Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l’ouverture du procès : 31 octobre 2013.

Endroit : 6080 rue Young, 5e étage, salle d’audience, Halifax (NÉ).

Chefs d’accusation
•Chef d’accusation 1 : Art. 90 LDN, s’est absenté sans permission.
•Chef d’accusation 2 : Art. 129 LDN, acte préjudiciable au bon ordre et à la discipline.

Résultats
•VERDICTS : Chef d’accusation 1 : Coupable. Chef d’accusation 2 : Retiré.
•SENTENCE : Un blâme et une amende au montant de 1000$.

Contenu de la décision

 

COUR MARTIALE

 

Référence : R c Stull, 2013 CM 2015

 

Date : 20131101

Dossier : 201375

 

Cour martiale permanente

 

Base des Forces canadiennes Halifax

Halifax (Nouvelle-Écosse) Canada

 

Entre :

 

Sa Majesté la Reine

 

- et -

 

Soldat R.C. Stull, contrevenant

 

 

Devant : Colonel M.R. Gibson, J.M.

 


 

TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE

 

MOTIFS DE LA SENTENCE

 

(Prononcés de vive voix)

 

[1]        Le Soldat Stull a reconnu sa culpabilité relativement à un chef d’accusation d’absence non autorisée aux termes de l’article 90 de la Loi sur la défense nationale. La cour doit maintenant infliger une peine juste et appropriée.

 

[2]        Le sommaire des circonstances, déposé en preuve par la poursuite et accepté par l’avocate de la défense au nom du Soldat Stull, contient les faits suivants : le Soldat Stull est un membre de la Force régulière au sein du 423e Escadron d’hélicoptères maritimes, à Shearwater (Nouvelle-Écosse). Le soir du 13 mai 2013, le Soldat Stull a demandé par courriel une permission à un supérieur afin de participer aux travaux d’entretien réalisés sur un modèle d’hélicoptère maritime précis. Le 14 mai 2013, le Soldat Stull a appris que la permission lui avait été accordée et qu’il devait se présenter au Caporal-chef Nadeau à 0800 heures, le jour même, pour participer au retrait du moteur de l’hélicoptère.

 

[3]        Le Soldat Stull a compris qu’il devait travailler au hangar d’entretien du 423e Escadron d’hélicoptères maritimes le 14 mai 2013. Il s’est présenté au Caporal-chef Nadeau à 0800 heures le jour en question et a travaillé avec l’équipe jusqu’à environ midi, lorsque l’équipe s’est vu accorder une heure pour dîner.

 

[4]        À ce moment-là, le Soldat Stull a informé le Caporal-chef Nadeau qu’il avait un rendez-vous chez le dentiste durant l’après-midi et lui a demandé la permission d’y aller. Le Caporal-chef Nadeau la lui a accordée. Le Caporal-chef Nadeau s’attendait à ce que le Soldat Stull revienne travailler avec l’équipe après le rendez-vous. Le 14 mai 2013, le Soldat Stull a aussi communiqué avec le Sergent Brooks vers 1300 heures pour l’informer qu’il avait un rendez-vous chez le dentiste. Il lui a demandé s’il devait retourner au travail par la suite. Le Sergent Brooks lui a dit de se présenter au travail après le rendez-vous, qui devait durer environ 30 minutes. Le Soldat Stull a compris qu’il pouvait seulement s’absenter du travail pour se rendre à son rendez-vous chez le dentiste.

 

[5]        La carte d’accès du Soldat Stull a été balayée aux tourniquets de la sortie du hangar d’entretien du 423e Escadron d’hélicoptères maritimes. Le Soldat Stull a dîné puis a appelé sa petite amie. Il est ensuite rentré dans le hangar et est retourné sur son lieu de travail vers 1415, heure à laquelle il s’est présenté au Caporal-chef Nadeau.

 

[6]        Le 15 mai 2013, le Caporal-chef Osmond a demandé au Soldat Strull de fournir une note écrite relativement à son rendez-vous chez le dentiste parce qu’il devait rédiger son rapport quotidien concernant son rendement au travail le 14 mai 2013. À ce moment-là, le Soldat Stull a informé le Caporal-chef Osmond qu’il avait dû reporter le rendez-vous en question, puis lui avoir fourni des précisions sur son emploi du temps. Après avoir réfléchi aux heures fournies par le Soldat Stull, le Caporal-chef Osmond a eu des soupçons puisqu’il ne semblait pas possible de se rendre du hangar à la clinique dentaire dans la période indiquée par le soldat. Il a donc informé l’Adjudant-maître Scott, le chef de l’équipage de bord, de la situation.

 

[7]        L’Adjudant-maître Scott a interrogé le Soldat Stull plus tard, le 15 mai 2013. Le Soldat Stull a affirmé à nouveau qu’il avait un rendez-vous chez le dentiste qu’il avait dû reporter lorsqu’il s’est présenté à la clinique. Il a ajouté que, après le rendez-vous, il s’était arrêté dans une clinique vétérinaire pour obtenir un médicament pour son chien. L’Adjudant-maître Scott lui a demandé pourquoi il avait reporté un rendez-vous alors qu’il était sur place. Le Soldat Stull a admis qu’il n’avait pas de rendez-vous chez le dentiste, mais a affirmé à nouveau qu’il avait un rendez-vous chez le vétérinaire. L’Adjudant-maître Scott lui a ensuite demandé le nom du vétérinaire afin qu’il puisse confirmer qu’il était bien allé chercher des médicaments ou qu’il avait eu un rendez-vous. À ce moment-là, le Soldat Stull a admis qu’il n’avait pas eu de rendez-vous.

 

[8]        En résumé, le sommaire des circonstances révèle que le Soldat Stull a reçu une autorisation pour s’absenter de son lieu de travail durant une partie de la journée du 14 mai 2013 pour se rendre à un rendez-vous chez le dentiste. Il n’a obtenu aucune autre autorisation pour s’absenter du hangar d’entretien du 423e Escadron d’hélicoptères maritimes le 14 mai 2013, et il n’avait pas de rendez-vous chez le dentiste ce jour-là. Par conséquent, le Soldat Stull s’est absenté du hangar d’entretien du 423e Escadron d’hélicoptères maritimes le 14 mai 2013 de 1300 heures à 1415 heures.

 

[9]        Le procureur de la poursuite et l’avocate de la défense ont présenté une recommandation conjointe relativement à la peine. Ils recommandent que le Soldat Stull soit condamné à un blâme et à une amende de 1 000 $ payable en cinq versements mensuels de 200 $.

 

[10]      La fiche de conduite des Forces canadiennes du Soldat Stull présentée en preuve contient trois déclarations de culpabilité à la suite de procès sommaires du commandant du 423e Escadron : la première, le 3 février 2012, pour une infraction d’absence sans permission aux termes de l’article 90 de la LDN pour laquelle le soldat a été condamné à 48 heures de travail et d’exercices supplémentaires, la deuxième, le 31 janvier 2013, pour une infraction d’absence sans permission aux termes de l’article 90 de la LDN pour laquelle il a été condamné à sept jours de détention, et la troisième, le 31 janvier 2013, pour une infraction aux termes du paragraphe 125(1) de la Loi sur la défense nationale, avoir altéré un document délivré à des fins militaires dans l’intention d’induire en erreur, pour laquelle il a été condamné à une rétrogradation de caporal à soldat.

 

[11]      Dans ses observations, le procureur de la poursuite a mis l’accent sur les principes de détermination de la peine liés à la dissuasion générale et spécifique et à la réadaptation. Il a fait valoir que, compte tenu des circonstances, il fallait tenir compte des facteurs aggravants suivants : l’infraction était préméditée; au départ, le Soldat Stull a menti à des membres de sa chaîne de commandement; il a déjà sur sa fiche de conduite deux déclarations de culpabilité aux termes de l’article 90 de la Loi sur la défense nationale; il a perpétré à nouveau la même infraction, même si son commandant lui avait déjà imposé une peine sévère dans le cadre d’un procès sommaire; et son manque de respect à l’égard de la chaîne de commandement et de ses collègues.

 

[12]      En ce qui concerne les facteurs atténuants, le procureur de la poursuite a mis l’accent sur l’importance du plaidoyer de culpabilité du Soldat Stull et le fait qu’il est relativement jeune, à 26 ans. Il a aussi affirmé que le fait que le Soldat Stull s’est vu offrir un engagement de durée intermédiaire de 25 ans de service est la preuve que sa chaîne de commandement croit qu’il est capable de servir efficacement.

 

[13]      Il convient de souligner que, en réponse aux questions de la cour, la poursuite a présenté subséquemment un document intitulé [TRADUCTION] « Conditions de service » (pièce 12) dans lequel on peut lire que le Soldat Stull s’est vu offrir et a accepté un engagement de durée intermédiaire de 25 ans, ou ED Int 25, en septembre 2010, soit bien avant les infractions qui figurent sur la fiche de conduite et l’infraction à laquelle le Soldat Stull a plaidé coupable en mai 2013. Par conséquent, la cour accorde très peu de poids à l’observation du procureur selon laquelle cette offre de 2010 représente bel et bien la confiance que la chaîne de commandement continue d’accorder au Soldat Stull en 2013 ainsi que la capacité de ce dernier de continuer à servir efficacement.

 

[14]      En ce qui concerne les facteurs atténuants, l’avocate de la défense du Soldat Stull a mis l’accent sur l’importance du plaidoyer de culpabilité, le fait qu’il a été présenté de façon précoce, l’embarras public qu’a dû subir le soldat en raison du processus de la cour martiale, le relativement jeune âge du Soldat Stull, l’ED Int 25 offert et accepté et l’absence d’éléments de preuve d’un impact opérationnel important ou d’autres préjudices découlant de la perpétration de l’infraction. Elle a aussi fait valoir que ses diverses évaluations faisaient état d’une amélioration générale de son rendement à partir de 2009.

 

[15]      Dans le système de justice militaire, la détermination de la peine par les tribunaux militaires, dont font partie les cours martiales, a pour objectifs essentiels de favoriser l’efficacité opérationnelle des Forces canadiennes en contribuant au maintien de la discipline, de la bonne organisation et du moral, et de contribuer au respect de la loi et au maintien d’une société juste, paisible et sûre.

 

[16]      L’atteinte de ces objectifs essentiels se fait par l’infliction de sanctions justes visant un ou plusieurs des objectifs suivants : renforcer le devoir d’obéissance aux ordres légitimes; maintenir la confiance du public dans les Forces canadiennes en tant que force armée disciplinée; dénoncer les comportements illégaux; dissuader les contrevenants et autres personnes de commettre des infractions; favoriser la réinsertion sociale des contrevenants; favoriser la réinsertion des contrevenants dans la vie militaire; isoler, au besoin, les contrevenants des autres officiers et militaires du rang ou de la société en général; assurer la réparation des torts causés aux victimes ou à la collectivité; susciter le sens des responsabilités chez les contrevenants, notamment par la reconnaissance des dommages causés à la victime et à la collectivité.

 

[17]      Le principe fondamental de la détermination de la peine est que la peine doit être proportionnelle à la gravité de l’infraction et au degré de responsabilité du contrevenant.

 

[18]      Parmi les autres principes de détermination de la peine, mentionnons les suivants : l’adaptation de la peine aux circonstances aggravantes et atténuantes; l’harmonisation des peines, c’est-à-dire l’infliction de peines semblables à celles infligées pour des infractions semblables commises dans des circonstances semblables; l’obligation, avant d’envisager la privation de liberté par l’emprisonnement ou la détention, d’examiner la possibilité de sanctions moins contraignantes lorsque les circonstances le justifient; l’infliction de la peine la moins sévère possible qui permette de maintenir la discipline, la bonne organisation et le moral; la prise en compte des conséquences indirectes du verdict de culpabilité ou de la sentence.

 

[19]      Dans l’affaire dont la cour est saisie aujourd’hui, je dois déterminer si les buts et objectifs de la détermination de la peine seraient mieux servis par la dissuasion, la dénonciation, la réinsertion sociale ou une combinaison de ces facteurs.

 

[20]      Les infractions comme celle d’absence sans permission aux termes de l’article 90, en l’espèce, visent à protéger et à maintenir les valeurs principales de la discipline militaire. Les peines imposées doivent cibler les objectifs de dissuasion générale et spécifique et servir à dénoncer le comportement illégal. La peine imposée par la cour doit aussi être adaptée pour atteindre les objectifs de réinsertion sociale des délinquants et favoriser leur réinsertion dans la vie militaire.

 

[21]      La cour doit infliger la peine la moins sévère possible qui permette de maintenir la discipline, la bonne organisation et le moral. La discipline, c’est cette qualité que doit posséder chaque membre des Forces canadiennes, celle qui lui permet de faire passer les intérêts du Canada et ceux des Forces canadiennes avant ses intérêts personnels. Elle lui est nécessaire parce qu’il doit obéir promptement et volontiers, sous réserve qu'ils soient légitimes, à des ordres qui peuvent avoir pour lui des conséquences très graves telles que des blessures ou même la mort. La discipline est définie comme une qualité, car, au bout du compte, bien qu’elle représente une conduite que les Forces canadiennes développent et encouragent par l’instruction, l’entraînement et la pratique, c’est une qualité intérieure et l’une des conditions fondamentales de l’efficacité opérationnelle de toute armée.

 

[22]      En l’espèce, la cour considère que les facteurs aggravants sont les suivants :

 

a)                  le Soldat Stull a enfreint l’une des plus importantes obligations des membres des Forces canadiennes, soit d’être là où on leur demande d’être, d’être fiable et d’être là à l’heure. Même si la gravité objective de l’infraction aux termes de l’article 90 de la Loi sur la défense nationale, qui est punissable par une peine d’emprisonnement de moins de deux ans, est parmi les infractions les moins graves établies dans la Loi sur la défense nationale, en réalité, cette disposition est l’un des principaux outils permettant de maintenir la discipline au niveau des unités au sein des Forces canadiennes;

 

b)                  deuxièmement, les déclarations de culpabilité du Soldat Stull relativement à des infractions assez semblables commises récemment qui figurent sur sa fiche de conduite;

 

c)                  troisièmement, le Soldat Stull a menti à ses supérieurs durant et après la perpétration de l’infraction.

 

[23]      Ensemble, l’infraction pour laquelle le Soldat Stull plaide actuellement coupable et les infractions semblables précédentes qui figurent sur sa fiche de conduite indiquent qu’il n’a pas encore maîtrisé la notion d’autodiscipline et qu’il n’est pas encore un membre responsable et digne de confiance des Forces canadiennes.

 

[24]      En l’espèce, les facteurs atténuants sont les suivants :

 

a)                  le Soldat Stull a reconnu sa responsabilité en plaidant coupable relativement à l’infraction. De plus, il a communiqué son intention de le faire à la poursuite dès qu’il en a eu l’occasion par le truchement de son avocate. Le procureur de la poursuite a indiqué qu’il a accordé une grande importance à ce fait lorsqu’il a déterminé la position de la poursuite relativement à la peine;

 

b)                  il y a certains éléments de preuve documentaire qui dénotent une amélioration du Soldat Stull au travail.

 

[25]      En l’espèce, les premières observations présentées par les avocats étaient problématiques. Même si les avocats représentent la poursuite et l’accusé respectivement, ils sont aussi des officiers de la cour, et ils doivent aider la cour à déterminer une peine juste et appropriée à la lumière des faits de l’espèce et des lois applicables.

 

[26]      La responsabilité finale quant à la détermination d’une peine adaptée, appropriée et juste revient à la cour. Même si celle-ci dûment doit tenir compte de la recommandation conjointe des avocats et du fait que beaucoup de travail a peut-être été nécessaire pour arriver à une telle entente, travail dont elle ne connaît ou, en fait, ne devrait peut-être même pas connaître l’ampleur, j’y reviendrai bientôt, il revient à la cour de déterminer la peine. La cour n’est pas là pour approuver les ententes sur la peine négociées entre les avocats. Pour remplir ses fonctions, la cour doit être convaincue du caractère approprié de la peine proposée. Par conséquent, les éléments de preuve présentés par les avocats et leurs observations doivent être objectivement suffisants pour aider la cour à s’acquitter de sa tâche.

 

[27]      Les recommandations conjointes des avocats relativement à la peine doivent être conformes aux objectifs de détermination des peines qu’ils affirment être primordiaux en l’espèce. En outre, les éléments de preuve fournis doivent confirmer ces observations et constituer une preuve suffisante pour permettre au juge de première instance d’être convaincu qu’il a obtenu suffisamment de renseignements pour déterminer une peine appropriée.

 

[28]      Selon un principe juridique établi, le juge de première instance ne doit pas aller à l’encontre d’une recommandation conjointe à la légère et sans bonne raison. Dans R c Private Chadwick Taylor, 2008 CACM 1, au paragraphe 21, la Cour d’appel de la cour martiale a cité en l’approuvant la procédure acceptable à suivre lorsqu’un juge chargé de la détermination de la peine se voit présenter une recommandation conjointe, procédure qui est établie par le juge d’appel Steel dans l’arrêt R. c. Sinclair, [2004] M.J. no 144, 185 CCC (3d) 569 (C.A.) :

 

[17]         Par conséquent, le droit portant sur les recommandations conjointes peut être résumé comme suit :

 

(1)           C’est le tribunal qui possède en fin de compte le pouvoir discrétionnaire voulu, mais il faut prendre sérieusement en considération la peine proposée.

 

(2)           Le juge chargé de la détermination de la peine ne doit aller à l’encontre de la recommandation conjointe que s’il existe des motifs impérieux de le faire, notamment lorsque la peine est inappropriée, déraisonnable, de nature à déconsidérer l’administration de la justice ou contraire à l’intérêt public.

 

(3)           En décidant s’il existe des motifs impérieux (c’est-à-dire en soupesant le caractère adéquat de la recommandation conjointe), le juge chargé de la détermination de la peine doit tenir compte de toutes les circonstances entourant la recommandation. Lorsque l’affaire se situe le long du spectre des transactions en matière pénale, les considérations liées à la preuve, les pressions systémiques et les recommandations conjointes influeront, peut-être lourdement, sur le poids que le juge chargé de la détermination de la peine accorde à la recommandation.

 

(4)           Le juge chargé de la détermination de la peine devrait informer les avocats au cours de l’audience de détermination de la peine qu’il envisage d’aller à l’encontre de la peine proposée, de façon à permettre à ceux-ci de soumettre des observations à l’appui de la peine qu’ils ont proposée.

 

(5)           Le juge chargé de la détermination de la peine doit ensuite énoncer clairement les motifs impérieux pour lesquels il va à l’encontre de la recommandation conjointe. Ces motifs ne doivent pas simplement constituer une opinion, de la part du juge, que la peine ne serait pas suffisante. Le fait que l’infraction qui a été commise pourrait raisonnablement donner lieu à une peine plus sévère ne constitue pas à lui seul un motif d’aller à l’encontre de la peine proposée. Celle-ci doit satisfaire à la norme décrite au paragraphe 2, compte tenu de tous les principes de détermination de la peine, tels que la dissuasion, la dénonciation, les facteurs aggravants et atténuants et ainsi de suite.

 

[29]      La cour est très préoccupée par la peine proposée par les avocats compte tenu de l’importance des objectifs de dissuasion générale et spécifique et de réinsertion sociale affirmés par la poursuite, et ce, particulièrement vu les déclarations de culpabilité qui figurent sur la fiche de conduite et qui sont liées à des infractions semblables commises relativement récemment, dont l’une pour laquelle le Soldat Stull s’est vu infliger une peine de détention. Le principe de l’échelle des peines exigerait habituellement que la perpétration d’une nouvelle infraction semblable par un contrevenant entraîne une peine plus sévère, et non plus clémente.

 

[30]      L’échelle des peines établie à l’article 139 de la Loi sur la défense nationale est hiérarchique, c’est-à-dire que les peines sont énumérées en ordre de gravité. Les peines de blâme et d’amende recommandées en l’espèce par les deux avocats sont toutes deux inférieures dans l’échelle des peines aux peines de détention et de rétrogradation auxquelles l’accusé a déjà été condamné en janvier 2013 en raison des infractions très semblables.

 

[31]      La recommandation conjointe des avocats ne respecte pas le principe de l’échelle des peines. À la question de la cour de savoir pourquoi cela ne devrait pas être un facteur important en l’espèce, les deux avocats ont affirmé que le fait que les peines précédentes avaient été imposées dans le cadre d’un procès sommaire faisait en sorte qu’il fallait leur donner une importance moindre parce qu’elles avaient peut-être été indûment sévères.

 

[32]      Sauf votre respect, la cour détermine que cette réponse n’est pas convaincante compte tenu des circonstances de l’espèce. Les commandants sont responsables du maintien de la discipline au sein de leur unité, et le fait de rejeter les peines imposées dans le cadre d’un procès sommaire parce qu’elles sont inappropriées sans connaître les circonstances et les faits entourant ces déclarations de culpabilité n’aide en rien la cour.

 

[33]      Un autre élément préoccupant découle de l’analyse du caractère approprié du blâme pour un soldat, le grade le plus bas des Forces canadiennes. Le blâme vise à exprimer la désapprobation à l’égard du comportement d’un membre des Forces canadiennes, qui a failli à respecter les normes de conduite exigées, compte tenu de son ancienneté et de son niveau d’expérience. Le blâme est particulièrement approprié pour les militaires du rang et les officiers supérieurs. On peut douter de la pertinence de son application à de simples soldats compte tenu de leur peu d’instruction et d’expérience. Les peines établies dans la Loi sur la défense nationale ont été créées à une fin précise, et il ne faut pas les appliquer de façon mécanique ou passe-partout. Lorsqu’on propose ou détermine une peine appropriée, il faut dûment tenir compte du but et du caractère approprié des différentes peines.

 

[34]      Cependant, comme on l’a mentionné ci-dessus, la question que la cour doit se poser n’est pas de savoir si la peine proposée est celle que la cour aurait infligée si elle n’avait pas reçu de recommandation conjointe. La cour doit se demander s’il y a des motifs impérieux d’aller à l'encontre de cette recommandation conjointe; c’est-à-dire si la peine est inappropriée, déraisonnable, de nature à déconsidérer l’administration de la justice ou contraire à l’intérêt public.

 

[35]      En l’espèce, compte tenu des faits, les déclarations de culpabilité du Soldat Stull pour des infractions très semblables commises récemment, n’eût été la recommandation conjointe, la cour aurait probablement imposé une peine de détention afin d’atteindre l’objectif fondamental de la détermination des peines, soit de promouvoir l’efficacité opérationnelle au sein des Forces canadiennes en contribuant au maintien de la discipline, de la bonne organisation et du moral.

 

[36]      Cependant, même si la peine proposée s’en approche vraiment, selon la cour, on ne peut pas dire clairement qu’elle est de nature à déconsidérer l’administration de la justice ou contraire à l’intérêt public. La question consiste à se demander si elle est inappropriée ou déraisonnable compte tenu des circonstances. Comme je l’ai dit, la cour en serait arrivée à une conclusion différente quant à la détermination de la peine appropriée, n’eût été la recommandation conjointe. La recommandation conjointe est, à la lumière des faits, très clémente. Cependant, elle ne l’est pas au point d’être inappropriée.

 

[37]      Par conséquent, en l’espèce, la cour n’ira pas à l’encontre de la recommandation conjointe des avocats.

 

POUR CES MOTIFS, LA COUR :

 

[38]      VOUS DÉCLARE coupable à l’égard du premier chef d’accusation aux termes de l’article 90 de la Loi sur la défense nationale. Avec la permission de la cour en vertu du paragraphe 165.12(2) de la Loi sur la défense nationale, la poursuite a retiré le deuxième chef d’accusation aux termes de l’article 129 de la Loi sur la défense nationale.

 

[39]      VOUS CONDAMNE à un blâme et à une amende de 1 000 dollars payable en versements mensuels égaux de 200 dollars à compter du  15 novembre 2013.


 

Avocats :

 

Major K. Lacharité, Service canadien des poursuites militaires

Procureur de Sa Majesté la Reine

 

Major S.L. Collins, Direction du service d’avocats de la défense

Avocate du Soldat R.C. Stull

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