Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l’ouverture du procès : 26 septembre 2013.

Endroit : NCSM PREVOST, 19 rue Becher, London (ON).

Chefs d’accusation
•Chef d’accusation 1 : Art. 130 LDN, entrave à la justice (art. 139 C. cr.).
•Chefs d’accusation 2, 3 : Art. 129 LDN, comportement préjudiciable au bon ordre et à la discipline.

Résultats
•VERDICTS : Chef d’accusation 1 : Non coupable. Chefs d’accusation 2, 3 : Coupable.
•SENTENCE : Une réprimande et une amende au montant de 1000$.

Contenu de la décision

 

COUR MARTIALE

 

Référence : R c McConnell, 2013 CM 4022

 

Date : 20130926

Dossier : 201316

 

Cour martiale permanente

 

Navire Canadien de Sa Majesté PREVOST

London (Ontario), Canada

 

Entre : 

 

Sa Majesté la Reine

 

- et -

 

Ex-matelot de 3e classe R.K. McConnell, contrevenant

 

 

En présence du lieutenant-colonel J.-G. Perron, J.M.

 


 

TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE

 

MOTIFS DE LA SENTENCE

 

(Prononcés de vive voix)

 

[1]               Ex-matelot de 3e classe McConnell, après avoir accepté et inscrit votre plaidoyer de culpabilité à l’égard des deuxième et troisième chefs d’accusation, la Cour vous déclare maintenant coupable de ces accusations déposées en vertu de l’article 129 de la Loi sur la défense nationale. La Cour doit maintenant déterminer une peine juste et appropriée en l’espèce.

 

[2]               Le sommaire des circonstances, à l’égard duquel vous avez formellement admis que les faits y énoncés constituent une preuve concluante de votre culpabilité, fournit à la Cour les circonstances entourant la perpétration de ces infractions. Au moment des infractions, vous étiez marin de Première réserve exécutant un engagement de classe « B », et vous résidiez dans le Bloc Atlantique (« A »), à la Base des Forces canadiennes Halifax, à un étage réservé aux hommes. Vous partagiez une chambre avec le matelot de 3e classe Grondines. Aux petites heures du matin du 12 juin 2011, vous êtes arrivé à votre chambre et vous vous êtes joint au matelot de 3e classe Grondines et à Mlle K.V.P., une compagne du matelot Grondines. Vous aviez tous consommé volontairement différentes quantités d’alcool au cours des quelques heures précédentes. Au cours de l’heure qui a suivi, vous et le matelot de 3e classe Grondines avez eu des relations sexuelles consensuelles avec Mlle K.V.P.

 

[3]               Vers 0745 heures le 12 juin 2011, après vos ébats sexuels, Mlle K.V.P. est devenue inconsciente et impossible à réveiller. Vous et le matelot de 3e classe Grondines l’avez secrètement transportée, tandis qu’elle était encore inconsciente, dans la chambre voisine du matelot de 3e classe Podesta, alors que celui-ci était momentanément hors de sa chambre. À son retour, le matelot de 3e classe Podesta a découvert Mlle K.V.P. partiellement vêtue et inconsciente dans son lit. Vous et le matelot de 3e classe Grondines êtes revenus dans la chambre du matelot de 3e classe Podesta, et vous avez commencé à toucher et à tâter Mlle K.V.P., et le matelot de 3e classe Podesta vous a alors dit d’arrêter et de quitter la chambre. Incapables de la réveiller, le matelot de 3e classe Podesta et d’autres marins ont informé les autorités militaires, et ils ont appelé les services d’urgence. Mlle K.V.P. a été transportée par ambulance à l’hôpital, où elle a par la suite repris conscience.

 

[4]               Après avoir examiné les principaux faits de l’espèce, je déterminerai maintenant la peine.

 

[5]               Comme l’a indiqué la Cour d’appel de la cour martiale, la détermination de la peine est un processus fondamentalement subjectif et individualisé, et c’est l’une des tâches les plus difficiles que le juge du procès doive remplir.

 

[6]               La Cour d’appel de la cour martiale a clairement affirmé que les objectifs fondamentaux de la détermination de la peine figurant au Code criminel s’appliquent dans le contexte du système de justice militaire et que le juge militaire doit en tenir compte au moment de déterminer une peine. L’objectif fondamental de la détermination de la peine est de favoriser le respect de la loi et la protection de la société, ce qui comprend les Forces canadiennes, par l’infliction de sanctions justes qui visent au moins un des objectifs suivants :

 

(a)                dénoncer le comportement illégal;

 

(b)               dissuader les délinquants, et quiconque, de commettre des infractions;

 

(c)                isoler, au besoin, les délinquants du reste de la société;

 

(d)               favoriser la réinsertion sociale des délinquants;

 

(e)                assurer la réparation des torts causés aux victimes ou à la collectivité;

 

(f)                susciter la conscience de leur responsabilité chez les délinquants, notamment par la reconnaissance du tort qu’ils ont causé aux victimes et à la collectivité.

 

[7]               La cour doit décider si la protection du public serait mieux assurée par la dissuasion, la réinsertion sociale ou la dénonciation, ou une combinaison de ces facteurs.

 

[8]               Les dispositions du Code criminel en matière de détermination de la peine, soit les articles 718 à 718.2, établissent un processus individualisé au cours duquel la cour doit tenir compte, en plus des circonstances de l’infraction, de la situation particulière du contrevenant. La peine doit également être semblable aux autres peines appliquées en de semblables circonstances. Le principe de la proportionnalité constitue un élément central de la détermination de la peine. Le principe de proportionnalité exige que la sanction n’excède pas ce qui est juste et approprié, compte tenu de la culpabilité morale du délinquant et de la gravité de l’infraction.

 

[9]               La cour doit également infliger une peine qui soit la sanction minimale nécessaire pour maintenir la discipline. La peine vise essentiellement à rétablir la discipline chez le délinquant et dans la collectivité militaire, car la discipline est une condition fondamentale de l’efficacité opérationnelle de toute force armée.

 

[10]           Le poursuivant et votre avocat ont proposé conjointement une peine composée d’une réprimande et d’une amende de 1000 $ payable par versements mensuels de 100 $. La Cour d’appel de la cour martiale a clairement affirmé que le juge responsable de la détermination de la peine ne devait pas rejeter la recommandation conjointe des avocats à moins que la peine proposée déconsidère l’administration de la justice ou qu’elle ne soit pas par ailleurs dans l’intérêt public.

 

[11]           J’énoncerai maintenant les circonstances aggravantes et les circonstances atténuantes dont j’ai tenu compte pour déterminer la peine appropriée en l’espèce. Je considère que les circonstances suivantes sont aggravantes :

 

(a)                la conduite préjudiciable au bon ordre et à la discipline visée à l’article 129 de la Loi sur la défense nationale est objectivement une infraction grave puisqu’elle est passible, dans le pire des cas, de destitution ignominieuse du service de Sa Majesté;

 

(b)               subjectivement, ces infractions ne figurent pas parmi les infractions disciplinaires les plus graves lorsque l’on s’arrête à analyser les détails des accusations. Je ne veux pas sembler banaliser ces infractions. Recevoir la visite d’une femme dans sa chambre en-dehors des heures de visite et se livrer à une activité sexuelle en contravention aux règlements du MDN concernant les logements constitue un manquement à la discipline, mais je ne dirais pas qu’il s’agit d’un des manquements les plus flagrants auxquels les cours martiales aient eu affaire. Cependant, l’analyse ne peut pas s’arrêter là. Il faut également tenir compte des circonstances entourant la perpétration des infractions.

 

(c)                vous avez fait preuve d’un manque total de respect pour la dignité de Mlle K.V.P. lorsque vous l’avez amenée dans la chambre du matelot de 3e classe Podesta alors qu’elle était inconsciente et partiellement vêtue. Votre avocat a dit qu’il s’agissait d’une fanfaronnade, tandis que le poursuivant a parlé d’une blague de très mauvais goût. Je ne parviens pas à voir quoi que ce soit de drôle dans la manière dont vous avez traité Mlle K.V.P. Il appert que vous étiez ivre au cours de la nuit, mais vos actes sont très loin de la conduite respectueuse et éthique à laquelle on peut s’attendre de tout membre des Forces canadiennes. Je vous invite à vous regarder longtemps dans le miroir et à réfléchir à vos actes.

 

[12]           Pour ce qui est des circonstances atténuantes, je note ce qui suit :

 

(a)                vous n’avez pas de fiche de conduite, et vous êtes donc un délinquant primaire;

 

(b)               vous avez informé l’enquêteur du Service national des enquêtes des Forces canadiennes (SNEFC) de vos actes lorsque vous avez été interviewé le 6 février 2012. Vous avez inscrit un plaidoyer de culpabilité. Par conséquent, un plaidoyer de culpabilité et le fait de collaborer avec la police seront habituellement considérés comme des facteurs atténuants. Cette façon de procéder n’est généralement pas considérée comme étant en contradiction avec le droit au silence et le droit d’attendre que la poursuite prouve hors de tout doute raisonnable les infractions reprochées à l’accusé mais est considérée comme un moyen pour les tribunaux d’imposer une peine plus clémente parce qu’un plaidoyer de culpabilité signifie habituellement que les témoins n’auront pas besoin de témoigner et les coûts liés à une instance judiciaire seront considérablement réduits. De plus, un plaidoyer de culpabilité est habituellement interprété comme signifiant que l’accusé veut assumer la responsabilité de ses actes illicites et des torts causés par suite de ces actes;

 

(c)                vous étiez âgé de 23 ans et vous étiez membre de la Marine royale canadienne depuis seulement 13 mois au moment des infractions. Aussi, je vous considérerai comme un jeune contrevenant, et votre inexpérience comme membre de la Marine sera considérée comme un facteur atténuant;

 

(d)               Mlle Bronfield vous connais comme ami depuis un an, et elle a affirmé dans son témoignage que vous êtes une personne polie et respectueuse en qui elle a confiance. Elle se sent en sécurité auprès de vous, et elle n’a jamais été témoin d’aucun comportement semblable à celui qui vous est reproché en l’espèce;

 

(e)                vous avez demandé d’être libéré des Forces canadiennes, et votre libération a été accordée le 21 juin 2012, pour le motif prévu à l’alinéa 4c) (sur demande – autres motifs); ainsi, vous avez été libéré honorablement. Vous travaillez actuellement comme apprenti charpentier, dans le cadre d’un apprentissage de quatre (4) ans. Vous travaillez quarante (40) heures par semaine, et vous êtes payé 13 $ l’heure. Vous partagez un appartement avec votre frère et une autre personne, et vous défrayez votre part des frais de subsistance normaux;

 

(f)                le comportement que vous avez adopté le 12 juin 2011 ne semble pas cadrer avec votre vraie personne. Je laisserai à ceux qui vous connaissent véritablement le soin d’en juger. Espérons que ce soit le cas et que vous ayez tiré des leçons de cet épisode peu reluisant de votre vie.

 

[13]           Le 30 juin 2011, le matelot de 3e classe Podesta a dit aux enquêteurs du SNEFC qu’il vous avait vu ainsi que le matelot de 3e classe Grondines en compagnie de Mlle K.V.P. après qu’il eut découvert cette dernière dans son lit. Le SNEFC vous a interviewé le 6 février 2012. Un enquêteur du SNEFC a porté des accusations contre vous le 20 juin 2012. Le 12 octobre 2012, le dossier a été renvoyé au commandant de la Marine royale canadienne et, le 7 décembre 2012, le commandant de la Marine royale canadienne a renvoyé le dossier au Directeur – Poursuites militaires (DPM). Le 13 décembre 2012, le dossier a été confié à un procureur pour faire l’objet d’un examen postérieur à la mise en accusation. Le 31 janvier 2013, le procureur a prononcé la mise en accusation du matelot de 3e classe McConnell sous trois chefs.

 

[14]           Le 12 mars, le poursuivant a présenté un projet de règlement au capitaine de corvette Walden, alors avocat du matelot de 3e classe McConnell. Le 29 avril 2013, la poursuite a été avisée que Me Bright, c.r., agirait comme avocat du matelot de 3e classe McConnell et, le 4 juin 2013, le capitaine de corvette Reeves a été désigné pour agir en qualité de procureur de Sa Majesté dans la présente affaire.

 

[15]           Sept mois se sont écoulés avant que l’enquêteur vous interviewe après qu’il a appris votre implication. Vous avez servi à bord du NCSM ATHABASKAN du 28 août au 10 octobre 2011 dans le cadre d’Opération CARIBE. On ne m’a présenté aucun élément de preuve pour expliquer ces délais, et je ne comprends pas pourquoi il a fallu tant de temps pour vous interviewer. Je ne comprends pas non plus pourquoi il a fallu encore quatre mois après votre aveu avant que des accusations soient portées. Votre unité a ensuite mis environ quatre mois à transmettre ces accusations à l’autorité de renvoi, qui a ensuite mis environ deux mois à renvoyer les accusations au DPM. L’avocat de la défense a indiqué, il est vrai, que les actes de la défense pouvaient expliquer le délai dans une modeste mesure.

 

[16]           Je ne dispose d’aucun renseignement quant à savoir pourquoi l’unité et l’autorité de renvoi n’ont pas agi beaucoup plus rapidement. J’estime devoir répéter ce que j’ai déjà affirmé au sujet des délais dans le traitement des dossiers disciplinaires.

 

[17]           La Cour suprême du Canada a statué qu’une conduite répréhensible des représentants de l’État qui ne viole pas la Charte peut constituer un facteur atténuant pour l’établissement de la peine. Dans les cas où la conduite répréhensible en question se rapporte aux circonstances liées à la perpétration de l’infraction ou à la situation du délinquant, le juge qui prononce la peine peut tenir compte des faits pertinents lorsqu’il établit une sanction juste.

 

[18]           Je ne conclus pas à l’existence d’une conduite répréhensible du poursuivant ou de toute autre personne responsable d’avoir porté la présente affaire devant la justice. Cependant, on ne m’a pas présenté beaucoup d’éléments de preuve pour expliquer le délai. Le SNEFC, toutes les autorités qui interviennent dans le processus disciplinaire et les procureurs de Sa Majesté ont l’obligation de traiter les accusations avec toute la célérité que les circonstances permettent (voir l’article 162 de la Loi sur la défense nationale). De longs délais nuisent autant aux fins disciplinaires qu’aux fins de la justice militaire. De plus, ils ont souvent une incidence négative sur le contrevenant. Aussi, je prendrai en considération ce délai comme un facteur atténuant important.

 

[19]           J’ai conclu que la dénonciation et la dissuasion générale sont les principaux objectifs de détermination de la peine qui doivent être réalisés en l’espèce. Après avoir examiné tous les éléments de preuve, la jurisprudence et les observations formulées par le procureur de Sa Majesté et par votre avocat, j’en suis venu à la conclusion que la peine proposée est la peine minimale nécessaire pour maintenir la discipline, que cette peine ne déconsidérerait pas l’administration de la justice, et qu’elle est dans l’intérêt public. Par conséquent, je suis d’accord avec la proposition conjointe du poursuivant et de votre avocat.

 

POUR CES MOTIFS, LA COUR

 

[20]           vous CONDAMNE, ex-matelot de 3e classe McConnell, à une réprimande et à une amende de 1000 $. L’amende sera payée par versements mensuels de 100 $ à compter du 15e jour d’octobre 2013.

 


 

Avocats :

 

Capitaine de corvette D.T. Reeves, Service canadien des poursuites militaires

Procureur de Sa Majesté la Reine

 

Me David J. Bright, c.r.

Boyne Clarke Barristers and Solicitors, 33 Alderney Drive, Dartmouth (Nouvelle-Écosse)

Procureur de l’ex-matelot de 3e classe R.K. McConnell

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