Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l'ouverture du procès : 20 octobre 2008

Endroit : Manège militaire Thunder Bay, 317 avenue Park, Thunder Bay (ON)

Chefs d'accusation
•Chef d'accusation 1 : Art. 125a) LDN, a fait volontairement une fausse inscription dans un document officiel établi par lui.

Résultats
•VERDICT : Chef d'accusation 1 : Coupable
•SENTENCE : Une réprimande et une amende au montant de 500$

Contenu de la décision

Référence : R. c. Capitaine J. L. Camirand, 2008 CM 4016

 

Dossier : 200832

 

 

 

COUR MARTIALE PERMANENTE

CANADA

ONTARIO

MANÈGE MILITAIRE THUNDER BAY

 

Date : 20 octobre 2008

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DU LIEUTENANT-COLONEL J.-G. PERRON, J. M.

 

SA MAJESTÉ LA REINE

c.

LE CAPITAINE J. L. CAMIRAND

(contrevenant)

 

SENTENCE

(prononcée oralement)

 

 

[1]                   Capitaine Camirand, après avoir accepté et consigné votre plaidoyer de culpabilité relativement à l'accusation no 1, comme il vous a été expliqué et comme vous l'avez expliqué, la Cour vous déclare coupable de cette infraction. La Cour doit maintenant vous infliger une sentence appropriée et juste.

 

[2]                   Le sommaire des circonstances, et vous avez formellement admis que les faits qui y sont décrits constituent une preuve concluante de votre culpabilité, ainsi que vos précisions relatives à la date exacte de l'infraction, fournissent à la Cour les circonstances entourant la perpétration de ces infractions. La preuve documentaire présentée par votre avocat a aussi fourni à la Cour des éléments qui l'aident à mener à bien cette étape du procès, soit celle de la détermination de la sentence. J'ai aussi tenu compte de la preuve et des documents présentés par le poursuivant. En déterminant la sentence qu'il convient de vous infliger, la Cour a tenu compte des circonstances entourant la perpétration de l'infraction, des circonstances atténuantes décrites dans la preuve présentée par l'avocat chargé de vous défendre, des circonstances aggravantes décrites par l'avocat de la poursuite, des observations formulées par les avocats de la poursuite et de la défense, et aussi des principes applicables en matière de détermination de la sentence.

 


 

 

[3]                   Ces principes, qui sont les mêmes pour les cours martiales et les procès criminels devant les tribunaux civils au Canada, ont été énoncés de diverses façons. Règle générale, ils sont fondés sur la nécessité de protéger le public, et le public inclut bien sûr les Forces canadiennes. Les principaux principes sont ceux de leffet dissuasif, soit leffet dissuasif spécifique destiné à vous dissuader personnellement, et leffet dissuasif dans son sens large, celui visant à dissuader les autres qui pourraient être tentés de commettre des infractions similaires. Les principes comprennent aussi la réprobation de la société à légard de la conduite du contrevenant, et le dernier mais non le moindre, le principe de la réadaptation et de la réforme du contrevenant. La Cour doit décider si la protection du public serait mieux assurée en mettant l'accent sur l'effet dissuasif, la réadaptation, la réprobation, ou une combinaison de ces facteurs.

 

[4]                   Pour déterminer la sentence, la Cour doit aussi suivre les directives énoncées à l'article 112.48 des ORFC, selon lequel elle doit tenir compte de toute conséquence indirecte du verdict ou de la sentence, et prononcer une sentence proportionnée à la gravité de l'infraction et aux antécédents du contrevenant. La Cour a aussi tenu compte des orientations fournies par les articles 718 à 718.2 du Code criminel du Canada. Les objectifs et les principes qui y sont énoncés visent à dénoncer le comportement illégal, à dissuader les délinquants, et quiconque, de commettre des infractions, à isoler, au besoin, les délinquants du reste de la société, à favoriser la réinsertion sociale des délinquants, à assurer la réparation des torts causés aux victimes ou à la collectivité, et à susciter la conscience de leurs responsabilités chez les délinquants, notamment par la reconnaissance du tort qu'ils ont causé aux victimes et à la collectivité. La Cour a aussi tenu compte du fait que les sentences infligées à des délinquants pour des infractions semblables commises dans des circonstances semblables doivent être relativement semblables. La Cour doit prononcer une sentence correspondant à la sentence minimale nécessaire pour assurer la discipline.

 

[5]                   Le but ultime de l'infliction d'une sentence est de restaurer la discipline chez le contrevenant et au sein des troupes. La discipline est cette qualité que tout membre des FC doit avoir et qui lui permet de placer les intérêts du Canada et les intérêts des Forces canadiennes avant ses intérêts personnels. Cela est nécessaire parce que les membres des Forces canadiennes doivent volontairement et promptement obéir à des ordres légitimes qui peuvent avoir des conséquences désastreuses pour eux, notamment des blessures et même la mort. Je décris la discipline comme étant une qualité parce qu'à la fin, même si c'est quelque chose qui est développé et encouragé dans les Forces canadiennes par l'instruction, la formation et la pratique, il s'agit d'une qualité interne qui est l'un des pré‑requis fondamentaux à l'efficacité opérationnelle de toute force militaire.

 

 


[6]                    Lavocat de la poursuite fait valoir que les principes de leffet dissuasif et de la réprobation sont ceux qui sappliquent en lespèce. L'avocat de la poursuite a présenté à la Cour trois affaires à l'appui de sa demande portant que vous soyez condamné à une réprimande et à une amende de 500 $. Votre avocat propose aussi que je vous condamne à une réprimande et à une amende de 500 $.

 

[7]                    Dans R. c. Paquette, 1998 CACM 418, la Cour d'appel de la cour martiale précise clairement que le juge appelé à prononcer une sentence ne peut rejeter la recommandation conjointe des avocats, à moins que la sentence proposée ne soit de nature à déconsidérer ladministration de la justice ou quelle ne soit pas dans lintérêt public.

 

[8]                    Vous avez avoué votre culpabilité relativement à une accusation portée aux termes de l'alinéa 125a) de la Loi sur la défense nationale. Plus précisément, vous avez admis avoir volontairement signé une fiche de paie de la Réserve confirmant que des membres du 736e Escadron des communications avaient travaillé le 9 octobre 2006 alors que vous saviez qu'ils n'avaient pas travaillé ce jour-là. En septembre 2006, vous avez tenu une réunion finale durant laquelle vous avez déclaré que vous autoriseriez une journée de paie additionnelle pour chaque membre de l'unité qui se joindrait au fonds de l'unité. Vous avez aussi encouragé les membres à faire un don de 30 $ au fonds de l'unité pour cette journée payée gratuite. Vous avez demandé à un caporal-chef de choisir une journée durant laquelle l'escadron n'avait pas effectué d'exercice militaire et de préparer une fiche de paie pour cette journée. On trouve à la pièce no 8 le Registre des présences, Force de réserve, Instruction dans l'unité, Service de réserve classe A, soit la fiche de paie qui a été préparée conformément à vos instructions. Y apparaissent les noms de 27membres du 736e Escadron des communications (Thunder Bay). Quinze membres de l'escadron ont signé cette fiche de paie du 9 octobre. Le commandant de l'unité à l'époque, deux officiers, soit un capitaine et un sous-lieutenant, un adjudant-maître, un adjudant, sept caporaux et trois soldats ont signé ce faux document. Vous avez ensuite certifié, conformément à l'article 34 de la Loi sur la gestion des finances publiques, que le personnel apparaissant sur la liste avait participé à l'exercice autorisé.

 

[9]                    La Cour suprême du Canada a parlé du concept de discipline au sein des Forces armées au paragraphe 60 de son arrêt de principe de 1992, R. c. Généreux, [1992] 1 R.C.S. 259. La Cour a déclaré que:

 


Le but d'un système de tribunaux militaires distinct est de permettre aux Forces armées de s'occuper des questions qui touchent directement à la discipline, à l'efficacité et au moral des troupes. La sécurité et le bien‑être des Canadiens dépendent dans une large mesure de la volonté d'une armée, composée de femmes et d'hommes, de défendre le pays contre toute attaque et de leur empressement à le faire. Pour que les Forces armées soient prêtes à intervenir, les autorités militaires doivent être en mesure de faire respecter la discipline interne de manière efficace. Les manquements à la discipline militaire doivent être réprimés promptement et, dans bien des cas, punis plus durement que si les mêmes actes avaient été accomplis par un civil. Il s'ensuit que les Forces armées ont leur propre code de discipline militaire qui leur permet de répondre à leurs besoins particuliers en matière disciplinaire. En outre, des tribunaux militaires spéciaux, plutôt que les tribunaux ordinaires, se sont vu conférer le pouvoir de sanctionner les manquements au Code de discipline militaire. Le recours aux tribunaux criminels ordinaires, en règle générale, serait insuffisant pour satisfaire aux besoins particuliers des Forces armées sur le plan de la discipline. Il est donc nécessaire d'établir des tribunaux distincts chargés de faire respecter les normes spéciales de la discipline militaire.....

 

[10]                  Jénoncerai maintenant les circonstances aggravantes et les circonstances atténuantes dont jai tenu compte en déterminant la sentence appropriée dans la présente affaire.

 

[11]                  Ce qui suit m'apparaît aggravant :

 

À titre d'officier ayant quelque 39 ans d'expérience au moment de l'infraction, vous saviez très bien qu'il était important d'agir de manière éthique et conformément aux lois de votre pays. Vous avez suivi le cours d'officier surveillant, vous saviez que ce que vous faisiez était tout à fait illégal.

 

La pièce no 8, la fiche de paie, indique que votre commandant l'a signée. On ne m'a pas fourni de preuve à ce sujet. La Cour ne peut que se demander si vous avez reçu une approbation explicite ou tacite de votre commandant, mais elle ne peut tirer de conclusion. La Cour sait au vu de la preuve que vous avez profité d'une réunion finale pour annoncer votre plan aux membres de l'unité. Il ressort de votre rapport d'appréciation du personnel pour la période du 1er avril 2006 au 31 mars 2007 que vous agissiez comme commandant adjoint de l'unité lorsque vous avez signé la fiche de paie.

 


En dépit du fait que vous n'avez pas initié votre plan illégal pour servir vos propres fins, vos mots et vos gestes sont impardonables. Je ne suis pas d'accord avec votre avocat quand il dit que votre action illégale a eu des répercussions minimes sur votre unité. Vous occupiez un poste de confiance et de respect dans votre unité. Vous aviez un rôle important à jouer pour assurer l'ordre et la discipline dans cette unité. Vous aviez été promu au rang de capitaine en mars 2005 alors que vous étiez adjudant-maître. En votre qualité d'officier occupant un poste supérieur dans l'unité, vous étiez censé être un exemple pour les officiers subalternes et les militaires du rang. Que devaient-ils penser? Comment étaient-ils censés respecter les principes et les valeurs que les FC cherchent à inculquer à chacun de leurs membres alors qu'ils étaient encouragés par le commandant adjoint de leur unité à mentir et à frauder l'État en échange d'une contribution au fonds de l'unité?

 

Votre geste, même s'il n'était pas très subtil, était prémédité.

 

[12]                  Je traiterai maintenant des circonstances atténuantes:

 

Vous en êtes à votre première infraction. Vous avez entièrement collaboré à l'enquête de la police militaire et vous lui avez avoué sans réserve avoir commis les actions qui vous sont reprochées. Un plaidoyer de culpabilité est un aveu qui peut être considéré comme un signe de remords. Vous avez indiqué à la première occasion que vous désiriez plaider coupable. Ces actions démontrent clairement que vous êtes prêt à assumer l'entière responsabilité de vos actions.

 

Vos rapports d'appréciation du personnel, à la pièce no 10, indiquent que vous êtes un officier qui a de manière constante contribué au succès de votre unité et qui a de façon uniforme été évalué comme ayant le potentiel d'être promu à un rang supérieur. En soi, cela peut être porté à votre crédit et peut être considéré comme un facteur atténuant. Vous avez aussi à votre actif une carrière s'échelonnant sur cinq décennies ternie d'aucune autre faute. Vous avez été déployé outre-mer à deux occasions, sur le plateau du Golan et en Bosnie-Herzégovine, et vous avez aussi servi à neuf reprises différentes à la SFC Alert. Il semblerait que cette infraction soit attribuable à un manque de jugement de votre part qui ne vous ressemble pas lorsqu'on examine vos rapports d'appréciation du personnel et que l'on considère le témoignage de votre commandant actuel.

 

Vous n'avez pas tiré de profit personnel de votre action illégale; votre intention était d'accroître le nombre de membres participant au fonds de l'unité ainsi que les contributions monétaires en résultant. Douze des quinze membres ont depuis lors restitué l'argent qu'ils avaient obtenu illégalement.

 


[13]                  Ce qui suit constitue un facteur aggravant.Vous avez plaidé coupable et avez été reconnu coupable d'une accusation portée contre vous aux termes de l'alinéa125a) de la Loi sur la défense nationale. Le code de discipline militaire contient 58 infractions militaires distinctes que lon retrouve aux articles 73 à 129 de la Loi sur la défense nationale. L'examen des sentences maximales prévues pour ces différentes infractions indique que pour 25 des 58 infractions, un emprisonnement de moins de deux ans est la sentence maximale qui peut être infligée par la Cour. La sentence maximale pour toutes les autres infractions est plus sévère que la sentence d'emprisonnement de moins de deux ans. L'infraction visée par l'article 125 est l'une de ces 33 autres infractions. Par conséquent, si l'on tient compte de la sentence maximale qu'une cour martiale peut infliger pour cette infraction, l'infraction pour laquelle vous avez plaidé coupable est objectivement l'une des infractions les plus graves que l'on trouve dans le code de discipline militaire. Il s'agit d'un facteur aggravant.

 

[14]                  Je reviendrai maintenant sur les circonstances atténuantes. Selon l'article162 de la Loi sur la défense nationale, une accusation aux termes du code de discipline militaire doit être traitée avec toute la célérité que les circonstances permettent. Dans l'affaire Généreux, la Cour suprême du Canada a souligné que les autorités militaires doivent être en mesure de faire respecter la discipline interne de manière efficace pour que les Forces armées soient prêtes à intervenir. Les manquements à la discipline militaire doivent être réprimés promptement. Même si on ne m'a pas fourni de preuve expliquant le retard à faire instruire cette affaire, j'accorderai un certain poids à cet élément en l'incluant dans les circonstances atténuantes.

 

[15]                  Avant que je prononce la sentence, je répète que ce que vous avez fait ne vous ressemble pas et semble être attribuable à un manque de jugement de votre part. Vous n'avez pas de fiche de conduite, il semble donc que ce soit une première incartade. Vous avez indiqué par la voix de votre avocat que vous prennez votre retraite des Forces en mars 2009. Il vous reste encore quelques mois à servir. L'exemple que vous avez donné à vos subordonnés, en les incitant et en les encourageant à contrevenir à la loi, il vous reste quelques mois de plus pour travailler au sein de votre unité et tenter de renverser cet exemple, de les aider à comprendre que ce n'est pas ce qu'ils devraient tenter de faire à nouveau à l'avenir.

 

[16]                  Capitaine Camirand, je conviens que l'effet dissuasif général et la réprobation sont les principaux facteurs dont il faut tenir compte dans la présente affaire.

 

[17]                  Ayant pris en compte les circonstances particulières entourant la perpétration de cette infraction, vos antécédents de même que la jurisprudence présentée par l'avocat de la poursuite, j'ai décidé que la sentence minimale nécessaire pour maintenir la discipline dans le cas de ce type d'infraction, commise par ce type de contrevenant, serait conforme à la recommandation conjointe formulée par les avocats. Je considère qu'elle n'est pas contraire à l'intérêt public et n'aura pas pour effet de déconsidérer l'administration de la justice.

 

[18]                  Capitaine Camirand, je vous condamne à une réprimande et à une amende de 500 $.

 

Lieutenant-Colonel J-G Perron, J. M.

 

 


Avocats :

 

Major S. MacLeod, Direction des poursuites militaires 4-2

avocat de Sa Majesté la Reine

 

Capitaine B. Tremblay, Direction du Services des avocats de la défense

avocat du capitaine J. L. Camirand

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