Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l’ouverture du procès : 21 novembre 2007.

Endroit : BFC Bagotville, édifice 81, Alouette (QC).

Chef d’accusation
•Chef d’accusation 1 : Art. 130 LDN, s’être livré à des voies de fait armées (art. 267a) C. cr.).

Résultats
•VERDICT : Chef d’accusation 1 : Coupable de l’infraction moindre et incluse de voies de fait.
•SENTENCE : Une amende au montant de 500$.

Contenu de la décision

Citation : R. c. Caporal M. Foster, 2007 CM 3022

 

Dossier :  2007-40

 

COUR MARTIALE PERMANENTE

CANADA

NOUVEAU BRUNSWICK

BASE DES FORCES CANADIENNES GAGETOWN

 

Date : 21 novembre 2007

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DU LIEUTENANT-COLONEL L.-V. D'AUTEUIL, J.M.

 

SA MAJESTÉ LA REINE

(Poursuivante)

c.

EX-CAPORAL M. FOSTER

(Contrevenant)

 

SENTENCE

(Rendue oralement)

 

 

[1]                    Caporal Foster, la cour ayant accepté et enregistré votre aveu de

culpabilité à une infraction de même nature et moins grave que l’accusation libellée au premier et seul chef d’accusation se trouvant à l’acte d’accusation, tel que prévu à l’article 136 de la Loi sur la Défense nationale, la cour vous trouve maintenant coupable de l’infraction punissable selon l’article 130 de la Loi sur la Défense nationale, soit de vous être livré à des voies de fait à l’endroit du F70 116 485 caporal G. Deschamps, le ou vers le 26 mai 2006, à la 3e Escadre Bagotville, province de Québec, contrairement à l’article 266 du Code criminel.  Par conséquent, la cour vous trouve non coupable de l’accusation de voies de fait grave telle que libellée au premier et seul chef d’accusation se trouvant à l’acte d’accusation.

 

[2]                    Le système de justice militaire constitue l’ultime recours pour faire

respecter la discipline, qui est une dimension essentielle de l’activité militaire dans les Forces canadiennes.  Le but de ce système est de prévenir toute inconduite ou, de façon plus positive, de veiller à promouvoir la bonne conduite.  C’est au moyen de la discipline que les Forces armées s’assurent que leurs membres rempliront leurs missions avec succès, en toute confiance et fiabilité.

                                                                                                                                             

 


[3]                    Comme le déclare le major Jean-Bruno Cloutier dans sa thèse intitulée

Lutilisation de larticle 129 de la Loi sur la défense nationale dans le système de justice militaire canadien:

 

« En bout de ligne, pour promouvoir au maximum les chances de succès de la mission, la chaîne de commandement doit être en mesure d'administrer la discipline afin de contrôler les inconduites qui mettent en péril le bon ordre, l'efficacité militaire et finalement la raison d'être de l'organisation, la sécurité nationale. »

 

Le système de justice militaire voit aussi au maintien de l’ordre public et s’assure que les personnes justiciables du code de discipline militaire sont punies de la même façon que toute autre personne vivant au Canada.

 

[4]                    Il est reconnu depuis longtemps que le but d’un système de tribunaux ou

de justice militaire distincts est de permettre aux Forces canadiennes de s’occuper des questions qui touchent au code de discipline militaire et au maintien de l’efficacité et du moral des troupes.  Cela dit, toute peine infligée par un tribunal, qu’il soit civil ou militaire, doit être la moindre possible dans les circonstances.  Ce principe est conforme au devoir du tribunal d’infliger une peine proportionnée à la gravité de l’infraction et aux antécédents du contrevenant, comme le prévoit l'alinéa 112.48(2)b) des ORFC.

 

[5]                    La cour a pris en considération les recommandations respectives des

avocats en fonction des faits pertinents, tels qu’ils se dégagent du sommaire des circonstances, et de leur importance.  Elle a également examiné ces recommandations en fonction des principes de la détermination de la peine, notamment ceux qui sont énoncés aux articles 718, 718.1 et 718.2 du Code criminel dans la mesure où ils ne sont pas incompatibles avec le régime des peines prévu sous le régime de la Loi sur la défense nationale.  Ces principes sont les suivants :

 

premièrement, la protection du public et le public comprend, en l’occurrence, les intérêts des Forces canadiennes ;

 

deuxièmement, la punition du contrevenant ;

 

troisièmement, l’effet dissuasif de la peine non seulement sur le contrevenant, mais aussi sur toute personne qui pourrait être tentée de commettre de telles infractions ; et

 

quatrièmement, la réhabilitation et la réinsertion du contrevenant. 

 

Le tribunal a également tenu compte des arguments avancés par les avocats, notamment la jurisprudence qu’ils ont produits et les documents qu’ils ont déposés en preuve.

 


[6]                    La cour convient avec le procureur de la poursuite que la nécessité de

protéger le public exige d’infliger une peine qui met l’accent sur l’effet dissuasif spécifique et aussi général.  Il est important de retenir que l’effet dissuasif général implique que la peine infligée devrait non seulement dissuader le contrevenant de récidiver mais aussi dissuader toute autre personne qui se trouve dans une situation analogue de se livrer aux mêmes actes illicites.  En l’espèce, la cour est saisie d’une infraction de voies de fait commise dans un contexte de travail à l’égard de l’un de vos collègues.  Il s’agit d’une infraction sérieuse dans les circonstances, mais la cour a l’intention d’infliger ce qu’elle considère être la peine minimale applicable dans les circonstances.  Pour en arriver à ce qu’elle croit être une peine juste et appropriée, la cour a également pris en compte les circonstances aggravantes et les circonstances atténuantes suivantes.

 

[7]                    La cour considère comme aggravants les facteurs suivants :

 

Premièrement, la gravité objective de l’infraction.  Caporal Foster, vous avez été trouvé coupable d’une infraction aux termes de l’article 130 de la Loi sur la Défense nationale, pour vous être livré à des voies de fait sur un de vos collègues de travail contrairement à l’article 266 du Code criminel.  Cette infraction comporte un emprisonnement maximal de cinq ans ou une peine moindre.  Il s’agit d’une infraction objectivement grave.

 

Deuxièmement, la gravité subjective de l’infraction.  Dans les circonstances, vous vous deviez d’agir avec respect en tout temps à l’égard de vos collègues de travail.  Tel que clairement exprimé par votre commandant, le lieutenant-colonel Comtois, votre contexte de travail exige un esprit de corps, une harmonie et une confiance entre les membres de l’équipe suffisants pour permettre à tous ceux qui sont impliqués dans l’utilisation d’un aéronef d’agir de manière à ce qu’ils ne se demandent pas constamment si leur vie ou leur sécurité est en danger.

 

Troisièmement, votre expérience, autant à titre de technicien que de militaire, aurait dû vous indiquer clairement qu’un tel comportement sur les lieux de votre travail était tout à fait inapproprié dans les circonstances.  Particulièrement, le type d’environnement de travail dans lequel vous étiez aurait dû être un élément dissuasif à votre égard, surtout en ce qui concerne la sécurité.  Vous avez fait preuve d’insouciance et d’un manque total de jugement.  Le fait de régler des problèmes avec d’autres collègues en commettant des voies de fait sur les lieux de son travail est, à tout le moins, totalement inapproprié.  Dans le cadre de la résolution d’un conflit, il y a lieu d’abord de garder son calme, ce que vous avez clairement omis de faire.

 

[8]                    La cour considère comme atténuants les facteurs suivants :


a.     Par votre plaidoyer de culpabilité, vous témoignez manifestement de vos remords et de votre sincérité dans votre intention de continuer à représenter un actif très solide pour les Forces canadiennes et la société canadienne.  La cour ne voudrait en aucune façon compromettre vos chances de succès car la réhabilitation constitue toujours un élément clé dans la détermination de la peine de quelqu’un.

 

b.    Le fait que vous n’ayez aucune fiche de conduite ni de dossier criminel pour des infractions comparables.

 

c.    L’absence de préméditation concernant le geste que vous avez commis.

 

d.    Les faits et les circonstances de l’espèce, notamment le fait que votre geste n’a pas eu de conséquences fâcheuses à l’égard du caporal Deschamps.  Soyons clair, le geste que vous avez commis à son égard a eu aussi des conséquences potentielles sur le matériel.  Cependant, ce n’est pas ce dont la cour est saisie aujourd’hui.  Vous avez plaidé coupable à une infraction relative à un geste concernant l’intégrité physique d’une personne, et les conséquences matérielles visant l’aéronef doivent faire l’objet d’un traitement séparé dans le cadre d’une accusation différente, ce dont la cour n’est pas saisie aujourd’hui.  Ainsi, la cour n’accorde aucune pertinence particulière à la preuve présentée sur la question du bris potentiel et du traitement dont à fait l’objet le stabilisateur du F-18.  Par contre, la cour tient compte du fait que votre environnement de travail devait demeurer sécuritaire par votre comportement en raison de la nature du travail qui y était fait.

 

e.    Le fait d’avoir eu à faire face à cette cour martiale en présence de plusieurs de vos collègues et de certains de vos pairs a certainement eu un effet dissuasif très important sur vous et sur eux.  Le message est que ce genre de conduite dans ce type de milieu de travail ne sera pas toléré et qu’il sera réprimé en conséquence.  Dans le contexte de la preuve entendue par cette cour, elle demeure convaincue que vous ne devriez pas vous retrouver devant un autre tribunal pour une infraction du même genre ou de tout autre genre dans le futur.

 


f.    Le fait que votre geste ait constitué un facteur contributeur au fait de vous retirer de votre emploi principal de technicien afin d’être ré-affecté à des tâches différentes.  Sur ce point, la cour tient à clarifier ceci :  le processus disciplinaire ne peut être l’écho du processus administratif et n’a pas à tenir compte nécessairement des mesures administratives considérées par la chaîne de commandement pour le caporal Foster.  En l’absence de détails précis quant à cet aspect de la preuve, la cour ne peut présumer que les mesures administratives dont le caporal Foster a fait ou fera l’objet ont un lien et un impact direct avec l’incident du 26 mai 2006.  D’ailleurs, il apparaît clairement du témoignage de votre commandant que les mesures administratives ratissent beaucoup plus large que l’incident dont il est question devant cette cour.  Cependant, il est aussi clair que malgré cet incident, votre commandant est prêt à envisager le fait de vous réinsérer dans une position dans laquelle vous pourrez exercer pleinement le métier pour lequel vous avez été formé, soit celui de technicien en cellule d’aéronef.

 

[9]                    En dernier lieu, j’aimerais souligner le fait, caporal Foster, que vous

devrez continuer à apprendre à contrôler votre tempérament, particulièrement en milieu de travail, si vous voulez garder la confiance de vos pairs et de vos supérieurs.  Je suis certain que l’expérience que vous venez de vivre vous permettra pleinement de réfléchir sur ce sujet et je suis aussi certain que vous saurez en tirer les leçons appropriées.

 

[10]                  Une peine équitable et juste devrait tenir compte de la gravité de

l’infraction et de la responsabilité du contrevenant dans le contexte précis de l’espèce.  Caporal Foster, levez-vous s’il vous plaît.  La cour vous condamne donc à une amende de 500 $.  Si, pour une raison ou une autre, vous étiez libéré des Forces canadiennes avant d’avoir fini de payer cette amende, le montant total ou le montant restant qui est impayé devra être versé avant votre libération.

 

                                                                      

 

 

                                               LE LIEUTENANT-COLONEL L.-V. D'AUTEUIL, J.M.

 

Avocats :

 

Le capitaine de corvette M. Raymond, Procureur militaire régional, Région de l’Est

Avocat pour la poursuivante

 

Maître Charles Cantin, 2456 St-Dominique, Jonquière, Québec

Avocat du caporal Foster

 

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