Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l’ouverture du procès : 26 juillet 2013.

Endroit : 1er Bataillon des Services, édifice 179, chemin Rhine, Edmonton (AB).

Chefs d’accusation
•Chef d’accusation 1 : Art. 97 LDN, ivresse.
•Chefs d’accusation 2, 4 : Art. 90 LDN, s’est absenté sans permission.
•Chef d’accusation 3 : Art. 101.1 LDN, a omis de se conformer à une condition imposée sous le régime de la section 3.

Résultats
•VERDICTS : Chefs d’accusation 1, 2, 4 : Coupable. Chef d’accusation 3 : Retiré.
•SENTENCE : Une rétrogradation au grade de soldat.

Contenu de la décision

COUR MARTIALE

 

Référence : R c Crosman, 2013 CM 1010

 

Date : 20130823

Dossier : 201362

 

Cour martiale permanente

 

Base des Forces canadiennes Edmonton

Edmonton (Alberta), Canada

 

Entre : 

 

Sa Majesté la Reine

 

- et -

 

Caporal J.J. Crosman, contrevenant

 

 

Devant : Colonel M. Dutil, J.M.C.

 


 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DE LA SENTENCE

 

(Prononcés de vive voix)

 

INTRODUCTION

 

[1]               Le Caporal Crosman a plaidé coupable à trois accusations, soit deux chefs d’absence sans permission, infraction prévue à l’article 90 de la Loi sur la défense nationale (également la Loi), et un chef d’ivresse, infraction prévue à l’article 97 de la Loi. Le 13 mai 2013, il avait plaidé coupable à deux chefs d’accusation, soit absence sans permission, infraction prévue à l’article 90 de la Loi, et défaut de respecter une condition imposée sous le régime de la section 3, infraction prévue à l’article 101.1 de la Loi. Lorsqu’il a comparu pour la première fois devant la cour martiale, le Caporal Crosman a admis qu’il avait commis d’autres infractions militaires semblables à celles auxquelles il avait plaidé coupable et il a demandé à la cour d’en tenir compte en vue de la sentence à rendre conformément à l’article 194 de la Loi. À titre de juge militaire présidant le procès devant la cour martiale permanente, j’ai accepté de tenir compte de ces infractions en vue de la sentence à rendre; j’ai également accepté la recommandation conjointe des avocats au sujet de la peine et j’ai finalement imposé une peine de détention de 25 jours.

 

[2]               Peu après avoir purgé sa peine, le Caporal Crosman a continué à se comporter de manière répréhensible et d’autres événements ont mené aux accusations portées devant la présente cour martiale et à l’audience s’y rapportant, qui a débuté le 22 juillet 2013. Au cours de l’audience en question, la cour a ordonné la tenue d’une évaluation visant à savoir si le caporal Crossman était apte à subir son procès et s’il souffrait d’un trouble mental de nature à le soustraire à sa responsabilité pénale. Cette ordonnance était en vigueur pour une période d’au plus trente (30) jours et l’audience a été reportée au 22 août 2013, soit hier, en attente de la réception d’un rapport psychiatrique conformément à l’ordonnance. Le rapport a été rédigé et signé le 19 août 2013 par le Dr K. Ganapathy, psychiatre à l’Alberta Hospital Edmonton, où le Caporal Crosman est détenu depuis le 19 juillet 2013 conformément à la Mental Health Act, (Revised Statutes of Alberta, c. M-13 2000). Les circonstances entourant la perpétration des infractions dont la cour est saisie aujourd’hui ont été décrites dans le sommaire des circonstances produit comme pièce 7. En résumé, il appert du sommaire que le 14 juin 2013, à 7 h 30, le Caporal Crosman se trouvait au gymnase de la base des Forces canadiennes Edmonton (gymnase de la base), son lieu de service, parce qu’il devait participer à une séance d’entraînement physique avec d’autres membres de son peloton. Le Caporal Crosman était sous l’influence d’une substance intoxicante appelée « brain freeze potpourri ».

 

[3]               Le 25 juin 2013, l’Adjudant-maître Stoicescu a avisé la police militaire que le Caporal Crosman avait été vu en possession d’une substance qui semblait être un produit contenant de la marijuana synthétique. La substance a été saisie et envoyée à Santé Canada pour analyse. L’Adjudant-maître Stoicescu est le sergent-major de compagnie du Caporal Crosman.

 

[4]               Le 26 juin 2013, l’Adjudant-maître Stoicescu a communiqué à nouveau avec la police militaire pour l’informer que le Caporal Crosman ne s’était pas présenté au 1er Bataillon des services à 7 h 30, le 26 juin 2013, comme il devait le faire. Le 26 juin 2013, vers 13 h 20, l’Adjudant-maître Stoicescu a effectué une vérification de la chambre du Caporal Crosman, qui se trouvait à la base, soit la chambre 325 de l’immeuble 163. Au cours de cette inspection, le Caporal Crosman a été vu en possession d’accessoires servant à la consommation de drogues. Le Caporal Crosman a été détenu sous garde le 26 juin 2013 et subséquemment remis en liberté par un officier réviseur le 27 juin 2013. Selon l’une des conditions dont sa remise en liberté était assortie, le Caporal Crosman devait se présenter au détachement de la police militaire situé à la base des Forces canadiennes Edmonton, en Alberta, à 9 h 30 le samedi et le dimanche.

 

[5]               Le samedi 29 juin 2013, à 9 h 30, le Caporal Crosman ne s’est pas présenté au détachement de la police militaire. Il a été trouvé dans sa chambre une heure plus tard. Il a subséquemment été arrêté et détenu pour défaut de respecter une condition, contrairement à l’article 101.1 de la Loi. Le 29 juin 2013, à 13 h 36, le Caporal Crosman a à nouveau été remis en liberté sous réserve de certaines conditions imposées par l’officier réviseur, le Major Parker. Selon l’une des conditions en question, le Caporal Crosman devait se présenter au détachement de la police militaire à 22 h tous les jours. Le 30 juin 2013, à 22 h, le Caporal Crosman ne s’est pas présenté au détachement de la police militaire de la base des Forces canadiennes Edmonton, comme il devait le faire. La police militaire a obtenu un mandat d’arrestation pour défaut de respecter une condition. Le 30 juin 2013, à 22 h 35, la police militaire s’est rendue à la chambre du Caporal Crosman, qui a été arrêté et détenu à la même date, puis remis en liberté par un officier réviseur le 1er juillet 2013. Selon l’une des conditions qui lui ont été imposées, le Caporal Crosman devait se présenter au détachement de la police militaire à 7 h tous les jours. De plus, le 1er juillet 2013, la zone de consignation du Caporal Crosman a été élargie de façon à couvrir non seulement la base des Forces canadiennes Edmonton, mais également la ville d’Edmonton. Le Caporal Crosman a été expulsé de sa chambre et transféré à la ville d’Edmonton.

 

[6]               Le 10 juillet 2013, à 7 h, le Caporal Crosman ne s’est pas présenté au détachement de la police militaire à la base des Forces canadiennes Edmonton, comme il devait le faire conformément aux conditions dont sa remise en liberté était assortie depuis le 1er juillet 2013. Il ne s’est pas présenté non plus pour exercer ses fonctions au 1er Bataillon des services à 7 h 30 la même journée. À 8 h 09, le Caporal Crosman s’est rendu au détachement de la police militaire, où il a été arrêté et détenu. À 10 h 30, il a été remis en liberté par un officier réviseur. Selon les conditions de sa remise en liberté, le Caporal Crosman devait, notamment, se présenter au détachement de la police militaire à 13 h 30 le samedi et le dimanche. Le Caporal Crosman ne s’est pas présenté au détachement de la police militaire à 13 h 30, le dimanche 14 juillet 2013. La police militaire a téléphoné au Caporal Crosman et lui a dit de se présenter immédiatement au détachement, conformément aux conditions de sa remise en liberté. Le Caporal Crosman a répondu qu’il ne pourrait pas se rendre à la base des Forces canadiennes Edmonton avant plusieurs heures, parce qu’il ne se sentait pas bien. Le Caporal Crosman ne s’est pas présenté non plus au détachement de la police militaire le 14 juillet 2013, à 18 h 30, comme il devait le faire. Qui plus est, il ne s’est pas présenté au détachement de la police le 15 juillet 2013, à 7 h, ni au 1er Bataillon des services pour exercer ses fonctions le 15 juillet 2013, à 7 h 30. Un autre mandat d’arrestation a été lancé contre le Caporal Crosman.

 

[7]               Le 16 juillet 2013, l’Adjudant-maître Bantock et l’Adjudant MacDonald, tous les deux membres du 1er Bataillon des services, ont été informés de l’adresse actuelle du Caporal Crosman par deux personnes appartenant également à ce bataillon. Ces deux personnes ont aidé le Caporal Crosman à déménager de sa résidence de la base des Forces canadiennes Edmonton à sa nouvelle adresse, dans la ville d’Edmonton (Alberta).

 

[8]               L’Adjudant-maître Bantock et l’Adjudant MacDonald sont arrivés à la résidence du Caporal Crosman le 16 juillet 2013, vers 15 h 30. L’homme qui avait sous-loué une chambre au Caporal Crosman a mentionné que celui-ci venait de partir à bicyclette. L’Adjudant-maître Bantock et l’Adjudant MacDonald étaient sur le point de repartir lorsque le Caporal Crosman est arrivé à bicyclette. Il portait une tenue civile. Il a demandé s’il devait se présenter au travail. L’Adjudant-maître Bantock l’a informé qu’il s’était absenté sans permission et qu’il devait partir avec eux. Le Caporal Crosman a acquiescé, mais son supérieur craignait qu’il ne comprenne pas, parce qu’il semblait être sous l’influence d’une substance intoxicante. Le Caporal Crosman semblait par ailleurs être en bonne santé. Il a revêtu son uniforme et a été reconduit à la base des Forces canadiennes Edmonton.  Le 16 juillet 2013, vers 16 h 45, l’Adjudant-maître Bantock a conduit le Caporal Crosman au détachement de la police militaire, où celui-ci a été arrêté et détenu. Un officier réviseur a plus tard jugé qu’il était nécessaire de détenir le Caporal Crosman sous garde. Le 19 juillet 2013, après une audience de justification concernant le Caporal Crosman, le juge militaire d’Auteuil a ordonné que celui-ci soit détenu sous garde. Le soir du 19 juillet 2013, le Caporal Crosman a été transféré à l’Alberta Hospital, où il est toujours détenu conformément à la Mental Health Act (Revised Statutes of Alberta c. M-13 2000). Le Caporal Crosman a été transféré à cet établissement après avoir menacé de se suicider et devrait y rester au cours des deux ou trois prochaines semaines, conformément à la Mental Health Act.

 

[9]               Pour déterminer la peine à imposer à un contrevenant aux termes du Code de discipline militaire, la cour martiale doit se laisser guider par les principes et les objectifs applicables, notamment ceux qui sont énoncés aux articles 718.1 et 718.2 du Code criminel. L’objectif fondamental de l’imposition d’une sentence en cour martiale est de contribuer au respect de la loi et au maintien de la discipline militaire en infligeant des peines qui répondent à un ou plusieurs des objectifs suivants :

 

a)                  la protection du public, y compris celle des Forces canadiennes;

 

b)                  la dénonciation de la conduite illicite;

 

c)                  l’effet dissuasif de la peine, non seulement pour le contrevenant, mais aussi pour les autres personnes qui pourraient être tentées de commettre de semblables infractions;

 

d)                 enfin, l’amendement et la réadaptation du contrevenant.

 

[10]           La peine doit aussi tenir compte des principes suivants : elle doit être proportionnelle à la gravité de l’infraction, aux antécédents du contrevenant et à son degré de responsabilité; la peine doit être analogue à celles qui sont infligées à des contrevenants ayant commis de semblables infractions dans de semblables circonstances; le contrevenant ne doit pas être privé de sa liberté si une peine moins contraignante peut se justifier dans les circonstances; enfin, la peine doit être rajustée en fonction des circonstances aggravantes ou atténuantes liées à la perpétration de l’infraction et à la situation du contrevenant. Toutefois, la cour doit faire preuve de retenue lorsqu’elle détermine la peine en infligeant la sanction la moins sévère qui est nécessaire pour maintenir la discipline.

 

[11]           Au cours de l’audience tenue devant la cour martiale à Edmonton en mai 2013, les deux avocats ont souligné que le Caporal Crosman faisait face à des difficultés liées à des problèmes de santé mentale et d’accoutumance qui ont été confirmés. Comme nous le savons maintenant, par suite de l’évaluation approfondie faite par le Dr Ganapathy, le problème de santé mentale du Caporal Crosman est très grave et a contribué de façon importante à la perpétration des infractions dont la cour est saisie. Le procureur de la poursuite recommande aujourd’hui que le Caporal Crosman soit condamné à une peine de détention de 60 jours. Selon la poursuite, la peine doit viser principalement à promouvoir la dissuasion générale, notamment en ce qui concerne l’abus des substances, tout en appuyant l’objectif de la réadaptation. Le procureur de la poursuite soutient qu’il y a lieu d’incarcérer le contrevenant afin de veiller à ce qu’il continue à prendre ses médicaments et à ce qu’il reste dans un milieu sûr, où il pourrait être accompagné pour se rendre à ses rendez-vous et ne serait pas laissé à lui-même. De l’avis de l’avocat de la défense, la détention n’est pas nécessaire, parce que le Caporal Crosman a déjà été détenu pendant plus de 30 jours avant son procès conformément à la Mental Health Act et à l’ordonnance du juge militaire datée du 19 juillet 2013.

 

[12]           Au cours de l’audience relative à la détermination de la peine, la cour a entendu plusieurs témoins. Le Major Gribble, commandant de la caserne de détention et prison militaire des Forces canadiennes à Edmonton, a décrit brièvement l’établissement qu’il dirigeait ainsi que les régimes en vigueur à l’égard des personnes purgeant une peine de détention ou d’emprisonnement. Il a également décrit les services offerts aux détenus, y compris les services médicaux et les groupes de soutien. Le Major Gribble a parlé de l’expérience qu’il avait vécue avec le Caporal Crosman, pendant que celui-ci purgeait une peine de détention en mai et juin 2013. La cour a également entendu le témoignage de l’Adjudant-maître Stoicescu, l’actuel sergent-major de compagnie du Caporal Crosman au 1er Bataillon des services, qui a décrit l’horaire de travail en vigueur à l’unité et parlé du comportement et des problèmes du Caporal Crosman au sein de l’unité au cours des dernières années. L’Adjudant-maître Stoicescu a décrit les efforts de l’unité ainsi que les répercussions découlant de la conduite du Caporal Crosman pour celle-ci. Il a dit que la conduite du Caporal Crosman a créé une tension énorme au sein du personnel, qui devait constamment l’observer, le surveiller et le suivre.

 

[13]           Le rapport que le Dr Ganapathy a déposé auprès de la cour a permis d’étayer le témoignage que celui-ci a présenté. Selon ce rapport, le Caporal Crosman souffre de graves maladies mentales, y compris un trouble bipolaire et une dépression majeure avec des caractéristiques psychotiques que le Caporal Crosman a tenté de contrôler en consommant abusivement des substances intoxicantes. Il appert de l’avis d’expert que le Caporal Crosman a bien réagi au traitement administré pour la dépression dont il souffrait, soit un traitement au lithium et à la Venlafaxine, un antidépresseur. Le Caporal Crosman souffre d’une dépendance aux substances concomitante.

 

[14]           Le DGanapathy et ses collègues ont observé le Caporal Crosman au cours du dernier mois. Le DGanapathy croit que la maladie du Caporal Crosman est de nature sporadique et cyclique et que celui-ci est constamment susceptible de commettre une tentative de suicide, que ce soit par accident ou de façon intentionnelle. De l’avis du DGanapathy, le Caporal Crosman n’est pas apte à poursuivre une carrière militaire et la mutation à un emploi civil l’aidera sensiblement à améliorer son état mental. De plus, il est évident que la période de détention qui a été imposée au Caporal Crosman en mai 2013 a eu d’importantes répercussions sur son état mental. C’est aussi l’avis du major Miksa, le chirurgien de la base, qui a également témoigné. Selon le Major Miksa, le Caporal Crosman nécessite beaucoup de soins et la gravité du problème de santé mentale dont il souffre est assez unique. Le chirurgien de la base a avoué qu’il est très difficile pour son équipe de s’occuper d’un cas de cette nature, en raison de l’absence de capacité d’hospitalisation à la base. Il a ajouté qu’ils avaient tenté d’aider le Caporal Crosman avec beaucoup de patience et de compréhension, mais qu’il était déçu de voir que le processus suivi n’avait pas permis d’accélérer la remise en liberté du Caporal Crosman. À son avis, c’est une spirale d’événements qui ont mené à la détérioration de l’état de santé du Caporal Crosman, en plus de créer un lourd fardeau administratif pour l’unité et pour le processus judiciaire, ce qui lui semblait parfaitement inutile, eu égard à la situation particulière et unique du Caporal Crosman.

 

[15]           La cour n’est pas d’accord avec la poursuite en ce qui concerne la nécessité de mettre l’accent sur la dissuasion générale en l’espèce, notamment pour les raisons que l’avocat a invoquées et qui sont liées à l’abus de substances illicites par certains membres des Forces canadiennes à Edmonton. En passant, il n’y a aucune accusation concernant l’utilisation ou la possession de substances réglementées en l’espèce. Le Caporal Crosman ne peut être condamné pour des infractions dont il n’a pas été accusé et déclaré coupable. La présente affaire ne peut servir à envoyer un message à d’autres personnes au sujet de la possession et de l’abus de substances illicites. De plus, même s’il a violé à maintes reprises les conditions de sa remise en liberté, le Caporal Crosman n’a été accusé que d’un seul chef à l’égard de cette infraction et la poursuite a retiré ce chef hier, parce que le rapport d’expert tendait à montrer que cette violation était imputable en partie à la capacité mentale du Caporal Crosman. À mon avis, la décision de la poursuite est équitable, logique et louable, mais la proposition de celle-ci en ce qui concerne la détermination de la peine devrait être tout aussi cohérente.

 

[16]           Il est largement reconnu aujourd’hui qu’il y a lieu d’accorder une importance très minime à la dissuasion générale lorsque le contrevenant souffre d’un trouble mental, parce qu’un cas de ce genre peut difficilement servir d’exemple. Les tribunaux ont reconnu l’importance moindre accordée aujourd’hui à la dissuasion générale lors de la détermination de la peine à infliger au contrevenant souffrant d’une maladie mentale; ils ont également affirmé qu’un traitement similaire devrait être accordé à la dissuasion spécifique. La culpabilité morale est souvent réduite en fonction de l’état de santé mentale du contrevenant (voir Sentencing, huitième édition, Ruby, Lexis Nexis Canada Inc. 2012 aux paragraphes 5.267, 5.268, 5.272, 5.275). La cour ne voit pas pourquoi un membre des Forces canadiennes, qui est atteint d’une maladie mentale ayant contribué à la perpétration d’infractions, y compris de simples infractions militaires, ne serait pas traité de la même façon et ne bénéficierait pas de ce même principe largement accepté par les tribunaux canadiens. En ce qui concerne le recours à l’incarcération pour favoriser la réadaptation du contrevenant de la façon décrite par la poursuite, j’estime que les circonstances uniques de la présente affaire et la preuve d’expert présentée en l’espèce n’appuient pas cette proposition. Il n’y a pas lieu d’utiliser l’incarcération, que ce soit sous forme de détention ou d’emprisonnement, dans le but premier de surveiller les problèmes de santé mentale du contrevenant plutôt que de fournir des services de santé mentale à un contrevenant qui purge une peine dans un cas où l’incarcération est justifiée en soi. Des professionnels de la santé mentale devraient être chargés de planifier et d’administrer le traitement.

 

[17]           Dans les circonstances de la présente affaire, qui sont assez uniques, j’estime que les facteurs aggravants sont plus que compensés par la preuve prépondérante faisant ressortir les répercussions de la maladie mentale du contrevenant sur la perpétration des infractions. La conduite du Caporal Crosman à l’audience et les réponses qu’il a données aux questions de la cour montrent que son problème de santé mentale a nettement régressé. Cependant, le psychiatre du Caporal Crosman a souligné que l’état du contrevenant demeure fragile et que la réadaptation dans le milieu civil demandera beaucoup de temps. Le Caporal Crosman est encore jeune. Il a déjà prouvé qu’il avait un bon potentiel lorsqu’il a été choisi soldat de bataillon de l’année en 2009. De l’avis de la cour, eu égard aux circonstances uniques exposées en l’espèce, l’aspect réadaptation de la peine doit être soupesé avec soin. Le Caporal Crosman a été détenu pendant plus de 35 jours, dont 32 à l’hôpital, jusqu’à aujourd’hui. Il est important de lui permettre de voir la lumière au bout du tunnel et de lui donner de l’espoir pour l’avenir. En plaidant coupable devant la cour, il a accepté sa responsabilité et ce facteur sera pris en compte dans la détermination de sa peine.

 

POUR LES MOTIFS EXPOSÉS CI-DESSUS, LA COUR :

 

[18]           DÉCLARE le contrevenant, le Caporal Crosman, coupable du premier chef d’accusation, soit l’infraction prévue à l’article 97 de la Loi sur la défense nationale, du deuxième chef d’accusation, soit l’infraction prévue à l’article 90 de la Loi sur la défense nationale, et du quatrième et dernier chef qui reste à l’égard de l’infraction prévue à l’article 90 de la Loi sur la défense nationale.

 

[19]           CONDAMNE le contrevenant, le Caporal Crosman, à être rétrogradé au grade de soldat.


 

Avocats :

 

Capitaine de corvette S. Torani et Major R. Rooney,

Service canadien des poursuites militaires

Procureurs de Sa Majesté la Reine

 

Major D. Berntsen, Direction du service d’avocats de la défense

Avocat du Caporal J.J. Crosman

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