Cour martiale
Informations sur la décision
Date de l’ouverture du procès : 10 octobre 2007.
Endroit : Garnison Edmonton, édifice 405, Edmonton (AB).
Chefs d’accusation
•Chefs d’accusation 1, 2 : Art. 90 LDN, s’est absenté sans permission.
Résultats
•VERDICTS : Chefs d’accusation 1, 2 : Coupable.
•SENTENCE : Une réprimande.
Contenu de la décision
Référence : R. c. Soldat D.R. Parcher, 2007 CM 3016
Dossier : 200762
COUR MARTIALE PERMANENTE
CANADA
BASE DES FORCES CANADIENNES EDMONTON
EDMONTON
Date : 10 octobre 2007
SOUS LA PRÉSIDENCE DU LIEUTENANT-COLONEL L.-V. D’AUTEUIL, J.M.
SA MAJESTÉ LA REINE
c.
SOLDAT D.R. PARCHER
(Contrevenant)
SENTENCE
(Prononcée de vive voix)
TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE
[1] Soldat Parcher, après avoir accepté et inscrit votre plaidoyer de culpabilité relativement aux premier et deuxième chefs d’accusation, la cour vous déclare coupable de ces chefs d’accusation.
[2] Le système de justice militaire constitue l’ultime recours pour faire respecter la discipline – une dimension essentielle de l’activité militaire - dans les Forces canadiennes. Le but de ce système est de prévenir toute inconduite ou, de façon plus positive, de promouvoir la bonne conduite. C’est au moyen de la discipline que les forces armées assurent que leurs membres rempliront leurs missions avec succès et d’une manière fiable.
[3] Comme l’a écrit le major Jean-Bruno Cloutier dans sa thèse intitulée L’utilisation de l’article 129 de la Loi sur la défense nationale dans le système de justice militaire canadien,« [e]n bout de ligne, pour promouvoir au maximum les chances de succès de la mission, la chaîne de commandement doit être en mesure d’administrer la discipline afin de contrôler les inconduites qui mettent en péril le bon ordre, l’efficacité militaire et finalement la raison d’être de l’organisation, la sécurité nationale ». Le système de justice militaire assure aussi le maintien de l’ordre public et fait en sorte que les personnes assujetties au Code de discipline militaire soient punies de la même façon que toute autre personne vivant au Canada.
[4] Il est reconnu depuis longtemps que le but d’un système de tribunaux ou de justice militaires distincts est de permettre aux Forces canadiennes de s’occuper des questions qui touchent au Code de discipline militaire et au maintien de l’efficacité et du moral des troupes. Cela dit, toute peine infligée par un tribunal, qu’il soit civil ou militaire, doit être la moindre possible dans les circonstances. Ce principe est aussi conforme au devoir du tribunal de « prononc[er] une sentence proportionnée à la gravité de l’infraction et aux antécédents du contrevenant », comme le prévoit le sous-alinéa 112.48(2)b) des ORFC. En l’espèce, les avocats de la poursuite et de la défense ont fait une recommandation conjointe quant à la peine. Ils ont recommandé que la cour vous condamne à une réprimande.
[5] Quoique la cour ne soit pas liée par une recommandation de ce genre, l’usage veut qu’elle ne s’en écarte que lorsqu’il serait contraire à l’intérêt public de l’accepter et cela aurait pour effet de déconsidérer l’administration de la justice.
[6] La cour a examiné la proposition conjointe à la lumière des faits pertinents exposés dans le sommaire des circonstances et l’exposé conjoint des faits, et elle a tenu compte de leur importance, ainsi que des principes de la détermination de la peine appropriés, notamment ceux qui sont énoncés aux articles 718, 718.1 et 718.2 du Code criminel, dans la mesure où ils ne sont pas incompatibles avec le barème des peines prévu sous le régime de la Loi sur la défense nationale. La cour a aussi tenu compte du principe énoncé au paragraphe 719(3) du Code criminel puisque la détention avant le procès est en cause en l’espèce.
[7] Ces principes sont les suivants : premièrement, la protection du public, lequel comprend les Forces canadiennes; deuxièmement, le sanction du contrevenant; troisièmement, l’effet dissuasif de la peine non seulement sur le contrevenant, mais aussi sur toute personne qui pourrait être tentée de commettre les mêmes infractions; quatrièmement, l’amendement et la réinsertion sociale du contrevenant. La cour a aussi tenu compte des observations des avocats, y compris la jurisprudence et les documents produits en preuve.
[8] La cour convient avec la poursuite que la protection du public exige une peine qui insiste sur l’effet dissuasif général et sur la dénonciation. Il est important de retenir que l’effet dissuasif général implique que la peine infligée ne dissuade pas seulement le contrevenant, mais aussi toute personne qui se trouve dans une situation analogue, de se livrer aux mêmes actes prohibés. En l’espèce, la cour doit statuer sur deux infractions qui comprennent notamment l’absence non autorisée du soldat Parcher de son unité pendant une journée en juillet 2007 et pendant 22 jours en août 2007. Il s’agit d’une infraction grave et purement militaire qui est au cœur même de la discipline militaire. La cour infligera alors la peine minimale nécessaire dans les circonstances.
[9] Pour en arriver à ce qu’elle estime être une peine juste et appropriée, la cour a pris en compte les facteurs aggravants et atténuants décrits ci-dessous. La cour considère comme aggravants les facteurs suivants :
a. premièrement, la gravité objective de l’infraction. Vous avez été accusé d’une infraction prévue à l’article 90 de la Loi sur la défense nationale pour vous être absenté sans permission. Cette infraction est passible d’un emprisonnement maximal de moins de deux ans;
b. deuxièmement, la gravité subjective de l’infraction. Le fait que vous ayez été absent sans permission pendant une longue période, pour ce qui est de la deuxième infraction, doit être considéré comme une question très grave dans les circonstances;
c. troisièmement, vos états de service dans les Forces canadiennes. Vous avez déjà été déclaré coupable à trois reprises pour la même infraction. Le caractère répétitif de l’infraction dont vous êtes accusé et pour laquelle vous avez plaidé coupable dénote un sérieux problème d’attitude envers vos supérieurs et un manque flagrant de respect pour la discipline;
d. quatrièmement, le fait que vous ayez dû être arrêté, après qu’un mandat d’arrestation eut été délivré, pour faire cesser la perpétration de la deuxième infraction.
[10] La cour considère comme atténuants les facteurs suivants :
a. d’après les faits présentés à la cour, le fait que vous plaidiez coupable, ce qui est une manifestation véritable et claire du remords que vous éprouvez et le fait que vous souhaitiez sincèrement demeurer un actif solide pour la société canadienne;
b. le fait que vous ayez passé trente-deux (32) jours en détention avant le procès. La Loi sur la défense nationale ne précise pas les principes de la détermination de la peine qui doivent être appliqués par un tribunal militaire, dans le système de justice militaire, pour déterminer la peine appropriée. C’est pourquoi, comme je l’ai déjà mentionné, la cour s’appuie sur les articles appropriés du Code criminel pour déterminer la peine lorsque ces principes s’appliquent. Compte tenu des circonstances particulières de l’espèce et de la période que vous avez passée sous garde avant votre procès, le principe énoncé au paragraphe 719(3) du Code criminel doit être appliqué. Comme l’a déclaré la Cour suprême du Canada dans l’arrêt R. c. Wust, [2000] 1 R.C.S. 455 au paragraphe 41, la période passée en détention avant le procès fait partie de la peine. Il est aussi permis aux tribunaux de tenir compte de la détention comme d’un facteur au moment déterminer la peine appropriée, comme l’a déclaré la Cour d’appel du Nouveau-Brunswick dans l’arrêt R. v. Doiron, 194 C.C.C. (3d) 468 au paragraphe 22 :
[TRADUCTION]
Tout d’abord, le paragraphe 719(3) permet au tribunal qui détermine la peine de tenir compte de la détention présentencielle au moment de déterminer la peine appropriée ...
La cour considère alors comme un facteur atténuant important le fait que vous ayez passé trente-deux (32) jours en détention avant le procès. Cela signifie également que la cour est tout à fait convaincue qu’aucune période de détention supplémentaire n’est nécessaire dans les circonstances puisqu’autrement, une peine de trente (30) jours de détention aurait été suffisante;
c. le fait qu’à la suite de votre arrestation, vous ayez commencé à penser plus sérieusement à corriger vos problèmes de toxicomanie et d’alcoolisme, et ce, pendant que vous étiez en détention, ce qui vous a conduit à consulter un travailleur social et un psychiatre. Vous avez encore du chemin à faire, et vous semblez avoir agi en communiquant avec l’organisme Narcotiques Anonymes de Saint John’s, à Terre-Neuve;
d. votre situation personnelle et les mesures que vous avez prises pour trouver du soutien afin de relever certains défis personnels. Vous vous êtes récemment marié et vous avez un enfant âgé de cinq ans né d’une précédente relation;
e. le fait que vous ayez un emploi stable et que vous retournerez sous peu vivre avec votre femme sont des signes encourageants. La cour vous encourage à persévérer.
[11] L’alinéa 112.48(2)a) des ORFC oblige la cour à tenir compte des conséquences indirectes qu’aura pour vous sa peine. Selon le Conseil de révision, la plupart des problèmes découlant de votre conduite dans les Forces canadiennes ont été réglés, d’une certaine manière, par des mesures administratives, qui finalement entraîneront votre libération rapide des Forces canadiennes. En outre, la cour doit tenir compte des conséquences qu’aurait pour vous, quand vous serez libéré des Forces canadiennes, la peine qui vous sera imposée.
[12] Soldat Parcher, la cour se demande tout de même ce qui vous arrivera une fois que vous quitterez les Forces canadiennes. Le retour à la vie civile, après un passage comme le vôtre dans les Forces canadiennes, ne sera pas facile. La cour espère que vous serez en mesure de surmonter ce qui s’est passé et de gérer les choses sans retomber dans des problèmes personnels causés par la drogue ou par l’alcool. La cour vous encourage à continuer de consulter les personnes appropriées à Saint John’s pour poursuivre ce que vous avez commencé de votre propre chef dans les Forces canadiennes pendant que vous étiez détenu.
[13] Compte tenu des facteurs et des circonstances de l’espèce, la cour estime que la proposition conjointe n’est pas déraisonnable. En conséquence, la cour accepte la proposition conjointe de vous condamner à une réprimande, étant donné que cette proposition ne va pas à l’encontre de l’intérêt public et qu’elle n’aura pas pour effet de déconsidérer l’administration de la justice.
[14] Soldat Parcher, veuillez vous lever. La cour vous condamne donc à une réprimande.
[15] Officier de la cour, accompagnez le cavalier Parcher à l’extérieur. L’audience tenue par la présente cour martiale permanente concernant le soldat Parcher est levée.
LIEUTENANT-COLONEL L.-V. D'AUTEUIL, J.M.
Avocats :
Capitaine R.J. Henderson, Procureur militaire régional, région de l’Ouest
Procureur de Sa Majesté la Reine
Lieutenant de vaisseau S.C. Leonard, Direction du service d’avocats de la défense
Avocat du soldat D.R. Parcher