Cour martiale
Informations sur la décision
Date de l’ouverture du procès : 30 janvier 2007.
Endroit : BFC Greenwood, centre d’entraînement Commodore de l’air Birchall, édifice 221, Greenwood (NÉ).
Chefs d’accusation:
• Chef d’accusation 1 (subsidiaire au chef d’accusation 2) : Art. 130 LDN, voies de fait graves (art. 268 C. cr.).
• Chef d’accusation 2 (subsidiaire au chef d’accusation 1) : Art. 86a) LDN, s’est battu avec une personne justiciable du code de discipline militaire.
• Chef d’accusation 3 (subsidiaire au chef d’accusation 4) : Art. 130 LDN, voies de fait (art. 266 C. cr.).
• Chef d’accusation 4 (subsidiaire au chef d’accusation 3) : Art. 86a) LDN, s’est battu avec une personne justiciable du code de discipline militaire.
• Chef d’accusation 5 : Art. 130 LDN, conseiller une infraction qui n’est pas commise (art. 464 C. cr.).
Résultats:
• VERDICTS : Chefs d’accusation 1, 3 : Coupable. Chefs d’accusation 2, 4 : Une suspension d’instance. Chef d’accusation 5 : Non coupable.
• SENTENCE : Détention pour une période de 14 jours, trois ans de perte d’ancienneté et une amende au montant de 5000$.
Contenu de la décision
Référence : R. c. Caporal-chef V.P. Bonnar, 2007 CM 3003
Dossier : 200701
COUR MARTIALE PERMANENTE
CANADA
NOUVELLE-ÉCOSSE
BASE DES FORCES CANADIENNES GREENWOOD
Date : le 30 janvier 2007
SOUS LA PRÉSIDENCE DU LIEUTENANT-COLONEL L -V. D’AUTEUIL, J.M.
SA MAJESTÉ LA REINE
c.
CAPORAL-CHEF V.P. BONNAR
(Accusé)
SENTENCE
(Prononcée de vive voix)
TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE
[1] Caporal-chef Bonnar, après avoir accepté et enregistré votre plaidoyer de culpabilité pour la première et la troisième accusation, la cour vous déclare maintenant coupable de celles-ci. En conséquence, la cour ordonne l’arrêt des procédures pour la deuxième et la quatrième accusations. De plus, le poursuivant n’ayant présenté aucune preuve à l’appui de la cinquième accusation comme je l’ai mentionné précédemment, la cour vous déclare non coupable de celle-ci. Vous pouvez rompre et vous asseoir aux côtés de l’avocat de la défense.
[2] Le système de justice militaire constitue l’ultime recours pour faire respecter la discipline ‑ une dimension essentielle de l’activité militaire ‑ dans les Forces canadiennes. Le but de ce système est de prévenir toute inconduite ou, de façon plus positive, de veiller à promouvoir la bonne conduite. C’est au moyen de la discipline que les forces armées s’assurent que leurs membres rempliront leurs missions avec succès, en toute confiance et fiabilité. Comme le déclare le Major Jean‑Bruno Cloutier dans sa thèse sur l’utilisation des infractions prévues par l’article 129 de la Loi sur la défense nationale dans le système de justice militaire canadien, et je cite, « [e]n bout de ligne, pour promouvoir au maximum les chances de succès de la mission, la chaîne de commandement doit être en mesure d’administrer la discipline afin de contrôler les inconduites qui mettent en péril le bon ordre ».
[3] Le système de justice militaire voit aussi au maintien de l’ordre public et s’assure que les personnes justiciables du code de discipline militaire soient punies de la même façon que toute autre personne vivant au Canada. Il est reconnu depuis longtemps que la distinction qui existe entre le système de justice militaire et le système de justice vise à permettre aux Forces canadiennes de trancher les questions qui relèvent du code de discipline militaire et qui touchent le maintien de l’efficacité et le moral des troupes. Cela dit, toute peine infligée par un tribunal, qu’il soit civil ou militaire, doit être la moindre possible dans les circonstances. Ce principe est conforme au devoir du tribunal de, et je cite, « prononce[r] une sentence proportionnée à la gravité de l’infraction et aux antécédents du contrevenant », comme le prévoit l’alinéa 112.48(2)b) des ORFC.
[4] Dans le cas qui nous occupe, le poursuivant et l’avocat de la défense ont présenté une recommandation commune sur la peine. Ils ont recommandé que la cour vous condamne à 14 jours de détention, à une amende de 5 000 $ et à une perte d’ancienneté de trois ans. La cour n’est pas liée par cette recommandation, mais on reconnaît généralement qu’elle ne devrait l’écarter que lorsqu’il serait contraire à l’intérêt public de l’accepter et que cela aurait pour effet de déconsidérer l’administration de la justice.
[5] La cour a pris en considération la recommandation commune des avocats à la lumière des faits pertinents exposés dans le sommaire des circonstances, et de leur importance. Elle a également examiné cette recommandation en fonction des principes de la détermination de la peine, notamment ceux qui sont énoncés aux articles 718, 718.1 et 718.2 du Code criminel, dans la mesure où ils ne sont pas incompatibles avec le régime des peines prévu sous le régime de la Loi sur la défense nationale. Ces principes sont les suivants : premièrement, la protection du public, et le public comprend, en l’occurrence, les intérêts des Forces canadiennes; deuxièmement, le châtiment du contrevenant; troisièmement, l’effet dissuasif de la peine non seulement sur le contrevenant, mais aussi sur toute personne qui pourrait être tentée de commettre de telles infractions et, quatrièmement, l’amendement et la réinsertion du contrevenant. La cour a également tenu compte des arguments avancés par les avocats, notamment la jurisprudence qu’ils lui ont présentée et les documents qu’ils ont déposés en preuve.
[6] La cour doit préciser qu’elle convient, avec le poursuivant, que la nécessité de protéger le public exige d’infliger une peine qui met l’accent sur l’effet dissuasif général. Il est important de préciser que l’effet dissuasif général vise à faire en sorte que la peine infligée a non seulement pour effet de dissuader le contrevenant de récidiver, mais aussi toute autre personne qui, se trouvant dans une situation analogue, serait tentée de se livrer aux mêmes actes illicites.
[7] En l’espèce, les infractions dont il s’agit sont des voies de fait commises à l’endroit du Soldat Levesque et des voies de fait graves commises à l’endroit du Soldat Crevier. Les gestes reprochés ont été posés au cours d’une dispute ayant éclaté lors d’une activité sociale se déroulant au mess des caporaux et des soldats, à la BFC Borden. La consommation d’alcool a son rôle à jouer dans cette affaire. Ces infractions sont très graves, mais la cour va tout de même infliger ce qu’elle considère être la peine qui soit la moindre possible dans les circonstances.
[8] Pour en arriver à ce qu’elle croit être une peine juste et appropriée, la cour a pris en comte les circonstances aggravantes et les circonstances atténuantes suivantes. La cour considère comme aggravants les facteurs suivants :
Premièrement, la gravité objective des infractions. Vous avez été accusé de deux infractions aux termes de l’article 130 de la Loi sur la défense nationale, pour voies de fait et voies de fait graves prévues respectivement aux articles 226 et 268 du Code criminel. Ces infractions sont respectivement punissables d’un emprisonnement maximal de 5 ans et d’un emprisonnement maximal de 14 ans, ou d’une peine moins sévère;
Deuxièmement, la gravité subjective de l’infraction. Vous êtes un soldat instruit, possédant beaucoup d’expérience de l’entraînement et ayant atteint le grade de caporal-chef. Vous vous devez donc de donner l’exemple, un comportement dont vous vous êtes écarté à deux reprises en réagissant exagérément comme vous l’avez fait;
Troisièmement, les blessures très graves que vous avez infligées à un soldat, comme en témoignent les pièces 7 et 8, des photographies, et la pièce 9, le rapport médical rédigé par le Dr David Finkelstein. En effet, le soldat conservera à jamais sur son visage une marque évidente de votre accès de colère et de votre manque de maîtrise de soi. La blessure aurait pu entraîner des conséquences médicales plus graves pour le soldat, mais heureusement, jusqu’à présent cette éventualité ne s’est pas concrétisée.
La cour considère comme atténuants les facteurs suivants :
D’après les faits qui lui ont été présentés, la cour en déduit que votre plaidoyer de culpabilité traduit un véritable signe de remords, et que votre désir de demeurer un atout pour la collectivité canadienne et les Forces canadiennes est sincère. Il montre que vous assumez pleinement la responsabilité des vos gestes. La cour ne veut pas compromettre vos chances de succès, la perspective d’une réinsertion constituant toujours une dimension importante dans la détermination d’une peine;
Les faits et les circonstances de l’affaire, y compris votre situation personnelle et les mesures que vous avez prises pour trouver du soutien afin de résoudre certains problèmes personnels, comme en témoigne la pièce 10, la lettre du travailleur social en milieu clinique. La cour vous encourage à persévérer en ce sens;
Vos états de service au sein des Forces canadiennes, comme le montrent la pièce 11, une lettre sur votre rendement au travail, la pièce 12, votre RAP, et la pièce 13, l’ERP. À l’exception de cet incident, vos états de service dans les Forces canadiennes sont très bons. Il semble à la cour que vous êtes un soldat compétent, dont problèmes personnels affectent la conduite dans la mesure où vous êtes incapable de vous conduire comme on est en droit de s’y attendre pour une personne de votre grade;
Finalement, le fait que vous n’ayez aucune fiche de conduite ni aucun casier judiciaire pour des infractions similaires.
[9] Cela étant dit, compte tenu des facteurs et des circonstances de l’espèce, la cour estime que la recommandation commune n’est pas déraisonnable. Par conséquent, la cour accepte la recommandation commune formulée par les avocats et vous condamne à une peine de détention de 14 jours, une amende de 5 000 $ et une perte d’ancienneté de trois ans, cette peine n’étant pas contraire à l’intérêt public et n’ayant pas pour effet de déconsidérer l’administration de la justice.
[10] Je voudrais juste ajouter, pour que vous compreniez bien, que j’ai examiné l’article 104.11 qui porte sur la perte d’ancienneté. Il est indiqué à la note A :
NOTE (A)
Un contrevenant ne peut, par l’imposition d’une peine de perte de l’ancienneté, être déchu de plus d’ancienneté qu’il ne détient dans son grade au moment de l’imposition de la peine.
De sorte que j’ai vérifié dans le SDPM et, en tant que caporal-chef, vous n’avez pas une ancienneté de trois ans. Toutefois, lorsqu’on examine le ‒‒et je n’ai pas l’ORFC avec moi, mais lorsqu’on examine le Volume I, on constate que « caporal-chef » n’est pas un grade, mais une nomination. De sorte qu’il n’y a pas de problème en l’espèce puisque vous comptez trois ans au grade de caporal et que, comme le prévoit le même chapitre, le chapitre qui s’applique, en ce qui concerne l’ancienneté, il est clairement indiqué qu’il faut regarder le grade de caporal et non celui de caporal-chef. De sorte que vous avez plus de trois ans d’ancienneté à ce grade.
[11] Je voudrais aussi vous lire, Caporal-chef Bonnar, la note, la note A, de l’article 104.09 des ORFC. On y parle de la détention. Je vais me contenter de vous en faire la lecture. Je veux m’assurer que vous comprenez bien la signification de cette peine :
NOTE (A)
Comme pour toute mesure disciplinaire, la détention est une punition qui vise à réhabiliter les détenus militaires et à leur redonner l’habitude d’obéir dans un cadre militaire structuré. Ces derniers seront donc soumis à un régime d’entraînement qui insiste sur les valeurs et les compétences propres aux membres des Forces canadiennes, pour leur faire voir ce qui les distingue des autres membres de la société. Des soins spécialisés et des programmes d’orientation seront offerts par ailleurs aux détenus militaires qui en auront besoin pour les aider à surmonter leur dépendance aux drogues et à l’alcool ou à régler des ennuis de santé analogues. Une fois la peine de détention purgée, le militaire retournera à son unité [...] sans que sa carrière n’en souffre à long terme.
Ainsi, l’objet principal de la détention est la réhabilitation ou la réinsertion et je veux être clair à ce sujet.
[12] Donc, veuillez vous lever, Caporal-chef Bonnar. Par conséquent, la cour vous condamne à une peine de détention de 14 jours, à une perte d’ancienneté de trois ans et à une amende de 5 000 $. L’amende doit être payée en versements mensuels consécutifs de 416,66 $ à compter du 1er mars 2007, et durant les onze mois qui suivent. Dans l’éventualité où vous seriez libéré des Forces canadiennes pour une raison ou pour une autre avant le paiement intégral de l’amende, le solde sera exigible le jour précédant votre libération.
[13] De même, conformément à l’article 196.14 de la Loi sur la défense nationale, étant donné que la première infraction est une infraction primaire telle que définie à l’article 196.11 de la Loi sur la défense nationale, la cour ordonne, comme l’indique le formulaire réglementaire joint à la présente décision, le prélèvement sur le Caporal-chef Bonnar, pour analyse génétique, du nombre d’échantillons de substances corporelles jugé nécessaire à cette fin.
[14] La cour a prononcé la peine à 16 h 46, le 30 janvier 2007. Officier de la cour, accompagnez le Caporal-chef Bonnar à l’extérieur. La présente décision met fin à l’instance devant la cour martiale permanente relativement au Caporal-chef Bonnar, sous réserve d’une demande de mise en liberté pendant l’appel conformément à l’ORFC 118.03.
LIEUTENANT-COLONEL L.-V. D’AUTEUIL, J.M.
Avocats :
Le Capitaine de corvette R. Fetterly, Directeur des poursuites militaires
Procureur de Sa Majesté la Reine
Le Capitaine de corvette J.A. McMunagle, Direction du service d’avocats de la défense
Avocat du Caporal-chef Bonnar