Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

CAMC 553 - Appel rejeté

Date de l'ouverture du procès : 29 mai 2012

Endroit : 19e Escadre Comox, École de recherche et de sauvetage des Forces canadiennes, Édifice 238, Lazo (CB)

Chefs d'accusation
•Chef d’accusation 1 : Art. 130 LDN, agression sexuelle (art. 271 C. cr.).
•Chef d’accusation 2 : Art. 130 LDN, proférer des menaces (art. 264.1(1)a) C. cr.).
•Chef d’accusation 3 : Art. 130 LDN, voies de fait (art. 266 C. cr.).

Résultats
•VERDICT : Chefs d'accusation 1, 2, 3 : Arrêt des procédures.

Contenu de la décision

COUR MARTIALE

 

Référence :  R c Wehmeier, 2012 CM 1006

 

                                                                                                                 Date :  20120605

                                                                                                                Dossier :  201212

 

                                                                                                    Cour martiale permanente

                                                                                                              19e Escadre Comox

                                                                        Colombie-Britannique, Canada

 

Entre :

 

Sa Majesté la Reine

 

- et -

 

Paul Wehmeier, demandeur

 

 

Devant :  le colonel M. Dutil, J.C.M.

 


TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE

 

Restriction à la publication : Par ordonnance de la cour rendue en vertu de l’article 179 de la Loi sur la défense nationale et de l’article 486.4 du Code criminel, il est interdit de publier ou de diffuser de quelque façon que ce soit tout renseignement qui permettrait d’établir l’identité de la personne décrite dans le présent jugement comme étant la plaignante.

 

 

DÉCISION RELATIVE À LA DEMANDE VISANT À FAIRE STATUER QUE LES ALINÉAS 60(1)f) ET 61(1)b) DE LA LOI SUR LA DÉFENSE NATIONALE PORTENT ATTEINTE AUX DROITS DE L’ACCUSÉ GARANTIS PAR L’ARTICLE 7 DE LA CHARTE CANADIENNE DES DROITS ET LIBERTÉS

 

(Oralement)

 

INTRODUCTION

 

[1]               Le demandeur avait présenté une demande en vertu de l’alinéa 112.05(5)e) des Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes visant à faire statuer que les alinéas 60(1)f) et 61(1)b) de la Loi sur la défense nationale violent l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés (la Charte) parce qu’ils mettent en jeu le droit à la liberté du demandeur d’une façon non conforme aux principes de justice fondamentale. Plus particulièrement, les alinéas 60(1)f) et 61(1)b) ont une portée plus large que ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif légitime du texte de loi. Le demandeur sollicite une ordonnance déclarant les alinéas 60(1)f) et 61(1)b) de la Loi sur la défense nationale (la LDN) inopérants dans la mesure de leur incompatibilité selon le paragraphe 52(1) de la Loi constitutionnelle de 1982, parce qu’ils sont incompatibles avec l’article 7 et ne peuvent être validés par l’application de l’article premier de la Charte.

 

LA PREUVE

 

[2]               La preuve présentée à la Cour est constituée :

 

a)         des éléments dont la cour a pris connaissance d’office en application de l’article 15 des Règles militaires de la preuve;

 

b)         de l’acte d’accusation (pièce M2-4) daté du 16 février 2012 et signé par le major Dylan Kerr, officier autorisé à le faire en vertu de la Loi sur la défense nationale;

 

c)         des éléments de preuve documentaire déposés de consentement, à savoir :

 

(i)                 des extraits du Compte rendu officiel des débats de la Chambre des communes, première session de la vingt‑deuxième législature, volume II, 1953-1954, concernant l’objet de l’article 10 - Définition de « personnes qui accompagnent les forces canadiennes », 11 février 1954 (pièce M2-2);

 

(ii)               des extraits des Procès‑verbaux et témoignages du Comité spécial chargé d’étudier le bill no 133, intitulé : Loi concernant la défense nationale, session de 1950, Chambre des communes, fascicule no 2, 24 mai 1950 (pièce M2-3);

 

d)         des dépositions des témoins entendus lors de l’instruction de la demande pour fin de non‑recevoir, à savoir l’adjudant Vincent et le capitaine Piché.

 

Les faits

 

[3]               M. Wehmeier a été accusé d’avoir commis trois infractions d’ordre militaire lorsqu’il accompagnait une unité des Forces canadiennes en Allemagne dans l’exécution de ses fonctions à titre d’employé civil, c’est-à-dire d’agent d’éducation des pairs. L’acte d’accusation (pièce M2-4) daté du 16 février 2012 et signé par le major Dylan Kerr, officier autorisé à le faire en vertu de la Loi sur la défense nationale, est ainsi libellé :

 

[traduction] L’accusé, Paul Wehmeier, Directeur – Gestion du soutien aux blessés, Forces canadiennes, est accusé des infractions suivantes :

 

PREMIER CHEF D’ACCUSATION, ARTICLE 130 DE LA LOI SUR LA DÉFENSE NATIONALE, INFRACTION PUNISSABLE SOUS LE RÉGIME DE L’ARTICLE 130 DE LA LOI SUR LA DÉFENSE NATIONALE, À SAVOIR L’INFRACTION D’AGRESSION SEXUELLE ÉNONCÉE À L’ARTICLE 271 DU CODE CRIMINEL.

 

Plus précisément : le 19 mars 2011 ou vers cette date, à Bitburg, en Allemagne, alors qu’il était employé comme agent d’éducation des pairs, a commis une agression sexuelle sur la personne de S.R.

 

DEUXIÈME CHEF D’ACCUSATION, ARTICLE 130 DE LA LOI SUR LA DÉFENSE NATIONALE, INFRACTION PUNISSABLE SOUS LE RÉGIME DE L’ARTICLE 130 DE LA LOI SUR LA DÉFENSE NATIONALE, À SAVOIR L’INFRACTION DE PROFÉRER DES MENACES ÉNONCÉE À L’ALINÉA 264.1(1)a) DU CODE CRIMINEL.

 

Plus précisément : le 19 mars 2011 ou vers cette date, à Bitburg, en Allemagne, alors qu’il était employé comme agent d’éducation des pairs, a sciemment proféré la menace de causer la mort de la caporale Kimberly Caldwell.

 

TROISIÈME CHEF D’ACCUSATION, ARTICLE 130 DE LA LOI SUR LA DÉFENSE NATIONALE, INFRACTION PUNISSABLE SOUS LE RÉGIME DE L’ARTICLE 130 DE LA LOI SUR LA DÉFENSE NATIONALE, À SAVOIR L’INFRACTION DE VOIES DE FAIT ÉNONCÉE À L’ARTICLE 266 DU CODE CRIMINEL.

 

Plus précisément : le 19 mars 2011 ou vers cette date, à Bitburg, en Allemagne, alors qu’il était employé comme agent d’éducation des pairs, a commis des voies de fait sur la personne du caporal Daniel Lessard.

 

[4]               Les avocats ont accepté que le dossier de la preuve testimoniale présentée à l’instruction de la demande pour fin de non‑recevoir soit utilisé dans la présente instance. L’adjudant Vincent a déclaré qu’en mars 2011, il travaillait au détachement des communications de deuxième ligne, qu’il a décrit comme une unité mise sur pied pour fournir des services d’indemnité de retour au domicile (IRD) aux militaires ayant été en mission à l’aérodrome de Kandahar, en Afghanistan. Il a ajouté que cette unité était également utilisée comme centre principal pour les visites d’aide technique (VAT). L’adjudant Vincent était en affectation à la Base aérienne Spangdahlem, en Allemagne, et logeait à l’hôtel Eiffel Inn Towers, situé sur la base et sous la direction des Forces aériennes des États-Unis (US Air Force). Il a affirmé qu’environ 45 à 50 employés étaient répartis entre trois emplacements, soit Spangdahlem, Bitburg et Trèves. L’adjudant Vincent a expliqué que le détachement des communications de deuxième ligne s’occupait également du centre de décompression dans un tiers lieu (DTL) hors cycle de Trèves où étaient envoyés les militaires ayant été en mission en Afghanistan qui devaient effectuer un séjour de cinq journées pour décompresser et suivre des cours et une formation pour faciliter les retrouvailles avec leurs familles et leur retour au travail au Canada.

 

[5]               L’adjudant Vincent a déclaré que pendant qu’il était à Spangdahlem, son travail consistait à traiter les demandes soumises par les membres du personnel à leur arrivée à Spangdahlem et à traiter les demandes d’indemnités de repas tous les 15 jours. Il était également responsable de l’administration quotidienne du personnel sur place. Il a déclaré que le personnel sur place était formé d’employés militaires et civils. Le personnel civil comptait environ 12 à 15 personnes et était constitué d’employés des programmes de soutien du personnel (PSP) et de spécialistes de la santé mentale. En ce qui concerne ces employés civils, l’équipe de l’adjudant Vincent avait comme unique rôle de leur trouver un endroit pour résider et de s’assurer qu’ils respectent les règlements du détachement des communications de deuxième ligne selon le ou les endroits où ils étaient affectés (Spangdahlem, Bitburg et/ou Trèves). L’adjudant Vincent a déclaré qu’il se chargeait habituellement de ces questions, car il était le point de contact pour les trois hôtels et que les Forces canadiennes et le ministère de la Défense nationale assumaient les frais d’hébergement. Il a ajouté qu’il s’occupait également de l’administration des ordres courants, qui, a-t-il affirmé, s’appliquaient aux civils.

 

[6]               L’adjudant Vincent a déclaré que M. Wehmeier était employé comme éducateur de pairs à Trèves, en Allemagne. Selon lui, les éducateurs de pairs résidaient dans un hôtel à Trèves qui avait fait l’objet d’un marché passé par le COMSOCAN et était administré par le détachement des communications de seconde ligne. Quant à M. Wehmeier, l’adjudant Vincent a dit que les Forces canadiennes ont payé directement son hébergement à l’hôtel après réception de la facture et confirmation que les services avaient été rendus. La facture a ensuite été envoyée à Ottawa pour paiement. Selon l’adjudant Vincent, les dispositions relatives au voyage de M. Wehmeier à destination et en provenance de l’Allemagne ont été prises par les Forces canadiennes ou le ministère de la Défense nationale. Enfin, l’adjudant Vincent a déclaré que les vivres n’ont pas été fournis à M. Wehmeier, car ce dernier bénéficiait d’une indemnité quotidienne pour ses repas, conformément aux directives du Conseil du Trésor pour les employés en affectation temporaire. Cette déclaration a été confirmée par le capitaine Piché.

 

[7]               Le capitaine Piché a déclaré qu’en mars 2011, elle faisait partie d’une équipe de santé mentale qui s’occupait de la décompression des soldats ayant été en mission en Afghanistan. Elle a déclaré qu’elle était devenue la superviseure de l’équipe parce qu’elle était la seule personne détenant un grade. Le capitaine Piché a expliqué que l’équipe devait s’occuper de toutes les séances d’information et qu’ils avaient presque tous logé à l’hôtel Park Plaza à Trèves, en Allemagne, pendant quelques jours avant de déménager à Spangdahlem, sur la base, dans les quartiers ou dans l’hôtel de la base, et à Bitburg, dans des quartiers provisoires. À sa connaissance, les dispositions relatives à l’hébergement ont été dictées par le commandant adjoint du détachement des communications de deuxième ligne, bien qu’elle ait elle-même fait des suggestions sur l’endroit où devrait résider le personnel et bien que le processus ait généralement été mis en branle par le commis-chef ou par la salle des rapports. Le capitaine Piché a déclaré que pendant cette période, elle relevait du commandant adjoint du détachement des communications de deuxième ligne, le major Gilbert, qui remplissait aussi les fonctions de commandant par intérim lorsque le lieutenant-colonel Boyle était absent. Le capitaine Piché a déclaré que les éducateurs de pairs ne pouvaient pas choisir leur lieu d’hébergement pendant leur séjour en Allemagne, mais devaient résider à l’endroit où les services étaient offerts puisque des dispositions avaient été prises à cet effet. En tant que superviseure, elle devait suivre les politiques, directives et orientations applicables, et les transmettre aux membres de son équipe. Le capitaine Piché a également déclaré que M. Wehmeier, qui faisait partie de son équipe, résidait à l’hôtel Park Plaza à Trèves, en Allemagne, à la suite des dispositions prises par le commis chef, l’adjudant Vincent et les deux caporaux qui travaillaient pour lui.

 

[8]               Après voir examiné la preuve et le libellé des alinéas 60(1)f) et 61(1)b), la cour s’est dite convaincue que M. Wehmeier était justiciable du code de discipline militaire au moment des infractions alléguées. La cour a brièvement conclu que les circonstances indiquaient que M. Wehmeier n’était pas un simple visiteur, mais qu’il accompagnait le détachement des communications de deuxième ligne dans l’exécution de ses propres fonctions, qui faisaient partie du mandat du détachement. La cour a estimé que la question en litige dans la demande pour fin de non‑recevoir pouvait être formulée de la façon suivante : Pour qu’une personne soit logée par une unité ou un autre élément au sens de l’alinéa 61(1)b), faut-il nécessairement qu’elle soit logée dans les installations mêmes de cette unité? La cour a répondu par la négative et a conclu que le terme « pourvoir » dans le sens de [traduction] « fournir le nécessaire pour » comprenait la prise de dispositions ou de préparatifs adéquats. Le rôle et les fonctions du détachement des communications de deuxième ligne et des membres de son personnel dans la prise des dispositions et l’administration de l’hébergement du personnel précédemment décrits à Spangdahlem, Bitburg et Trèves tombaient sous le coup de l’alinéa 61(1)b) de la Loi. Par conséquent, M. Wehmeier était une personne qui accompagne une unité ou un autre élément des Forces canadiennes, et donc un justiciable du code de discipline militaire au moment des infractions alléguées.

 

POSITION DES PARTIES

 

Le demandeur

 

[9]               Le demandeur fait maintenant valoir que les alinéas 60(1)f) et 61(1)b) portent atteinte à ses droits garantis par l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés (la Charte) parce qu’ils mettent en jeu le droit à la liberté du demandeur d’une façon non conforme aux principes de justice fondamentale. Plus particulièrement, les alinéas 60(1)f) et 61(1)b) ont une portée plus large que ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif légitime du texte de loi. Le demandeur sollicite une ordonnance déclarant les alinéas 60(1)f) et 61(1)b) de la Loi sur la défense nationale (la LDN) inopérants dans la mesure de leur incompatibilité selon le paragraphe 52(1) de la Loi constitutionnelle de 1982, parce qu’ils sont incompatibles avec l’article 7 et ne peuvent être validés par l’application de l’article premier de la Charte.

 

[10]           Le demandeur invoque principalement l’arrêt R c Heywood, [1994] 3 R.C.S. 761, à l’appui de sa demande visant à faire statuer que le régime législatif examiné a une portée excessive, c’est-à-dire plus large que nécessaire, et que cette atteinte au droit à la liberté de l’accusé n’est pas conforme aux principes de justice fondamentale.

 

[11]           Le demandeur se fonde principalement sur les extraits des Débats de la Chambre des communes (pièce M2-2) pour affirmer que l’objet des dispositions contestées de la Loi sur la défense nationale a été exprimé dans les observations suivantes, faites par M. Campney, alors ministre associé de la Défense nationale, à la page 2125 :

 

Aux termes de la loi canadienne de même qu’aux termes de la loi anglaise et de la loi américaine, les civils qui accompagnent l’armée, lorsque cette dernière est en activité de service, ont toujours été assujétis [sic] au droit militaire.  Une des raisons de ce régime est que les effectifs manœuvrent souvent, surtout en temps de guerre, dans des régions où les autorités et les tribunaux civils n’existent pas ou sont incapables d’agir.  Il est évidemment essentiel que les personnes accompagnant l’armée soient en tout temps assujéties [sic] à une certaine loi.  En outre, étant donné que les opérations militaires sont dangereuses en elles‑mêmes, il est essentiel que les autorités militaires puissent exercer une surveillance étroite sur toutes les personnes qui participent à ces opérations.

 

[12]           Le demandeur soutient que le fait que les dispositions contestées puissent s’appliquer à un civil logé par les Forces canadiennes dans un hôtel privé dans un pays étranger comme l’Allemagne, comme ce fut le cas en l’espèce, dépasse de beaucoup l’objet du texte de loi dans les circonstances, d’autant plus qu’il existait un système de justice criminelle pleinement opérationnel en Allemagne. Le demandeur soutient en outre que les dispositions ont une portée excessive parce que le régime législatif s’applique à toutes les personnes qui accompagnent les Forces canadiennes, peu importe qu’il soit ou non nécessaire d’exercer un contrôle sur celles‑ci pour des raisons de sécurité ou de les assujettir à la primauté du droit. Le demandeur soutient enfin que les principes de justice fondamentale commandent que ces dispositions exigent que les personnes qui accompagnent les Forces canadiennes soient officiellement avisées, avant de les accompagner, qu’elles sont des justiciables du code de discipline militaire et peuvent être accusées, poursuivies et jugées sous le régime du code, comme on l’a considéré dans l’arrêt Heywood.

 

[13]           Le demandeur fait également valoir que ces dispositions législatives ne peuvent être justifiées au regard de l’article premier de la Charte parce qu’il n’y a aucune preuve établissant que l’objectif de la loi était urgent. Le demandeur soutient que l’examen de la jurisprudence depuis 1954 ne révèle pas que l’alinéa 61(1)b) a été invoqué pour faire en sorte que les Forces canadiennes puissent exercer un contrôle sur les personnes ou les assujettir à la primauté du droit. Il soutient qu’en l’absence d’une preuve en ce sens, ces dispositions ne peuvent être validées par l’application de l’article premier de la Charte. L’avocat du demandeur cite les remarques que le juge Cory a faites, au nom de la majorité, au paragraphe 69 de l’arrêt Heywood :

 

                Notre Cour a exprimé des doutes quant à savoir si l’on peut vraiment arriver à justifier une atteinte au droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne, qui ne serait pas conforme aux principes de justice fondamentale, sauf peut‑être en période de guerre ou d’urgence nationale :  Renvoi:  Motor Vehicle Act de la C.‑B., précité, à la p. 518.  Dans un cas où l’atteinte aux principes de justice fondamentale résulte de la portée excessive d’une disposition, il est encore plus difficile de voir comment l’on pourrait justifier cette atteinte.  Un texte législatif d’une portée excessive qui contrevient à l’art. 7 de la Charte ne pourrait, selon toute évidence, satisfaire au volet de l’atteinte minimale de l’analyse fondée sur l’article premier.

 

[14]           Le demandeur prétend que les alinéas 60(1)f) et 61(1)b) de la Loi sur la défense nationale devraient être déclarés inopérants en vertu de l’article 52 de la Loi constitutionnelle de 1982, et qu’ils devraient être retranchés dans la mesure de leur incompatibilité. Enfin, le demandeur demande à la Cour d’envisager la possibilité, dans l’éventualité où elle conclurait que l’atteinte aux droits de M. Wehmeier découlait d’actes accomplis par des mandataires de l’État dans l’application des dispositions pertinentes, d’accorder une réparation en vertu du paragraphe 24(1) de la Charte.

 

La défenderesse

 

[15]           La défenderesse soutient que la présente demande devrait être rejetée pour les motifs suivants :

 

a)                  il n’y a pas suffisamment d’éléments de preuve pour étayer la présente contestation fondée sur la Charte;

 

b)                  l’analyse relative à la portée excessive faite dans l’arrêt Heywood ne s’applique pas dans le contexte de la présente affaire, parce qu’elle porte sur une disposition relative à la compétence, et non sur une disposition qui créée une infraction;

 

c)                  subsidiairement, si la cour devait appliquer le critère énoncé dans l’arrêt Heywood, il n’a pas été satisfait à ce critère dans les circonstances.

 

[16]           La défenderesse convient avec le demandeur que l’objet des alinéas 60(1)f) et 61(1)b) tient au fait que les personnes accompagnant l’armée doivent en tout temps être assujetties à une certaine loi et au fait que, étant donné que les opérations militaires sont dangereuses en elles‑mêmes, il est essentiel que les autorités militaires puissent exercer une surveillance étroite sur toutes les personnes qui participent à ces opérations. Par contre, l’avocat de la défenderesse soutient qu’un troisième objet valide est énoncé à la fin du premier paragraphe de la page 2126 des Débats de la Chambre des communes (pièce M2-2), où M. Campney a déclaré ceci :

 

En d’autres termes, nous essayons de créer les rouages indispensables qui nous permettront d’exercer à l’égard de nos ressortissants à l’étranger la compétence maximum que nous pouvons acquérir au titre des lois et accords existants.

 

[17]           La défenderesse se fonde finalement sur l’arrêt R c Clay, [2003] 3 R.C.S. 735, pour affirmer que le demandeur ne s’est pas acquitté de son fardeau de preuve parce que la portée excessive ne peut être établie que si l’effet préjudiciable de la mesure législative est exagérément disproportionné par rapport à l’intérêt général que le texte de loi tente de protéger.

 

[18]           En réponse à une question posée par la cour, les deux parties conviennent qu’une déclaration d’invalidité des alinéas 60(1)f) et 61(1)b) de la Loi aurait les conséquences suivantes, à savoir :

 

a)                  le demandeur relèverait de la compétence exclusive de l’Allemagne quant aux faits qui sont à l’origine des accusations dont la cour est saisie;

 

b)                  le demandeur ne pourrait pas être jugé par un tribunal civil au Canada quant à ces faits parce que l’article 273 de la Loi sur la défense nationale ne s’appliquerait pas puisqu’il ne s’applique qu’aux personnes qui sont justiciables du code de discipline militaire.

 

DÉCISION

 

Analyse juridique

 

[19]           J’estime nécessaire, pour les besoins de la présente demande, de réitérer les principes fondamentaux concernant la raison d’être du système de justice militaire canadien, qui fait partie intégrante du système plus général de justice canadien, avant d’examiner l’objet de dispositions législatives précises contenues dans la Loi sur la défense nationale. Évidemment, l’objet principal de ce système de justice concerne le maintien de la discipline et de l’efficacité opérationnelle des Forces canadiennes au Canada et dans le monde entier, mais cet énoncé ne suffit pas à le définir. Les remarques que le juge en chef Lamer a faites dans l’arrêt R c Généreux, [1992] 1 R.C.S. 259, en disent davantage sur l’objet du code de discipline militaire, au paragraphe 31, où il a affirmé en partie ce qui suit :

 

Certes, le Code de discipline militaire porte avant tout sur le maintien de la discipline et de l’intégrité au sein des Forces armées canadiennes, mais il ne sert pas simplement à réglementer la conduite qui compromet pareilles discipline et intégrité.  Le Code joue aussi un rôle de nature publique, du fait qu’il vise à punir une conduite précise qui menace l’ordre et le bien‑être publics.  Nombre des infractions dont une personne peut être accusée en vertu du Code de discipline militaire, qui constitue les parties IV à IX de la Loi sur la défense nationale, se rapportent à des affaires de nature publique.  Par exemple, toute action ou omission punissable en vertu du Code criminel ou d’une autre loi du Parlement est également une infraction au Code de discipline militaire.  En fait, trois des accusations portées contre l’appelant en l’espèce concernaient une conduite interdite par la Loi sur les stupéfiants.  Les tribunaux militaires jouent donc le même rôle que les cours criminelles ordinaires, soit punir les infractions qui sont commises par des militaires ou par d’autres personnes assujetties au Code de discipline militaire ....

 

Dans l’arrêt Demande fondée sur l’art. 83.28 du Code criminel (Re) [2004] 2 R.C.S. 248, les juges Iacobucci et Arbour, au nom de la majorité, ont affirmé ceci au paragraphe 34 :

 

De nos jours, le principe qui s’applique en matière d’interprétation législative veut que les termes d’une loi soient interprétés [traduction] « dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur » […] L’approche contemporaine tient compte de la nature diversifiée de l’interprétation législative.  Les considérations relatives au texte doivent être interprétées de concert avec l’intention du législateur et les normes juridiques établies.

 

[20]           La demande dont la cour est saisie met en doute la constitutionnalité des alinéas 60(1)f) et 61(1)b) de la Loi concernant la mesure dans laquelle une personne qui accompagne les Forces canadiennes peut être assujettie au code de discipline militaire. On fait valoir que ces dispositions ont une portée excessive et portent atteinte aux droits de M. Wehmeier garantis par l’article 7 de la Charte contrairement aux principes de justice fondamentale. Pour que quelque chose soit considéré comme un principe de justice fondamentale, il doit s’agir d’un principe juridique qui fait l’objet d’un consensus suffisant quant à son caractère primordial ou fondamental dans la notion de justice de notre société et qui peut être identifié avec précision et appliqué de manière à produire des résultats prévisibles. Ce critère appuie le point de vue selon lequel une allégation de portée excessive peut être examinée dans le cadre de l’analyse relative à la justice fondamentale (voir R c Malmo-Levine, [2003] 3 R.C.S. 571, au paragraphe 113 et R c D.B. [2008] 2 R.C.S. 3, au paragraphe 46).

 

[21]           La cour estime qu’elle dispose de suffisamment de faits pour procéder à l’examen demandé par le demandeur. En outre, la question soulevée dans la présente demande pourrait avoir une incidence sur l’issue du procès et j’estime qu’il y a donc lieu de statuer sur la contestation avant le début du procès. De plus, la cour n’est pas d’accord avec l’avocat de la défenderesse pour dire que l’analyse de la question de savoir si les dispositions en cause ont une portée excessive ne peut être effectuée selon l’approche énoncée dans l’arrêt R c Heywood parce que celui‑ci ne s’appliquerait qu’à la contestation de dispositions qui créent une infraction, et non à celle de dispositions relatives à la compétence, comme c’est le cas en l’espèce. Je ne vois aucun fondement à une interprétation aussi restrictive de la théorie de la portée excessive. Toutefois, dans l’arrêt R c Clay, [2003] 3 R.C.S. 735, aux paragraphes 36 à 38, la juge en chef McLachlin, au nom de la majorité, a fait les remarques suivantes au sujet de l’argument relatif à la portée excessive :

 

36           Appliquée dans l’analyse fondée sur l’article premier de la Charte, cette notion s’inscrit bien dans le « volet atteinte minimale » du critère énoncé dans Oakes : voir  R. c. Nova Scotia Pharmaceutical Society, [1992] 2 R.C.S. 606, p. 629.  Évidemment, dans l’application de l’article premier, le tribunal examine une atteinte à une activité protégée par la Constitution.  Dans un tel cas, comme le tribunal a au préalable conclu à l’existence d’une atteinte à un droit ou à une liberté garanti par la Charte, il se demande alors si cette atteinte constitue une limite raisonnable dont la justification peut se démontrer dans le cadre d’une société libre et démocratique.  Dans les motifs énoncés dans les arrêts Malmo‑Levine et Caine, nous avons conclu que la consommation de marihuana n’est pas, en soi, une activité protégée par la Constitution.  Par conséquent, en tant qu’aspect de l’analyse fondée sur l’article premier, le critère de la portée excessive ne joue pas en l’espèce.

 

37           Traitant du critère de la portée excessive dans le cadre de l’analyse fondée sur l’art. 7 dans l’arrêt R. c. Heywood, [1994] 3 R.C.S. 761, le juge Cory a fait la remarque suivante, à la p. 793 :

 

Lorsqu’une loi a une portée excessive, il s’ensuit qu’elle est arbitraire ou disproportionnée dans certaines de ses applications.

 

38           Dans ce contexte, la portée excessive s’attache aux atteintes potentielles à la justice fondamentale lorsque l’effet préjudiciable d’une mesure législative sur les personnes qu’elle touche est exagérément disproportionné par rapport à l’intérêt général que le texte de loi tente de protéger.  À cet égard, comme l’a souligné le juge Cory, la portée excessive est liée au caractère arbitraire.  Le juge Cory a ajouté ce qui suit dans l’arrêt Heywood, p. 793 :

 

Lorsqu’on analyse une disposition législative pour déterminer si elle a une portée excessive, il y a lieu de faire preuve de retenue à l’égard des moyens choisis par le législateur.  Bien que les tribunaux aient l’obligation constitutionnelle de veiller à ce qu’une loi soit compatible avec la Charte, le législateur doit avoir le pouvoir de faire des choix de principe.

 

[22]           La cour souscrit de manière générale aux observations qui lui ont été faites au sujet de l’objet des alinéas 60(1)f) et 61(1)b) tel qu’il a été décrit par le ministre associé de la Défense nationale le 11 février 1954 (pièce M2-2), à savoir que les personnes accompagnant l’armée doivent en tout temps être assujetties à une certaine loi, qu’il est essentiel, étant donné que les opérations militaires sont dangereuses en elles‑mêmes, que les autorités militaires puissent exercer une surveillance étroite sur toutes les personnes qui participent à ces opérations et que le gouvernement cherchait à créer les rouages indispensables qui permettraient au Canada d’exercer à l’égard de ses ressortissants à l’étranger la compétence maximum qu’il pouvait acquérir au titre des lois et accords existants. Ces éléments doivent toutefois être examinés à la lumière de l’ensemble des termes de la loi en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur. Quant à l’objet des dispositions contestées, la cour signale qu’a été omis un élément essentiel que M. Campney a expressément abordé au deuxième paragraphe de la page 2126 des Débats (pièce M2-2) :

 

Les ententes que le Canada a conclues avec un certain nombre de pays où nos troupes sont ou peuvent être en poste permettent d’appliquer le droit pénal et les formes de procédure du Canada à l’égard des personnes qui accompagnent nos troupes au lieu que leur soient appliqués le droit pénal et les formes de procédure du pays où une infraction aurait été commise.  Pour tirer parti de ces ententes, il faut non seulement être en mesure,—voilà je crois l’élément important de cet article,—d’exercer effectivement notre juridiction sur ces personnes, mais il faut encore que les autorités du pays étranger sachent bien clairement que nous avons cette compétence et que nous pouvons l’exercer.  Voilà ce que l’article 10 est censé accomplir.

 

[23]           L’avocat du demandeur a minimisé l’importance de cet aspect de la loi, que le ministre associé de la Défense nationale alors en poste avait clairement formulé. Les remarques suivantes, qui se trouvent à la page 2124, ont été faites peu après les commentaires initiaux de ce dernier concernant l’article 10 :

 

            Quand entreront en vigueur les dispositions redonnant à l’Allemagne de l’Ouest sa souveraineté quasi complète, le statut du personnel canadien sera modifié.  Les tribunaux allemands auront alors compétence en matière criminelle, mais seulement là où les tribunaux militaires canadiens n’auront pas, en vertu de la loi du Canada, obtenu juridiction.

 

            Pour ce qui est de la France, de la Belgique et des États‑Unis, l’entente de l’OTAN sur le statut des forces armées s’applique maintenant à nos troupes qui se trouvent dans ces pays.  Aux termes de cette entente, la Canada a le droit primitif d’exercer sa compétence sur les membres et les employés civils des forces canadiennes qui se trouvent dans ces pays, en ce qui concerne : a) les délits intéressant seulement les biens ou la sécurité du Canada; b) les délits intéressant seulement la personne ou les biens d’un autre membre ou employé des forces canadiennes; et c) les délits découlant de tout acte ou omission survenu dans l’accomplissement du service officiel.

 

            Le Canada n’a pas le droit primitif d’exercer sa juridiction sur les personnes à charge, mais il peut demander à ces pays de renoncer à leur droit d’exercer leur juridiction et ils sont tenus, en vertu de l’entente, de faire un accueil bienveillant à une telle demande.

 

[24]           Le fait que l’Allemagne soit dotée d’un système de justice criminelle pleinement opérationnel, comme le soutient le demandeur, n’a aucune incidence sur l’intention initiale du législateur, qui était que les membres des Forces canadiennes et les personnes qui les accompagnent dans les circonstances précédemment décrites relèvent au premier chef de la compétence du Canada. Le fait qu’une personne accompagnant l’armée ait été avec une unité ou un autre élément pendant une courte période n’est pas pertinent quant à la question de la compétence du Canada, mais il peut dicter la façon dont cette compétence devrait être exercée. Il ne faut pas oublier que les modifications apportées à la Loi sur la défense nationale qui sont devenues l’alinéa 61(1)b) « n’étendent pas, mais restreignent plutôt la compétence que l’armée peut exercer sur les civils accompagnant les effectifs militaires [...] On ne cherche pas à faire en sorte que l’armée ait la juridiction sur les civils à moins que cela ne soit absolument nécessaire ou que les intérêts bien compris des civils l’exigent » (pièce M2-2, à la page 2125). Il était entendu qu’au Canada, la juridiction criminelle ordinaire continuerait, en application de la Loi sur la défense nationale, d’avoir prépondérance et qu’elle pouvait supplanter les tribunaux militaires.

 

[25]           Point encore plus important, M. Campney a expliqué clairement que la modification a été proposée parce qu’il importait « pour la protection des personnes à la charge des militaires et d’autres civils accompagnant les troupes canadiennes à l’étranger, d’établir nettement dans quelle mesure elles relèvent de la compétence des tribunaux canadiens » (pièce M2-2, aux pages 2125‑2126). L’objet général de la modification était manifestement la protection des intérêts des personnes accompagnant les Forces canadiennes à l’étranger, lesquels ne comprenaient pas, alors, la garantie énoncée à la Charte d’être jugé suivant le droit canadien. La modification faisait en sorte d’assurer la prévisibilité et la certitude des principes juridiques et des droits applicables aux personnes qui accompagnaient les Forces à l’étranger. Il s’agissait d’un objectif légitime qui est toujours valide. Étant donné la complexité que revêtent de telles situations lorsqu’elles se présentent, la définition énoncée à l’article 61 de la Loi sur la défense nationale n’est ni arbitraire ni disproportionnée et constitue une mesure de protection à l’intention de l’accusé, faisant en sorte qu’il bénéficie des garanties dont jouit tout citoyen canadien, notamment celles prévues par la Charte. Soupesant d’un côté l’intérêt qu’a l’État à ce que les civils accompagnant les Forces canadiennes à l’étranger relèvent au premier chef de sa compétence et à ce qu’il soit clair pour les autorités du pays étranger que le Canada possède cette compétence et peut l’exercer et, de l’autre, l’intérêt de ces civils de jouir dans toute la mesure possible des droits que possèdent les autres Canadiens, la cour conclut que les dispositions ne sont pas exagérément disproportionnées par rapport à l’intérêt général que le texte de loi tente de protéger.

 

[26]           Dans cette mise en balance, l’article 273 de la Loi revêt une importance fondamentale quant à l’exercice de la compétence du Canada dans le contexte de la loi et de son objet, à savoir que les civils ne soient jugés par les tribunaux militaires que si c’est absolument nécessaire ou si les intérêts des civils l’exigent. Il pourrait s’agir de la nécessité, par exemple, qu’un civil accompagnant l’armée soit jugé à l’étranger par un tribunal militaire parce qu’il continuera à exercer ses fonctions à titre d’employé au même endroit ou qu’il est une personne à charge qui continuera de vivre à l’étranger avec son conjoint militaire. Pour le reste, le régime législatif ne peut s’appliquer qu’en conjonction avec les alinéas 60(1)f) et 61(1)b).

 

[27]           Il n’y a aucune preuve concluante que l’exercice de la compétence par un mandataire de l’État compromettrait la légitimité et la constitutionnalité des alinéas 60(1)f) et 61(1)b) de la Loi. Sans ces dispositions, une personne qui est logée par une unité ou un autre élément des Forces canadiennes à l’étranger serait uniquement justiciable de la juridiction compétente de l’autre pays, et ne pourrait se prévaloir des garanties juridiques énoncées à la Charte ni invoquer l’intention clairement exprimée par le législateur que les membres des Forces canadiennes et les personnes les accompagnant à l’étranger relèvent au premier chef du Canada—et j’emploie le terme « Canada », et non « Forces canadiennes »—la présente décision se limitant toutefois strictement à la constitutionnalité des alinéas 60(1)f) et 61(1)b) de la Loi.

 

[28]           Après un examen minutieux des alinéas 60(1)f) et 61(1)b) de la Loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur, la cour conclut que le demandeur ne s’est pas acquitté de son fardeau de prouver que ces dispositions ont une portée excessive et qu’elles sont arbitraires et disproportionnées dans certaines de leurs applications.

 

Conclusion et décision

 

 

POUR CES MOTIFS :

 

 

[29]           La demande est rejetée.

 

 

 

COLONEL M. DUTIL, J.C.M.

 

 

 

 

Avocats :

 

Capitaine de corvette P.D. Desbiens, Direction du service d’avocats de la défense

Capitaine de corvette M. Létourneau, Direction du service d’avocats de la défense

Major A.M.W. Reed, Direction du service d’avocats de la défense

Avocats du demandeur

 

Major R.D. Kerr, Service canadien des poursuites militaires

Procureur de la défenderesse

 

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