Cour martiale
Informations sur la décision
Date de l'ouverture du procès : 22 septembre 2008
Endroit : BFC Cold Lake, Centre communautaire Medley, Édifice 674, Cold Lake (AB)
Chefs d'accusation
•Chef d'accusation 1 : Art. 130 LDN, agression armée (art. 267 C. cr.).
•Chef d'accusation 2 : Art. 86 LDN, a adressé des gestes provocateurs à un justiciable du code de discipline militaire, tendant ainsi à créer du désordre.
Résultats
•VERDICTS : Chef d'accusation 1 : Coupable. Chef d'accusation 2 : Retiré.
•SENTENCE : Détention pour une période de 30 jours. L'exécution de la peine de détention a été suspendue.
Contenu de la décision
Référence : R. c. Caporal-chef T.J. Mills, 2008 CM 4013
Dossier : 200819
COUR MARTIALE PERMANENTE
CANADA
ALBERTA
4e ESCADRE COLD LAKE
Date : 25 septembre 2008
SOUS LA PRÉSIDENCE DU LIEUTENANT-COLONEL J-G PERRON, JUGE MILITAIRE
SA MAJESTÉ LA REINE
c.
CAPORAL-CHEF T.J. MILLS
(contrevenant)
SENTENCE
(Prononcée de vive voix)
TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE
[1] Caporal-chef Mills, vous avez été déclaré coupable d’agression armée. Il revient maintenant à cette cour de déterminer la sentence juste et appropriée.
[2] Les principes généraux de détermination de la peine, qui sont les mêmes devant une cour martiale et devant un tribunal civil de compétence criminelle au Canada, ont été énoncés de différentes manières. En règle générale, ces principes s’appuient sur le besoin de protéger le public, lequel comprend, bien entendu, les Forces canadiennes. Le principe fondamental est celui de la dissuasion, qui comprend la dissuasion particulière, à savoir l’effet dissuasif produit sur une personne en particulier, ainsi que la dissuasion générale, à savoir l’effet dissuasif produit sur toute personne qui pourrait être tentée de commettre des infractions du même genre. Ces principes comprennent également le principe de la dénonciation du comportement illégal et, enfin et surtout, celui de l’amendement et de la réadaptation du contrevenant.
[3] Il revient à la cour de déterminer ce qui protégera le mieux le public : la dissuasion, la réadaptation, la dénonciation ou une combinaison de ces principes. Les objectifs de la détermination de la peine sont les suivants : dénoncer le comportement illégal; dissuader les délinquants, et quiconque, de commettre des infractions; isoler, au besoin, le délinquant du reste de la société; favoriser la réadaptation des délinquants; assurer la réparation des torts causés aux victimes ou à la collectivité; et susciter la conscience de leurs responsabilités chez les délinquants, notamment par la reconnaissance du tort qu’ils ont causé aux victimes et à la collectivité.
[4] Lorsqu’elle inflige une peine, la cour doit suivre les directives de l'alinéa 112.48(2) des Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes, qui lui impose de tenir compte de toute conséquence indirecte du verdict ou de la sentence et de prononcer une sentence proportionnée à la gravité de l’infraction et aux antécédents du contrevenant. La cour doit également tenir compte du fait que les peines infligées aux contrevenants qui commettent des infractions similaires dans des circonstances comparables ne doivent pas différer de manière disproportionnée.
[5] La cour est également tenue de prononcer la peine la plus clémente qui soit compatible avec le maintien de la discipline dans les rangs. L’objectif fondamental de la peine est le rétablissement de la discipline chez le contrevenant et dans les rangs des Forces armées.
[6] Dans R. c. Paquette, (1998) CACM 418, la Cour d’appel de la cour martiale précise clairement que le juge appelé à prononcer une peine ne peut rejeter la recommandation conjointe des avocats, à moins que la peine proposée ne soit de nature à déconsidérer l’administration de la justice ou qu’elle ne soit dans l’intérêt public. La poursuite et votre avocat ont tous les deux proposé que vous soyez condamné à une peine de détention de 30 jours. Ils ont également demandé à la cour de suspendre la peine.
[7] La poursuite et votre avocat m’ont présenté deux décisions au soutien de leur position.
[8] Le poursuivant fait valoir que le principe de la dissuasion est le principe de détermination de la peine le plus important dans cette affaire, suivi de près par celui de la réadaptation.
[9] Vous avez été déclaré coupable d’agression armée. Le 25 décembre 2005, lorsque vous étiez déployé à Kandahar, en Afghanistan, vous avez armé votre fusil C8 au moment où vous défiez un autre soldat. Vous avez utilisé votre arme de façon menaçante après vous être brièvement bagarrer avec ce soldat. Vous avez agi ainsi parce que vous étiez en état d’ébriété et qu’il vous avait fait fâcher. Vous-même et la victime de cette agression étiez tous deux caporaux au moment de la perpétration de l’infraction.
[10] J’examinerai les circonstances aggravantes de cette affaire. Vous vous êtes servi de l’arme qui vous a été confiée dans un théâtre d’opérations, et ce, pour menacer un autre soldat lorsque vous étiez en état d’ébriété. Il s’agit là d’un comportement inacceptable pour un soldat. Vous avez fait preuve d’un manque total de discipline. Ce manque de discipline semble avoir été causé par le fait que vous étiez en état d’ébriété. C’est vous qui avez décidé de consommer de l’alcool de façon excessive, et vous avez été ainsi l’artisan de votre inconduite. Les membres du personnel militaire qui sont déployés dans un théâtre d’opérations, là où le combat et le risque de mourir sont monnaie courante, doivent être traités comme des adultes responsables; toutefois, ils doivent aussi, quant à eux, se comporter en adultes responsables. Bien que la cour comprenne que le stress, pour un membre du personnel militaire déployé dans ce genre de théâtre d’opérations, doit être considérable, ce stress ne peut pas servir d’excuse à un comportement qui va tout à fait à l’encontre de la formation et de l’expérience de celui-ci.
[11] Les commentaires du caporal Ngoviky et son manque de sympathie ne peuvent pas servir à justifier ou à expliquer votre comportement. Le fait d’utiliser une arme chargée pour menacer un autre soldat ne constitue jamais un comportement acceptable ou justifiable de la part d’un soldat. Il s’agit là d’une infraction très grave, tant sur le plan subjectif qu’objectif, à cause des circonstances qui entourent l’infraction, savoir, le lieu où elle a été perpétrée et son contexte. Vos actes ont aussi affecté le bien-être psychologique de la victime, tout comme la façon dont les autres soldats vous percevaient, certains s’étant inquiétés à l’idée d’être éventuellement déployés avec vous en Afghanistan. Cela démontre que votre inconduite a eu une incidence sur l’efficacité opérationnelle de votre unité.
[12] J’examinerai maintenant les circonstances atténuantes de cette affaire. Cet incident semble avoir été le seul faux pas dans une carrière par ailleurs très prometteuse. Il s’agit de votre première infraction. Les lettres sont très élogieuses en ce qui concerne la description de votre rendement et de votre potentiel. Vos rapports d’appréciation sont excellents et montrent une amélioration constante de votre rendement; ils précisent que vous vous dirigez plus rapidement que vos collègues vers une promotion et que vous êtes toujours prêt à assumer davantage de responsabilités.
[13] Bien que vous n’ayez pas plaidé coupable, vous avez démontré votre remords. Vous avez présenté vos excuses au caporal Ngoviky, le 26 décembre 2005, soit le lendemain de l’incident. Vous avez témoigné au cours de l’étape de la détermination de la sentence en l’espèce. La cour vous croit lorsque vous dites que vous regrettez avoir agi ainsi et que vous avez honte. La cour reconnaît que vous subissiez beaucoup de stress pendant votre période de service mais, comme je l’ai déjà déclaré, ce stress n’excuse pas vos actes. Vous avez l’appui des membres de votre chaîne de commandement, et votre conduite, ainsi que votre rendement depuis la perpétration de l’infraction, ont été excellents au point que vous soyez considéré comme un modèle pour vos subordonnés et vos pairs.
[14] J’estime que le délai qui s’est écoulé avant que vous ne soyez traduit en justice constitue une circonstance atténuante. Comme l’a déclaré le poursuivant, ce procès a lieu près de trois ans après la perpétration de l’infraction. Un délai aussi long réduit au minimum l’incidence que ce procès peut avoir quant à la discipline.
[15] Je suis d’avis que les deux décisions qui ont été présentées par les avocats peuvent m’être utiles pour déterminer la peine appropriée en l’espèce, bien qu’aucune d’entre elles ne soit identique à votre cas.
[16] Après avoir examiné l’ensemble des éléments de preuves acceptés par la cour lors du procès et à l’étape de la détermination de la peine, et après avoir tenu compte des décisions qui m’ont été présentées, j’en suis venu à la conclusion que la peine suivante répondra aux exigences de dissuasion et de réadaptation, ainsi qu’au principe voulant que la cour prononce la peine la plus clémente qui soit compatible avec le maintien de la discipline.
[17] Après avoir examiné les faits, les circonstances atténuantes et aggravantes, et tout en gardant à l’esprit les orientations données par la Cour d’appel de la cour martiale dans l’arrêt R. c. Paquette, j’accepte la recommandation conjointe des avocats selon laquelle la peine minimale nécessaire au maintien de la discipline, en l’espèce, est un sursis au prononcé de la peine de détention de 30 jours.
[18] Caporal-chef Mills, je vous condamne à une peine de détention pour une période de 30 jours. Je suspends également la peine de détention.
[19] Conformément à l’article 196.14 de la Loi sur la défense nationale, je rends une ordonnance autorisant le prélèvement d’échantillons d’ADN sur le contrevenant.
[20] De plus, conformément à l’article 147.1 de la Loi sur la défense nationale, je rends une ordonnance vous interdisant, pendant deux ans, d’avoir en votre possession des armes à feu, arbalètes, armes prohibées, armes à autorisation restreinte, dispositifs prohibés, munitions, munitions prohibées et substances explosives, ou l’un ou plusieurs de ces objets.
Lieutenant-colonel J-G Perron, J.M.
AVOCATS :
Le Major S. MacLeod, Direction des poursuites militaires 3-2
Procureur de Sa Majesté la Reine
Le Capitaine de corvette P. Desbiens, Direction du service d’avocats de la défense
Avocat du Caporal-chef T.J. Mills