Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l'ouverture du procès : 22 mai 2012

Endroit : NCSM Radisson, 1000 Ile Saint-Christophe, Trois-Rivières (QC)

Chefs d'accusation
•Chefs d'accusation 1, 2 : Art. 114 LDN, vol.

Résultats
•VERDICTS : Chefs d’accusation 1, 2 : Coupable.
•SENTENCE : Une réprimande et une amende au montant de 200$.

Contenu de la décision

COUR MARTIALE

 

Référence : R c Massicotte, 2012 CM 4009

 

Date : 20120528

Dossier : 201162

 

Cour martiale permanente

 

Navire Canadien de Sa Majesté RADISSON

Trois-Rivières (Québec) Canada

 

Entre :

 

Sa Majesté la Reine

 

- et -

 

Ex-enseigne de vaisseau de 2e classe C. Massicotte, requérant

 

 

Devant : Lieutenant-colonel J-G Perron, J.M.

 


 

MOTIFS DE LA DÉCISION

 

Oralement

 

INTRODUCTION

 

[1]  L'accusé, l'ex-enseigne de vaisseau de 2e classe Massicotte, a présenté une requête aux termes du sous-alinéa 112.05(5)e) des Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes [ORFC], pour l'obtention d'un arrêt des procédures en vertu de l'article 24(1) de la Charte canadienne des droits et libertés, et ce en raison de la violation alléguée des droits de l'accusé prévus à l'article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés.

 

LA PREUVE

 

[2]  La preuve devant la cour est constituée des faits et des questions du domaine de la connaissance judiciaire prévus aux termes de l'article 15 des Règles militaires de la preuve, d'un sommaire des circonstances, la pièce R1-2, de sept autres pièces présentées d'un commun accord des parties et du témoignage de l'ex-enseigne de vaisseau de 2e classe Massicotte.

 

LA POSITION DES PARTIES

 

Le requérant

 

[3]  Le requérant est accusé de deux infractions punissables aux termes de l'article 114 de la Loi sur la défense nationale, soit le vol.  Le requérant allègue que, suite à un délai pré-accusatoire déraisonnable, son droit à la liberté fut brimé à quatre reprises, soit quand il faut détenu par la police militaire lors de son entrevue, quand il dû se rendre à Victoria pour trouver le récépissé de Poste Canada, par le fait qu'il ne pouvait pas déménager au Japon et, finalement, par le fait que l'article 114 de la Loi sur la défense nationale prévoit une peine d'emprisonnement maximale de sept ans.  Il allègue aussi que l'équité du procès est en cause puisque ce long délai déraisonnable a un effet sur la mémoire du requérant et un effet négatif sur sa capacité de présenter une défense pleine et entière.  Il indique que le principe de justice fondamentale en cause est l'obligation d'accuser avec célérité la personne qui avoue avoir commis le crime ainsi que l'abus de procédures.

 

L'intimée

 

[4]  L'intimé soumets que le requérant n'a subi aucun préjudice suite au délai pré-inculpatoire puisque la preuve n'indique pas que sa liberté fut brimée et l'intimé argumente que la preuve démontre que la mémoire du requérant n'est pas déficiente au point où elle a un effet négatif sur son droit à une défense pleine et entière.

 

DÉCISION

 

[5]  Débutons en examinant les principales dates et évènements de cette affaire : le 17 octobre 2009, le requérant prend un ordinateur et un Ipod dans une baraque.  Le même jour, le propriétaire des objets porte plainte et une enquête policière débute. Le 20 octobre  2009, le requérant admet au sergent Gagné, son superviseur, qu'il a pris les objets; le sergent Gagné avise la police militaire  et escorte le requérant à la police militaire. Durant la nuit du 20 au 21 octobre 2009, le requérant est détenu plusieurs heures et lors de son interrogatoire et il admet avoir pris les objets et les avoir postés.  Il est reconduit à son hôtel. Le 21 octobre 2009, on ordonne au requérant de récupérer le récépissé de Poste Canada. Le 28 octobre 2009, la police militaire récupère le colis sans récépissé de Poste Canada. Le 12 janvier 2010, la police militaire expédie le disque dur de l'ordinateur pour analyse pour s'assurer qu'aucune donnée sensible ne puisse être compromise. Le 17 février 2010, l'analyse complétée et les résultats sont négatifs. Le 8 mars 2010, l'analyse reçue par la police militaire. Le 7 juillet 2010, le dossier d'enquête est fermé. Le 31 mai 2011, le rapport d'enquête est transmis au commandant du requérant.  Le 12 juillet 2011, une accusation est portée contre le requérant et le 2 août 2011 alors qu'il est à l'École navale de Québec, un procès-verbal de procédures disciplinaires est signifié au requérant. Le 5 août 2011, le renvoi de l'accusation est remis à l'autorité de renvoi.  Le 23 août 2011, le requérant reçoit une mesure corrective relativement au vol allégué.  Le 25 août 2011, le requérant se rend au Japon pour trois semaines.  Le 20 septembre 2011, le requérant présente sa demande de libération des Forces canadiennes.  Le 1er novembre 2011, le requérant est libéré des Forces canadiennes à sa demande.  Le 16 décembre 2011, un acte d'accusation est signifié au requérant.  Et le 16 janvier 2011, le requérant change d'avocat de la défense d'un avocat militaire à maître Johnson-Bégin.

 

[6]  L'article 7 de la Charte se lit comme suit :

 

Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu'en conformité avec les principes de justice fondamentale.

 

[7]  Tel qu'indiqué par la Cour d'appel de la cour martiale dans l'arrêt Sa Majesté la Reine et le Capitaine Langlois, 2001 CACM 3, au para 7 :

 

L'article 7 protège le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne.  Il y a violation de ce droit lorsqu'il y est porté atteinte en violation des principes de justice fondamentale.  Pour déterminer s'il y a violation de l'article 7, il faut d'abord décider s'il y a eu privation du droit à la vie, à la liberté ou à la sécurité de la personne; il faut ensuite identifier et qualifier les principes de justice fondamentale en cause; il faut enfin déterminer si la privation du droit s'est faite conformément à ces principes. (R c White, [1999] 2 R.C.S. 417, à la page 438.

 

[8]  Le requérant doit persuader la cour selon une prépondérance des probabilités d'une violation de ses droits ou libertés que lui confère la Charte, (voir R c Collins, [1987] 1 R.C.S. 265).  Le requérant allègue en premier lieu que son droit à la liberté fut violé.

 

[9]  Bien que le procureur de la poursuite ait indiqué au début de sa plaidoirie que le délai pré-inculpatoire débute le 20 octobre 2009, il argumente que l'enquête n'était pas terminée avant que l'analyse du disque dur soit complétée et reçue par la police militaire.  Il indique que la période de délai se situe à 10 mois et demi; donc cette période de délai pré-inculpatoire aurait débuté en juillet 2010 alors que le dossier d'enquête fut fermé.

 

[10]  Il appert du témoignage de monsieur Massicotte et du sommaire des circonstances, la pièce R1-2, que monsieur Massicotte avait avoué au policier militaire qu'il avait pris les objets lors de son interrogatoire.  Il avait aussi avoué ceci au sergent Gagné.  Les policiers militaires ont récupéré les objets le 28 octobre 2009 grâce aux informations que monsieur Massicotte avait fournies lors de son interrogatoire.  Le 12 janvier 2010, on fit des démarches pour obtenir une analyse du disque dur de l'ordinateur car celui-ci contenait certains dossiers d'intérêt et des données sensibles.  L'analyse du disque dur fut complétée le 17 février et reçue par la police militaire le 8 mars 2010.  Le dossier d'enquête fut fermé le 7 juillet 2010.

 

[11]  La pièce R1-5 est une déclaration du major Cadman, un policier militaire.  Il indique que le rapport de police n'avait pas été distribué à l'unité de l'accusé en juillet 2010 et qu'il s'agissait d'une erreur de type administrative ou procédurale.  Il indique que le rapport aurait dû être expédié au commandant de l'accusé pour permettre à l'unité de prendre les mesures disciplinaires ou administratives requises.  Il y eut un manquement et ceci est à l'encontre des normes établies au sein de la police militaire.

 

[12]  Aucune autre preuve ne fut produite quant à l'enquête de police militaire.  Aucune preuve n'explique pourquoi les policiers militaires ont attendu jusqu'au 12 janvier 2010 pour demander une analyse du disque dur et pourquoi ce dossier fut fermé le 7 juillet 2010 alors qu'ils avaient les résultats de l'analyse en date du 8 mars 2010.  De plus, le retard de presque 11 mois dans la transmission de ce rapport à l'unité de l'accusé ne s'explique que par l'inaptitude du ou des responsables de cette enquête.  Alors, les faits de cette cause semblent encore indiquer un manque de rigueur dans l'enquête et l'administration d'un dossier qui semble relativement simple.

 

[13]  Bien qu'il semble qu'un rapport de police au sujet du vol de l'ordinateur et de l'Ipod aurait pu être rédigé vers novembre 2009, ce rapport n'aurait pas été vraiment complet avant une analyse du disque dur.  Par ailleurs, la preuve n'explique pas le délai dans la demande de cette analyse. Un tel rapport fut fourni environ un mois après sa demande. La cour conclut donc de cette preuve que le rapport de police militaire aurait pu être complété en décembre 2009 si cette demande d'analyse avait été faite de manière expéditive.  Le rapport aurait donc pu être distribué à l'unité de l'accusé au début de 2010, soit dans les mois de janvier ou février.  Le délai pré-inculpatoire total est d'environ 21 mois, soit du 20 octobre 2009 au 2 août 2011.  Il appert donc de la preuve que des accusations auraient pu être portées au début de 2010, soit vers les mois de février ou mars si les policiers militaires avaient accompli leur travail d'une manière efficace.  Alors, le délai pré-inculpatoire non justifié se situe à environ 17 mois, soit de mars 2010 à août 2011.

 

[14]  Bien que la jurisprudence indique clairement qu'un tribunal peut évaluer un délai raisonnable quand la preuve indique qu'une enquête policière contenait les éléments requis pour porter des accusation (voir R c Kalanj (1989) 1 R.C.S. 1594 et Sa Majesté la Reine et adjum Perrier, (2000) CACM-434); la jurisprudence nous indique aussi qu'il ne s'agit pas seulement de calculer le délai mais bien d'examiner si cette période de temps a causé un préjudice à l'accusé (voir R c L.(W.K.) [1991] 1 S.C.R. 1091 et Sa Majesté la Reine et le Capitaine Langlois, 2001 CACM 3, paragraphe 6.

 

[15]  La cour va maintenant se pencher sur les questions en litige; tout d'abord les allégations de violation de sa liberté.  Les deux parties sont en accord que monsieur Massicotte fut détenu lors de son interrogation par la police militaire au cours de la nuit du 20 au 21 octobre 2009.  Il fut sous le contrôle de la police militaire pour approximativement trois heures et demie.  Monsieur Massicotte venait d'avouer au sergent Gagné qu'il avait pris l'ordinateur et l'Ipod.  Ce dernier en avait informé la police militaire.  Il était bien normal que le policier militaire veuille interroger monsieur Massicotte.  Le policier l'a informé de ses droits, voir pièce R2-2.  Bien qu'il s'agisse d'une restriction sur sa liberté, elle fut brève et seulement pour la durée de l'interrogation.  La cour en conclut donc que la preuve n'indique pas que cette détention est à l'encontre des principes de justice fondamentale.

 

[16]  Le 21 octobre 2009, le sergent Gagné ordonna à monsieur Massicotte de l'accompagner pour se rendre à Victoria pour retrouver le récépissé de Poste Canada.  Monsieur Massicotte a accompagné le sergent Gagné à Victoria.  Le requérant allègue que cela représente la deuxième entrave à sa liberté.  Bien que ces actions semblent plutôt représenter une situation où une personne en autorité semblait le forcer à s'auto-incriminer, la preuve démontre que cette recherche ne porta pas fruit.  Monsieur Massicotte a témoigné qu'il aurait été en congé cette journée. Aucune autre preuve ne fut fournie à la cour au sujet des actions du sergent Gagné.  La cour ne sait pas s'il s'agit d'une demande des policiers ou d'une initiative du sergent Gagné.  La cour en conclut que ces actions ont bel et bien porté atteinte aux droits de liberté de monsieur Massicotte en plus de porter atteinte à son droit de ne pas s'incriminer.  Ceci dit, cette atteinte à son droit à la liberté n'est pas associée avec un délai pré-inculpatoire déraisonnable.

 

[17]  Le requérant allègue que ce délai pré-accusatoire l'a empêché de pouvoir déménager au Japon et que ceci est aussi une violation de son droit à la liberté.  Monsieur Massicotte a témoigné que sa passion était l'Asie et qu'il avait obtenu un baccalauréat en études est asiatique.  Il témoigna que, depuis l'âge de 20 - 22 ans, il désire s'installer au Japon et y trouver un travail.  Il affirme qu'il ne pouvait mettre ses désirs en action car il devait attendre que les procédures disciplinaires soient complétées.

 

[18]  Il témoigna qu'il s'est enrôlé dans la Réserve navale en février 2009 à la suggestion de ses parents car il n'avait pas trouvé de travail à temps plein suite à ses études.  Lors de son contre-interrogatoire, il confirma qu'il n'avait pas les moyens financiers de se rendre au Japon immédiatement après ses études.  La carrière de réserve navale n'était pas son premier choix; il aurait bien aimé être pilote ou officier de la marine mais ne pouvait l'être car il est daltonien.  Il n'avait aucun but de carrière au sein de la réserve navale et n'avait aucune idée du nombre d'années qu'il dédirait à sa carrière de réserviste.  Il aurait probablement travaillé dans un autre emploi s'il en avait eu un.  Il s'agit d'un emploi à temps plein.

 

[19]  Bien qu'il affirme que ce projet de vivre au Japon et d'y travailler est si important pour lui, il n'offre aucune preuve qu'il a fait des recherches ou pris des actions pour mettre en œuvre ce projet de vie.  Il dit qu'il voit la réserve navale comme une possibilité d'aller à l'étranger et donne l'exemple d'une personne qui fut déployée au Soudan, mais il ne peut indiquer si les Forces canadiennes ont des déploiements au Japon.

 

[20]  Il témoigna qu'il se rendit au Japon pour trois ou quatre semaines le 25 ou 26 août 2011. Au cours de son interrogatoire, il témoigna en premier qu'il n'avait pas eu le temps de faire des démarches pour se trouver un emploi au Japon et ensuite qu'il avait expédié des CV à des écoles d'anglais.  On ne présenta aucune autre preuve à ce sujet.

 

[21]   La cour n'est pas convaincue par la preuve que le délai pré-accusatoire ait privé monsieur Massicotte de l'opportunité de vivre au Japon.  Il n'a pas présenté la preuve qui indiquerait qu'il avait des plans réels d'aller travailler au Japon et qu'il avait accompli les actions nécessaires pour déterminer ce qu'il devait faire pour mettre en œuvre ces plans.  Il semble que l'attente des procédures disciplinaires et la signification du procès-verbal des procédures disciplinaires le 2 août ne l'ont nullement empêché de planifier et de faire un voyage de trois semaines au Japon entre août - septembre 2011.  La cour en conclut qu'il a probablement un vif intérêt pour la culture asiatique mais la preuve présentée ne démontre pas qu'il avait réellement l'intention d'aller travailler au Japon durant la période de 2009 à 2011.  Alors, la cour en vient à la conclusion que son droit à la liberté ne fut pas violé.

 

[22]  Finalement, il est bien établi dans le droit canadien que le droit à la liberté est en cause quand une personne fait face à une accusation dont la condamnation peut amener une peine d'emprisonnement.  Une combinaison de l'emprisonnement et de la responsabilité absolue viole l'article 7 de la Charte, (voir Renvoi sur la Motor Vehicle Act (C.B.), [1985] 2 R.C.S. 486, aux paragraphes 1, 2, 76 et 77). L'article 114 de la Loi sur la défense nationale n'est pas une infraction de responsabilité absolue.  Le requérant n'a fourni aucune preuve qui indique que le simple fait que l'article 114 comporte une peine potentielle d'emprisonnement viole son droit à la liberté à l'encontre d'un principe de justice fondamentale.

 

[23]  La preuve présentée durant cette requête démontre que le droit à la liberté du requérant fut violé quand le sergent Gagné lui ordonna de l'accompagner à Victoria pour retrouver le récépissé de Poste Canada.  Cette violation du droit à la liberté n'est pas une conséquence d'un délai pré-accusatoire.  La seule conséquence de cette violation est le fait que l'ex-enseigne de 2e classe Massicotte n'a pas joui d'une journée de congé payé.

 

[24]  Le requérant allègue aussi que l'équité du procès est en cause puisque ce long délai déraisonnable a un effet sur la mémoire du requérant et donc un effet négatif sur sa capacité de présenter une défense pleine et entière.  Il allègue que sa mémoire est maintenant défaillante et qu'il ne pourra pas témoigner correctement lors de sa requête alléguant une violation de son droit à l'avocat et donc ceci porte atteinte à son droit à une défense pleine et entière.

 

[25]  À la suite des plaidoiries, une discussion et un ajournement jusqu'au lendemain, l'avocat du requérant indiqua qu'il désirait que la preuve présentée au cour de sa deuxième requête alléguant une violation au droit prévu par l'article 10b) de la Charte soit entendue avant que la cour ne décide de la première requête car cette preuve serait pertinente à la première requête.  Le procureur de la poursuite était en accord avec cette suggestion et la cour y consentit.

 

[26]  Monsieur Massicotte a témoigné qu'il se souvient de ce qu'il a fait mais ne se souvient pas des heures précises.  Il se souvient des émotions qu'il ressentait quand il est allé parler au sergent Gagné.  Il savait que l'ordinateur et l'Ipod ne lui appartenaient pas et il voulait qu'ils soient retrouvés.  Il témoigna qu'il voyait cette situation comme un jeu et il croyait que c'était mieux de tout dire au sergent Gagné.  Il se souvient que le sergent Gagné lui aurait dit qu'il avait fait preuve de courage en avouant avoir pris ces objets.  Il se souvient qu'il a attendu 20 à 30 minutes avant de rencontrer le policier militaire.  Il indique aussi qu'il ne pensait pas que l'affaire allait se régler de cette façon, soit un interrogatoire par la police militaire.

 

[27]  Monsieur Massicotte témoigna qu'il s'était fait dire qu'il était sous arrêt.  Il témoigna aussi qu'il aurait indiqué à l'avocat militaire de défense de service qu'il était sous arrêt.  Par contre, lors de son contre-interrogatoire, il n'était plus aussi certain de ceci et ne pouvait se souvenir qui lui aurait dit qu'il était sous arrêt, le sergent Gagné ou un des policiers.  Il témoigna aussi qu'il ne se sentait pas prisonnier mais détenu.

 

[28]  Il témoigna qu'il aurait indiqué au policier militaire qu'il voulait parler à son ami de longue date qui est avocat, Me Johnson-Bégin après qu'on lui dit ses droits.  On aurait essayé de rejoindre Me Bégin sans succès et il aurait alors parlé à l'avocat militaire de défense de service, le capitaine de corvette Létourneau.

 

[29]  Il aurait expliqué sa situation au capitaine de corvette Létourneau et celui-ci aurait dit de se fermer la gueule.  Il aurait demandé au capitaine de corvette Létourneau de répéter ses explications et ceci fut fait.  Il se dit insatisfait de ces avis et aurait demandé de parler à Me Bégin de nouveau.  Le policier militaire aurait de nouveau tenté de composer deux numéros de téléphone mais sans succès.  Il témoigne que le policier militaire lui aurait dit que la cause n'est pas criminelle mais sera selon la Loi sur la défense nationale et sera pris en charge par son unité.

 

[30]  Il témoigna que les policiers militaires l'ont laissé seul et lui on laissé le temps nécessaire pour écrire sa déclaration et qu'ils entraient dans la salle pour lui offrir de l'eau ou des feuilles de papier supplémentaires.  Il indiqua qu'il s'est pressé pour rédiger sa déclaration et qu'ensuite les policiers lui ont posé certaines questions et qu'ils ont écrit les réponses.  Suite à cet interrogatoire, les policiers lui ont offert de se rendre à la cafétéria mais il refusa.  Il fut escorté à sa chambre vers 4 heures.  Il témoigne qu'il aurait utilisé un ordinateur pour trouver le numéro de téléphone de Me Bégin s'il n'avait pas été sous pression et stressé au cours de l'interrogatoire.  Durant son contre-interrogatoire, il indiqua que lui demander s'il voulait de l'eau, de la nourriture ou du papier était une façon de mettre de la pression sur lui.

 

[31]  Durant son contre-interrogatoire, il indiqua qu'il ne se souvenait pas du nombre de fois qu'il aurait demandé à parler à Me Bégin son ami de longue date.  Il indiqua qu'il n'avait pas demandé de parler à Me Bégin avant la lecture de ses droits.  Il indiqua qu'il ne se souvenait pas de l'ordre des évènements.  Il indiqua aussi qu'il aurait demandé plus de questions à Me Bégin et que ce dernier aurait mieux expliqué ses droits.  Il affirme qu'il n'aurait pas fourni de déclaration écrite car il avait compris qu'il ne devait pas parler.  Il affirme qu'il aurait dit aux policiers qu'il n'avait pas compris les conseils du capitaine de corvette Létourneau.  Il a finalement témoigné qu'il est possible qu'il ait demandé à parler à Me Bégin après avoir parlé avec le capitaine de corvette Létourneau.  Il témoigna qu'il avait l'intention de coopérer avec la police avant son appel au capitaine de corvette Létourneau mais que celui-ci lui dit de ne pas parler, il s'est alors senti confondu et aurait demandé à parler à Me Bégin.

 

[32]  Il témoigna qu'il avait fait une recherche dans un bottin téléphonique du Québec fourni par le policier militaire pour retrouver le numéro de Me Bégin.  Il témoigne avoir tourné les pages du bottin et il aurait trouvé des noms associés à Me Bégin.  Il indiqua alors plus tard dans son témoignage qu'il ne se souvenait pas de qui aurait fait la recherche dans le bottin téléphonique.  Il indiqua aussi qu'il avait écrit le nom de Me Johnson-Bégin sur un papier et l'avait remis à un des policiers.  Le policier aurait appelé Canada 411 pour retrouver le numéro.  Il ne se souvient pas si on lui offrit l'opportunité d'appeler un ami pour trouver le numéro de téléphone de Me Bégin, mais il indiqua que ceci était possible.

 

[33]  Il indiqua à plusieurs reprises lors de son témoignage qu'il était naïf au moment de l'interrogatoire.  Il indiqua aussi qu'il croyait que « c'était le temps d'arrêter le petit jeu » quand il avoua au sergent Gagné qu'il avait pris les objets.

 

[34]  Il témoigna qu'il n'avait lu qu'en diagonale la pièce R2-2, les mises en garde avant un interrogatoire, avant d'apposer ses signatures et affirme qu'il n'a pas bien compris ses droits à ce moment bien qu'il répondait oui sur le formulaire.  Il aurait demandé aux policiers d'expliquer ses droits de nouveau et ils l'ont fait et il les a décrits comme étant gentils.  Ce document fut complété avant l'interrogatoire.  Il avait compris qu'il devait parler à un avocat.  Il s'agissait d'un « vrai oui » sur le formulaire.  Il parla donc au capitaine de corvette Létourneau.  Il témoigna qu'il ne comprenait pas son droit au silence au moment où il avait signé ce formulaire.  Il témoigna qu'il avait besoin de parler à une personne de confiance après avoir parlé avec le capitaine de corvette Létourneau.  Il témoigna qu'il n'avait pas compris la mise en garde supplémentaire à l'époque, puis il dit qu'il avait compris —— et il témoigna qu'il n'avait pas compris le deuxième partie de cette mise en garde supplémentaire.

 

[35]  Le matelot-chef Thériault n'est pas un policier militaire mais travaillait avec la police militaire pour assurer la protection physique de leur unité.  Il a agi à titre d'interprète lors de l'interrogatoire de monsieur Massicotte.  Il se trouvait dans un hangar à l'aéroport de Vancouver avec des membres de la police militaire quand le sergent Gagné les a informés de l'aveu de monsieur Massicotte.  Le caporal Agoston, un policier militaire, prépara une salle d'entrevue dans le hangar.  Le matelot-chef Thériault décrit monsieur Massicotte comme étant coopératif et un peu nerveux.  Matelot-chef Thériault a lu les droits en français et monsieur Massicotte a aussi lu les droits avant de signer le formulaire.  Le matelot-chef Thériault témoigna que monsieur Massicotte n'a pas indiqué qu'il ne comprenait pas ses droits.  Monsieur Massicotte avait parlé à l'avocat militaire de défense en devoir en privé.  Monsieur Massicotte n'aurait fait aucune demande spéciale.  Monsieur Massicotte aurait dit au matelot-chef Thériault que l'avocat lui avait dit de ne pas parler mais il décida de continuer.  Monsieur Massicotte exprima qu'il n'était pas certain de sa décision et qu'il voulait parler à un ami qui est un avocat à Québec ou à Trois-Rivières.  À ce moment, le caporal Agoston a suspendu l'entrevue et le matelot-chef Thériault a fait une recherche sur Canada 411.  Il aurait trouvé trois ou quatre numéros et il a fait les appels.

 

[36]  Le matelot-chef Thériault croit que monsieur Massicotte a fait un appel à un ami pour trouver le numéro de téléphone de Me Bégin.  Monsieur Massicotte aurait décidé de continuer même s'il n'avait pas rejoint son ami.  Le matelot-chef Thériault a indiqué que Monsieur Massicotte avait une attitude coopérative tout au long de l'interrogation bien qu'il était nerveux.

 

 [37]  Monsieur Massicotte indique qu'il se souvient des évènements mais non des heures précises ou des séquences exactes; pourtant son témoignage contient de nombreuses contradictions qui ne sont pas chronologiques mais bien des contradictions quant à des actions bien concrètes telle la recherche dans un bottin téléphonique.  Il a aussi des souvenirs très précis telles ses conversations avec le sergent Gagné.  La cour en conclut que la preuve présentée ne démontre pas selon une prépondérance des probabilités que la mémoire de monsieur Massicotte est affectée par le passage du temps à un point où son droit de présenter une défense pleine et entière est mis en péril.

 

[38]  Bien que cela ne fut pas plaidé par le requérant, il est bien évident que la sécurité physique ou psychologique du requérant ne fut jamais brimée par les actions de ses supérieurs au cours de ce délai pré-accusatoire.  Il continua sa progression normale de carrière, il eut l'occasion de continuer de se perfectionner grâce à de nombreux cours et on continua de l'employer à titre d'officier de logistique de l'unité.

[39]  La cour en conclut que la liberté de monsieur Massicotte fut brimée par les actions du sergent Gagné le 21 octobre mais que cette violation n'est pas due au délai pré-accusatoire et que les conséquences étaient bien mineures et ont aucun effet sur le procès.  La cour a aussi conclu que le droit à une défense pleine et entière ne fut pas brimé par le délai pré-accusatoire.  Donc, la cour en vient à la conclusion que la preuve n'a pas démontré que les droits de l'accusé protégés par l'article 7 de la Charte  furent violés par le délai pré-accusatoire.

 

[40]  Pour ces raisons, la requête pour l'obtention d'un arrêt des procédures en vertu de l'article 24(1) de la Charte canadienne des droits et libertés, et ce en raison de la violation alléguée du droit à la liberté et du droit d'une défense pleine et entière prévus à l'article 7 de la Charte est donc rejetée.

 


 

Avocats :

 

Major P. Doucet, Service canadien des Poursuites militaires

Avocat de l'intimée

 

Me S. Johnson-Bégin, Trois-Rivières

Avocat pour l'ex-enseigne de vaisseau de 2e classe Massicotte

 

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