Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l'ouverture du procès : 12 mars 2012

Endroit : BFC/USS Wainwright, Édifice 588, chemin Ordinance, Denwood (AB)

Chefs d'accusation
•Chefs d’accusation 1, 5, 7, 10 : Art. 130 LDN, possession de substances (art. 4(1) LRCDAS).
•Chefs d’accusation 2, 3, 11, 12 : Art. 129 LDN, comportement préjudiciable au bon ordre et à la discipline.
•Chefs d’accusation 4, 6 : Art. 130 LDN, trafic de substances (art. 5(1) LRCDAS).
•Chef d’accusation 8 : Art. 130 LDN, braquer une arme à feu (art. 87(1) C. cr.).
•Chef d’accusation 9 : Art. 130 LDN, production de substances (art. 7 LRCDAS)

Résultats
•VERDICTS : Chefs d’accusation 1, 2, 4, 5, 7, 9, 10, 11, 12 : Non coupable. Chefs d’accusation 3, 6, 8 : Coupable.
•SENTENCE : Emprisonnement pour une période de 60 jours.

Contenu de la décision

COUR MARTIALE

 

Référence : R c McKinnell, 2012 CM 1002

 

Date : 20120312

Dossier : 201109

 

Cour martiale permanente

 

Base des Forces canadiennes Wainwright

Denwood, Alberta, Canada

 

Entre :

 

Sa Majesté la Reine

 

- et -

 

Ex‑Soldat D. McKinnell, contrevenant

 

 

Devant : Le colonel M. Dutil, J.C.M.

 


 

TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE

 

MOTIFS DE LA SENTENCE

 

(Oralement)

 

[1]               L’ex‑soldat McKinnell a été accusé d’avoir commis 12 infractions. Il a reconnu sa culpabilité pour les trois infractions suivantes : d’abord, un chef de conduite préjudiciable au bon ordre et à la discipline, infraction punissable en vertu de l’article 129 de la Loi sur la défense nationale, pour usage de cannabis (marijuana), et prévue par l’article 20.04 des Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes; deuxièmement, un chef de trafic d’une substance inscrite à l’annexe II, à savoir le cannabis (marijuana), infraction punissable en vertu de l’article 130 de la Loi sur la défense nationale, et prévue par le paragraphe 5(1) de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances; et troisièmement, un chef portant sur le fait de braquer une arme à feu, infraction punissable en vertu de l’article 130 de la Loi sur la défense nationale, prévue par le paragraphe 87(1) du Code criminel. Le ministère public n’a pas produit de preuves pour les accusations restantes, et la cour a donc jugé l’ex‑soldat McKinnell non coupable des infractions correspondantes.

 

[2]               Il m’appartient maintenant de déterminer ce qui doit être une peine suffisante, équitable et juste. L’avocat du ministère public et celui de la défense ont présenté une communication conjointe sur la peine à imposer. Ils recommandent que l’ex‑soldat McKinnell soit condamné à une peine d’emprisonnement de 60 jours. Comme le contrevenant était déjà en période de probation et soumis à une ordonnance d’interdiction de possession d’armes rendue par la Cour provinciale de l’Alberta pour une infraction à l’alinéa 267a) du Code criminel, le ministère public prie la cour de rendre, conformément à l’article 147.1 de la Loi sur la défense nationale, une ordonnance semblable qui prorogerait indéfiniment la période d’interdiction de possession de l’un quelconque des articles à l’égard desquels le contrevenant était déjà soumis à une interdiction pour une période de 10 ans. La cour n’est pas liée par cette communication conjointe, mais il est généralement admis qu’une communication conjointe ne devrait être écartée que si elle est contraire à l’intérêt public et si la peine proposée est susceptible de déconsidérer l’administration de la justice.

 

[3]               Lorsqu’elle détermine la peine à imposer à un contrevenant aux termes du Code de discipline militaire, une cour martiale doit s’inspirer des objectifs et principes applicables, notamment de ceux qui sont énoncés aux articles 718.1 et 718.2 du Code criminel. En outre, lorsqu’une personne est déclarée coupable de trafic de drogue, l’article 10 de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances doit également être pris en compte par le juge qui impose la peine.

 

[4]               L’objectif premier du prononcé d’une sentence par une cour martiale est de favoriser le respect de la loi et la préservation de la discipline militaire, par l’imposition de peines qui répondent à l’un ou plusieurs des objectifs suivants : la protection du public, ce qui comprend l’intérêt des Forces canadiennes; la réprobation de la conduite répréhensible; l’effet dissuasif de la peine, non seulement pour le contrevenant, mais également pour quiconque serait tenté de commettre de telles infractions; enfin l’amendement et la réinsertion sociale du contrevenant. La peine imposée doit également prendre en compte les principes suivants. Elle doit être en rapport avec la gravité de l’infraction, la moralité antérieure du contrevenant et son degré de responsabilité; elle devrait correspondre aux peines imposées à des contrevenants similaires pour des infractions similaires commises dans des circonstances similaires. Le tribunal doit aussi respecter le principe selon lequel un contrevenant ne devrait pas être privé de liberté lorsque les circonstances se prêtent à l’imposition de peines moins restrictives. Autrement dit, les peines d’emprisonnement devraient être appliquées en dernier ressort. Finalement, la peine sera augmentée ou allégée pour tenir compte des circonstances aggravantes ou atténuantes se rapportant à l’infraction ou au contrevenant. Cependant, le tribunal doit agir avec mesure lorsqu’il prononce la sentence, en imposant la peine qui ne dépasse pas le minimum nécessaire pour préserver la discipline.

 

[5]               Les faits entourant les infractions commises révèlent que l’ex‑soldat McKinnell appartenait à la Force régulière et qu’il était affecté au Centre d’instruction du Secteur de l’Ouest de la Force terrestre (CI SOFT), à la Base des Forces canadiennes (BFC) Wainwright, en Alberta. Il s’était engagé comme soldat d’infanterie à la fin d’août 2008 et avait achevé, à la fin de novembre 2008, le cours professionnel – Niveau élémentaire. Il a été libéré des Forces canadiennes le 16 mai 2010 sous le motif de libération 2a), pour des raisons directement rattachées aux accusations portées devant la cour, et à la déclaration de culpabilité inscrite à la Cour provinciale de l’Alberta au titre d’une autre infraction commise au moyen d’une arme en 2009, pour laquelle il a été condamné en janvier 2010.

 

[6]               L’ex‑soldat McKinnell savait à la date de l’infraction qu’il ne lui était pas permis de faire usage d’une drogue quelconque à moins que l’usage de cette drogue ne soit autorisé conformément aux dispositions de l’article 20.04 des Ordonnances et règlements royaux.

 

[7]               Au début d’avril 2010, et à la suite d’une information obtenue à propos d’un autre membre des Forces canadiennes, le Service national des enquêtes des Forces canadiennes (SNEFC) a diligenté une enquête sur des activités liées à la drogue à la BFC Wainwright. À la suite de cette enquête, et après avoir obtenu le mandat de perquisition nécessaire, les enquêteurs ont saisi des appareils enregistreurs appartenant à l’ex‑soldat McKinnell, dans sa chambre, dans l’édifice 626. Plusieurs enregistrements vidéo ont été trouvés sur l’équipement qui fut saisi dans l’espace-lit de l’ex‑soldat McKinnell. Les enregistrements vidéo montraient plusieurs membres des Forces canadiennes se livrant à une diversité d’activités, notamment des activités liées à la drogue, à l’intérieur et aux alentours de la BFC Wainwright. On pouvait entendre la voix de l’ex‑soldat McKinnell dans bon nombre des vidéocassettes parce que c’était lui qui souvent se chargeait de faire fonctionner l’équipement. Cependant, plusieurs de ces vidéocassettes montraient l’ex‑soldat McKinnell faisant usage, ayant la possession ou faisant le trafic de substances réglementées, surtout de cannabis (marijuana).

 

[8]               Sur une vidéocassette enregistrée le 22 novembre 2009, on voit l’ex‑soldat McKinnell assis dans un camion, à la BFC Wainwright, avec un autre membre des Forces canadiennes. On le voit fumant une pipe de cannabis (marijuana) et aspirant la fumée, puis disant qu’il va ajouter un peu d’« herbe ».

 

[9]               Une autre vidéocassette enregistrée le 30 novembre 2009 montre l’ex‑soldat McKinnell assis sur une chaise, dans une chambrée de la BFC Wainwright, vêtu de son uniforme DCamC, avec un magazine sur les genoux. Un sac ziplock de marijuana repose sur le magazine. On voit l’ex‑soldat McKinnell roulant une cigarette de marijuana sur le magazine. Il dit : [TRADUCTION] « Vous me connaissez, moi le soldat McKinnell… Je me roule un joint ici. Je suis encore dans mon maudit uniforme, enfin dans une bonne partie de l’uniforme. Je n’ai pas mes bottes ». Puis la caméra descend vers ses pieds nus.

 

[10]           Une troisième vidéocassette enregistrée le 16 décembre 2009 montre l’ex‑soldat McKinnell en uniforme DCamC, assis dans un véhicule à la BFC Wainwright, avec un autre membre des Forces canadiennes. L’autre membre porte l’uniforme distinctif pour les trois éléments, appelé UDE. L’ex‑soldat McKinnell élève un sac de marijuana. Il place ensuite une petite quantité de marijuana dans une pipe, allume la pipe et fume la marijuana.

 

[11]           Dans une quatrième vidéocassette enregistrée le 1er mars 2010, on voit l’ex‑soldat McKinnell assis dans une voiture avec d’autres membres des Forces canadiennes. Il tient un sac ziplock de marijuana. Il prend une petite quantité de marijuana et la place sur le dessus d’une boîte d’aliments à emporter. On le voit ensuite rouler une cigarette de marijuana. Le véhicule est arrêté dans un champ à proximité de la BFC Wainwright. On voit tous les occupants sortir du véhicule. L’ex‑soldat McKinnell allume la cigarette, en tire deux ou trois bouffées et la tend à un autre membre des Forces canadiennes qui lui aussi en tire deux ou trois bouffées avant de rendre la cigarette à l’ex‑soldat McKinnell. La cigarette de marijuana ne pesait pas plus de 0,3 gramme.

 

[12]           Finalement, une dernière vidéocassette enregistrée le 2 mars 2010 montre l’ex‑soldat McKinnell tenant une arme à feu, un fusil militaire C7 des Forces canadiennes, dans une chambrée de la BFC Wainwright. On voit l’ex‑soldat Humphrey allongé sur le ventre, à même le sol, les mains reposant sur l’arrière de sa tête. Au signal donné par l’opérateur de la caméra vidéo, l’ex‑soldat McKinnell regarde la caméra et dit : [TRADUCTION] « Bon, eh bien… Je n’ai pas le droit de porter d’armes, durant 10 ans ». Il ramène alors vers l’arrière la poignée d’armement du fusil C7 et la relâche. La poignée d’armement passe en position de verrouillage, révélant ainsi la présence d’une culasse mobile. L’ex‑soldat McKinnell dit : [TRADUCTION] « Bon sang! » Il frappe alors le pousse-culasse, braque le fusil C7 sur la tête de l’ex‑soldat Humphrey et appuie sur la détente. On entend alors un clic. C’est la gâchette qui vient au contact du percuteur. L’ex‑soldat McKinnell ferme alors la fenêtre d’éjection, avance vers la caméra et, voyant la scène, dit : [TRADUCTION] « tout à fait contraire à la loi ». Il n’y a pas de chargeur dans le fusil C7 à ce moment-là.

 

[13]           Au cours de l’audience de détermination de la peine, des preuves ont été produites devant la cour, notamment le témoignage de l’ex‑soldat McKinnell. Hormis le fait que l’ex‑soldat McKinnell avait été libéré en mai 2010, près de deux ans avant le présent procès, la cour a été informée d’événements pertinents susceptibles d’aider la cour à établir la peine. La cour retient les faits suivants. Le 28 janvier 2009, la première phase de l’entraînement d’infanterie (cours PP1) de l’ex‑soldat McKinnell a été interrompue en raison d’une blessure à la cheville. Le 2 février 2009, il a demandé sa libération volontaire des Forces canadiennes, c’est-à-dire moins de six mois après son engagement. De mars à août 2009, il a souffert de divers maux et s’est présenté environ dix fois à la clinique médicale. Il a donc été déclaré, durant une bonne partie de cette période, soit « inapte à la tâche », soit « apte à des tâches légères uniquement ». Le 15 avril 2009, l’ex‑soldat McKinnell a retiré sa demande de libération et demandé un reclassement volontaire comme homme d’équipage dans les corps blindés. Le 17 septembre 2009, sa demande de reclassement volontaire, accompagnée d’une recommandation favorable, a été envoyée à Ottawa. Au début d’octobre 2009, ignorant que sa demande de reclassement volontaire avait été approuvée, il a présenté une nouvelle demande de libération volontaire.

 

[14]           Le 5 novembre 2009, il a été admis au Centre du Centenaire pour la santé mentale et les traumatismes crâniens, car il souffrait de dépression et avait des idées suicidaires. Durant son séjour au Centre, il a intégré des groupes psychoéducatifs et bénéficié d’une relation thérapeutique. Il a été libéré de ce Centre le 13 novembre 2009, muni d’une ordonnance lui prescrivant des antidépresseurs.

 

[15]           Le 23 novembre 2009, il fut impliqué dans l’incident du fusil à plombs qui conduira la Cour provinciale de l’Alberta à le reconnaître coupable le 21 janvier 2010 d’une infraction à l’alinéa 267a) du Code criminel, c’est-à-dire d’agression armée. Il a été condamné à un emprisonnement de 30 jours et soumis à une période de probation de douze mois. En outre, la Cour provinciale a rendu une ordonnance interdisant pour toujours à l’ex‑soldat McKinnell, alors délinquant primaire, de posséder des armes à feu prohibées, des armes à feu à autorisation restreinte, des armes prohibées, des dispositifs prohibés et des munitions prohibées, et lui interdisant durant 10 ans de posséder d’autres armes à feu, armes à autorisation restreinte, arbalètes, munitions et substances explosives. La Cour provinciale a aussi ordonné le prélèvement d’un échantillon d’ADN.

 

[16]           Le 4 décembre 2009, il a rencontré le conseiller en alcoolisme et toxicomanie de la base et a été évalué au regard de ses problèmes de toxicomanie et de santé mentale. Le conseiller a constaté chez lui un risque élevé de troubles pour cause de toxicomanie, et plusieurs traitements ont été discutés. Il fut convenu que l’ex‑soldat McKinnell se joindrait à un groupe de la base fondé sur l’effort collectif et qu’il parlerait avec ses parents, durant le congé de Noël, d’un programme de traitement en établissement. Le 9 décembre 2009, l’ex‑soldat McKinnell, déprimé à l’approche de sa comparution devant la Cour provinciale de l’Alberta, fixée au 17 décembre, a bénéficié à nouveau d’une relation thérapeutique.

 

[17]           Le 20 janvier 2010, le QGDN à Ottawa a ordonné à l’unité de l’ex‑soldat McKinnell de le soumettre à une évaluation pour une possible pharmacodépendance. Un mois plus tard, on lui a signifié, aux termes du motif de libération 2a), un avis d’intention de recommander sa libération, ce à quoi il ne s’est pas opposé. Son commandant a envoyé sa recommandation de libération à Ottawa le lendemain. Le jour suivant, l’ex‑soldat McKinnell, qui souffrait encore de dépression, a été examiné par les services de santé mentale. Un rendez-vous avec un médecin serait pris pour nouvelle évaluation.

 

[18]           Le 4 mars 2010, le commandant a envoyé l’ex‑soldat McKinnell subir une expertise pour vérifier s’il était pharmacodépendant. Le 8 mars 2010, après l’expertise, les restrictions médicales suivantes lui ont été imposées au chapitre de ses activités : inapte à posséder une arme quelconque; inapte à conduire des véhicules du MDN; inapte à superviser un personnel; inapte à travailler dans un environnement dangereux; et inapte à occuper un poste de responsabilité. Le 11 mars 2010, l’ex‑soldat McKinnell a signé l’« autorisation de communication de l’examen administratif ». Le 9 avril 2010, un message du QGDN à Ottawa confirmait l’approbation d’une libération selon le motif de libération 2a), l’autorité approbatrice ayant conclu que l’ex‑soldat McKinnell avait contrevenu à la politique des FC en matière de drogues. Le 13 avril 2010, un rapport du personnel médical précisait que l’ex‑soldat McKinnell attendait encore sa libération et que sa consommation de drogues avait empiré. Le 19 avril 2010, le conseiller en alcoolisme et toxicomanie de la base signalait que [TRADUCTION] « un programme de traitement en établissement pour l’ex‑soldat McKinnell serait dans l’intérêt de celui-ci, mais sa hiérarchie n’y acquiesce pas ». Le 29 avril 2010, l’ex‑soldat McKinnell fut affecté à la 17e Escadre Winnipeg, où il est demeuré jusqu’à sa libération le 16 mai 2010.

 

[19]           Les enquêteurs ont arrêté l’ex‑soldat McKinnell le 24 avril 2010, et il a été relâché quatre jours plus tard. Le 25 avril 2010, il a volontairement participé à une entrevue avec les enquêteurs après avoir été informé de ses droits selon la Charte et avoir été mis en garde. Il a donné une description franche des activités d’usage de drogue qui avaient eu lieu dans l’édifice 626 et a volontiers reconnu son propre rôle dans lesdites activités. Il était visiblement en grand désarroi à certains moments de l’entrevue. Il a dit aux enquêteurs qu’il avait commencé à fumer de la marijuana en avril 2009, sur les lieux de la BFC Wainwright et dans les environs. Sa consommation de marijuana avait débouché sur la consommation de diverses autres drogues illicites, ainsi que de médicaments d’ordonnance. L’ex‑soldat McKinnell a exprimé le désir de se faire soigner pour sa toxicomanie. Durant l’entrevue, l’enquêteur a fait observer que l’ex‑soldat McKinnell avait été à peine capable de marcher au moment de son arrestation et il a évoqué en outre les maux dont il souffrait en raison de sa consommation de drogues. Entre autres choses, on lui avait posé un cathéter pour régler ses problèmes urinaires la veille de son arrestation.

 

[20]           L’ex‑soldat McKinnell a témoigné que, depuis sa détention en avril 2010, il s’est totalement affranchi des drogues. Il a ajouté qu’il n’aime pas boire d’alcool. Selon lui, il est venu entièrement à bout de ses démons. Durant son témoignage, il a précisé qu’il éprouve du remords pour son inconduite et pour les ennuis qu’il a causés à autrui, notamment à ses supérieurs immédiats. Il n’a pas encore d’emploi permanent, mais il croit qu’il devrait pouvoir en trouver un après avoir purgé sa peine.

 

[21]           La Cour d’appel de la cour martiale et de nombreuses cours martiales ont constamment jugé que la consommation et le trafic de drogues sont plus graves au sein de l’armée, en raison de la nature même des obligations et responsabilités de tout membre des FC, qui sont d’assurer la sécurité et la défense de notre pays et de nos concitoyens. Le milieu militaire ne saurait tolérer des entorses à sa politique rigoureuse et bien établie qui interdit l’usage de drogues illicites. Dans l’arrêt Lee c. La Reine, 2010 CACM 5, rendu le 22 avril 2010, le juge O'Reilly, s’exprimant pour la Cour, rappelait, aux paragraphes 26 et 27, les principes applicables de détermination de la peine dans un contexte militaire pour des infractions de trafic de drogues :

 

[26] Il est clair que le trafic de stupéfiants au sein des forces militaires est une infraction grave et que les déclarations de culpabilité entraînent habituellement des peines d'emprisonnement. Quand vient le temps de déterminer la peine appropriée, le principal objectif est d'en dissuader d'autres à commettre la même infraction. Comme l'a déclaré la Cour dans Dominie  c. La Reine, 2002 CACM 8, « [l]orsqu’il s’agit de militaires, la dissuasion exige clairement la pleine conscience qu’ils seront emprisonnés s’ils font le trafic du crack sur une base militaire » (paragraphe 5).

 

[27] La même préoccupation a été exprimée dans une affaire où l'accusé avait commis une seule infraction de trafic d'une faible quantité de cocaïne (Taylor c. La Reine, 2008 CACM 1). La Cour a maintenu la peine de 40 jours d'emprisonnement imposée par le juge militaire. Ce dernier avait justifié la peine en signalant que « l'usage et le trafic de drogues constituent une menace directe à l'efficacité opérationnelle de nos forces ainsi qu'à la sécurité de notre personnel et de notre équipement » (paragraphe 27).

 

[22]           Il ne fait aucun doute que la peine à imposer à un contrevenant pour trafic de drogues doit mettre en évidence le principe de réprobation du comportement et celui du châtiment du contrevenant, de même que le principe de dissuasion générale et individuelle. Le fait qu’un contrevenant militaire a été administrativement libéré des Forces canadiennes avant son procès en cour martiale pour trafic de drogues ne diminue pas l’importance de protéger le public tout entier par la préservation d’une société juste, paisible et sûre. Il n’en va pas autrement des infractions liées aux armes.

 

[23]           Les circonstances aggravantes, dans la présente affaire, peuvent être résumées ainsi :

 

a.                   Le fait que vous êtes récidiviste dans l’utilisation malavisée d’une arme et que vous étiez en période de probation, de même que soumis à une ordonnance d’interdiction de possession d’armes à la date de l’infraction consistant à braquer une arme, à savoir votre fusil militaire C7. Comme l’indiquent les circonstances portées à l’attention de la cour, vous avez braqué une arme à feu sur le soldat Humphrey dans un geste de provocation et de mépris flagrant de la loi et de notre système de justice. Non seulement est-ce là une grave infraction en soi, mais votre désinvolture a atteint le plus haut niveau possible parce qu’elle était la triste démonstration d’une totale irrévérence envers nos institutions démocratiques, et le signe évident que vous ne preniez pas au sérieux le fait que vous aviez déjà été reconnu coupable.

 

b.                  La gravité objective de l’infraction pour laquelle vous avez enregistré un plaidoyer de culpabilité. Une personne reconnue coupable d’une infraction à l’article 129 de la Loi sur la défense nationale est passible de destitution ignominieuse du service de Sa Majesté. Une personne reconnue coupable de trafic de cannabis (marijuana), infraction prévue par le paragraphe 5(1) de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, est passible de l’emprisonnement à perpétuité, mais cette peine est ramenée à cinq ans moins un jour si la quantité concernée n’excède pas trois kilogrammes, comme c’est le cas ici. Finalement, une personne reconnue coupable d’avoir braqué une arme à feu, infraction prévue par le paragraphe 87(1) du Code criminel, est passible d’un emprisonnement de cinq ans. Ces infractions sont toutes des infractions graves.

 

c.                   Les circonstances entourant la perpétration des infractions liées à la consommation et au trafic de substances illicites. Votre consommation de drogues s’est manifestée à de nombreuses reprises, et avec d’autres soldats, à l’intérieur ou à proximité d’un établissement de défense. S’agissant du trafic de cannabis (marijuana), le trafic social a eu lieu dans le secteur de la BFC Wainwright, et il concernait aussi un autre soldat.

 

Il y a cependant d’importantes circonstances atténuantes dans la présente affaire :

 

a.                   Vous avez, dans les plus brefs délais, plaidé coupable des troisième, sixième et huitième infractions. La cour considère cet aveu complet de culpabilité comme l’expression sincère d’un remords et comme une pleine admission de responsabilité de votre inconduite, en particulier compte tenu de votre témoignage, au cours duquel vous avez également présenté des excuses à ceux qui, vous le savez maintenant, ont pâti de votre inconduite. Je dois dire que, sans votre témoignage, la cour n’est pas persuadée que le plaidoyer de culpabilité aurait eu un poids aussi appréciable dans le contexte actuel.

 

b.                  Le passage du temps. Les charges initiales ont été déposées il y a plus de deux ans, et par inculpation directe la dernière fois en février 2011. Cette affaire aurait dû être jugée avec plus de célérité. Cependant, vous avez déclaré que vous comptiez que lesdites charges s’éteindraient d’elles‑mêmes.

 

c.                   Vous êtes encore très jeune, un jeune adulte. La réinsertion sociale semble bien engagée, et je dois ajouter que vous devriez savoir que votre dossier doit être exempt de toute nouvelle inscription et, quand je dis « dossier », je veux dire « casier judiciaire », le fait que votre casier doit être exempt de toute nouvelle inscription dans l’avenir à moins que vous ne souhaitiez que le système de justice perde confiance dans votre potentiel de réinsertion. J’espère, et je suis sûr, que votre avocat a eu une longue discussion avec vous et qu’il vous a dit que c’est là votre dernière chance. J’espère que vous comprenez que la clémence pourrait vous demander des comptes si vous avez à nouveau maille à partir avec le système de justice.

 

d.                  Et enfin le fait que, évidemment, vous avez été libéré des Forces canadiennes en mai 2010, en grande partie à cause des événements qui ont mené aux charges portées contre vous.

 

[24]           La cour reconnaît avec les avocats que la présente affaire cadre avec l’éventail des peines imposées dans des affaires semblables. La peine proposée d’emprisonnement durant une période de 60 jours ne s’écarte pas de la norme au point que son adoption par la cour serait contraire à l’intérêt public ou serait susceptible de déconsidérer l’administration de la justice. Évidemment, tous les précédents qui ont été portés à l’attention de la cour par le ministère public étaient pertinents, et je crois comprendre qu’ils ont également été soumis à la cour avec l’assentiment de la défense, d’autant que votre avocat lui-même avait occupé dans nombre de ces précédents. La cour est d’avis que la peine proposée fera prévaloir les objectifs de réprobation, de dissuasion générale et individuelle et de réadaptation.

 

[25]           L’avocat du ministère public a prié la cour de rendre une ordonnance vous interdisant de posséder des armes, en application de l’article 147.1 de la Loi sur la défense nationale. Il convient de noter que la disposition correspondante, à savoir l’alinéa 109(1)c) du Code criminel, qui traite des ordonnances d’interdiction de possession d’armes, rendrait obligatoire telle ordonnance dans des circonstances semblables. Particulièrement notable, dans la présente affaire, est le fait que vous étiez déjà soumis à une ordonnance vous interdisant en permanence d’avoir en votre possession des armes à feu prohibées, des armes à autorisation restreinte, des armes prohibées, des dispositifs prohibés et des munitions prohibées; et soumis à une ordonnance vous interdisant durant 10 ans d’avoir en votre possession d’autres armes à feu, armes à autorisation restreinte, arbalètes, munitions et substances explosives. Malgré ladite ordonnance, vous avez braqué une arme à feu sur un autre soldat et fait une vidéocassette de votre conduite pour montrer que vous faisiez fi de l’ordonnance judiciaire rendue à votre encontre. Il ne fait aucun doute que, dans ces conditions, la cour juge maintenant souhaitable, dans l’intérêt de la sécurité de toute autre personne, de vous interdire à jamais la possession d’une arme à feu, d’une arme à autorisation restreinte, d’une arbalète, de munitions, et d’une substance explosive.

 

[26]           Puisqu’il vous a été ordonné de vous soumettre à un prélèvement d’échantillons de substances corporelles aux fins d’empreintes génétiques lorsque la Cour provinciale de l’Alberta vous a reconnu coupable en janvier 2010, la cour conclut qu’il ne serait guère utile pour le système de justice de vous soumettre à une ordonnance semblable aujourd’hui. Je n’ordonnerai pas l’analyse d’empreintes génétiques dont il est question au paragraphe 196.14(3) de la Loi sur la défense nationale.

 

 

POUR CES MOTIFS, LA COUR :

 

[27]           VOUS DÉCLARE, ex‑soldat McKinnell, coupable de conduite préjudiciable au bon ordre et à la discipline, selon l’article 129 de la Loi sur la défense nationale, pour consommation de cannabis (marijuana), une infraction prévue par l’article 20.04 des Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes; coupable de trafic d’une substance inscrite à l’annexe II, à savoir le cannabis (marijuana), infraction punissable en vertu de l’article 130 de la Loi sur la défense nationale et prévue par le paragraphe 5(1) de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances; et coupable d’avoir braqué une arme à feu, infraction punissable en vertu de l’article 130 de la Loi sur la défense nationale et prévue par le paragraphe 87(1) du Code criminel.

 

[28]           VOUS CONDAMNE à un emprisonnement d’une durée de 60 jours.

 

[29]           VOUS INTERDIT à jamais de posséder une arme à feu, une arbalète, une arme prohibée, une arme à autorisation restreinte, un dispositif prohibé, des munitions, des munitions prohibées ou des substances explosives, ou autres choses semblables, aux termes de l’article 147.1 de la Loi sur la défense nationale.

 


 

Avocats :

 

Le capitaine de corvette S. Leonard, Service canadien des poursuites militaires,

Avocat de Sa Majesté la Reine

 

Me Denis Couture

Avocat de l’ex‑soldat D. McKinnell

 

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