Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l’ouverture du procès : 10 décembre 2012.

Endroit : BFC Borden, édifice A-140, 130 chemin Craftsman, Borden (ON).

Chefs d’accusation
•Chef d’accusation 1 : Art. 115 LDN, a recelé un bien obtenu par la perpétration d’une infraction d’ordre militaire, sachant qu’il a été ainsi obtenu.

Résultats
•VERDICT: Chef d’accusation 1: Coupable.
•SENTENCE: Un blâme et une amende au montant de 1000$.

Contenu de la décision

COUR MARTIALE

 

Référence : R c Zacharias, 2012 CM 4024

 

Date :  20121210

Dossier : 201231

 

Cour martiale permanente

 

Base des Forces canadiennes Borden

Borden (Ontario), Canada

 

Entre :

 

Sa Majesté la Reine

 

- et -

 

Sergent B.D. Zacharias, contrevenant

 

 

Devant : Lieutenant-Colonel J.-G. Perron, J.M.

 


 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DE LA SENTENCE

(Prononcés de vive voix)

 

[1]        Sergent Zacharias, après avoir accepté et inscrit votre plaidoyer de culpabilité concernant le premier chef d’accusation, la cour vous déclare maintenant coupable de cette accusation portée en application de l’article 115 de la Loi sur la défense nationale. La cour doit maintenant rendre une sentence juste et appropriée en l’espèce.

 

[2]        Le sommaire des circonstances, dont vous avez formellement reconnu les faits en tant que preuve concluante de votre culpabilité, fournit à la cour les circonstances entourant la perpétration de l’infraction en cause. À la date de l’infraction, vous étiez employé comme technicien de véhicules. Entre le 14 juillet 2003 et le 10 juillet 2006, vous étiez affecté au régiment Royal Canadian Dragoons (les RCD) à Petawawa. 

 

[3]        Les articles énumérés à l’annexe A de l’acte d’accusation ont été trouvés à votre domicile le 13 avril 2010 et ont été saisis le même jour par la police militaire. Ces articles, dont la valeur totale s’élève à environ 600 $, sont couramment employés par les techniciens de véhicules des unités des Forces canadiennes.

 

[4]        Comme l’a souligné la Cour d’appel de la cour martiale, la détermination de la peine est un processus fondamentalement subjectif et individualisé et constitue l’une des tâches les plus difficiles que le juge du procès doit remplir. La Cour d’appel de la cour martiale a clairement affirmé que les objectifs fondamentaux de la détermination de la peine qui figurent dans le Code criminel du Canada s’appliquent dans le contexte du système de justice militaire et le juge militaire doit tenir compte de ces objectifs lorsqu’il détermine la peine. Le prononcé des peines a pour objectif essentiel de contribuer au respect de la loi et à la protection de la société, ce qui comprend les Forces canadiennes, par l’infliction de sanctions justes visant un ou plusieurs des objectifs suivants :

 

            a)         dénoncer le comportement illégal;

 

            b)         dissuader les délinquants, et quiconque, de commettre des infractions;

 

            c)         isoler, au besoin, les délinquants du reste de la société;

 

            d)         favoriser la réinsertion sociale des délinquants;

 

            e)         assurer la réparation des torts causés aux victimes ou à la collectivité;

 

            f)         susciter la conscience de leurs responsabilités chez les délinquants, notamment par la reconnaissance du tort qu’ils ont causé aux victimes et à la collectivité.

 

[5]        La cour doit décider si la protection du public serait mieux servie par la dissuasion, par la réinsertion sociale, par la dénonciation ou par une combinaison de ces facteurs. Les dispositions relatives à la détermination de la peine qui sont énoncées aux articles 718 à 718.2 du Code criminel prévoient un processus individualisé au cours duquel la cour doit prendre en compte non seulement les circonstances de l’infraction, mais aussi la situation particulière du contrevenant. La peine doit également être semblable aux autres peines imposées dans des circonstances similaires. Le principe de la proportionnalité constitue un élément central de la détermination de la peine. La proportionnalité requiert que la sanction n’excède pas ce qui est juste et approprié, compte tenu de la culpabilité morale du contrevenant et de la gravité de l’infraction.

 

[6]        La cour doit également infliger la peine la moins sévère nécessaire pour maintenir la discipline. L’objectif ultime de la détermination de la peine est le rétablissement de la discipline chez le contrevenant et dans la société militaire. La discipline constitue l’une des conditions fondamentales de l’efficacité opérationnelle de toute armée.

 

[7]        L’avocat de la poursuite et votre avocat ont proposé ensemble à titre de peine un blâme et une amende de 1 000 $, à payer en versements mensuels de 200 $. La Cour d’appel de la cour martiale a clairement affirmé que le juge chargé de la détermination de la peine ne devrait pas rejeter la recommandation conjointe des avocats, à moins que la sentence proposée ne soit de nature à déconsidérer l’administration de la justice ou qu’elle ne soit pas dans l’intérêt public.

 

[8]        J’exposerai maintenant les circonstances aggravantes et les circonstances atténuantes dont j’ai tenu compte pour déterminer la peine qui convient en l’espèce. J’estime que les circonstances suivantes sont aggravantes :

 

            a)         l’infraction prévue à l’article 115 de la Loi sur la défense nationale, soit le recel ou la détention d’un bien dont on sait qu’il a été obtenu par la perpétration d’une infraction d’ordre militaire, constitue une infraction grave sur le plan objectif, puisqu’elle est passible d’une peine d’emprisonnement maximale de sept ans. Seulement 21 des 60 infractions militaires visées aux articles 73 à 129 de la Loi sur la défense nationale sont passibles d’une peine maximale plus sévère que celle qui est prévue à l’article 115;

 

            b)         la cour a été saisie d’une preuve très ténue au sujet de la perpétration de l’infraction. Vous avez été affecté aux RCD en 2003, puis à Borden en 2006. En 2010, des articles qui semblent appartenir à la Section maintenance de l’Escadron A des RCD et au QM Esc QG Maintenance RCD ont été trouvés en votre possession (voir la pièce 8). Même si la preuve présentée par le procureur de la poursuite n’établit pas que vous avez déjà fait partie de l’Escadron A ou de l’Escadron du QG, les rapports d’appréciation du rendement (RAR) fournis par l’avocat de la défense montrent que vous avez été employé comme cmdtA de la Section maintenance de l’Escadron A pendant huit mois et comme commandant Dét Maintenance PCR pendant quatre mois au cours de la période de rapport allant du 1er avril 2004 au 31 mars 2005; de plus, vous avez été employé à titre de cmdtA de la Section maintenance de l’Escadron A pendant dix mois et à titre de cmdtA de la Section des véhicules « B » de l’Escadron du QG pendant deux mois au cours de la période de rapport allant du 1er avril 2005 au 31 mars 2006. Selon cette preuve, vous vous seriez trouvé sur les lieux des articles manquants. Néanmoins, la preuve présentée par le procureur de la poursuite permet à la cour de conclure uniquement que ces articles se seraient trouvés en votre possession quelque temps entre 2003 et 2010;

 

            c)         bien que chaque infraction associée au vol d’un bien public doive être examinée sérieusement, la preuve entourant la perpétration de l’infraction en cause ainsi que le type d’articles saisis et leur valeur totale ne montre pas à la cour que l’infraction en question constitue l’une des infractions les plus graves que la cour martiale est appelée à juger sur le plan subjectif;

 

            d)         vous avez été nommé caporal-chef en 2003 et vous avez été promu au grade de sergent en 2008. Vous n’avez pas démontré les qualités de leadership que nous attendons de vous. Vous avez occupé des postes de commandement à titre de technicien de véhicules lorsque vous avez été affecté aux RCD. Bien que la preuve présentée par le procureur de la poursuite ne permette pas de déterminer la date précise à laquelle vous avez obtenu les articles, ceux-ci se trouvaient en votre possession lorsque vous étiez sergent;

 

            e)         vous avez une fiche de conduite selon laquelle vous avez été déclaré coupable de voies de fait aux termes de l’article 266 du Code criminel. Vous avez subi votre procès devant un juge de la Cour de justice de l’Ontario le 24 novembre 2009 et vous avez été condamné à une peine de 18 mois de probation. L’exécution de cette peine a été suspendue. En conséquence, même si vous n’êtes pas un délinquant primaire, l’infraction est bien différente de celle dont la cour est saisie en l’espèce et je n’y attribuerai pas beaucoup d’importance au moment de déterminer la peine qu’il convient de vous infliger;

 

            f)         vous étiez âgé de 37 ans à la date de l’infraction et vous comptiez 19 années de service au sein des FC. Vous étiez assez âgé et expérimenté pour comprendre la nature de vos actes.

 

[9]        En ce qui concerne les circonstances atténuantes, je souligne ce qui suit :

 

            a)         vous avez plaidé coupable, ce qui est habituellement considéré comme un facteur atténuant. De façon générale, on considère que cette interprétation n’est pas en contradiction avec le droit au silence de l’accusé, mais constitue plutôt un moyen pour les tribunaux d’infliger une peine plus clémente, l’aveu de culpabilité signifiant habituellement qu’il n’y aura pas de témoins à assigner, ce qui réduit de beaucoup les coûts associés aux procédures judiciaires. L’aveu est généralement vu aussi comme un signe du fait que l’accusé est disposé à assumer la responsabilité de ses actes illicites et du tort qui en a résulté. Cela étant dit, je n’ai été saisi d’aucun élément de preuve, verbal ou autre, montrant que vous éprouvez de véritables remords. Néanmoins, votre plaidoyer de culpabilité constitue un facteur atténuant;

 

            b)         les articles ont été saisis par la police militaire le 13 avril 2010. Vous avez été accusé le 28 avril 2011. Un premier acte d’accusation a été déposé le 4 mai 2012 et le présent acte d’accusation a été déposé le 3 décembre 2012. Peu de renseignements ont été fournis à la cour quant aux raisons qui expliquent ce long délai avant la tenue du procès dans la présente affaire;

 

            c)         l’avocat de la défense a soutenu qu’aucun élément de preuve n’établit en l’espèce qu’il s’agit d’une affaire complexe nécessitant une longue enquête. La Cour suprême du Canada a décidé que la conduite répréhensible d’un représentant de l’État qui ne viole pas la Charte peut constituer un facteur atténuant pour l’établissement de la peine. Dans les cas où la conduite répréhensible en question se rapporte aux circonstances liées à la perpétration de l’infraction ou à la situation du délinquant, le juge qui prononce la peine peut tenir compte des faits pertinents lorsqu’il établit une sanction juste, sans devoir invoquer le paragraphe 24(1) de la Charte;

 

            d)         je ne conclus pas à l’existence d’une conduite répréhensible de la part du procureur de la poursuite ou de toute autre personne qui a participé d’une façon ou d’une autre aux procédures ayant mené la présente affaire au procès, mais je n’ai pas été saisi d’une preuve abondante qui expliquerait le délai. Une accusation portée sous le régime du Code de discipline militaire est traitée avec toute la célérité que les circonstances permettent (voir l’article 152 de la Loi sur la défense nationale). Bien que l’avocat de la défense ait soutenu que le délai lié au dépôt de l’accusation a empêché la tenue d’un procès sommaire, la cour n’a pas été saisie du moindre élément de preuve établissant que le sergent Zacharias aurait choisi d’être jugé dans le cadre d’un procès sommaire;

 

            e)         comme je l’ai déjà souligné dans des décisions antérieures en matière de détermination de la peine, de longs délais nuisent autant aux fins disciplinaires qu’aux fins de la justice militaire. De plus, ils ont souvent une incidence négative sur le contrevenant. Par conséquent, je considérerai ce délai comme un facteur atténuant;

 

            f)         j’ai examiné les RAR qui correspondent aux périodes de rapport annuelles allant de 2002-2003 à 2011-2012. Vous y êtes décrit constamment comme un chef de file exceptionnel ayant un grand potentiel pour être promu au grade supérieur. Vos supérieurs immédiats vous connaissent beaucoup mieux que moi. Ils décideront comment la présente déclaration de culpabilité touchera leur évaluation en ce qui concerne votre potentiel de leadership. Même s’il est possible que la présente déclaration de culpabilité ait des répercussions défavorables pour votre prochain RAR annuel, aucun élément de preuve ne permet de dire que vous souffrirez de stigmates plus importants que tout autre membre des Forces canadiennes déclaré coupable d’une infraction militaire. En conséquence, je ne considère pas le risque de stigmatisation comme un facteur ayant plus d’importance comme facteur atténuant que dans les autres affaires.

 

[10]      Sergent Zacharias, levez-vous. Je suis arrivé à la conclusion que la dénonciation ainsi que la dissuasion générale et spécifique sont les principaux principes de la détermination de la peine qui doivent être appliqués en l’espèce.

 

[11]      Après avoir examiné l’ensemble de la preuve, la jurisprudence ainsi que les observations du procureur de la poursuite et de votre avocat, je suis arrivé à la conclusion que la peine proposée ne serait pas de nature à déconsidérer l’administration de la justice et qu’elle est dans l’intérêt public. J’accepte donc la proposition conjointe du procureur de la poursuite et de votre avocat.

 

POUR CES MOTIFS, LA COUR :

 

[12]      CONDAMNE le sergent Zacharias à un blâme et à une amende de 1 000 $, à payer en versements mensuels de 200 $ à compter du 15 janvier 2013.


 

Avocats :

 

Capitaine de corvette B.G. Walden, Direction du service d’avocats de la défense

Avocat du sergent B.D. Zacharias

 

Major J.E. Carrier, Service canadien des poursuites militaires

Procureur de Sa Majesté la Reine

 

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