Cour martiale
Informations sur la décision
Date de l’ouverture du procès : 27 février 2007.
Endroit : 6080 rue Young, 5e étage, salle d’audience, Halifax (NÉ).
Chefs d’accusation
•Chef d’accusation 1 (subsidiaire au chef d’accusation 2) : Art. 83 LDN, a désobéi à un ordre légitime d’un supérieur.
•Chef d’accusation 2 (subsidiaire au chef d’accusation 1) : Art. 90 LDN, s’est absenté sans permission.
Résultats
•VERDICTS : Chef d’accusation 1 : Coupable. Chef d’accusation 2 : Une suspension d’instance.
•SENTENCE : Une réprimande et une amende au montant de 800$.
Contenu de la décision
Référence : R. c. Le Caporal C.P. Griffin, 2007 CM 3007
Dossier : 200702
COUR MARTIALE PERMANENTE
CANADA
NOUVELLE-ÉCOSSE
HALIFAX
Date : Le 1er mars 2007
SOUS LA PRÉSIDENCE DU LIEUTENANT-COLONEL L.V. D'AUTEUIL, J.M.
SA MAJESTÉ LA REINE
c.
LE CAPORAL C.P. GRIFFIN
(accusé)
VERDICT
(Prononcé de vive voix)
TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE
INTRODUCTION
[1] Le Caporal Griffin est accusé d’avoir désobéi à un ordre légitime d’un supérieur en vertu de l’article 83 de la Loi sur la défense nationale et, subsidiairement, de s’être absenté sans permission en vertu de l’article 90 de la Loi sur la défense nationale.
[2] Les faits sur lesquels les deux chefs d’accusation sont fondés sont survenus du 1er au 3 février 2005 à Halifax, à l’unité de la 30e compagnie de police militaire.
LA PREUVE
[3] La preuve dont dispose la cour martiale en l’espèce est constituée essentiellement des éléments suivants :
les témoignages du Sergent Coté, du Major Campbell et de l’ex‑Sergent Gravel, selon l’ordre de leur comparution devant la cour;
la pièce 3, la feuille de route du Caporal Griffin pour son service de classe B pour la période allant du 1er septembre 2004 au 31 mars 2005 et la déclaration du Caporal Griffin sur le même sujet. Ce document a été produit en preuve sur consentement;
la pièce 4, une copie du CANFORGEN 053/02 concernant les modifications apportées à la politique des congés des FC. Ce document a également été produit en preuve sur consentement;
les faits dont la cour a pris judiciairement connaissance conformément à l’article 15 des Règles militaires de la preuve.
Les faits
[4] Les faits en l’espèce sont survenus à Halifax et à Shearwater entre le 1er et le 3 février 2005. Le 1er septembre 2004, le Caporal Griffin, un membre de la 30e compagnie de police militaire, a commencé son service de classe B en tant que militaire du rang (MR) chargé du recrutement pour cette unité. Il a occupé cet emploi à temps plein jusqu’au 31 mars 2005, comme l’indique sa feuille de route (pièce 3). Le Sergent Gravel était son supérieur immédiat à l’époque. Ce dernier travaillait trois jours par semaine au sein de l’unité. Le personnel de jour de l’unité relevait du Lieutenant de vaisseau Campbell, un officier de la Force régulière agissant comme officier des opérations et comme commandant adjoint de l’unité qui possède maintenant le grade de major.
[5] À l’époque, l’unité était basée à deux endroits : elle menait ses activités principales à Shearwater, où le Lieutenant de vaisseau Campbell avait son bureau, et elle était présente également à Lower Sackville, où était stationné le Caporal Griffin. Le Sergent Gravel était amené, dans le cadre de ses fonctions, à travailler aux deux endroits. Le 27 janvier 2005, le Caporal Griffin a demandé au Sergent Gravel la permission de prendre congé le 1er février 2005 pour pouvoir assister à un match de basket‑ball ou entraîner une équipe de basket-ball. Le Sergent Gravel a transmis la demande au Lieutenant de vaisseau Campbell, qui a refusé d’accorder le congé parce qu’il avait besoin que le Caporal Griffin exerce ses fonctions habituelles de recruteur le 1er février 2005.
[6] Vers 6 h 45 le 1er février 2005, le Sergent Gravel a reçu un appel du Caporal Griffin à la maison. Ce dernier lui a dit qu’il était malade et lui a demandé s’il pouvait rester chez lui. Le Sergent Gravel lui a donné l’autorisation de le faire. Le Caporal Griffin a aussi demandé au Sergent Gravel s’il avait besoin d’une fiche médicale. Le Sergent Gravel a répondu que, à son avis, ce n’était probablement pas nécessaire. Dès son arrivée à l’unité de Shearwater un peu plus tard ce matin‑là, le Sergent Gravel a informé le Lieutenant de vaisseau Campbell de sa conversation avec le Caporal Griffin et du fait que ce dernier resterait chez lui pendant une journée. Le Lieutenant de vaisseau Campbell a ordonné sur‑le‑champ au Sergent Gravel de rappeler le Caporal Griffin et de lui ordonner de se rendre à la SEM de Stadacona afin d’être examiné par un médecin. Le Sergent Gravel a rappelé le Caporal Griffin chez lui et lui a dit qu’il devait se présenter au SEM et qu’une fiche médicale était nécessaire. Le Caporal Griffin a alors demandé la permission de consulter son médecin civil parce qu’il était plus près de chez lui que le SEM de Stadacona. Comme cette demande lui semblait pleine de bon sens, le Sergent Gravel y a consenti, en ordonnant toutefois au Caporal Griffin de lui remettre une fiche médicale signée par son médecin le 2 février 2005, afin de prouver qu’il avait vu un médecin et qu’il était suffisamment malade pour ne pas travailler le 1er février.
[7] Cependant, le Major Campbell a déclaré dans son témoignage qu’il avait été informé par le Sergent Gravel un peu plus tard au cours de la matinée du 1er février que le Caporal Griffin avait été autorisé à consulter son médecin civil. Selon son témoignage, c’est lui qui avait ordonné au Sergent Gravel de rappeler le Caporal Griffin afin que celui‑ci apporte à son retour une fiche médicale attestant qu’il avait vu un médecin ce jour‑là. Il a aussi dit à la cour qu’un peu plus tard le même jour le Sergent Gravel lui avait confirmé que le message avait été fait au Caporal Griffin.
[8] Le Caporal Griffin s’est présenté au travail à l’heure habituelle le 2 février 2005. Dès son arrivée, le Sergent Gravel lui a demandé s’il avait la fiche médicale. Le Caporal Griffin a répondu qu’il ne l’avait pas, même s’il avait essayé sans succès d’avoir un rendez‑vous avec son médecin civil. Le Sergent Gravel lui a alors dit qu’il était impératif qu’il voie un médecin et qu’il obtienne une fiche médicale. Il lui a dit qu’il lui donnait une deuxième chance de se conformer à l’ordre qui lui avait été donné et qu’il voulait avoir cette fiche le 3 février 2005.
[9] Selon son témoignage, le Major Campbell a été informé par le Sergent Gravel, le 2 février 2005, que le Caporal Griffin avait vu son médecin civil, mais qu’il devait retourner le voir pour obtenir la fiche médicale. Dans son témoignage, le Sergent Gravel a mentionné qu’il avait dit au Lieutenant de vaisseau Campbell, qui a depuis obtenu le grade de major, que le Caporal Griffin n’avait pas obtenu de fiche médicale. Il ne se rappelait pas, cependant, s’il lui avait parlé du fait que le Caporal Griffin avait vu ou non son médecin le 1er février 2005.
[10] Au début de l’après‑midi du 3 février 2005, le Lieutenant de vaisseau Campbell a demandé au Sergent Gravel si le Caporal Griffin lui avait remis une fiche médicale. Le Sergent Gravel a répondu qu’il ne pouvait pas lui donner une réponse parce qu’il n’avait pas encore parlé au Caporal Griffin ce jour‑là. Le Lieutenant de vaisseau Campbell a alors appelé directement le Caporal Griffin à son travail et a appris qu’il n’avait pas vu de médecin le 1er février 2005 et qu’il n’était pas en mesure de fournir une note médicale comme on le lui avait ordonné. Le sergent‑major du Caporal Griffin a été informé de la situation et une enquête a été effectuée.
LE DROIT APPLICABLE ET LES ÉLÉMENTS ESSENTIELS DES ACCUSATIONS
[11] L’article 83 de la Loi sur la défense nationale prévoit ce qui suit :
83. Quiconque désobéit à un ordre légitime d’un supérieur commet une infraction et, sur déclaration de culpabilité, encourt comme peine maximale l’emprisonnement à perpétuité.
[12] Pour cette infraction, la poursuite devait prouver hors de tout doute raisonnable les éléments essentiels suivants : l’identité de l’accusé ainsi que la date et le lieu de l’infraction tels qu’ils sont allégués dans l’acte d’accusation; le fait qu’un ordre a été donné au Caporal Griffin et que cet ordre était légitime; le fait que le Caporal Griffin a reçu cet ordre ou en avait connaissance; le fait qu’il a reçu l’ordre d’un supérieur dont il connaissait le rang; le fait qu’il a désobéi à l’ordre; finalement, son état d’esprit blâmable.
[13] L’article 90 de la Loi sur la défense nationale prévoit notamment ce qui suit :
90. (1) Quiconque s’absente sans permission commet une infraction et, sur déclaration de culpabilité, encourt comme peine maximale un emprisonnement de moins de deux ans.
Et le paragraphe (2) :
(2) S’absente sans permission quiconque :
[...]
b) sans autorisation, est absent de son poste; [...]
[14] Pour cette infraction subsidiaire, la poursuite devait prouver hors de tout doute raisonnable les éléments essentiels suivants : l’identité de l’accusé ainsi que la date et le lieu de l’infraction tels qu’ils sont allégués dans l’acte d’accusation; le fait que le Caporal Griffin savait, ou aurait dû savoir, où et quand il devait exercer ses fonctions; le fait qu’il s’est absenté; la durée de son absence; le fait que l’absence n’était pas autorisée.
[15] Avant que la cour ne procède à son analyse juridique, il convient de traiter de la présomption d’innocence et de la preuve hors de tout doute raisonnable, une norme de preuve qui est inextricablement liée aux principes fondamentaux applicables à tous les procès criminels. Ces principes sont évidemment bien connus des avocats, mais peut‑être pas des autres personnes qui se trouvent dans la salle d’audience.
[16] Il est juste de dire que la présomption d’innocence est peut‑être le principe le plus fondamental de notre droit pénal, et le principe de la preuve hors de tout doute raisonnable est un élément essentiel de la présomption d’innocence. Dans les affaires qui relèvent du Code de discipline militaire comme dans celles qui relèvent du droit pénal, toute personne accusée d’une infraction criminelle est présumée innocente tant que la poursuite ne prouve pas sa culpabilité hors de tout doute raisonnable. Un accusé n’a pas à prouver qu’il est innocent. C’est à la poursuite qu’il incombe de prouver hors de tout doute raisonnable chacun des éléments de l’infraction.
[17] La norme de la preuve hors de tout doute raisonnable ne s’applique pas à chacun des éléments de preuve ou aux différentes parties de la preuve présentés par la poursuite, mais plutôt à l’ensemble de la preuve sur laquelle cette dernière s’appuie pour établir la culpabilité de l’accusé. Le fardeau de prouver hors de tout doute raisonnable la culpabilité d’un accusé incombe à la poursuite, jamais à l’accusé.
[18] Un tribunal doit déclarer un accusé non coupable s’il a un doute raisonnable quant à sa culpabilité ou après avoir considéré l’ensemble de la preuve. L’expression « hors de tout doute raisonnable » est employée depuis très longtemps. Elle fait partie de notre histoire et de nos traditions juridiques.
[19] Dans l’arrêt R. c. Lifchus, [1997] 3 R.C.S. 320, la Cour suprême du Canada a proposé un modèle de directives pour le doute raisonnable. Les principes décrits dans cet arrêt ont été appliqués dans plusieurs autres arrêts de la Cour suprême et des cours d’appel. Essentiellement, un doute raisonnable n’est pas un doute farfelu ou frivole. Il ne doit pas être fondé sur la sympathie ou sur un préjugé. Il repose sur la raison et le bon sens. C’est un doute qui survient à la fin du procès et qui est fondé non seulement sur ce que la preuve révèle au tribunal, mais également sur ce qu’elle ne lui révèle pas. Le fait qu’une personne a été accusée n’est absolument pas une indication qu’elle est coupable, et j’ajouterai que les seules accusations dont un accusé doit répondre sont celles qui figurent dans l’acte d’accusation présenté à la cour.
[20] Dans l’arrêt R. c. Starr, [2000] 2 R.C.S. 144, la Cour suprême a statué que :
[...] une manière efficace de définir la norme du doute raisonnable à un jury consiste à expliquer qu’elle se rapproche davantage de la certitude absolue que de la preuve selon la prépondérance des probabilités.
Par contre, il faut se rappeler qu’il est pratiquement impossible de prouver quoi que ce soit avec une certitude absolue. La poursuite n’a pas à le faire. La certitude absolue est une norme de preuve qui n’existe pas en droit. La poursuite doit seulement prouver la culpabilité de l’accusé, en l’espèce le Caporal Griffin, hors de tout doute raisonnable. Pour placer les choses en perspective, si la cour est convaincue que l’accusé est probablement ou vraisemblablement coupable, elle doit l’acquitter car la preuve d’une culpabilité probable ou vraisemblable ne constitue pas une preuve de culpabilité hors de tout doute raisonnable.
[21] Qu’entend-on par preuve? La preuve peut comprendre des témoignages sous serment ou des déclarations solennelles faits devant la cour par des personnes appelées à témoigner sur ce qu’elles ont vu ou fait. Elle peut consister en des documents, des photographies, des cartes ou d’autres éléments présentés par les témoins, en des témoignages d’experts, des aveux judiciaires quant aux faits par la poursuite ou la défense ou des éléments dont la cour prend judiciairement connaissance.
[22] Il n’est pas rare que des éléments de preuve présentés à la cour soient contradictoires. Les témoins ont souvent des souvenirs différents d’un fait. La cour doit déterminer quels éléments de preuve sont crédibles.
[23] La crédibilité n’est pas synonyme de dire la vérité et l’absence de crédibilité n’est pas synonyme de mentir. De nombreux facteurs doivent être pris en compte dans l’évaluation que la cour fait de la crédibilité d’un témoin. Par exemple, la cour évaluera la possibilité qu’a eue le témoin d’observer, les raisons d’un témoin de se souvenir. Elle se demandera, par exemple, si les faits valaient la peine d’être notés, s’ils étaient inhabituels ou frappants, ou relativement sans importance et, par conséquent, à juste titre plus faciles à oublier. Le témoin a‑t‑il un intérêt dans l’issue du procès; en d’autres termes, a‑t‑il une raison de favoriser la poursuite ou la défense, ou est‑il impartial? Ce dernier facteur s’applique d’une manière quelque peu différente à l’accusé. Bien qu’il soit raisonnable de présumer que l’accusé a intérêt à se faire acquitter, la présomption d’innocence ne permet pas de conclure que l’accusé mentira lorsqu’il décide de témoigner.
[24] Un autre facteur qui doit être pris en compte dans la détermination de la crédibilité d’un témoin est son apparente capacité à se souvenir. L’attitude du témoin quand il témoigne est un facteur dont on peut se servir pour évaluer sa crédibilité : le témoin était‑il réceptif aux questions, honnête et franc dans ses réponses, ou évasif, hésitant? Argumentait‑il sans cesse? Finalement, son témoignage était‑il cohérent en lui‑même et compatible avec les faits qui n’ont pas été contestés?
[25] De légères contradictions peuvent se produire, et cela arrive en toute innocence; elles ne signifient pas nécessairement que le témoignage devrait être écarté. Cependant, il en est autrement dans le cas d’un mensonge délibéré. Cela est toujours grave et peut vicier tout le témoignage.
[26] La cour n’est pas tenue d’accepter le témoignage d’une personne à moins que celui‑ci ne lui paraisse crédible. Cependant, elle jugera un témoignage digne de foi à moins d’avoir une raison de ne pas le croire.
[27] Ayant procédé à cet exposé sur la charge de la preuve et sur la norme de preuve, j’examinerai maintenant la question en litige en l’espèce et traiterai des principes juridiques.
L’ANALYSE
[28] En premier lieu, la cour doit statuer sur la première accusation inscrite dans l’acte d’accusation. Ce n’est que si elle déclare le Caporal Griffin non coupable de cette accusation qu’elle procédera à l’analyse de la deuxième accusation. En d’autres termes, la cour déterminera d’abord si le Caporal Griffin est coupable ou non d’avoir désobéi à un ordre légitime d’un supérieur. L’identité de l’accusé, la date et le lieu de l’infraction, le fait que l’ordre a été donné à l’accusé par un supérieur sont des éléments essentiels dont la preuve n’a pas été contredite. Par conséquent, la cour est convaincue que ces éléments ont été prouvés hors de tout doute raisonnable.
[29] En ce qui concerne l’ordre qui a été donné, la cour juge crédible et digne de foi le témoignage de l’ex‑Sergent Gravel sur cette question. Il y a une légère contradiction entre ce témoignage et celui du Major Campbell sur le nombre de conversations qu’ils ont eues le 1er février au sujet de la façon dont l’absence du Caporal Griffin devait être gérée. Toutefois, la cour ne relève aucune contradiction en ce qui concerne la substance de leur conversation et, fait plus important, les deux ont confirmé la teneur de l’ordre donné au Caporal Griffin. Compte tenu des détails de l’accusation, c’est le témoignage de l’ex‑Sergent Gravel qui importe pour la cour parce que c’est lui qui aurait donné l’ordre au Caporal Griffin.
[30] Se fondant sur l’ensemble de la preuve, la cour est convaincue hors de tout doute raisonnable qu’un ordre clair a été donné au Caporal Griffin par un supérieur, le Sergent Gravel, le 1er et le 2 février 2005 et que le Caporal Griffin a bien reçu cet ordre et en avait connaissance. La cour est convaincue également hors de tout doute raisonnable que l’ordre donné au Caporal Griffin lui enjoignait de remettre une fiche médicale à son supérieur immédiat le matin du 2 février 2005, puis avant le 3 février 2005, afin de confirmer qu’il avait bien vu un médecin et qu’il était malade.
[31] Dans le contexte décrit à l’intention de la cour, il ne fait aucun doute que l’ordre était légitime. Rien n’empêche un supérieur d’exercer son pouvoir discrétionnaire, qui lui est conféré notamment à l’article 16.16 des ORFC, une disposition semblable au CANFORGEN 053/02 (pièce 4), de demander un avis médical lorsqu’il a des doutes au sujet de l’incapacité d’un soldat d’exercer ses fonctions militaires et lorsque le bien‑être et la santé d’un soldat sont en cause, ni de demander une preuve à cet effet. Finalement, la cour est convaincue hors de tout doute raisonnable que le Caporal Griffin ne s’est jamais conformé à l’ordre qu’il a reçu du Sergent Gravel. Même si l’on a mentionné qu’il avait essayé de respecter l’ordre, la cour considère qu’il est plus que raisonnable de penser qu’il n’était pas impossible de s’y conformer.
[32] La cour aimerait maintenant comparer la nature de la fiche médicale décrite dans les détails de la première accusation avec la preuve qui lui a été présentée sur cette question. Il ressort des détails de la première accusation que l’on reproche à l’accusé d’[traduction] « avoir omis de fournir une fiche médicale confirmant qu’il avait été traité par un médecin » ou, en d’autres termes, confirmant qu’il avait été examiné ou soigné par un médecin. Comme il a été mentionné précédemment, la preuve non contredite présentée à la cour révélait que le Caporal Griffin avait reçu l’ordre de fournir une fiche médicale afin d’établir qu’il avait consulté un médecin et qu’il était réellement malade, et non qu’il avait été examiné ou soigné par un médecin. Aux yeux de la cour, le fait prouvé, tout en différant substantiellement du fait allégué dans l’exposé du cas à cet égard, suffit à établir que l’accusé a commis l’infraction qui lui est reprochée. De plus, la cour estime que cette différence n’a pas porté préjudice à l’accusé dans sa défense.
[33] Par conséquent, compte tenu de l’ensemble de la preuve, la poursuite a prouvé hors de tout doute raisonnable tous les éléments essentiels de l’infraction d’avoir désobéi à un ordre légitime d’un supérieur.
[34] De plus, vu ses conclusions concernant les éléments essentiels de l’article 83 de la Loi sur la défense nationale, ainsi que l’application de ces éléments aux faits en l’espèce, la cour est convaincue que la poursuite s’est acquittée de son fardeau de preuve en établissant, hors de tout doute raisonnable, que l’accusé ne s’est pas conformé à l’ordre qu’il avait reçu du Sergent Gravel.
LA DÉCISION
[35] Caporal Griffin, veuillez vous lever. La cour rend un verdict annoté pour les motifs exposés ci‑dessus et vous déclare coupable de la première accusation. En conséquence, elle ordonne que la procédure relative à la deuxième accusation soit suspendue.
LIEUTENANT-COLONEL L.V. D'AUTEUIL, J.M.
Avocats :
Le Major J.J. Samson, Poursuites militaires régionales (Atlantique)
Procureur de Sa Majesté la Reine
Le Lieutenant-colonel D.T. Sweet, Direction du service d’avocats de la défense
Avocat du Caporal C.P. Griffin