Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l'ouverture du procès : 21 mars 2012

Endroit : École des langues des Forces canadiennes, 670 rue Lampson, Esquimalt (CB)

Chefs d'accusation

Chefs d’accusation 1, 2 : Art. 129 LDN, comportement préjudiciable au bon ordre et à la discipline.

Résultats
•VERDICTS : Chefs d’accusation 1,2 : Coupable.
•SENTENCE : Une réprimande et une amende au montant de 1000$.

Contenu de la décision

 

COUR MARTIALE

 

Référence :  R c Rayment, 2012 CM 1003

 

Date :  20120321

Dossier :  201165

 

Cour martiale permanente

 

Base des Forces canadiennes Esquimalt

Esquimalt (Colombie‑Britannique), Canada

 

Entre : 

 

Sa Majesté la Reine

 

- et -

 

Maître de 2e classe K.D. Rayment, contrevenant

 

 

En présence du Colonel M. Dutil, J.C.M.

 


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DE LA SENTENCE

 

(Prononcés de vive voix)

 

[1]        Le Maître de 2e classe Rayment a reconnu sa culpabilité pour les deux chefs d’accusation portés en vertu de l’article 129 de la Loi sur la défense nationale pour conduite préjudiciable au bon ordre et à la discipline. Les accusations énoncent ce qui suit :

              [traduction]

a)         PREMIER CHEF D’ACCUSATION, CONDUITE PRÉJUDICIABLE AU BON ORDRE ET À LA DISCIPLINE : Le 28 septembre 2011, ou vers cette date, à l’aérodrome de Kandahar, Province de Kandahar, République islamique d’Afghanistan, l’accusé a touché le Caporal Goodwin J.A., contrairement à la Directive et ordonnance administrative de la Défense  5012-0;

 

b)         DEUXIÈME CHEF D’ACCUSATION, CONDUITE PRÉJUDICIABLE AU BON ORDRE ET À LA DISCIPLINE : Le 5 octobre 2011, ou vers cette date, à l’aérodrome de Kandahar, Province de Kandahar, République islamique d’Afghanistan, l’accusé a dit au Caporal Goodwin J.A. « Tu suces bien » ou d’autres propos semblables, contrairement à la Directive et ordonnance administrative de la Défense 5012-0.

 

[2]        La cour doit maintenant déterminer et prononcer une sentence qu’elle estime indiquée, équitable, juste, et qui permettra de maintenir la discipline. 

 

[3]        Les avocats de la poursuite et de la défense ont présenté une recommandation conjointe au sujet de la peine. Ils ont recommandé que le Maître de 2e classe soit condamné à une réprimande et à une amende de 1 000 $, payable en deux versements égaux de 500 $. Les avocats ont présenté à l’appui de leur recommandation un recueil de jurisprudence et de doctrine comprenant des décisions récentes au sujet du harcèlement en milieu de travail. Ils affirment que la sentence recommandée se situe à l’intérieur du spectre des peines infligées dans des affaires semblables. Il est généralement reconnu que la cour n’est pas liée par une recommandation conjointe, mais qu’elle ne devrait l’écarter que si la recommandation est contraire à l’intérêt public et que la peine proposée est susceptible de déconsidérer l’administration de la justice.

 

[4]        Dans le cadre de la détermination de la peine d’un contrevenant aux termes du Code de discipline militaire, la Cour d’appel de la cour martiale a expressément déclaré qu’une cour martiale devrait tenir compte des principes et objectifs appropriés en matière de détermination de la peine, notamment de ceux qui sont énoncés aux articles 718.1 et 718.2 du Code criminel.    

 

[5]        L’objectif fondamental du prononcé d’une sentence en cour martiale est de contribuer au respect de la loi et au maintien de la discipline militaire par l’imposition de peines qui répondent à un ou plusieurs des objectifs suivants : la protection du public, y compris l’intérêt des Forces canadiennes, la réprobation de la conduite illicite, l’effet dissuasif de la peine, non seulement pour le contrevenant, mais aussi pour quiconque pourrait être tenté de commettre de telles infractions et, enfin, la réadaptation du contrevenant.

 

[6]        La peine doit également tenir compte des principes suivants : elle doit être proportionnelle à la gravité de l’infraction, elle tient compte des antécédents du contrevenant et de son degré de responsabilité, et elle devrait être semblable aux peines qui sont infligées à des contrevenants semblables pour des infractions semblables commises dans des circonstances semblables. La cour doit aussi respecter le principe selon lequel un contrevenant ne devrait pas être privé de liberté lorsque les circonstances se prêtent à l’imposition des peines moins restrictives. Autrement dit, une peine d’emprisonnement devrait être appliquée en dernier ressort. Enfin, la peine devrait être adaptée aux circonstances aggravantes ou atténuantes liées à la perpétration de l’infraction ou à la situation du contrevenant. Toutefois, la cour doit faire preuve de retenue lorsqu’elle prononce la sentence, en infligeant la peine la moins sévère pour maintenir la discipline.

 

[7]        Les faits entourant les infractions commises révèlent que le 15 novembre 2010, le Maître de 2e classe Rayment a été affecté à la compagnie d’approvisionnement, Unité de clôture de la mission de la Force opérationnelle de transition de la mission, et déployé, le 9 mai 2011, à l’aérodrome de Kandahar. Dans le cadre de ses fonctions secondaires pour l’Unité de clôture de la mission, le Maître de 2e classe Rayment a été nommé conseiller en relations de travail. Il connaissait donc bien la Directive et ordonnance administrative de la Défense 5012-0, Prévention et résolution du harcèlement. Le 22 septembre 2011, le Maître de 2e classe Rayment a été désigné membre de l’équipe de gestion des conteneurs maritimes. Le 28 septembre 2011, l’équipe a emménagé dans de nouveaux locaux. Le Maître de 2e classe Rayment a déplacé son bureau à côté du bureau d’une militaire du rang qui était sa subalterne immédiate. Il s’est dirigé vers elle, a posé sa main sur son cou, l’a caressée et a dit « J’ai l’occasion de le faire tous les jours maintenant que nous sommes dans le même bureau ». Elle a repoussé le Maître de 2e classe Rayment et lui a dit de ne plus la toucher. Le matin du 5 octobre 2011, la victime passait près de son bureau. Elle buvait du jus d’une boîte et poussait un chariot à deux roues. Le Maître de 2e classe Rayment lui a dit qu’elle le faisait bien. Elle lui a demandé s’il voulait dire boire du jus de pommes. Le Maître de 2e classe Rayment a répondu « Non, sucer ». Elle a demandé « Maintenant, je suce? » et le Maître de 2e classe Rayment a répondu « Non, tu suces bien ». La victime a compris qu’il s’agissait des propos de nature sexuelle.

 

[8]        Les facteurs aggravants en l’espèce se résument ainsi :

 

a)        Vous étiez dans une position de confiance et d’autorité par rapport à la victime de votre harcèlement. Vous étiez non  seulement son supérieur, mais aussi le conseiller en relations de travail responsable de prévenir le harcèlement en milieu de travail et de garantir un milieu de travail exempt de harcèlement;

 

b)                  Vous êtes un militaire du rang expérimenté et comptez plus de 27 années de service au cours desquelles vous avez été déployé dans une multitude de milieux hostiles ou autrement difficiles. Il n’y a pas de doute que vous étiez conscient de l’importance de promouvoir un milieu de travail exempt de harcèlement, particulièrement dans le cadre des opérations de déploiement où l’efficacité, la cohésion d’équipe, le moral et le respect mutuel sont si importants;

 

c)                  La personne reconnue coupable d’une infraction en vertu de l’article 129 de la Loi sur la défense nationale est passible de destitution ignominieuse du service de Sa Majesté. Il s’agit d’une infraction objectivement grave. Toutefois, il convient de noter que les faits entourant la perpétration de l’infraction ou des infractions se trouvent au niveau le plus bas de l’échelle de la gravité pour des affaires semblables, mais que ce comportement inopportun n’a aucune excuse;

 

d)           Enfin, le fait que le harcèlement a eu lieu dans un environnement   

                        militaire en déploiement.

 

[9]        Toutefois, il y a des facteurs atténuants importants en l’espèce :

 

a)                  Premièrement, vous avez plaidé coupable aux chefs d’accusation à la toute première occasion. La cour considère que cet aveu de culpabilité reflète des remords sincères et la pleine acceptation de la responsabilité;

 

b)            Deuxièmement, il ressort de vos états de service que vous avez servi plus de 27 années au sein des Forces canadiennes et que vous avez montré au fil des ans que vous êtes un membre exceptionnel, fiable et professionnel. La cour a examiné tous vos rapports d’appréciation du personnel depuis 2006 et conclut que votre inconduite constitue une erreur grave de jugement qui ne cadre pas avec votre réputation et votre comportement tout au long de votre carrière;

 

c)            Troisièmement, vous n’avez aucun dossier disciplinaire ni casier judiciaire;

 

d)           Quatrièmement, vous avez deux enfants et deux enfants de votre  

conjointe qui sont nés entre 1990 et 1994. Le document « Droits de solde » indique que vous versez une pension alimentaire mensuelle de

                        837 $.

 

[10]      La cour reconnaît avec les avocats que la présente affaire cadre avec l’éventail des peines imposées dans des affaires semblables. La peine proposée d’une réprimande et d’une amende de 1 000 $ ne s’écarte pas de la norme au point que son adoption par la cour serait contraire à l’intérêt public ou serait susceptible de déconsidérer l’administration de la justice. La peine proposée fera prévaloir les objectifs visés par les avocats, à savoir la réprobation ainsi que la dissuasion générale et individuelle. J’estime que la peine proposée contribuera à la réadaptation du Maître de 2e classe Rayment, qui sera stigmatisé pour son inconduite malgré ses états de service exceptionnels. La peine proposée respecte également le principe de l’harmonisation des peines.

 

POUR CES MOTIFS, LA COUR :

 

[11]      DÉCLARE le Maître de 2e classe Rayment coupable du premier et du deuxième chefs d’accusation de conduite préjudiciable au bon ordre et à la discipline, en vertu de l’article 129 de la Loi sur la défense nationale, contrairement à la Directive et ordonnance administrative de la Défense 5012-0, Prévention et résolution du harcèlement. 

 

[12]      Vous CONDAMNE à une réprimande et à une amende de 1 000 $, payable en deux versements mensuels égaux et consécutifs de 500 $, à partir du 15 avril 2012.

 


 

Avocats :

 

Capitaine de corvette S. Torani, Service canadien des poursuites militaires

Procureur de Sa Majesté la Reine

 

Capitaine de corvette B.G. Walden, Direction du service d’avocats de la défense

Avocat du Maître de 2e classe K.D. Rayment

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