Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l’ouverture du procès : 2 octobre 2012.

Endroit : NCSM SCOTIAN, 2111 rue Upper Water, Halifax (NÉ).

Chefs d’accusation
•Chef d’accusation 1 (subsidiaire au chef d’accusation 2) : Art. 125a) LDN, a fait avec négligence une fausse inscription dans un document officiel signé de sa main.
•Chef d’accusation 2 (subsidiaire au chef d’accusation 1) : Art. 128 LDN, a comploté avec une autre personne en vue de commettre une infraction prévue par le code de discipline militaire.

Résultats
•VERDICTS : Chef d’accusation 1: Coupable. Chef d’accusation 2: Retiré.
•SENTENCE : Une réprimande et une amende au montant de 1200$.

Contenu de la décision

 

COUR MARTIALE

 

Référence : R c Collins, 2012 CM 4017

 

Date : 20121002

Dossier : 201241

 

Cour martiale permanente

 

NCSM Scotian

Halifax (Nouvelle-Écosse) Canada

 

Entre :

 

Sa Majesté la Reine

 

- et -

 

Maître de 2e classe J.F. Collins, contrevenant

 

Devant : Lieutenant-Colonel J.-G. Perron, J.M.


 

TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE

 

MOTIFS DE LA SENTENCE

 

(Prononcés de vive voix)

 

[1]        Maître de 2e classe Collins, la cour a accepté et inscrit votre plaidoyer de culpabilité quant au chef d’accusation numéro 1 et elle vous déclare maintenant coupable de cette infraction. Il s’agit d’une accusation portée en vertu de l’alinéa 125a) de la Loi sur la défense nationale. La cour doit maintenant rendre une sentence juste et appropriée en l’espèce.

 

[2]        Le sommaire des circonstances, à l’égard duquel vous avez formellement admis que les faits y énoncés constituent une preuve concluante de votre culpabilité et l’exposé conjoint des faits, fournissent à la cour les circonstances entourant la perpétration de l’infraction. Au moment de l’infraction, vous étiez employé à titre de superviseur de quart à bord du Navire canadien de Sa Majesté FREDERICTON. Le 19 décembre 2011, vous vous êtes rendu au gymnase Shearwater de la base des Forces canadiennes Halifax, en Nouvelle‑Écosse, où une période avait été réservée au nom du maître de 1re classe Morton pour la tenue d’un test EXPRES. Vous vous êtes identifié comme le maître de 1re classe Morton, vous avez rempli le formulaire DND 279, Programme EXPRES FC, en utilisant les renseignements personnels du maître de 1re classe Morton, y compris son numéro matricule, son unité, sa date de naissance et son âge. Vous avez ensuite passé avec succès le test EXPRES et signé le formulaire DND 279, Programme EXPRES FC, en vous servant de l’identité du maître de 1re classe Morton.

 

[3]        Le formulaire DND 279, Programme EXPRES FC, est utilisé dans le cadre des normes minimales de condition physique. Il s’agit d’un système d’évaluation de la condition physique et de gestion des documents dont se servent les Forces canadiennes pour favoriser une bonne condition physique individuelle, pour évaluer périodiquement le degré de condition physique des membres des Forces canadiennes et pour tenir un registre institutionnel à cet égard.

 

[4]        Comme l’a signalé la Cour d’appel de la cour martiale, la détermination de la peine est un processus fondamentalement subjectif et individualisé et c’est l’une des tâches les plus difficiles que le juge du procès doit accomplir. La Cour a également mentionné que les objectifs fondamentaux de la détermination de la peine figurant au Code criminel s’appliquaient au système de justice militaire et que le juge du procès devait en tenir compte au moment de déterminer la peine.

 

[5]        Le prononcé des peines a pour objectif essentiel de contribuer au respect de la loi et à la protection de la société, ce qui comprend les Forces canadiennes, par l’infliction de sanctions justes visant l’un ou plusieurs des objectifs suivants :

 

(a) dénoncer le comportement illégal;

 

(b) dissuader les délinquants, et quiconque, de commettre des infractions;

 

(c) isoler, au besoin, les délinquants du reste de la société;

 

(d) favoriser la réinsertion sociale des délinquants;

 

(e) assurer la réparation des torts causés aux victimes ou à la collectivité;

 

(f) susciter la conscience de leurs responsabilités chez les délinquants, notamment par la reconnaissance du tort qu’ils ont causé aux victimes et à la collectivité.

 

[6]        La cour doit décider si la protection du public serait mieux servie par la dissuasion, par la réinsertion sociale, par la dénonciation ou par une combinaison de ces facteurs. Les dispositions relatives à la détermination de la peine qui sont énoncées aux articles 718 à 718.2 du Code criminel prévoient un processus individualisé de détermination de la peine suivant lequel la cour doit prendre en compte non seulement les circonstances de l’infraction, mais aussi la situation particulière du délinquant. La peine doit également être semblable à celle infligée dans des circonstances semblables.

 

[7]        Le principe de la proportionnalité constitue un élément central de la détermination de la peine. Il exige que la sanction n’excède pas ce qui est juste et approprié, compte tenu de la culpabilité morale du délinquant et de la gravité de l’infraction. La cour doit également infliger une peine qui soit la sanction minimale nécessaire pour maintenir la discipline. La peine vise essentiellement à rétablir la discipline chez le délinquant et dans la collectivité militaire. La discipline constitue un préalable fondamental à l’efficacité opérationnelle de toute force armée.

 

[8]        Le procureur de la poursuite et votre avocat ont proposé conjointement la fixation d’une sentence qui comprendrait une réprimande et une amende de 1 200 $ à payer en mensualités de 200 $. La Cour d’appel de la cour martiale a expressément décidé que le juge appelé à prononcer une peine ne doit s’écarter de la recommandation conjointe des avocats que si la peine proposée est de nature à déconsidérer l’administration de la justice ou si elle n’est pas dans l’intérêt public.

 

[9]        J’exposerai maintenant les circonstances aggravantes et les circonstances atténuantes que j'ai prises en compte dans la détermination de la sentence appropriée en l’espèce. J’estime que les circonstances suivantes sont de nature aggravante :

 

(a)                selon l’article 125 de la Loi sur la défense nationale, faire une fausse inscription dans un document officiel constitue, objectivement, une infraction très grave puisqu’elle est punissable par un emprisonnement d’une durée maximale de trois ans ou par une peine moins lourde suivant l’échelle des peines. Subjectivement, il s’agit aussi d’une infraction grave;

 

(b)               cette infraction vous a demandé une certaine planification et préparation;

 

(c)                il s’agissait d’un acte trompeur qui a miné un aspect important de la vie militaire, à savoir l’évaluation annuelle de la condition physique de chaque membre des FC;

 

(d)               les FC comptent sur l’honnêteté de chaque membre dans l’administration générale de ce test;

 

(e)                vous étiez âgé de 42 ans au moment de l’infraction et vous étiez membre des FC depuis 1990. Vous aviez suffisamment d’expérience pour savoir ce que l’on attendait de vous;

 

(f)                 vous n’avez pas fait preuve des qualités de leadership que l’on attendait de vous. Vous occupiez un poste de leadership au sein de votre compagnie sur le navire au moment de l’infraction.

 

[10]      Votre commandant a à juste titre mentionné l’importance que revêt la confiance au sein d’une unité opérationnelle et les conséquences inexorables de ce genre d’infractions sur le pilier essentiel que constituent le leadership et la discipline. Ce n’est pas une conduite que nous nous attendons à voir chez nos sous‑officiers et ce n’est pas la façon d’agir devant vos subordonnés.

 

[11]      Pour ce qui est des circonstances atténuantes, je relève ce qui suit :

 

(a)                vous n’avez pas de fiche de conduite;

 

(b)               il s’agit de votre première infraction;

 

(c)                on a pu compter sur votre entière collaboration pendant l’enquête disciplinaire;

 

(d)               vous avez fait connaître votre intention de plaider coupable à la toute première occasion; par conséquent, une telle collaboration dans le cadre d’une enquête disciplinaire et un aveu de culpabilité rapide seront habituellement considérés comme des facteurs atténuants.

 

[12]      De façon générale, on estime que cette approche n’est pas en contradiction avec le droit au silence de l’accusé ni avec son droit d’exiger du ministère public qu’il prouve hors de tout doute raisonnable les accusations pesant contre lui, mais constitue plutôt un moyen pour les tribunaux d’infliger une peine plus clémente, l’aveu de culpabilité signifiant habituellement qu’il n’y aura pas de témoins à assigner, ce qui réduit de beaucoup les coûts associés aux procédures judiciaires. L’aveu de culpabilité est aussi généralement interprété comme signifiant que l’accusé veut assumer la responsabilité de ses actes illégaux et du préjudice en découlant. De l’avis de tous, vous éprouvez de véritables remords.

 

[13]      Vous n’avez pas tiré avantage de cette infraction et ce n’était pas non plus votre objectif. Vous avez perpétré cette infraction afin d’aider un ami. J’emploie le terme « ami » d’une façon très large et uniquement parce que cette personne est ainsi qualifiée dans l’exposé conjoint des faits. Cet ami vous a dit qu’il était atteint d’un trouble médical qui l’empêchait de réaliser le test EXPRES et qu’il avait besoin de réussir ce test pour obtenir une promotion au cours de la prochaine année.

 

[14]      Comme on dit, le chemin de l’enfer est pavé de bonnes intentions. Il semble que vous vous rendiez maintenant compte que vous avez emprunté ce chemin. Il est malheureux pour vous, vos subordonnés, votre unité et les Forces canadiennes que vous ne vous en soyez pas rendu compte en décembre 2011. Je conviens avec votre avocat que cette infraction n’a rien à voir avec votre comportement habituel.

 

[15]      Au moment de l’infraction, vous étiez atteint d’un trouble anxieux chronique, ce dont vous souffrez encore. En 2008, on a qualifié votre rendement et vos possibilités d’exceptionnels et on vous a recommandé pour une promotion lorsque vous avez terminé votre cours relatif au NQ 6B. Au moment de l’infraction, vous étiez sous le coup d’un trouble émotionnel important en raison de la récente maladie d’un membre de votre famille et de votre troisième tentative infructueuse pour réussir le cours de NQ 6B requis pour la promotion. À la suite de l’infraction, vous avez fait l’objet d’une mesure administrative corrective sous forme de counseling et de probation et vous avez terminé la période de probation avec succès.

 

[16]      Il ressort de la preuve présentée en l’espèce, à savoir les lettres de votre commandant et de votre médecin, que vous reconnaissez vos erreurs et que vous avez pris les mesures nécessaires pour ne pas les répéter.

 

[17]      Maître de 2e classe Collins, veuillez vous lever. Je conclus que les principes suprêmes en matière de détermination de la peine devant être appliqués en l’espèce sont la dénonciation et la dissuasion générale, même si la réadaptation du contrevenant doit également être prise en compte. La preuve établit clairement qu’il est inutile de recourir à la dissuasion particulière dans la présente affaire.

 

[18]      Votre médecin a écrit que vous alliez ruminer votre erreur pendant longtemps. Je vous recommande vivement de ne pas le faire; apprenez de cette erreur, ne la répétez pas, et poursuivez. Vous serez une bien meilleure personne et un bien meilleur chef si vous allez de l’avant d’une manière constructive. Votre commandant a formulé des observations favorables au sujet des efforts que vous avez déployés depuis cette infraction. Ne vous mettez pas martel en tête, faites ce que vous avez fait jusqu’à présent; continuer de travailler fort et prouvez à vous‑même, à vos subordonnés et à vos supérieurs que vous êtes le genre de marin et le genre de chef dont nous avons besoin dans la Marine royale canadienne.

 

[19]      Après avoir examiné la preuve dans son ensemble, la jurisprudence et les observations présentées par la poursuite et par votre avocat, j’en viens à la conclusion que la peine proposée ne déconsidérerait pas l’administration de la justice et qu’elle sert l’intérêt public. En conséquence, je souscris à la recommandation conjointe de la poursuite et de votre avocat.

 

POUR CES MOTIFS, LA COUR :

 

[20]      Vous CONDAMNE, Maître de 2e classe Collins, à une réprimande et à une amende de 1 200 $. L’amende doit être payée par des versements mensuels de 200 $ qui débuteront le 15 novembre 2012.


 

Avocats

 

Capitaine de corvette D.T. Reeves, Service canadien des poursuites militaires

Procureur de Sa Majesté la Reine

 

Major J.L.P.L. Boutin, Direction du service d’avocats de la défense

Avocat du Maître de 2e classe J.F. Collins

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