Cour martiale
Informations sur la décision
Date de l’ouverture du procès : 16 janvier 2007.
Endroit : BFC Kingston, édifice E-37, édifice Signaleur Gray, Kingston (ON).
Chefs d’accusation:
• Chefs d’accusation 1, 2 : Art. 90 LDN, s’est absenté sans permission.
Résultats:
• VERDICTS : Chefs d’accusation 1, 2 : Coupable.
• SENTENCE : Une amende au montant de 600$.
Contenu de la décision
Citation : R. C. Caporal J.D.M. Picard, 2007 CM 3002
Dossier : 2006110
COUR MARTIALE PERMANENTE
CANADA
ONTARIO
BASE DES FORCES CANADIENNES KINGSTON
Date : 16 janvier 2007
SOUS LA PRÉSIDENCE DU LIEUTENANT-COLONEL L.-V. D'AUTEUIL, JM
SA MAJESTÉ LA REINE
c.
CAPORAL J.D.M. PICARD
(Accusé)
SENTENCE
(Oralement)
TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE
[1] Caporal Picard, la cour ayant accepté et enregistré votre aveu de culpabilité au premier et au deuxième chef d'accusation, vous en déclare maintenant coupable. Caporal Picard, vous pouvez rompre et aller rejoindre votre avocat.
[2] Le système de justice militaire constitue le moyen ultime de faire
respecter la discipline dans les Forces canadiennes - une dimension essentielle de l’activité militaire. Le but de ce système est de prévenir toute inconduite ou, de façon
plus positive, de promouvoir la bonne conduite. C’est en renforçant la discipline que les
forces armées s’assurent que leurs membres mèneront, de manière sûre et fiable, des missions couronnées de succès.
[3] Comme l’a déclaré un avocat militaire, le Major Jean-Bruno Cloutier, dans sa thèse portant sur le recours à l’article 129 de la Loi sur la défense nationale, que je cite en traduisant, le système de justice militaire [traduction] « a pour but de contrôler et d’influencer le comportement et de veiller au maintien de la discipline, en vue de créer éventuellement des conditions favorables au succès de la mission militaire ». Le système de justice militaire assure aussi le maintien de l’ordre public et fait en sorte que les personnes assujetties au Code de discipline militaire soient punies de la même manière que toute autre personne vivant au Canada.
[4] Il est reconnu depuis longtemps que le but d’un système de tribunaux ou
de justice militaires distincts est de permettre aux Forces canadiennes de s’occuper des
questions qui touchent au respect du Code de discipline militaire et au maintien de l’efficacité et du moral des troupes. Cela étant dit, toute peine infligée par un tribunal, qu’il soit civil ou militaire, devrait représenter la mesure minimale nécessaire adaptée aux circonstances de l’espèce. Cette notion est également conforme au devoir du tribunal de « prononc[er] une sentence proportionnée à la gravité de l’infraction et aux antécédents du contrevenant », comme le prévoit le sous-alinéa 112.48(2)b) des ORFC.
[5] Dans le cas présent, le procureur et l’avocat de la défense ont fait une recommandation conjointe quant à la peine. Ils ont recommandé que la cour vous condamne à verser une amende de 600 $. Même si la cour n’est pas liée par cette recommandation conjointe, il est généralement admis qu’elle ne peut s’en écarter que si la peine proposée était contraire à l’intérêt public ou avait pour effet de déconsidérer l’administration de la justice.
[6] La cour a examiné cette recommandation conjointe à la lumière des faits
pertinents exposés dans le sommaire des circonstances et dans l’énoncé des faits convenu entre les parties, et en tenant compte de leur importance. Elle a aussi tenu compte des principes de la détermination de la peine, notamment ceux énoncés aux articles 718, 718.1 et 718.2 du Code criminel, dans la mesure où ils ne sont pas incompatibles avec le barème des peines prévu sous le régime de la Loi sur la défense nationale. Ces principes sont les suivants : premièrement, la protection du public, lequel comprend les Forces canadiennes; deuxièmement, la peine applicable au contrevenant; troisièmement, l’effet dissuasif de la peine non seulement sur le contrevenant, mais aussi sur toute personne qui pourrait être tentée de commettre les mêmes infractions; quatrièmement, la réadaptation et la réhabilitation du contrevenant. La cour a également tenu compte des plaidoiries des avocats, y compris la jurisprudence et les documents produits en preuve.
[7] Je dois dire que je suis d’accord avec la procureure lorsqu’elle dit que la protection du public exige une peine qui met l’accent sur l’effet dissuasif général. Il est important de retenir que l’effet dissuasif général implique que la peine infligée doit dissuader non seulement le contrevenant de commettre une autre infraction, mais aussi toute personne qui se trouve dans une situation semblable de se livrer, pour quelque raison que ce soit, aux mêmes actes prohibés. Je suis aussi d’avis que le principe de la réprobation doit s’appliquer en l’espèce. La cour est saisie ici de deux infractions ayant trait à deux absences injustifiées du Caporal Picard aux séances d’entraînement physique du matin en février 2006 et au défilé du 3e escadron en juin la même année. Il ne s’agit pas d’infractions graves en soi, au sens de la Loi sur la défense nationale. On peut même dire qu’il s’agit d’infractions mineures, en fonction des critères énoncés au paragraphe 108.17(1) des ORFC. Il s’agit toutefois d’infractions de nature purement militaire, touchant directement la discipline militaire. La cour imposera donc ce qu’elle considère être la peine minimale nécessaire dans les circonstances.
[8] Pour en arriver à ce qu’elle estime être une peine juste et appropriée, la
cour a pris en compte les facteurs aggravants et atténuants décrits ci-dessous.
[9] La cour considère comme aggravants les facteurs suivants :
a. Premièrement, la gravité objective de l’infraction. Les deux infractions dont vous avez été accusé sont visées par l’article 90 de la Loi sur la défense nationale, soit l’absence sans permission. Ce type d’infraction est passible d’une peine d’emprisonnement de moins de deux ans, ou d’une peine moindre.
b. Deuxièmement, la gravité subjective de l’infraction. Le fait que vous soyez un soldat instruit et expérimenté, bien entraîné et du grade de caporal, vous impose le devoir additionnel de donner l’exemple, ce que vous avez omis de faire à deux reprises.
c. Troisièmement, le fait que vous aviez reçu une mise en garde et étiez sous surveillance afin de corriger votre manque de ponctualité lorsque les deux infractions ont été commises. Bien qu’un avertissement clair vous ait été donné par votre supérieur concernant votre conduite, vous avez délibérément choisi de commettre ces infractions plutôt que de vous amender.
[10] La cour considère comme atténuants les facteurs suivants :
a. Il ressort des faits présentés à la cour que vous manifestez des remords véritables en plaidant coupable et que vous souhaitez sincèrement redevenir un élément utile de la société canadienne. La cour ne voudrait pas compromettre vos chances de succès puisque la réhabilitation est toujours un facteur important dans le prononcé de la peine.
b. La cour tient également compte de vos états de service dans les Forces canadiennes. Hormis ces incidents, vos états de service dans les Forces canadiennes sont bons. La cour est d’avis que vous êtes un soldat compétent aux prises avec des problèmes personnels qui ont nui à votre comportement dans la mesure où vous avez été incapable de répondre aux attentes que l’on est en droit d’avoir d’une personne qui occupe votre rang.
c. Le fait que vous n’avez aucune fiche de conduite ni casier judiciaire pour des infractions semblables.
d. Selon l’alinéa 112.48(2)a) des ORFC, la cour doit examiner toute conséquence indirecte que la peine pourrait avoir. Selon les faits soumis à la cour, vos manquements répétés à la ponctualité ont fait l’objet de mesures administratives, et auront pour résultat ultime que vous serez libéré des Forces canadiennes. De plus, la cour tiendra compte des conséquences découlant de la peine imposée sur votre situation financière, compte tenu que vous êtes un soutien de famille.
e. Le retard à traiter cette affaire. La cour ne veut blâmer personne dans la présente cause, mais plus la question au chapitre de la discipline est réglée rapidement et plus la peine imposée sera pertinente et efficace pour le moral et la cohésion des membres de l’unité. De plus, la justice militaire aurait sans doute été plus efficace si on avait envisagé la possibilité de traiter cette accusation comme une affaire mineure. Le temps écoulé depuis que ces deux incidents ont eu lieu, surtout le premier, est un des facteurs qui rend moins pertinent d’envisager une sanction plus sévère. La cour a encore du mal à comprendre pourquoi il a fallu deux mois à la chaîne de commandement pour traiter la première accusation et la référer à la Direction des poursuites militaires, qui n’a procédé à la mise en accusation que quatre mois plus tard.
f. L’insignifiance des infractions. De plus, la cour a reçu un message contradictoire lorsque, d’une part, le commandant semblait considérer que ces infractions étaient très graves et a donné à l’accusé, à deux reprises, le choix d’être traduit devant la cour martiale, alors que cela n’est pas obligatoire, signifiant ainsi qu’il considérait qu’une peine de détention, de rétrogradation ou une amende supérieure à 25 pour 100 de la solde mensuelle n’était pas justifiée, si l’accusé était déclaré coupable des infractions, alors que d’autre part, une recommandation conjointe a été présentée à la cour martiale portant que les deux infractions soient sanctionnées d’une amende de 600 $. Il semble qu’il y a un décalage entre le point de vue de la chaîne de commandement et l’opinion de la poursuite quant à la gravité de ces infractions. Toutefois, compte tenu de mes commentaires précédents concernant le retard à traiter l’affaire, la cour considère encore que ces infractions sont mineures pour ce qui est de la lourdeur de la peine à imposer.
[11] Cela étant dit, compte tenu des facteurs et des circonstances de l’espèce, la cour estime que la recommandation conjointe n’est pas déraisonnable.
[12] Par conséquent, la cour accepte la recommandation conjointe formulée par les avocats et vous condamne à verser une amende de 600 $, étant donné qu’elle n’est pas contraire à l’intérêt public et n’aura pas pour effet de déconsidérer l’administration de la justice.
[13] Caporal Picard, veuillez vous lever. La cour vous condamne donc à une amende de 600 $. L’amende doit être payée en versements mensuels consécutifs de 200 $ à compter du 1er février 2007, et durant les deux mois qui suivent. Si vous êtes libéré des Forces canadiennes avant le paiement intégral de l’amende, le solde devra être payé le jour précédant votre libération.
LE LIEUTENANT-COLONEL L.-V. D'AUTEUIL, JM
Avocats :
La Major S.A. MacLeod, Direction des poursuites militaires
Procureure de Sa Majesté la Reine
Le Major L. D'Urbano, Direction du service d’avocats de la défense
Avocat du Caporal J.D.M. Picard