Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l'ouverture du procès : 28 février 2012

Endroit : Centre Asticou, bloc 2600, pièce 2601, 241 boulevard de la Cité-des-Jeunes, Gatineau (QC)

Chefs d'accusation
•Chef d’accusation 1 : Art. 129 LDN, négligence préjudiciable au bon ordre et à la discipline.

Résultats
•VERDICT : Chef d’accusation 1 : Coupable.
•SENTENCE : Une amende au montant de 1500$.

Contenu de la décision

COUR MARTIALE

 

Référence : R c Fortin, 2012 CM 1001

 

Date : 20120228

Dossier : 201202

 

Cour martiale permanente

 

Centre Asticou

Gatineau, Québec, Canada

 

Entre :

 

Sa Majesté la Reine

 

- et -

 

Lieutenant-colonel J.G. Fortin, contrevenant

 

 

Devant : Le colonel M. Dutil, J.C.M.

 


 

TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE

 

MOTIFS DE LA SENTENCE

 

(Oralement)

 

[1]        Le lieutenant‑colonel Fortin a plaidé coupable de négligence préjudiciable au bon ordre et à la discipline, aux termes de l’article 129 de la Loi sur la défense nationale, pour avoir négligé de manier d’une manière sécuritaire un pistolet 9 mm, comme il y était tenu, ce qui a entraîné la décharge d’une cartouche non éclatée. L’infraction a eu lieu à l’Aéroport international de Kaboul, en Afghanistan, et la cour doit maintenant prononcer dans la présente affaire une peine juste et suffisante.

 

[2]        L’avocat du ministère public et celui de la défense ont présenté une communication conjointe sur la peine à imposer. Ils recommandent que le lieutenant‑colonel Fortin soit condamné à une amende de 1 500 dollars. La cour n’est pas liée par cette communication conjointe, mais il est généralement admis qu’une communication conjointe ne devrait être écartée que si elle est contraire à l’intérêt public et si la peine proposée est susceptible de déconsidérer l’administration de la justice.

 

[3]        Lorsqu’elle détermine la peine à imposer à un contrevenant aux termes du Code de discipline militaire, une cour martiale doit s’inspirer des objectifs et principes applicables, notamment de ceux qui sont énoncés aux articles 718.1 et 718.2 du Code criminel. L’objectif premier du prononcé d’une sentence par une cour martiale est de favoriser le respect de la loi et la préservation de la discipline militaire, par l’imposition de peines qui répondent à l’un ou plusieurs des objectifs suivants : la protection du public, ce qui comprend l’intérêt des Forces canadiennes; la réprobation de la conduite répréhensible; l’effet dissuasif de la peine, non seulement pour le contrevenant, mais également pour quiconque serait tenté de commettre de telles infractions; enfin l’amendement et la réinsertion sociale du contrevenant.

 

[4]        La peine imposée doit également prendre en compte les principes suivants. Elle doit être en rapport avec la gravité de l’infraction, avec la moralité antérieure du contrevenant et avec son degré de responsabilité; elle devrait correspondre aux peines imposées à des contrevenants similaires pour des infractions similaires commises dans des circonstances similaires et, à ce propos, s’agissant du principe de proportionnalité, les avocats se sont fondés sur de récentes décisions de la cour martiale, à savoir Scagnatti et Patterson, pour appuyer leur recommandation conjointe. J’ajouterais qu’un tribunal doit respecter le principe selon lequel un contrevenant ne devrait pas être privé de liberté si les circonstances se prêtent à des peines moins restrictives. Ce principe n’intéresse pas la présente affaire. Finalement, la peine devrait être, ou sera, augmentée ou allégée pour tenir compte des circonstances aggravantes ou atténuantes se rapportant à l’infraction ou au contrevenant. Cependant, le tribunal doit agir avec mesure lorsqu’il prononce la sentence, en imposant la peine qui ne dépasse pas le minimum nécessaire pour préserver la discipline.

 

[5]        Les faits entourant la perpétration de cette infraction révèlent que, le 1er septembre 2011, le lieutenant‑colonel Fortin se trouvait à l’Aéroport international de Kaboul, en Afghanistan. À cet endroit, il s’est vu remettre par un caporal un sac de paquetage contenant du matériel tactique individuel. Le sac contenait, entre autres, un fusil C7 démonté, un pistolet 9 mm, des chargeurs garnis et une veste pare-éclats. Un chargeur 9 mm garni avait déjà été inséré dans le pistolet 9 mm. La pratique suivie dans la zone d’opérations à cette date était d’insérer un chargeur garni dans les pistolets 9 mm des sacs de paquetage. Cette pratique a depuis été abandonnée suite à l’incident qui a conduit à l’accusation soumise à la cour. Alors que le contrevenant inspectait et assemblait le contenu du sac avec deux soldats, il s’est saisi du pistolet 9 mm. Comme il voulait démonter le pistolet pour s’assurer que le principal guide de ressort avait été installé correctement, le lieutenant‑colonel Fortin a d’abord tiré la glissière vers l’arrière. Il a alors soudainement décidé de procéder à un déchargement de l’arme. Il a fait avancer la glissière et appuyé sur la détente, entraînant la décharge d’une cartouche non éclatée du pistolet 9 mm. S’il avait observé la bonne méthode de maniement, le lieutenant‑colonel Fortin aurait retiré le chargeur, puis tiré la glissière vers l’arrière, regardé au travers de l’ouverture de la glissière et vérifié s’il y avait dans le chargeur une cartouche non éclatée.

 

[6]        Un coup a donc été tiré sur le sol juste devant le lieutenant‑colonel Fortin. Aucune des personnes présentes n’a été blessée par le projectile. Il leur a immédiatement présenté ses excuses. Le même jour, il s’est présenté au détachement local de la police militaire pour y faire une déclaration volontaire. La police militaire a refusé de prendre sa déclaration car elle n’était pas arrivée à ce stade dans son enquête sur l’incident. Le lieutenant‑colonel Fortin a signalé par courriel l’incident à la hiérarchie de sa zone d’opérations, ainsi qu’à son commandant à son retour en Norvège. Il a accepté la pleine responsabilité de l’incident. Il s’est offert à rencontrer en personne le commandant de la zone d’opérations et il a présenté ses excuses pour l’incident. La police militaire s’est réunie avec lui le 4 septembre 2011 et il lui a expliqué les détails de l’incident. Il était qualifié pour manier le pistolet 9 mm et il avait bénéficié d’une remise à niveau dans le maniement du pistolet en novembre 2010. Après une inspection en règle, on a constaté que l’arme fonctionnait normalement.

 

[7]        Les circonstances aggravantes dans la présente affaire sont les suivantes :

 

a.   La gravité objective d’une infraction à l’article 129 de la Loi sur la défense nationale, une infraction punissable de destitution ignominieuse du service de Sa Majesté. Puisque la négligence se rapporte à la décharge d’une arme de service, il est normal de dire qu’il s’agit là habituellement d’une infraction grave. Heureusement, personne n’a été blessé suite au déchargement de l’arme.

 

b.   Le lieutenant‑colonel Fortin avait bénéficié d’une remise à niveau un peu avant son déploiement en Afghanistan. S’il avait observé la bonne procédure, l’incident aurait été évité.

 

[8]        Les circonstances atténuantes sont les suivantes :

 

a.   Le lieutenant‑colonel Fortin a reconnu sa pleine responsabilité immédiatement après l’incident et il a plaidé coupable devant la cour. Il ne fait aucun doute qu’il a reconnu sa responsabilité et aussi qu’il a exprimé du remords pour l’incident.

 

b.   Ses états de service ainsi que la preuve déposée devant la cour montrent clairement que le lieutenant‑colonel Fortin a toujours été un officier de premier ordre des Forces canadiennes. Non seulement est-il tenu en haute estime par sa hiérarchie, mais il est également considéré comme un modèle par ses subordonnés. Cet incident est sans doute grave, mais il doit être placé dans sa juste perspective. Ce n’est qu’un oubli fâcheux de la part d’une personne qui a toujours montré rigueur et professionnalisme tout au long de sa carrière militaire.

 

c.  Et finalement, le contrevenant n’a aucun casier disciplinaire ou judiciaire.

 

[9]        La cour reconnaît avec les avocats que la peine proposée est la peine minimale compte tenu des circonstances, et cette peine ne s’écarte pas de la norme au point que son adoption par la cour martiale irait à l’encontre de l’intérêt public ou serait susceptible de déconsidérer l’administration de la justice. La peine proposée suffit à faire prévaloir les objectifs recherchés, à savoir réprobation, dissuasion et réinsertion. La cour ne croit pas que la dissuasion individuelle soit ici une considération importante.

 

 

POUR CES MOTIFS, LA COUR :

 

[10]      VOUS DÉCLARE coupable de la première infraction, aux termes de l’article 129 de la Loi sur la défense nationale, pour négligence préjudiciable au bon ordre et à la discipline.

 

ET

 

[11]      VOUS CONDAMNE à une amende de 1 500 dollars.


 

Avocats :

 

Le major J.E. Carrier, Service canadien des poursuites militaires

Avocat de Sa Majesté la Reine

 

Le capitaine de corvette P.D. Desbiens, Direction du service d’avocats de la défense

Avocat du lieutenant‑colonel Fortin

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.