Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l'ouverture du procès : 10 janvier 2012

Endroit : BFC Gagetown, Édifice F-1, Oromocto, NB

Chefs d'accusation
•Chef d’accusation (subsidiaire au chef d’accusation 2) : Art. 129(2)b) LDN, comportement préjudiciable au bon ordre et à la discipline.
•Chef d’accusation (subsidiaire au chef d’accusation 1) : Art. 129(2)c) LDN, comportement préjudiciable au bon ordre et à la discipline.

Résultats
•VERDICTS : Chef d’accusation 1 : Non coupable. Chef d’accusation 2 : Coupable.
•SENTENCE : Une amende au montant de 200$.

Contenu de la décision

COUR MARTIALE

 

Référence :  R c Hunter, 2012 CM 4001

 

Date :  20120124

Dossier :  201130

 

Cour martiale permanente

 

Base des Forces canadiennes Gagetown

Gagetown (Nouveau-Brunswick), Canada

 

Entre : 

 

Sa Majesté la Reine

 

- et -

 

Caporal D.D. Hunter, requérant

 

 

En présence du Lieutenant-colonel J-G Perron, J.M.

 


 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS RELATIFS À UNE DEMANDE DE FIN DE NON-RECEVOIR

 

(Prononcés de vive voix)

 

[1]               Le Caporal Hunter est accusé d’avoir utilisé un ordinateur appartenant au ministre de la Défense nationale contrairement aux Directives et ordonnances administratives de la Défense ou, à titre subsidiaire, d’avoir utilisé le Système d’information de la Force terrestre pour s’acquitter d’une tâche non autorisée, contrairement à l’annexe B du Règlement sur la sécurité des systèmes d’information – Force terrestre. Il est accusé en vertu de l’article 129 de la Loi sur la défense nationale; c’est-à-dire, de conduite préjudiciable au bon ordre et à la discipline.

 

[2]               L’accusé a présenté une demande en vertu de l’alinéa 112.05(5)b) des Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes pour s’opposer à l’instruction du procès relativement aux accusations au motif qu’il a déjà été jugé et reconnu coupable. L’accusé demande l’arrêt des procédures relatives aux accusations.

 

[3]               La preuve était constituée du témoignage de l’Adjudant-maître (retraité) Murphy, du Caporal Hunter et de l’Adjudant (retraitée) Cochrane ainsi que de deux pièces, la pièce M1-2 qui comporte les notes de l’entrevue téléphonique du Major Ethier menée par le Major Rawal et la pièce M1-3 qui comporte un courriel envoyé par le Caporal-chef LeBlanc. La cour a pris judiciairement connaissance des faits et des questions suivant l’article 15 des Règles militaires de la preuve. La cour a aussi pris judiciairement connaissance, suivant l’alinéa 16(2)a) des Règles militaires de la preuve, qu’il existe une discipline au sein de l’unité ou une discipline exercée par le Sergent‑major, en ce sens que des sous-officiers supérieurs de différents rangs exercent à l’occasion une forme de discipline, ce qui signifie qu’ils peuvent imposer une sanction à leurs subordonnés pour s’assurer que la discipline règne au sein de l’unité ou pour tenter de corriger une conduite qui n’est pas la conduite souhaitée dans l’unité.  

 

[4]               Le Caporal Hunter a affirmé avoir recueilli de l’information sur un véhicule en utilisant la base de données des véhicules automobiles du Nouveau-Brunswick. Il l’a fait pour aider une entreprise commerciale. L’Adjudant (retraitée) Cochrane a indiqué que le Caporal Hunter lui avait dit qu’il avait recueilli l’information pour son beau-père. Le Caporal Hunter n’a pas essayé d’accéder au SISEPM ou au CIPC.

 

[5]               Le Caporal Hunter s’est présenté devant l’Adjudant Cochrane après avoir parlé avec ses pairs. L’Adjudant Cochrane a informé l’Adjudant-maître Murphy, qui lui a demandé de vérifier les documents pertinents pour déterminer si des IPO ou des règles avaient été violées. L’Adjudant-maître Murphy était le Sergent-major d’un détachement de la police militaire de la Base des Forces canadiennes Gagetown et il était le commandant par intérim ce jour-là. L’Adjudant-maître Murphy a conclu que le Caporal Hunter n’avait pas violé des IPO ou d’autres règles, mais que ses actes étaient tout de même inacceptables puisqu’il avait utilisé la base de données des véhicules automobiles à des fins personnelles, et non dans le cadre de ses fonctions en tant qu’agent de police militaire.

 

[6]               Le Caporal Hunter a été amené dans le bureau de l’Adjudant-maître Murphy par l’Adjudant Cochrane. L’Adjudant-maître Murphy lui a expliqué qu’il avait commis une erreur et qu’il serait puni en ayant deux jours de tâches supplémentaires. Le premier jour, le Caporal Hunter devait déménager des meubles et des classeurs et nettoyer le poste de garde et le deuxième jour, il devait faire un quart de patrouille de 12 heures. Il a exécuté ces tâches supplémentaires à des moments où il n’était pas censé travailler. Un peu plus tard, le Service national des enquêtes a fait enquête et des accusations ont été portées.

 

[7]               L’alinéa 66(1)b) de la Loi sur la défense nationale[1] prévoit ce qui suit :

 

(1)           Ne peut être jugée — ou jugée de nouveau —, pour une infraction donnée ou toute autre infraction sensiblement comparable découlant des faits qui lui ont donné lieu, la personne qui, alors qu’elle est assujettie au code de discipline militaire à l’égard de cette infraction ou susceptible d’être accusée, poursuivie et jugée pour cette infraction sous le régime de ce code, se trouve dans l’une ou l’autre des situations suivantes :  

 

b)            elle a été déclarée coupable de cette infraction par un tribunal civil ou militaire ou par un tribunal étranger et a été punie conformément à la sentence.

 

[8]               Selon l’article 2 de la Loi sur la défense nationale, un tribunal civil s’entend, « outre tout tribunal de juridiction pénale ordinaire au Canada, d’un tribunal de juridiction sommaire » et un tribunal militaire est une « cour martiale ou personne présidant un procès sommaire ». Une « accusation » est un énoncé formel selon lequel une personne assujettie au Code de discipline militaire a commis une infraction militaire. Une accusation est portée contre une personne lorsqu’elle est consignée par écrit à la partie 1 du procès-verbal de procédure disciplinaire et signée par une personne autorisée à porter des accusations (voir art. 107.015 des ORFC).

 

[9]               Il ressort clairement de la preuve que l’Adjudant-maître Murphy n’a pas porté d’accusations contre le Caporal Hunter. La cour ne dispose d’aucune preuve selon laquelle le Caporal Hunter a été jugé par un tribunal militaire, un tribunal civil ou un tribunal étranger relativement à une infraction ou à toute autre infraction essentiellement similaire découlant des faits qui ont donné lieu aux infractions qui intéressent la cour.

 

[10]           Le Caporal Hunter a reçu deux jours de tâches supplémentaires, mais il n’a pas été puni conformément à la sentence. Il a reçu une peine informelle qui était jugée appropriée par l’Adjudant-maître Murphy à ce moment-là compte tenu des renseignements qu’il avait recueillis et obtenus. L’avocat du Caporal Hunter a indiqué que la peine n’était pas une peine formelle comme celles imposées par une cour martiale ou par une personne présidant un procès sommaire. La peine informelle imposée par le Sergent-major du détachement n’est pas le type de peine prévu à l’article 66 de la Loi sur la défense nationale. L’article 66 a trait aux peines imposées par les tribunaux militaires, les tribunaux civils ou les tribunaux étrangers.

 

[11]           L’alinéa 11h) de la Charte canadienne des droits et libertés prévoit ce qui suit :

 

 

11.          Tout inculpé a le droit :

 

h)            d’une part de ne pas être jugé de nouveau pour une infraction dont il a été définitivement acquitté, d’autre part de ne pas être jugé ni puni de nouveau pour une infraction dont il a été définitivement déclaré coupable et puni;  

 

L’article 66 de la Loi sur la défense nationale confère essentiellement les mêmes droits que ceux prévus à l’alinéa 11h) de la Charte.

 

[12]           L’avocat du Caporal Hunter prétend que le critère appliqué dans l’arrêt Wigglesworth (R v Wigglesworth, [1987]2 RCS 541) ne s’applique pas en l’espèce puisque les infractions qui intéressent la cour ne sont pas de nature criminelle comme c’était le cas dans Wigglesworth et dans R v Shubley, [1990]1 RCS 3. Il est vrai que les faits des arrêts Wigglesworth et Shubley ne sont pas identiques à ceux de l’espèce, mais j’estime que le critère élaboré dans Wigglesworth s’applique tout de même dans le cadre de la présente affaire. Ce critère est associé au droit maintenant prévu à l’alinéa 11h) de la Charte canadienne des droits et libertés.

 

[13]           La première question du critère élaboré dans Wigglesworth consiste à se demander si l’affaire est, de par sa nature, une procédure criminelle. Dans un contexte militaire, il faut se demander si l’affaire est, de par sa nature, une procédure de justice militaire. Le Caporal Hunter n’a pas été accusé par l’Adjudant-maître Murphy et il n’a pas été jugé de façon sommaire par ce dernier. Le Caporal Hunter n’a pas été soumis à un processus disciplinaire formel tel que celui prévu dans le code de discipline militaire. Il a été soumis à un processus informel de discipline de l’unité. Dans la même journée, les événements suivants se sont produits de façon plutôt isolée : l’erreur a été découverte, l’Adjudant-maître Murphy et l’Adjudant Cochrane ont mené leur enquête, l’Adjudant-maître Murphy a rencontré le Caporal Hunter dans son bureau et lui a donné deux jours de tâches supplémentaires. Un courriel a ensuite été envoyé à chaque membre du détachement pour les aviser de n’utiliser le SISEPM, le CIPC et la base de données pour les véhicules automobiles que dans le cadre de leurs activités policières, mais le courriel ne mentionnait pas la rencontre entre l’Adjudant-maître Murphy et le Caporal Hunter. J’estime que les mesures prises par l’Adjudant-maître Murphy ne constituaient pas des procédures pouvant être décrites comme criminelles ou de justice militaire.

 

[14]           La deuxième question du critère consiste à se demander si la peine imposée au Caporal Hunter comportait l’imposition de véritables conséquences pénales. Une véritable conséquence pénale était décrite comme « l’emprisonnement ou une amende qui par son importance semblerait imposée dans le but de réparer le tort causé à la société en général plutôt que pour maintenir la discipline à l’intérieur d’une sphère d’activité limitée » (voir par. 24 de Wigglesworth). En l’espèce, le Caporal Hunter a dû faire deux jours de tâches supplémentaires. Il devait travailler pendant deux jours alors qu’il aurait autrement été en repos. Il a perdu deux jours de congé. C’était sa peine. Ce type de peine n’équivaut pas à un emprisonnement ou à une amende.

 

[15]           J’estime que les dispositions de l’alinéa 11h) de la Charte ne s’appliquent pas en l’espèce.

 

POUR CES RAISONS :

 

[16]           La présente demande pour fin de non-recevoir n’est pas accueillie.


 

 

 

 

Avocats :

 

Major P. Rawal et Lieutenant de vaisseau C.J. Colwell, Service canadien des poursuites militaires

Procureur de Sa Majesté la Reine

 

M. D. Bright, Direction du service d’avocats de la défense

Avocat du Caporal D.D. Hunter



[1] L.R.C., 1985, ch. N-5

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