Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l'ouverture du procès : 2 octobre 2008

Endroit : Centre Asticou, Bloc 2600, Pièce 2601, 241 boul. de la Cité-des-Jeunes, Gatineau (QC)

Chefs d'accusation
•Chef d'accusation 1 (subsidiaire au chef d'accusation 2) : Art. 130 LDN, voies de fait (art. 266 C. cr.).
•Chef d'accusation 2 (subsidiaire au chef d'accusation 1) : Art. 129 LDN, négligence préjudiciable au bon ordre et à la discipline.
•Chef d'accusation 3 (subsidiaire au chef d'accusation 4) : Art. 130 LDN, agression infligeant des lésions corporelles (art. 267b) C. cr.).
•Chef d'accusation 4 (subsidiaire au chef d'accusation 3) : Art. 129 LDN, négligence préjudiciable au bon ordre et à la discipline.

Résultats
•VERDICTS : Chefs d'accusation 1, 2, 3 : Retirés. Chef d'accusation 4 : Coupable.
•SENTENCE : Un blâme et une amende au montant de 2000$.

Contenu de la décision

Référence : R. c. Sergent J. J . M. G. Bélanger, 2008 CM 4014

 

Dossier : 200817

 

 

 

COUR MARTIALE PERMANENTE

CANADA

QUÉBEC

CENTRE ASTICOU, GATINEAU

 

 

 

Date : 2 octobre 2008                 

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DU LIEUTENANT-COLONEL J.-G. PERRON, JUGE MILITAIRE

 

 

 

SA MAJESTÉ LA REINE

c.

LE SERGENT J. J. M. G. BÉLANGER

(contrevenant)

 

 

 

SENTENCE

(prononcée oralement)

 

 

 

 

[1]                                         Sergent Bélanger, après avoir accepté et consigné votre plaidoyer de culpabilité relativement à l'accusation no 4, la Cour vous déclare coupable de cette infraction. Vous vous êtes reconnu coupable de négligence préjudiciable au bon ordre et à la discipline, en contravention de l'article 129 de la Loi sur la défense nationale.

 

[2]                                         Le sommaire des circonstances, et vous avez formellement admis que les faits qui y sont décrits constituent une preuve concluante de votre culpabilité, fournit à la Cour les circonstances entourant la perpétration de cette infraction. Le 28février2007, alors que vous étiez déployé à Kandahar, en Afghanistan, vous avez gravement blessé le caporal Blain en lui disloquant la mâchoire pendant que vous faisiez la démonstration d'une technique d'usage de la force à des membres de la section de la police militaire. Vous étiez qualifié comme instructeur en usage de la force après avoir suivi un cours de six semaines en la matière en 2004. L'incident est survenu durant la partie non autorisée d'une session de formation sur l'usage de menottes flexibles et la manipulation de détenus. Vous étiez responsable de cette formation.

 


[3]                                         Les principes de détermination de la sentence, qui sont les mêmes pour les cours martiales et les procès criminels devant les tribunaux civils au Canada, ont été énoncés de diverses façons. Règle générale, ils sont fondés sur la nécessité de protéger le public, et le public inclut bien sûr les Forces canadiennes.

 

[4]                                         Les principaux principes sont ceux de leffet dissuasif, soit leffet dissuasif spécifique destiné à vous dissuader personnellement, et leffet dissuasif dans son sens large, celui visant à dissuader les autres qui pourraient être tentés de commettre des infractions similaires. Les principes comprennent aussi la réprobation de la société à légard de la conduite du contrevenant, et le dernier mais non le moindre, le principe de la réadaptation et de la réforme du contrevenant.

 

[5]                                         La Cour doit décider si la protection du public serait mieux assurée en mettant l'accent sur l'effet dissuasif, la réadaptation, la réprobation, ou une combinaison de ces facteurs.

 

[6]                                         La Cour a aussi tenu compte des orientations fournies par les articles 718 à 718.2 du Code criminel du Canada. Selon l'article 718, le prononcé des sentences a pour objectif essentiel de contribuer au respect de la loi et au maintien d'une société juste, paisible et sûre par l'infliction de sanctions justes visant un ou plusieurs des objectifs suivants : dénoncer le comportement illégal; dissuader les délinquants, et quiconque, de commettre des infractions; isoler, au besoin, les délinquants du reste de la société; favoriser la réinsertion sociale des délinquants; assurer la réparation des torts causés aux victimes ou à la collectivité; susciter la conscience de leurs responsabilités chez les délinquants, notamment par la reconnaissance du tort qu'ils ont causé aux victimes et à la collectivité.

 

[7]                                         Pour déterminer la sentence, la Cour doit aussi suivre les directives énoncées à l'article 112.48 des Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes, selon lequel elle doit tenir compte de toute conséquence indirecte du verdict ou de la sentence, et prononcer une sentence proportionnée à la gravité de l'infraction et aux antécédents du contrevenant.

 

[8]                                         Habituellement, la Cour tient aussi compte du fait que les sentences infligées à des délinquants pour des infractions semblables commises dans des circonstances semblables doivent être relativement semblables. Je n'ai pas pu me livrer à cet exercice de comparaison en l'espèce puisqu'on ne m'a pas fourni de jurisprudence relative à des infractions ou à des faits similaires à la présente affaire.

 

[9]                                         Même si j'ai tenu compte des principes et des objectifs énoncés aux articles 718 à 718.2 du Code criminel du Canada, je dois aussi me rappeler que le but ultime de l'infliction d'une sentence est de restaurer la discipline chez le contrevenant et au sein des troupes. La Cour doit prononcer une sentence correspondant à la sentence minimale nécessaire pour assurer la discipline.

 


[10]                                     L'avocate de la poursuite a indiqué qu'un blâme et une amende de 2000$ correspondaient à la sentence minimale nécessaire pour assurer la discipline, alors que votre avocat a proposé une réprimande et une amende de 1000$. Leurs recommandations respectives ne sont pas très éloignées.

 

[11]                                     Je vais maintenant traiter de la preuve relative aux circonstances atténuantes.

 

Vous n'avez pas de fiche de conduite, donc il s'agit de votre première infraction.

 

Vous avez indiqué en janvier 2008, par la voix de votre avocat, que vous souhaitiez plaider coupable à votre procès. Selon la jursiprudence canadienne, le fait de plaider coupable dès le début et de collaborer avec la police est généralement considéré comme un signe tangible que le contrevenant éprouve du remords à cause de ses actes et quil assume la responsabilité de ses actes illicites et du préjudice qui en a découlé. Par conséquent, le fait de plaider coupable dès le début est habituellement considéré comme une circonstance atténuante.

 

Vous avez servi au Canada et à Haïti, en Bosnie‑Herzégovine et en Afghanistan, et vous avez été 28 ans dans les Forces canadiennes. Il semble que votre dossier était sans tache jusqu'à aujourd'hui.

 

[12]                                     La seule preuve relative aux circonstances atténuantes qui a été présentée était vos trois derniers rapports d'appréciation du personnel. J'ai examiné attentivement les trois rapports, soit les pièces numéros 8, 9 et 10. Même si je ne qualifierais pas personnellement vos deux derniers rapports comme étant remarquables, ils font quand même état des qualités et traits de caractères que nous souhaitons voir chez un sous-officier. Ils sont positifs et démontrent une amélioration constante de votre rendement et la possibilité que vous soyez promu au rang d'adjudant.

 

[13]                                     Je traiterai maintenant des facteurs aggravants en l'espèce. Je ne crois pas comme votre avocat que la doctrine de la vulnérabilité de la victime s'applique en matière de détermination de la sentence. Il est admis selon la jurisprudence canadienne que les conséquences de l'infraction pour la victime peuvent être l'un des facteurs dont le juge chargé de prononcer la sentence peut tenir compte en déterminant une sentence qui soit juste. L'importance accordée à ce facteur dépend des faits de l'espèce. Dans la présente affaire, les conséquences de votre négligence sont assez graves. Elles ont atteint le caporal Blain dans tous les aspects de sa vie. Sa future carrière dans la police militaire, et peut-être même dans les Forces canadiennes, est compromise. Sa blessure lui a causé beaucoup de souffrances depuis l'infraction. Il doit toujours se soumettre à un programme intensif de réadaptation ainsi qu'à des procédures chirurgicales complexes. Votre négligence a causé un préjudice à sa vie personnelle et conjugale.

 


[14]                                     La Cour sait que vous n'avez pas blessé le caporal Blain intentionellement; il n'y a aucune preuve à cet effet. Vous êtes coupable de négligence. Mais votre négligence n'est pas bénigne; il s'agit d'un important écart par rapport à la conduite qui est attendue d'une personne occupant votre position au moment de l'infraction. Vous étiez un instructeur qualifié en usage de la force. De par votre formation, vous connaissiez les conséquences de l'usage de la force et vous connaissiez aussi les conséquences de son mésusage ou de son usage abusif. Vous êtes un membre de la police militaire. À ce titre, vous connaissez très bien les responsabilités qui accompagnent l'usage de la force. En qualité d'agent de la paix, de membre de la police militaire, il vous est confié des pouvoirs que les autres membres de la société n'ont pas, vous pouvez recourir à la force dans l'accomplissement de vos tâches. Avec de tels pouvoirs viennent des responsabilités additionnelles. Même s'il n'y a pas de preuve sur ce point précis, il est bien connu que tous les policiers reçoivent une formation sur l'usage de la force requise pour l'exécution de leurs tâches. La démonstration d'une technique d'usage de la force à laquelle vous vous livriez visait à fournir à vos subordonnés une formation sur le niveau de force approprié à utiliser pour l'exécution de leurs tâches.

 

[15]                                     Les faits de l'espèce indiquent que la technique particulière d'usage de la force dont vous faisiez la démonstration était incorrecte en ce qui a trait au niveau de force utilisée et à la durée pendant laquelle elle était utilisée, d'où les conséquences pour le caporal Blain. Je considère que votre formation comme agent de la paix, combinée à votre formation comme instructeur en usage de la force et à votre expérience comme membre de la police militaire, soit 28 ans, ou 27 ans au moment de l'infraction, tout cela accroît la gravité subjective de votre négligence. Votre formation en usage de la force pouvait vous aider à prévoir les conséquences possibles d'un usage excessif et malavisé de cette force.

 

[16]                                     J'estime qu'il y a un élément d'abus de confiance dans cette situation. Chaque membre de votre unité, y compris le caporal Blain, pouvait s'attendre qu'en tant que sergent, leur supérieur et un instructeur qualifié dans l'usage de la force, vous prendriez les mesures nécessaires pour les former correctement dans l'accomplissement de leurs tâches tout en assurant leur bien-être. Cet usage excessif de la force pendant cette démnstration a non seulement blessé gravement le caporal Blain, c'était aussi un exemple de recours à la force qui ne peut pas être donné comme étant un moyen acceptable à prendre pour maîtriser une personne.

 

[17]                                     Sergent Bélanger, vous avez commis une grave erreur à la suite de ce qui semble être un manque de jugement momentané. Vous avez admis votre négligence. J'espère que vous en tirerez des leçons.

 

[18]                                     La Cour estime que la position de l'avocate de la poursuite quant à la sentence se situe à l'extrémité la plus indulgente de la fourchette des sentences possibles. Elle a expliqué la raison de sa recommandation.

 


[20]                                     Après avoir examiné l'ensemble de la preuve ainsi que les observations de l'avocate de la poursuite et de l'avocat de la défense, je suis arrivé à la conclusion que la sentence que je vais prononcer correspond à la sentence minimale nécessaire pour maintenir la discipline et est proportionnée à la gravité de l'infraction et aux antécédents du contrevenant.

 

[21]                                     Sergent Bélanger, je vous condamne à un blâme et à une amende de 2000$. Cette amende de 2000$ devra être payée dans les 90 jours.

 

Lieutenant-Colonel J.-G. Perron, J. M.

 

Avocats :

 

Major M. Trudel, Direction des poursuites militaires 4

avocate de Sa Majesté la Reine

 

Lieutenant-commander J. McMunagle, Direction du Services des avocats de la défense

avocat du sergent J. J. M. G. Bélanger

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