Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l’ouverture du procès : 5 septembre 2007.

Endroit : Manège militaire Lieutenant-colonel George Taylor Denison III, 1 chemin Yukon, Toronto (ON)

Chefs d’accusation
•Chefs d’accusation 1, 2 : Art. 130 LDN, agression armée (art. 267a) C. cr.).
•Chef d’accusation 3 (subsidiaire au chef d’accusation 4) : Art. 93 LDN, comportement déshonorant.
•Chef d’accusation 4 (subsidiaire au chef d’accusation 3) : Art. 95 LDN, a maltraité une personne qui en raison de son grade lui était subordonnée.

Résultats
•VERDICTS : Chefs d’accusation 1, 2, 3, 4 : Non coupable.

Contenu de la décision

Citation : R. c. Sergent A.P.S. Quinn, 2007 CM 3018

 

Dossier : 200704

 

 

 

COUR MARTIALE PERMANENTE

CANADA

ONTARIO

LCOL GEORGE TAYLOR DENNISON III ARMOURY, TORONTO

 

Date : le 4 octobre 2007

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DU LIEUTENANT-COLONEL L.-V. DAUTEUIL, J. M.

 

SA MAJESTÉ LA REINE

c.

SERGENT A.P.S. QUINN

(Accusé)

 

Verdict

(Prononcée de vive voix)

 

 

INTRODUCTION

 

[1]                    Le sergent Quinn est accusé davoir commis deux infractions punissables en vertu de larticle 130 de la Loi sur la défense nationale relativement à une agression armée contrairement à lalinéa 267a) du Code criminel, une infraction pour sêtre comporté de manière déshonorante en violation de larticle 93 de la Loi sur la défense nationale, et une accusation subsidiaire à celle‑ci a été portée aux termes de l'article 95 de la Loi sur la défense nationale, soit d'avoir maltraité une personne qui, en raison de son grade, lui était subordonnée.

 

[2]                    Les faits entourant ces quatre accusations se fondent sur des événements qui se sont produits entre le 20 et le 28 août 2005 durant lexercice « STALWART GUARDIAN 2005 » à la base des Forces canadiennes (BFC) de Petawawa, dans la province de lOntario.

 


[3]                    À louverture de son procès devant la cour martiale permanente le 5 septembre 2007, avant que ne soit inscrit son plaidoyer, mais après quil a prêté serment, le sergent Quinn a demandé un arrêt des procédures en vertu du paragraphe 24(1) de la Charte canadienne des droits et libertés, invoquant la violation de son droit dêtre jugé dans un délai raisonnable protégé par larticle 7 et par lalinéa 11b) de la Charte canadienne des droits et libertés.  La cour martiale a rejeté cette demande le 7 septembre 2007.

 

[4]                    Laudition principale a eu lieu le 11 et les 13 et 14 septembre 2007. Plusieur témoins ont été entendus durant le procès, y compris laccusé, ce qui en a fait principalement une affaire de crédibilité que le tribunal devra évaluer conformément aux principes établis par la Cour suprême du Canada dans laffaire R. c. W.(D.), [1991] 1 R.C.S. 742.

 

LA PREUVE

 

[5]                    La preuve devant cette cour est constituée essentiellement des éléments

suivants, soit :

 

A.        Les témoignages entendus, et ce dans l'ordre de leur comparution devant la cour, soit celui du caporal Vesarinsh, celui du soldat Kaur, celui du soldat Chahal, celui du sergent Quinn, laccusé en lespèce, et celui du caporal Arias.

 

B.         Le témoignage du lieutenant­­-colonel Perchal, qui a été entendu lors du voir-dire dans le cadre de la requête en vertu de la Charte présentée antérieurement par laccusé.  Son témoignage a été intégré au procès principal avec le consentement des deux avocats.

 

C.         La pièce 3, soit la Feuille de conduite des Forces canadiennes du sergent Quinn datée du 17 mars 2005.  Cette pièce avait également été présentée lors du voir-dire dans le cadre de la requête en vertu de la Charte présentée antérieurement par laccusé.  Cette pièce a également été intégrée au procès principal avec le consentement des deux avocats.

 

D.        Les aveux suivants, qui ont été faits par laccusé, aux fins de se dispenser de la preuve dun fait que la poursuite doit prouver, le tout conformément à lalinéa 37b) des Règles militaires de la preuve :

 

i.          Au moment en question, le sergent Quinn sétait vu remettre avait obtenu un pistolet 9 mm Browning.

 


ii.         Au moment en question, le sergent Quinn sétait vu remettre 10 munitions à balles ordinaires 9 mm chargées.  La raison pour laquelle le sergent Quinn sétait vu remettre ces munitions était quil avait été affecté à lescorte darmes à feu de Toronto à Petawawa et au retour.

 

E.         Enfin, les faits et les questions en litige dont la cour a pris judiciairement connaissance conformément à la règle 15 des Règles militaires de la preuve.

 

LES FAITS

 

[6]                   Tous les témoins entendus durant le procès, ainsi que laccusé, faisaient partie du Royal Regiment of Canada au moment où se sont produits les incidents. Le Royal Regiment of Canada est une unité de la Force de réserve située à Toronto.  Les membres de lunité sont dorigines diverses et ils sont habitués à exécuter des opérations dans un contexte multiculturel. 

 

[7]                   Peu de temps avant lexercice STALWART GUARDIAN 2005 en août 2005, le sergent Quinn a été affecté au poste de sergent quartier-maître de la compagnie régimentaire qui prenait part à lexercice.  Il a ensuite dirigé un groupe de personnes qui avaient la charge de fournir et de distribuer à la compagnie des vivres, de leau, des armes et des munitions, et tout autre article requis sur le terrain pendant lexercice.

 

[8]                   Il importe de souligner que, au cours de deux conversations que le sergent Quinn a eues avec le commandant de lunité, le lieutenant-colonel Perchal, en juin et en juillet 2005, le sergent Quinn a été avisé quil pourrait être recommandé pour une promotion au grade dadjudant sil obtenait de bons rapports de rendement pour les emplois quil occupait à lété 2005.  Cette promotion aurait constitué un accomplissement important pour lui, sachant quil avait été rétrogradé de sergent à caporal par une cour martiale permanente le 20 octobre 2000 pour avoir été déclaré coupable de trois accusations portées aux termes de l'article 95 de la Loi sur la défense nationale, soit d'avoir maltraité une personne qui, en raison de son grade, lui était subordonnée (voir la pièce 3).

 

[9]                   Afin dassurer la sécurité des armes C-7 durant leur transport du Royal Regiment of Canada à Toronto jusquau secteur dentraînement approprié de la BFC de Petawawa, il était nécessaire quune personne les escorte avec une arme et des munitions chargées.  Cest pourquoi le sergent Quinn sest vu remettre un pistolet 9 mm ainsi que 10 munitions à balles ordinaires 9 mm, tel que le révèlent les aveux de laccusé, afin dassurer la protection du convoi darmes, ce quil a fait.


[10]                  Après la distribution des armes, le sergent Quinn nétait pas tenu de conserver les munitions chargées avec lui puisque cette mesure nétait pas nécessaire, car il ny avait aucun équipement au quartier-maître de la compagnie (SQMC) qui devait être sécurisé.  Il a ensuite demandé aux personnes responsables au quartier‑maître régimentaire de quelle façon il pouvait se débarrasser des munitions chargées pour la durée de lexercice.  Ladjudant responsable du quartier‑maître régimentaire lui a dit quil nétait pas équipé pour sécuriser des munitions chargées. Cest pour cette raison que le sergent Quinn a pris la décision de conserver avec lui les munitions chargées, en dépit du fait que dautres mesures auraient dû être envisagées pour les sécuriser, y compris le fait de se renseigner à ce sujet auprès dautres personnes sur la BFC de Petawawa.

 

[11]                  Il a ensuite conservé les munitions chargées dans le chargeur, en les insérant dans une pochette séparée de létui du pistolet 9 mm Browning conçu expressément à cette fin.  De cette façon, les munitions chargées étaient séparées du pistolet, même si celui-ci avait été inséré dans létui.

 

[12]                  Il a informé ses supérieurs de sa décision, y compris son adjudant ainsi que lofficier responsable du SQMC, et ceux-ci lui ont répondu quils étaient à laise avec sa décision car lintention du sergent Quinn était de maintenir les munitions séparées du pistolet.

 

[13]                  Pour ce qui est du contexte, il est important de faire remarquer que les autres membres du personnel du SQMC utilisaient et portaient également des pistolets et des fusils aux fins de lexercice; cependant, le sergent Quinn était le seul à porter sur lui des munitions chargées.

 

[14]                  Le sergent Quinn a informé tous les membres du SQMC de la situation. À des fins de sécurité, il a dabord déchargé le pistolet devant les membres de son personnel et un autre sergent.  De plus, chaque matin durant lexercice, il déchargeait lui-même son pistolet, ce qui signifie quil vérifiait si des munitions chargées se trouvaient toujours dans son pistolet et sil manquait des munitions chargées dans le chargeur.  Il sassurait également de ne pas le laisser sans surveillance pendant toute la durée de lexercice.

 

[15]                  Après avoir conclu au début de lexercice quil navait pas assez de personnel pour exécuter les différentes tâches dont il avait la responsabilité à titre de sergent quartier‑maître, le sergent Quinn a demandé du personnel additionnel pour laider à exécuter sa mission.

 


[16]                  Le soldat Kaur, la plaignante officielle dans la présente cause, a terminé son cours dinstruction de base durant lété 2005. À la fin de sa formation, elle a été renvoyée à la BFC de Petawawa au sein de son unité, soit le Royal Regiment of Canada, pour participer à lexercice STALWART GUARDIAN 2005.  Elle occupait à lépoque un poste de commis.  Cependant, comme elle navait complété que son cours de base, elle navait aucune formation quelle quelle soit pour le métier quelle exerçait.  Elle a été initialement affectée à la salle des rapports du régiment, qui soccupe principalement de questions administratives. Cependant, après une journée ou deux, à la suite de la demande du sergent Quinn pour des soldats additionnels, la personne responsable de la salle des rapports a songé à elle pour remplir cette tâche et elle a finalement été envoyée au SQMC.

 

[17]                  Le soldat Chahal, lautre plaignant en lespèce, a également terminé son cours dinstruction de base durant lété 2005 à la même date et au même endroit que le soldat Kaur.  À la fin de son cours, il a été renvoyé à la BFC de Petawawa au sein de son unité, pour participer au même exercice.  Il exerçait le métier de soldat d'infanterie.  Cependant, durant une manœuvre, il a brisé ses lunettes et na pas pu continuer dexercer ses tâches de soldat dinfanterie pour le reste de lexercice car il ne pouvait pratiquement rien voir sans celles-ci.  Il sest rendu dans une clinique où un médecin lui a remis un certificat qui précisait quil devait être affecté à des tâches plus légères pour le reste de lexercice.  Essentiellement, sans lunettes, le soldat Chahal était très limité dans lexécution de ses tâches militaires en tant que soldat dinfanterie.  Cest à cette époque quil a été envoyé au SQMC auprès du sergent Quinn.  Il a rejoint cette sous‑unité une journée après larrivée du soldat Kaur.                           

 

[18]                  Les deux soldats ont témoigné devant la cour. Il est important de mentionner, pour les seules fins du procès et pour mieux comprendre le contexte de la présente cause, que les traits et la peau des deux témoins semblent avoir le caractère distinctif des personnes dorigine indienne.

 

[19]                  La cour ne sait pas sils sont nés ou non au Canada, mais il est permis de supposer que, compte tenu des exigences juridiques en matière de recrutement au sein des Forces canadiennes, ils ont au moins le statut dimmigrant ou la citoyenneté canadienne.  De plus, tout deux ont indiqué dans le cadre de leur témoignage quils connaissaient le hindi, la langue officielle de lInde, fournissant ainsi à la cour une certaine indication de leur origine. 

 

[20]                  En août 2005, les soldats Kaur et Chahal étaient engagés dans une relation personnelle depuis environ deux ans. Le sergent Quinn et les membres du SQMC nétaient pas au courant de cette situation.  Comme les deux soldats avaient récemment joint les rangs des Forces canadiennes, ils étaient étrangers à la plupart des membres du Royal Regiment of Canada.

 


[21]                  La preuve a clairement établi que les soldats Kaur et Chahal avaient décidé, avant de commencer leur cours dinstruction, de dissimuler aux membres du personnel des Forces canadiennes le fait quils entretenaient une relation personnelle.  Cela explique pourquoi, au moment de leur arrivée, le sergent Quinn et les membres du SQMC nen savaient rien.  La décision des soldats Kaur et Chahal avait été prise à la lumière de la politique de fraternalisation des Forces canadiennes qui leur avait été expliquée au moment où ils ont tous deux joint les rangs des Forces canadiennes et durant leur cours dinstruction de base.

 

[22]                  Lorsque le soldat Chahal est arrivé sur les lieux du SQMC, le sergent Quinn a dû déterminer à quel endroit le soldat devait dormir.  Avant de laisser le soldat Chahal dormir dans la même tente modulaire que le soldat Kaur, le sergent Quinn a demandé au soldat Chahal, et probablement au soldat Kaur, sils entretenaient une relation personnelle, ce quils ont nié.  Conformément à la politique de fraternalisation, et sachant que les deux soldats suivaient leurs cours dinstruction de base ensemble, il a voulu sassurer que cette question particulière ne poserait aucun problème.

 

[23]                  Conformément à la réponse qui lui a été donnée, le sergent Quinn a autorisé le soldat Chahal à déposer son équipement dans la même tente modulaire que celle du soldat Kaur et à y dormir.  Cependant, il est clair pour la cour que, au fur et à mesure que progressait la semaine dexercice, il était devenu de plus en plus évident pour les membres du personnel du SQMC qui ont témoigné au procès que les soldats Kaur et Chahal entretenaient une certaine forme de relation personnelle.  Même si aucun comportement manifeste ne pouvait confirmer cette situation, la façon dont ils se comportaient lun avec lautre en se parlant ou en se regardant a éveillé les soupçons des membres du personnel du SQMC selon lesquels une certaine forme de fraternalisation existait entre les deux personnes.

 

[24]                  Il semble que cétait la première fois que les deux soldats prenaient part à un exercice mettant en présence plusieurs régiments sur le terrain.  En effet, mis à part le cours dinstruction de base quils avaient reçu, les opérations militaires, et plus particulièrement les opérations logistiques, ne leur étaient pas familières.  Lorsquils se sont joints au personnel du SQMC, il est clair quils étaient impressionnés et intimidés par les personnes avec qui ils se trouvaient et par les exigences de leurs tâches.  En outre, ils ont appris durant la semaine, par lintermédiaire du personnel du SQMC, que le sergent Quinn avait été, quelques années auparavant, déclaré coupable par une cour martiale davoir maltraité des personnes qui, en raison de leur grade, lui étaient subordonnées.

 


[25]                  Le soldat Kaur navait pas toutes les qualités essentielles du militaire, comme la décrit clairement le caporal Vasarinsh.  Il est clair pour la cour que le soldat Kaur avait de la difficulté à sacquitter des tâches que lui demandait le sergent Quinn, comme par exemple son quart à la radio, ses fonctions de sentinelle en plein milieu de la nuit et le fait quelle devait réchauffer les repas et faire la plonge.  Elle se plaignait également du manque de sommeil dans le cadre de lexercice.  Comme en fait foi son témoignage devant la cour, après avoir complété son cours dinstruction de base doù elle est revenue quelque peu exténuée, elle pensait que le rythme serait moins soutenu par la suite et que les tâches quelle serait appelée à exécuter durant lexercice ne seraient pas aussi exigeantes que celles dont elle avait dû sacquitter durant le cours quelle venait tout juste de terminer.

 

[26]                  Pour ce qui est du soldat Chahal, le fait quil était limité dans lexécution de ses tâches militaires ne le rendait pas utile pour le sergent Quinn et les autres membres du personnel du SQMC. Les fonctions auxquelles on lavait alors affecté nétaient pas très stimulantes et étaient par surcroît répétitives.  Tout comme le soldat Kaur, il sattendait à un cadre plus détendu après avoir suivi son cours, y compris le fait de pouvoir dormir davantage. Il est normal quil ait trouvé ses tâches ennuyeuses et quil nait pas semblé intéressé aux yeux du sergent Quinn.

 

[27]                  Cest dans ce contexte que les incidents allégués se sont produits.

 

Langage et commentaires inadéquats, odieux et offensants du sergent Quinn

 

[28]                  Durant cette semaine-là, les deux plaignants ont déclaré à la cour que pour exprimer de manière sarcastique le fait que le soldat Kaur sattendait à ce que certaines personnes fassent les choses à sa place, on lavait surnommée « princesse ». Selon eux, le sergent Quinn utilisait souvent ce sobriquet en présence dautres personnes lorsquil sadressait au soldat Kaur.

 

[29]                  Au contraire, le sergent Quinn a déclaré à la cour quil navait jamais utilisé ce sobriquet.  Cependant, il a confirmé quil avait demandé au soldat Kaur quel était le mot exact en langue hindi pour le mot « reine ».  Elle lui avait dit que ce mot était « rani ». Elle lui avait également dit quelle navait pas dobjection à ce quil lutilise. Les deux plaignants ont confirmé que le mot « rani » était utilisé et que cest le sergent Quinn qui, curieusement, lutilisait sans se demander ce que cela voulait dire puisquil semblait en connaître la signification.  Cependant, le soldat Kaur a clairement fait savoir à la cour quelle navait pas autorisé le sergent Quinn à utiliser ce mot.

 

[30]                  Enfin, le caporal Vasarinsh a confirmé à la cour que le sobriquet du soldat Kaur était « princesse ».  Elle lavait entendu à quelques reprises mais jamais de la bouche du sergent Quinn.

 


[31]                  Le soldat Chahal a témoigné quant au fait quà son arrivée au SQMC, le sergent Quinn avait livré un commentaire sur le fait quil était en service réduit en le qualifiant de « faible et pitoyable ». Le sergent Quinn a nié catégoriquement avoir prononcé ces mots.

 

[32]                  Les deux plaignants ont témoigné que le sergent Quinn a utilisé, de manière irrespectueuse, les mots « pute » et « prostituée » lorsquil sadressait au soldat Kaur durant cette semaine-là.  Il aurait même utilisé à une occasion le mot « garce » devant les membres de la compagnie, ce qui représente de 90 à 100 personnes environ, en parlant au soldat Kaur.  Lutilisation de tels mots avait pur but de faire passer le soldat Kaur pour une femme qui avait des relations sexuelles contre de largent.

 

[33]                  Le sergent Quinn a fortement nié avoir employé ces mots pour décrire le soldat Kaur lorsquil sest adressé à elle durant cette semaine-là.  Au contraire, lorsquil a entendu un des anciens collègues du soldat Kaur qui avait assisté au cours dinstruction de base la traiter de « pute », il a réprimandé sur‑le‑champ le soldat qui avait tenu ces propos.

 

[34]                  Le sergent Quinn a expliqué à la cour quà une occasion, alors quil se trouvait dans un camion cette semaine-là avec le soldat Kaur et le caporal Ferguson à un point de largage, il lui a dit que son emploi au civil était celui de portier pour un bar de danseuses nues.  Elle sest montré intéressée par le sujet et lui a posé de nombreuses questions sur le travail des strip-teaseuses et sur leurs conditions de vie.  Il a dit quelle était intéressée par ce travail car cela semblait de largent facile à gagner.  Cependant, il a tenté de la décourager denvisager ce genre demploi car cela nétait pas dans la réalité ce que cela semblait être.  Cest dans ce seul contexte que les mots « pute », « prostituée » et « garce » ont été employés.

 

[35]                  Le soldat Kaur a confirmé la tenue de cette conversation et a jouté le fait quelle sétait montrée curieuse den savoir davantage sur le métier de strip-teaseuse lors de cette conversation car elle était une étudiante pauvre et sans argent.  Elle a mentionné quelle navait pas de véritable emploi. Elle a également ajouté que le sergent Quinn lui avait offert de largent pour avoir une relation sexuelle avec elle durant cet événement en particulier, ce que le sergent Quinn nie catégoriquement.

 


[36]                  À un autre moment durant cette semaine-là, le sergent Quinn préparait les repas pour les membres du personnel du SQMC. Lorsquil a offert au soldat Kaur un repas quil avait préparé, celle-ci la refusé.  Selon son témoignage et celui du soldat Chahal, il la traitée de « garce ingrate ».  Le sergent Quinn a confirmé quil préparait des repas chauds et se rappelle clairement lincident.  Cependant, il nie lavoir traitée de « garce ingrate ». Il a déclaré à la cour avoir dit « chose ingrate » [ungrateful thing] au soldat Kaur pour exprimer le fait quelle ne reconnaissait pas les efforts quil avait déployés à préparer le mets en y goûtant. Selon son témoignage, il sagit dune expression irlandaise utilisée pour exprimer le manque de gratitude de la part dautrui, et navait pas pour but de la provoquer ou de linsulter.

 

[37]                  À un certain moment durant la semaine, le soldat Chahal et le sergent Quinn discutaient de la présence dimmigrants au sein des Forces canadiennes.  Selon le soldat Chahal, le sergent Quinn lui a dit que tous les Sri-Lankais et les Jamaïcains devraient être fusillés à leur entrée dans les Forces canadiennes. Selon le soldat Kaur, qui assistait à la conversation, elle a entendu le sergent Quinn dire que tous les immigrants au sein des Forces canadiennes devraient être fusillés.

 

[38]                  Selon le sergent Quinn, la conversation portait sur le recrutement de personnes dans les Forces canadiennes lorsque celles-ci proviennent de pays présentement aux prises avec des guerres civiles.  Il a donné au soldat Chahal comme exemple les Sri-Lankais, les Jamaïcains et les Libanais, comme étant des personnes pour qui il aurait été difficile de faire une vérification des antécédents alors que leur pays était en guerre. Le fait de ne pas connaître leurs véritables antécédents devrait être un motif pour ne pas les recruter en réalité.  Le sergent Quinn est certain quil na jamais mentionné que ces personnes devaient être fusillées ou tuées.

 

[39]                  Le tout dernier soir avant lexercice, les membres du personnel du SQMC et les autres membres du Royal Regiment of Canada qui faisaient partie de la compagnie sur le terrain ont organisé une fête sur les lieux du SQMC. Les gens consommaient des boissons alcoolisées. À un certain moment durant la soirée, le soldat Kaur sest rendue dans une tente pour dormir, différente de celle dans laquelle elle dormait habituellement et où le sergent Quinn et dautres membres du personnel du SQMC fêtaient paisiblement.  Selon son témoignage, les gens buvaient et elle sest servie un verre.  Tout en sadressant à elle, des personnes qui se trouvaient dans la tente lui ont offert de largent pour avoir des relations sexuelles avec elle. Quelquun lui a alors dit quune « branlette » ferait laffaire et le sergent Quinn lui a remis un gant tout en lui disant quelle nétait pas obligée de les toucher.  Le caporal du Commissariat a passé ses bras autour de ses épaules et quelquun la embrassée dans le cou. Dégoûtée et humiliée, elle a quitté la tente et est retournée dans sa propre tente où elle avait lhabitude de dormir.

 

[40]                  Selon le sergent Quinn, alors quil fêtait dans une tente modulaire avec dautres membres du personnel du SQMC, il a entendu, provenant de la tente modulaire située tout juste à côté de celle où il se trouvait, les soldats Kaur et Chahal se disputer.  Il sagissait de la tente modulaire où les deux soldats avaient lhabitude de dormir durant cette semaine-là.  Le sergent Quinn sest rendu à la tente modulaire en question et a invité le soldat Kaur à venir dormir dans la tente modulaire où il se trouvait avec dautres membres.  Le soldat Kaur a accepté la proposition.


[41]                  Aux termes des témoignages du caporal Arias et du sergent Quinn, le soldat Kaur sest assise aux côtés du caporal du Commissariat.  À un certain moment, elle a penché sa tête sur lépaule du caporal et il a répondu de la même manière.  Il a alors mis ses bras autour de ses épaules et la embrassée dans le cou. Le sergent Quinn et le caporal Arias ont fait quelques commentaires et elle a quitté la tente modulaire.

 

[42]                  Le sergent Quinn a confirmé que durant la nuit dans la tente modulaire, des plaisanteries à caractère sexuel avaient été faites, mais que rien navait été dit dans le but dinsulter le soldat Kaur lorsquelle sy trouvait.  Il a nié, comme la fait le caporal Arias, que de largent avait été offert au soldat Kaur pour avoir des relations sexuelles avec elle.  En ce qui concerne lincident du gant, il a affirmé que quelques jours avant la fête en question, alors que le soldat Kaur servait les repas, le caporal Ferguson lui avait dit de mettre un gant pour des raisons hygiéniques car elle touchait la nourriture avec ses doigts.  Le sergent Quinn a dit quelle faisait référence à cet incident précis dans son témoignage et quaucun gant navait été impliqué de quelque façon que ce soit durant la soirée où elle sétait présentée dans la tente modulaire en question.

 

Agression armée par le sergent Quinn

 

[43]                  Durant la dernière nuit de lexercice, à la suite du prétendu incident dans la tente modulaire durant la fête à laquelle prenaient part le soldat Kaur et le sergent Quinn, le soldat Kaur est retournée dans sa tente où elle avait lhabitude de dormir.  Lorsquelle est entrée, elle est passée devant le soldat Chahal qui dormait à côté de son lit.   Alors quelle passait, elle la heurté accidentellement à la tête avec sa botte. Elle a entendu quelquun crier à lextérieur de la tente : [traduction] « Ils se font aller ».  Elle na pas vraiment porté attention à ces paroles et elle a tenté de savoir si elle avait blessé le soldat Chahal.  Alors quelle était assise à ses côtés en train de lui parler, le sergent Quinn est apparu en pointant une lampe de poche sur eux et en criant : [traduction] « Ils se font aller ». Il était accompagné dautres caporaux. Le soldat Chahal et elle étaient étendus alors que le sergent Quinn se tenait debout à leurs côtés et leur parlait. Le sergent leur a dit : [traduction] « Oh! Confidences sur loreiller ». Puis, il a dit au soldat Chahal, [traduction] : Toi, je ne taime pas.  Jai dix munitions et jai été traduit en cour martiale et ça ne me dérange pas ».  Elle savait quil portait un pistolet, mais elle ne savait pas où larme se trouvait à ce moment-là.  Elle pense quil a secoué le chargeur.  Elle sest mise à pleurer.

 

[44]                  Le soldat Chahal a confirmé que le sergent Quinn avait prononcé les paroles telles quelles avaient été relatées par le soldat Kaur; cependant, il a ajouté que le sergent Quinn leur a montré son pistolet en agitant sur celui-ci sa lampe de poche.  Le soldat Chahal a confirmé que le soldat Kaur sétait mise à pleurer.  Lorsque le sergent Quinn est parti, il aurait dit que cela ne le dérangeait pas sils avaient des relations sexuelles car le lendemain matin, ils étaient tous des soldats.


[45]                  Le caporal Arias a déclaré dans son témoignage que, après que le soldat Kaur eût quitté la tente modulaire, il avait dû sortir.  Puis, il a entendu un bruit provenant de la tente où le soldat Kaur et le soldat Chahal dormaient. Il a levé une partie de la tente et les a vus en train de sembrasser.  Il est retourné à la tente modulaire où se tenait la fête et a dit au sergent Quinn [traduction] : « Ils se font aller ».  Les deux tentes sont situées très près lune de lautre et il na fallu que quelques secondes au sergent Quinn pour sy rendre et constater ce qui sy passait en réalité.  Lorsquil est entré dans la tente, il a ouvert sa lampe de poche et la pointée sur les soldats Kaur et Chahal.  Le soldat Kaur était étendue sur le soldat Chahal.  Selon le sergent Quinn, il les a réprimandés pour ce quils étaient en train de faire et leur a demandé darrêter, puis il a quitté la tente.  Le caporal Arias est entré dans la tente avec le sergent Quinn mais il en est rapidement sorti et na pas entendu si le sergent Quinn sétait adressé aux deux soldats.

 

LE DROIT APPLICABLE ET LES ÉLÉMENTS ESSENTIELS DES ACCUSATIONS

 

[46]                  Larticle 93 de la Loi sur la défense nationale est rédigé en ces termes :

 

Tout comportement cruel ou déshonorant constitue une infraction passible au maximum, sur déclaration de culpabilité, dun emprisonnement de cinq ans.

 

[47]                        La poursuite doit donc prouver hors de tout doute raisonnable les éléments essentiels suivants de linfraction : lidentité de laccusé, la date et le lieu de linfraction tels quils sont allégués dans lacte daccusation.

 

[48]                  En ce qui a trait à cette infraction en particulier, la poursuite doit prouver hors de tout doute raisonnable un autre élément essentiel de linfraction, soit le fait que le comportement de laccusé était déshonorant.  Afin den décider, la poursuite propose dappliquer le critère énoncé par la juge militaire Carter dans laffaire de lex‑Sous‑lieutenant D.S. Short.  En ce qui a trait au critère applicable à cet élément essentiel, elle déclare en substance ce qui suit aux pages 295-296 de la transcription :

 

[Traduction]

 

 [] et, que dans chacune de ces situations, son comportement était déshonorant; cest-à-dire quune personne raisonnable, dun point de vue objectif, conclurait que son comportement sécarte tellement des normes de la collectivité - et jutilise ce terme en lespèce dans le sens où, par définition, une personne raisonnable, dun point de vue objectif, serait nécessairement le reflet des normes de la collectivité que ce comportement serait inadmissible et choquant []

 


[49]                  Je dirais que ce critère a pour but de refléter le niveau de tolérance de la communauté militaire. Ce qui est inadmissible et choquant pour la communauté militaire est déshonorant.

 

[50]                  La cour a évoqué lapplication à lespèce de la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans laffaire R. c. Labaye, [2005] 3 R.C.S. 728, avec les modifications qui simposent.  Dans cette décision, le juge en chef McLachlin, au nom de la majorité, a élaboré une approche différente pour évaluer lindécence dune conduite dun point de vue criminel dans le contexte de lapplication du Code criminel du Canada.  La Cour suprême est essentiellement passée du critère fondé sur la norme sociale à celui fondé sur lévaluation du préjudice causé à la collectivité.

 

[51]                  Cependant, après avoir procédé à une analyse, la cour est davis que le critère énoncé par la juge Carter remplit les conditions de la définition du concept de comportement déshonorant.  Par conséquent, la cour considère que cet élément essentiel doit être prouvé tel que la juge la énoncé ci­­‑dessus.

 

 

[52]                  Larticle 95 de la Loi sur la défense nationale se lit comme suit:

 

Quiconque frappe ou de quelque autre façon maltraite un subordonné par le grade ou lemploi commet une infraction et, sur déclaration de culpabilité, encourt comme peine maximale un emprisonnement de moins de deux ans.

 

[53]                       Ensuite, la poursuite devait également prouver hors de tout doute raisonnable pour cette infraction les éléments essentiels suivants : lidentité de laccusé, la date et le lieu de linfraction tels quils sont allégués dans lacte daccusation.  La poursuite devait également établir les éléments supplémentaires suivants : que laccusé a maltraité la plaignante, ce qui signifie quil a fait preuve de cruauté, cest‑àdire, en méprisant la plaignante ou en se réjouissant de la douleur ou de la souffrance quelle subissait, et que la plaignante était subordonnée à laccusé par le grade ou lemploi.

 

[54]                  Lalinéa 267a) du Code criminel est rédigé en ces termes :

 

Est coupable soit dun acte criminel et passible dun emprisonnement maximal de dix ans, soit dune infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire et passible dun emprisonnement maximal de dix-huit mois quiconque, en se livrant à des voies de fait, selon le cas :

                                                a) porte, utilise ou menace dutiliser une arme ou une imitation darme;

 

 

[55]                        La définition dagression figure au par. 265 (1) du Code criminel :

 


(1) Commet des voies de fait, ou se livre à une attaque ou une agression, quiconque, selon le cas :

 

                                                a) dune manière intentionnelle, emploie la force, directement ou indirectement, contre une autre personne sans son consentement;

                                                b) tente ou menace, par un acte ou un geste, demployer la force contre une autre personne, sil est en mesure actuelle, ou sil porte cette personne à croire, pour des motifs raisonnables, quil est alors en mesure actuelle daccomplir son dessein;

                                                c) en portant ostensiblement une arme ou une imitation, aborde ou importune une autre personne ou mendie.

 

 

[56]                  La poursuite en lespèce sappuie sur la définition qui figure à lalinéa c) pour prouver le bien fondé de sa cause.

 

 

[57]                  La poursuite devait également prouver hors de tout doute raisonnable à légard de linfraction les éléments essentiels suivants : lidentité de laccusé, et la date et le lieu de linfraction tels quils sont allégués dans lacte daccusation. En outre, la poursuite devait établir les éléments supplémentaires suivants : que laccusé portait ostensiblement une arme, et que ce faisant, il a abordé ou importuné une autre personne ou quil a mendié, et quune arme était impliquée dans lagression.

 

[58]                  Avant que la cour nexpose son analyse juridique, il convient daborder la question de la présomption dinnocence et de la norme relative à la preuve hors de tout doute raisonnable, norme inextricablement liée aux principes fondamentaux appliqués dans tous les procès pénaux.  Si ces principes sont évidemment bien connus des avocats, ils ne le sont peut‑être pas des autres personnes qui se trouvent dans la salle daudience.

 

[59]                  On peut affirmer à juste titre que la présomption dinnocence constitue sans doute le principe fondamental par excellence de notre droit pénal et le principe de la preuve hors de tout doute raisonnable est un élément essentiel de la présomption dinnocence. Dans les affaires relevant du Code de discipline militaire, comme dans celles relevant du droit pénal, quiconque est accusé dune infraction criminelle est présumé innocent jusquà ce que la poursuite ait prouvé sa culpabilité, et cela, hors de tout doute raisonnable. Une personne accusée n'a pas à prouver son innocence. La poursuite doit prouver hors de tout doute raisonnable chacun des éléments essentiels de laccusation.

 


[60]                  La norme relative à la preuve hors de tout doute raisonnable ne sapplique pas à chacun des éléments de preuve ou aux différentes parties de la preuve présentés par la poursuite, mais plutôt à lensemble de la preuve sur laquelle se fonde la poursuite pour établir la culpabilité de laccusé. Il incombe à la poursuite de prouver hors de tout doute raisonnable la culpabilité de laccusé, jamais à laccusé de prouver son innocence.

 

[61]                  Si, après avoir examiné tous les éléments de preuve, le tribunal a un doute raisonnable quant à la culpabilité de laccusé, celui-ci doit être acquitté. Lexpression « hors de tout doute raisonnable » est employée depuis très longtemps. Elle fait partie de lhistoire et des traditions judiciaires. Dans son arrêt R. c. Lifchus, [1997] 3 R.C.S. 320, la Cour suprême du Canada a proposé un modèle de directive sur le doute raisonnable. Par la suite, la Cour suprême et les tribunaux dappel ont appliqué les principes définis dans larrêt Lifchus à de nombreuses décisions. En substance, le doute raisonnable nest pas un doute imaginaire ou futile. Il ne doit pas se fonder sur la sympathie ou les préjugés mais sur la raison et le bon sens. Cest un doute qui surgit à la fin du procès et qui est fondé non seulement sur ce que la preuve révèle au tribunal mais également sur ce quelle ne lui révèle pas. Laccusation portée contre un individu ne préjuge en rien de sa culpabilité, et jajouterai que les seules accusations dont doit répondre un accusé sont celles qui figurent sur lacte daccusation déposé au tribunal.

 

[62]                  Au paragraphe 242 de larrêt R. c. Starr, [2000] 2 R.C.S. 144, la Cour suprême a déclaré :

 

une manière efficace de définir la norme du doute raisonnable à un jury consiste à expliquer qu'elle se rapproche davantage de la certitude absolue que de la preuve selon la prépondérance des probabilités.

 

[63]                  En outre, il ne faut pas oublier quil est quasiment impossible dapporter une preuve conduisant à une certitude absolue. Dailleurs, la poursuite na pas dobligation en ce sens. La certitude absolue nest pas une norme de preuve en droit. Concrètement, cela signifie que si le tribunal est convaincu que laccusé est probablement ou vraisemblablement coupable, il doit lacquitter, étant donné que la preuve de culpabilité probable ou vraisemblable ne constitue pas une preuve de culpabilité hors de tout doute raisonnable.

 

[64]                  Quest-ce que la preuve? La preuve peut être constituée des affirmations solennelles ou des témoignages sous serment faits devant un tribunal, par des témoins sur ce quils ont observé ou fait. Elle peut aussi être constituée de documents, de photos, de cartes et dautres éléments déposés par des témoins, de témoignages dexperts, de faits officiellement admis par la poursuite ou la défense et de questions dont le tribunal a connaissance doffice.

 


[65]                  Il nest pas rare que des éléments de preuve présentés au tribunal se contredisent. Souvent les témoins ont des souvenirs différents des événements et le tribunal doit déterminer quels sont les éléments quil juge crédibles.

 

[66]                  Le tribunal nest pas obligé de retenir tous les témoignages. En revanche, il doit retenir ceux quil juge plausibles. En dautres termes, le tribunal doit considérer a priori les témoignages comme dignes de foi à moins quil ait des motifs de ne pas y accorder crédit.

 

[67]                  La crédibilité nest pas synonyme de vérité et labsence de crédibilité ne signifie pas mensonge. Le tribunal doit tenir compte de nombreux facteurs pour évaluer la crédibilité dun témoignage. Par exemple, il doit évaluer la possibilité dobserver qua eue le témoin, ce qui lincite à se souvenir, par exemple si les événements étaient remarquables, inhabituels et frappants ou au contraire, insignifiants, et par conséquent, tout naturellement plus difficiles à se remémorer. Il doit aussi se demander si lissue du procès peut présenter un avantage pour le témoin, c'est-à-dire si celui-ci a des raisons de favoriser la poursuite ou la défense, ou sil est impartial.  Ce dernier facteur sapplique aussi, mais de façon différente, à laccusé. Même si lon peut raisonnablement présumer quun accusé a intérêt à être acquitté, la présomption dinnocence ne permet pas de conclure que laccusé mentira lorsquil décide de témoigner.

 

[68]                  Un autre élément permet de déterminer la crédibilité : la capacité apparente du témoin à se souvenir. On peut observer lattitude du témoin pendant sa déposition pour évaluer sa crédibilité : il faut se demander si le témoin a répondu aux questions avec naturel, si ses réponses étaient précises ou évasives, ou encore hésitantes, sil argumentait, et enfin, si son témoignage était cohérent et compatible avec les faits incontestés.

 

[69]                  Un témoignage peut comporter, et en fait comporte toujours, des contradictions mineures et involontaires, mais cela ne doit pas nécessairement conduire à lécarter. Il en va autrement dun mensonge, qui constitue toujours un acte grave et risque dentacher lensemble dun témoignage. Le tribunal nest pas obligé de retenir tous les témoignages.

 

[70]                  Comme la règle du doute raisonnable sapplique à la question de la crédibilité, la cour doit statuer de manière définitive sur la crédibilité de laccusé en lespèce et décider si elle ajoute foi ou non à ce quil dit. Il est vrai que la présente affaire soulève des questions importantes de crédibilité, et il sagit dun cas où lapproche en matière dévaluation de la crédibilité décrite par la Cour suprême du Canada dans larrêt R. c. W.(D.), [1991] 1 R.C.S. 742, peut être appliquée de façon stricte puisque laccusé, le sergent Quinn, a témoigné. La Cour suprême a établi ce qui suit à la page 758 de cet arrêt :

 

Premièrement, si vous croyez la déposition de laccusé, manifestement vous devez prononcer lacquittement.


Deuxièmement, si vous ne croyez pas le témoignage de laccusé, mais si vous avez un doute raisonnable, vous devez prononcer lacquittement.

 

Troisièmement, même si navez pas de doute à la suite de la déposition de laccusé, vous devez vous demander si, en vertu de la preuve que vous acceptez, vous êtes convaincus hors de tout doute raisonnable par la preuve de la culpabilité de laccusé.

 

[71]                  Comme la règle du doute raisonnable s'applique aussi à la question de la crédibilité, la cour n'a pas à décider de manière catégorique de la crédibilité d'un témoin ou d'un groupe de témoins et elle n'est pas non plus tenue de croire que tout ce que dit un témoin ou un groupe de témoins est vrai ni que tout est faux. Dans une affaire telle que la présente, au cours de laquelle laccusé a témoigné pour son propre compte, la cour est tenue en droit dacquitter laccusé si, en premier lieu, elle croit laccusé et, ensuite, même si elle ne le croit pas, lorsquil subsiste un doute raisonnable quant à la culpabilité de laccusé à la suite de lexamen de son témoignage à la lumière de la preuve prise dans son ensemble. Enfin, si après un examen minutieux de lensemble de la preuve, la cour est incapable de décider qui croire, elle doit prononcer lacquittement de laccusé.

 

[72]                  Ayant procédé à cet exposé sur la charge de la preuve et sur la norme de preuve, jexaminerai maintenant les questions en litige en lespèce et traiterai des

principes juridiques.

 

ANALYSE

 

[73]                  Dans la présente affaire, lidentité de laccusé, la date et le lieu de linfraction ne sont pas contestés en ce qui a trait aux quatre chefs daccusation. Cependant, la cour entend procéder à une analyse distincte de chaque accusation, étant donné que la question en litige pour chacune delle est différente.

 

[74]                  La nature de la preuve en lespèce oblige la cour à tirer certaines conclusions sur la crédibilité de laccusé et des témoins, tel que nous lavons susmentionné, sur chaque chef daccusation séparément afin de déterminer convenablement si la poursuite a réussi à établir hors de tout doute raisonnable que laccusé est coupable dune, de plusieurs ou de toutes les accusations portées contre lui.

 

[75]                  Commençons dabord avec linfraction de comportement déshonorant prévue à larticle 93 de la Loi sur la défense nationale.  La cour est davis que laccusé a témoigné sur cette question avec clarté et franchise.  Il a fourni un témoignage cohérent pour expliquer dans quel contexte les mots « pute », « prostituée » et « garce » avaient été prononcés en présence du soldat Kaur.  En effet, dans son témoignage, celle‑ci a confirmé lexistence de la conversation à laquelle le sergent Quinn faisait référence dans son propre témoignage.

 


[76]                  Pour poursuivre sur le sujet du comportement sexuel, il semble évident à la cour quil faille accorder crédit au témoignage de laccusé selon lequel il na pas offert de largent au soldat Kaur à quelque moment que ce soit durant lexercice en échange de relations sexuelles avec elle.  Une telle conduite en présence de bon nombre de membres de son personnel à deux occasions durant lexercice aurait été incohérente avec le fait quil voulait fournir un rendement satisfaisant en tant que chef de groupe pour être considéré en vue dune promotion au rang dadjudant.  De plus, il na jamais nié que, dans le cadre de lexercice, des plaisanteries à caractère sexuel avaient été dites, mais sans aucune intention dinsulter ou de viser directement le soldat Kaur ou qui que ce soit dautre.

 

[77]                  Pour ce qui est de lexpression « garce ingrate », la cour na aucune raison de ne pas accorder foi à laccusé sur cette question.  Lexplication quil a fournie à la cour quant au contexte et aux mots exacts qui ont été utilisés, soit « chose ingrate » selon lui, rend son témoignage crédible et fiable sur cette question particulière.  Il sest souvenu clairement de lévénement, il a fourni dautres renseignements sans quon le lui demande.  Lévénement était tellement mémorable pour lui quil a senti le besoin dexpliquer à la cour lexpression quil a utilisée en faisant référence à ses origines irlandaises.

 

[78]                  En ce qui concerne lutilisation du mot « princesse » par le sergent Quinn envers le soldat Kaur, la cour a de la difficulté à croire la réfutation catégorique de laccusé quant à ce fait.  Laccusé a clairement déclaré dans son témoignage quil avait demandé au soldat Kaur si le mot « rani » en hindi voulait réellement dire « reine ».  En outre, il lui a demandé si elle était daccord pour quil lutilise, ce quelle a confirmé dans son témoignage.  Il est difficile de concilier le fait quil ait posé une question à ce sujet et quil ait nié en même temps lavoir utilisé.  Pour ce qui est de cette question en particulier, la cour se doit de ne pas croire laccusé car son témoignage nest ni fiable ni crédible.   La poursuite a établi hors de tout doute raisonnable que le mot « princesse » ou son équivalent a été utilisé pour décrire le soldat Kaur.  Il sadressait à elle en utilisant parfois ce mot.  Combien de fois et dans quel contexte, la cour nen a pratiquement aucune idée. Aucun exemple précis de cette utilisation ne peut être trouvé dans la preuve présentée par la poursuite sur cette question.  Le comportement du sergent Quinn était-il inadmissible et choquant? Une personne, dun point de vue objectif, qui serait le reflet des normes de la collectivité, trouverait-elle cela inadmissible et choquant?  En labsence dun contexte plus particulier, autre que le fait que le mot ait été utilisé de manière répétitive, il est très difficile pour la cour de conclure que cest le cas.

 

[79]                  Pour ce qui est de la question de lutilisation par le sergent Quinn des mots « faible et pitoyable » pour qualifier le soldat Chahal lors de son arrivée sur les lieux du SQMC, la cour croit laccusé sur ce point.  Laccusé a été particulièrement clair quant au fait quil navait jamais prononcé de tels mots. Compte tenu de la fiabilité et de la crédibilité de son témoignage, et compte tenu de lensemble de la preuve, la cour ne voit pas pour quelle raison elle devrait refuser de croire laccusé sur ce point.

 


[80]                  Quant aux commentaires racistes quil aurait émis durant une conversation avec le soldat Chahal, la cour accorde foi à lexplication claire, honnête et cohérente quil a fournie.  Son unité, et de manière plus importante son personnel du SQMC, se compose de personnes dorigines multiples. Lobjet de la conversation et lexplication très cohérente de la raison pour laquelle cette question avait surgi rend le témoignage de laccusé très fiable.  De plus, sur cette question, il se souvient clairement de la conversation car elle lui a semblé un événement mémorable.  Son comportement cette semaine‑là dans un cadre de travail multiculturel, comme il a été décrit devant la cour, rend cette version des faits crédible.

 

[81]                  Par conséquent, sur la foi de lensemble de la preuve, la poursuite na pas réussi à établir hors de tout doute raisonnable tous les éléments constitutifs de linfraction visée au troisième chef daccusation, à savoir davoir adopté un comportement déshonorant envers le soldat Kaur et le soldat Chahal en violation de larticle 93 de la Loi sur la défense nationale.

 

[82]                  Penchons-nous à présent sur le quatrième chef daccusation, qui est une accusation subsidiaire au troisième chef daccusation. Outre lidentité de laccusé, la date et le lieu de linfraction, lélément essentiel de la subordination des plaignants envers laccusé en raison de leur grade nest pas contesté.

 

[83]                  Compte tenu de la conclusion de la cour selon laquelle il ny a aucune raison de ne pas croire laccusé, comme en fait foi son analyse portant sur laccusation précédente quant aux différentes agressions verbales alléguées par les plaignants, autres que lutilisation du mot « princesse », la cour doit se pencher sur ce quatrième chef daccusation afin de déterminer sil a maltraité le soldat Kaur.

 

[84]                  À part de savoir que le mot a été utilisé de manière répétitive, la cour ne dispose daucune preuve pour déterminer si le sergent Quinn a utilisé ce mot de manière indifférente ou cruelle envers le soldat Kaur.  Il sagissait probablement dune conduite inadéquate de la part du sergent Quinn. Cependant, afin de conclure quil a maltraité le soldat Kaur, la poursuite aurait été tenue de prouver cet élément hors de tout doute raisonnable, ce quelle a fait défaut de faire.

 

[85]                  Par conséquent, compte tenu de lensemble de la preuve, la poursuite na pas réussi à établir hors de tout doute raisonnable tous les éléments essentiels du quatrième chef daccusation, soit davoir maltraité une personne qui, en raison de son grade, lui était subordonnée, en violation de larticle 95 de la Loi sur la défense nationale.

 

[86]                  Enfin, quant à laccusation dagression armée en violation de lalinéa 267a) du Code criminel, la question à trancher est celle de savoir si le sergent Quinn a commis une agression telle quelle est définie à lalinéa 265 (1)c) du Code criminel.

 


[87]                  Une arme était-elle impliquée dans lagression?  Selon toutes les personnes visées par la présente affaire, y compris le sergent Quinn, lorsquil est entré dans la tente modulaire où se trouvaient le soldat Kaur et le soldat Chahal, il portait sur lui un pistolet dans son étui, comme il était tenu de le faire pour les besoins de lexercice et il sagissait dun geste normal pour tous ceux qui avaient un pistolet ce soir‑là.

 

[88]                  Laccusé portait-il ostensiblement une arme?

 

[89]                  La cour a du mal à croire laccusé lorsquil a dit quil avait limité ses interventions envers les soldats Kaur et Chahal en ne leur adressant que des réprimandes ce soir‑là. La cour juge cette déclaration très contradictoire par rapport à certains autres faits rapportés par laccusé dans son témoignage, soit :

 

A.        quil a clairement dit au début de son témoignage que la fraternalisation était une question qui le préoccupait à un point tel quil a demandé aux deux soldats sils entretenaient une relation personnelle avant dautoriser le soldat Chahal à dormir dans la même tente modulaire que le soldat Kaur.

 

B.         que, tout en sachant que la plupart des membres du personnel du SQMC soupçonnaient les soldats Kaur et Chahal dêtre engagés dans une relation personnelle, il aurait été normal pour un superviseur, comme le sergent Quinn, de prendre des mesures immédiates lorsquil a appris quils étaient engagés dans une relation en les obligeant de dormir dans des quartiers séparés ce soir‑là.  Nest-il pas surprenant de constater que le sergent Quinn navait eu aucun problème à offrir au soldat Kaur de dormir dans une autre tente modulaire lorsquil la entendu se disputer avec le soldat Chahal, mais quil a été incapable dagir de la même façon lorsquil a été mis au courant de leur relation, laquelle pouvait aller à lencontre de la politique de fraternalisation des Forces canadiennes?

 

C.         que le sergent Quinn na jamais révélé à qui que ce soit quil avait vu les soldats fraterniser durant un exercice, comme il lui incombait de le faire.  Cependant, la cour doit ajouter que ce comportement est davantage compatible avec le fait quil avait bu trois canettes de bière ce dernier soir‑là alors quil portait séparément sur lui une arme à feu et des munitions chargées.

 

[90]                  Ces importantes contradictions dans son témoignage rendent sa version de cette partie des faits non crédible et peu fiable.  La cour naccorde aucunement crédit à son témoignage quant à cet incident particulier.

 

[91]                  Abordant maintenant la deuxième étape de lanalyse, la cour doit encore trancher la question de savoir si laccusé portait ostensiblement une arme.

 


[92]                  Durant son témoignage, le soldat Chahal était nerveux et il argumentait beaucoup. Lorsquil a été contre-interrogé par lavocat de la défense, il a répondu de façon évasive, en engageant un débat sémantique ou philosophique avec lui et a été très contradictoire dans ce quil était en mesure ou non de se souvenir.  Il a déclaré à la cour quil avait pu délibérément choisir doublier certains faits.  Il a trouvé des façons de se contredire lui-même. Il a eu de la difficulté à se souvenir de ce quil avait dit trois heures plus tôt durant son témoignage, alors que cest lui qui avait dit à la cour que la mémoire pouvait saméliorer avec le temps.  Même si cette personne est très éduquée, il est clair pour la cour que son témoignage nest aucunement crédible et fiable sur la plupart des faits quil a relatés devant le tribunal, y compris lincident sur la prétendue agression armée commise par le sergent Quinn.

 

[93]                  Le soldat Kaur a témoigné avec franchise mais de manière très mécanique.  Lorsquon la questionnée sur son propre comportement durant lexercice, elle a parfois répondu de façon évasive et il lui est arrivé de faire preuve devant la cour dune mémoire sélective.  Les efforts quelle a déployés en vue de dissimuler sa relation avec le soldat Chahal aux membres du SQMC, son intérêt marqué pour le travail et le mode de vie des strip-teaseuses, le fait quelle ait échangé son soutien‑gorge à un soldat allemand contre le chapeau de ce dernier, tous ces faits font que tous les membres de la cour conviennent dune chose en qui a trait au témoignage de laccusé : le soldat Kaur semble apprécier sa nouvelle liberté. Elle était davantage encline à parler des actes des autres que de ses propres actes durant cette semaine‑là en particulier au cours de laquelle les incidents allégués se sont produits. La cour conclut que son témoignage nest pas crédible ni fiable quant à cet incident particulier.

 

[94]                  De plus, les deux soldats se sont contredits sur la seule question de savoir si le sergent Quinn portait ostensiblement une arme.  Lun des soldats a dit quil avait agité son arme à feu alors que lautre a déclaré quil avait secoué le chargeur. Il faut se rappeler que le soldat Chahal a aidé le soldat Kaur à rédiger sa plainte initiale, quils entretiennent toujours une relation personnelle depuis lincident et quil ont discuté des événements au cours des deux dernières années.  Cette seule contradiction rend leurs témoignages encore plus confus en ce qui concerne cet incident.  Dans un tel contexte, la crédibilité et la fiabilité de leur témoignage sont entachées.

 

[95]                  Le sergent Quinn était-il en colère lorsquil a appris quils étaient tous deux engagés dans une relation?  Certainement.  A‑t‑il tenté dadopter une attitude dissuasive pour les faire réfléchir et pour quils cessent leur comportement? Cela aurait été normal dans les circonstances.

 


[96]                  La poursuite a‑t-elle établi hors de tout doute raisonnable que le sergent Quinn portait ostensiblement une arme à feu?  Comme la illustré la décision rendue par la Cour de justice de lOntario dans laffaire R. c. Snoek, (2002) O.J. n°5327, au paragraphe 16, ainsi que la décision rendue par la Cour dappel de la Colombie-Britannique dans laffaire R. c. Briscoe, 76 C.C.C. (3e) 563, à la page 567, le fait de porter ostensiblement une arme à feu a été décrit comme le fait de pointer un couteau ou une arme à feu. En lespèce, la cour considère que la poursuite na pas établi cette preuve hors de tout doute raisonnable, plus particulièrement à la lumière du témoignage du sergent Quinn et eu égard à lensemble de la preuve.

 

[97]                  Si la cour avait été convaincue hors de tout doute raisonnable que le sergent Quinn avait mentionné quil portait sur lui des munitions chargées et quil ne se souciait guère davoir déjà été traduit en cour martiale, elle aurait considéré, comme la proposé la poursuite, le fait quil a abordé les plaignants tel quil est libellé à lalinéa 265 (1)c) du Code criminel.  Cependant, le manque de crédibilité et de fiabilité des témoignages des soldats Kaur et Chahal à la lumière du témoignage du sergent Quinn et de lensemble de la preuve sur cette question a laissé un doute raisonnable à la cour.

 

[98]                  Par conséquent, compte tenu de lensemble de la preuve, la cour estime

que la poursuite a fait défaut de prouver hors de tout doute raisonnable tous les éléments essentiels linfraction aux premier et deuxième chefs daccusation, soit davoir commis une agression armée en violation de lalinéa 267a) du Code criminel.

 

CONCLUSION

 

[99]                  Sergent Quinn,  veuillez vous lever.  La cour vous déclare non coupable des quatre chefs daccusation tels quils figurent dans lacte daccusation.

 

 

 

 

                                                                      Le Lieutenant-colonel L.-V. d'Auteuil, J. M.

 

Avocats :

 

Le Major A. Tamburro, Procureur militaire régional, région du Centre

Procureur de Sa Majesté la Reine

Le Capitaine de corvette J. A. McMunagle, Direction du service davocats de la défense

Avocat du sergent Quinn         

 

 

 

 

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