces canadiennes. La fiche de conduite du contrevenant révèle qu’il a eu des problèmes de comportement en octobre 2013, pendant son cours de technicien en approvisionnement. Depuis ce temps cependant, son rendement au sein des Forces armées canadiennes est considéré comme étant très positif, tel qu’il ressort de la lettre signée par l’adjudant Neville que l’avocat de la défense a produite. Cette lettre montre que le contrevenant s’est remarquablement bien intégré à sa section, qu’il est calme et a une attitude professionnelle, qu’il accepte bien les instructions, qu’il se porte volontaire pour des activités de la branche et de la collectivité et qu’il a généralement une attitude positive;

 

d.                  enfin, l’âge du contrevenant et le fait qu’il est susceptible d’apporter une contribution positive à la société canadienne et aux Forces armées canadiennes dans l’avenir, comme le montre son comportement satisfaisant depuis l’infraction, malgré les accusations dont il faisait l’objet et l’audience de la cour martiale à venir.

 

[16]           En l’espèce, le poursuivant et l’avocat de la défense ont présenté une recommandation conjointe relativement à la peine que la cour doit infliger. Ils ont recommandé que la cour vous inflige une amende de 300 $ afin de répondre aux exigences de la justice. Bien que la cour ne soit pas liée par cette recommandation conjointe, la Cour d’appel de la cour martiale a statué, au paragraphe 21 de l’arrêt R c Taylor, 2008 CACM 1, que le juge chargé de la détermination de la peine ne doit aller à l’encontre de la recommandation conjointe que s’il existe des motifs impérieux de le faire, par exemple si la peine est inadéquate, est déraisonnable, déconsidérerait l’administration de la justice ou irait à l’encontre de l’intérêt public.

 

[17]           En l’espèce, la cour a été informée que les précédents concernant ce type d’infraction sont rares. J’ai examiné le précédent de R c Bahadur que m’ont présenté les avocats qui, même s’il était question dans cette affaire d’une accusation relative à l’infraction d’ivresse prévue à l’article 97, a trait à des circonstances semblables où un militaire a endommagé un bien public en laissant libre cours à sa frustration. Ce précédent me permet d’évaluer le type de peine qui serait appropriée en l’espèce. Compte tenu de la nature de l’infraction, des circonstances dans lesquelles elle a été perpétrée, des principes de détermination de la peine qui s’appliquent, notamment le fait que la peine doit être semblable à celle infligée à un autre contrevenant pour une infraction semblable par un tribunal militaire, ainsi que des facteurs aggravants et atténuants mentionnés précédemment, je suis d’avis que l’amende de 300 $ proposée conjointement par les avocats appartient à l’éventail des peines appropriées en l’espèce. La cour accepte la recommandation conjointe des avocats étant donné qu’elle n’est pas contraire à l’intérêt public et qu’elle ne déconsidérera pas l’administration de la justice.

 

[18]           Caporal Landry, les circonstances relatives à l’accusation à laquelle vous avez plaidé coupable révèlent un comportement qui est hautement inacceptable au sein des Forces armées canadiennes, et vous le savez. La confiance exprimée à votre égard par votre superviseur actuel, l’adjudant Neville, permet toutefois de croire que vous avez clairement un avenir dans les Forces armées. Je ne doute pas que vous ne décevrez ni l’adjudant Neville, ni les autres personnes qui croient en vue en commettant d’autres infractions.

 

POUR CES MOTIFS, LA COUR :

 

[19]           VOUS DÉCLARE COUPABLE de l’accusation de destruction volontaire d’un bien public, une infraction prévue à l’article 116 de la Loi sur la défense nationale

 

[20]           VOUS CONDAMNE à une amende de 300 $ payable immédiatement.

 


 

Avocats :

 

Le major V. Ohanessian, Service canadien des poursuites militaires

Procureur de Sa Majesté la Reine

 

Le major C.E. Thomas, Direction du service d’avocats de la défense

Avocat du caporal C.J. Landry

 

 

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