Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l’ouverture du procès : 21 octobre 2013.

Endroit : BFC Shilo, Aménagements pour des lectures d’entraînement, édifice C-106, 106 chemin Patricia, Shilo (MB).

Chefs d’accusation
•Chefs d’accusation 1, 2, 3 : Art. 90 LDN, s’est absenté sans permission.

Résultats
•VERDICTS : Chefs d’accusation 1, 2, 3 : Coupable.
•SENTENCE : Emprisonnement pour une période de 10 jours et une amende au montant de 500$. L’exécution de la peine d’emprisonnement a été suspendue.

Contenu de la décision

 

COUR MARTIALE

 

Référence : R c Bailey, 2013 CM 4026

 

Date : 20131021

Dossier : 201303

 

Cour martiale permanente

 

Station des Forces canadiennes Shilo

Shilo (Manitoba) Canada

 

Entre :

 

Sa Majesté la Reine

 

- et -

 

Ex-Soldat M.L. Bailey, contrevenant

 

 

Devant : Lieutenant-colonel J-G Perron, J.M.


 

TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE

 

MOTIFS DE LA SENTENCE

 

(Prononcés de vive voix)

 

[1]        Ex-Soldat Bailey, ayant accepté et enregistré vos plaidoyers de culpabilité relativement aux chefs d’accusation un, deux et trois, la cour vous déclare coupable de ces accusations portées aux termes de l’article 90 de la Loi sur la défense nationale. La cour doit maintenant déterminer une peine juste et appropriée en l’espèce.

 

[2]        Le sommaire des circonstances, dont vous avez formellement reconnu les faits en tant que preuve concluante de votre culpabilité, fournit à la cour les circonstances entourant la perpétration des infractions en cause. Au moment des infractions, vous étiez un membre du 8e Peloton, 2e Bataillon, Princess Patricia's Canadian Light Infantry, à Shilo (Manitoba).

 

[3]        À 0700 heures, le 4 juin 2012, à la caserne Kapyong, un appel nominal a été réalisé pour votre peloton, et on a noté que vous étiez absent. Vous êtes arrivé à 0740 heures. Le 6 juin 2012, le 8e Peloton a été informé du fait que le rassemblement du jeudi 7 juin aurait lieu à 0720 heures à la caserne Kapyong. Plus tard, ce matin-là, vous avez rencontré l’Adjudant Matthies pour l’informer que, le lendemain matin, vous deviez vous présenter à la revue des malades pour obtenir des résultats de test. Il vous a dit d’appeler l’hôpital de la base pour voir s’il était possible d’attendre jusqu’au lundi suivant pour recevoir les résultats de test afin que vous ne manquiez pas l’exercice de défilé. Vous deviez vous présenter à nouveau à l’Adjudant si vous ne pouviez pas attendre au lundi pour obtenir les résultats.

 

[4]        Le 7 juin 2012, vers 0710 heures, vous avez appelé le Caporal Hillier aux bureaux du 8e Peloton pour lui dire que vous aviez un rendez-vous à l’hôpital de la base à 0730 heures le jour même. Le 7 juin 2012, à 0930 heures, le Caporal Nadasny, membre du 8e Peloton, a reçu l’ordre d’effectuer un suivi pour confirmer que vous aviez bel et bien un rendez-vous à l’hôpital de la base. Il a communiqué avec l’hôpital et la clinique dentaire de la base et confirmé que vous n’aviez aucun rendez-vous le matin en question.

 

[5]        Le Caporal Nadasny a alors demandé au Caporal Hillier et au Caporal Welch d’aller vérifier si vous étiez dans votre chambre, dans le bâtiment L-101 de la BFC Shilo. À 0940 heures, le Caporal Hillier et le Caporal Welch ont cogné à votre porte. Puisqu’il n’y avait pas de réponse, ils sont entrés dans la pièce et vous ont trouvé endormi. Ils vous ont donné l’ordre de vous présenter au 8e Peloton, ce que vous avez fait, à 1000 heures.

 

[6]        Le 23 novembre 2012, à 0745 heures, les membres du 8e Peloton avaient un défilé matinal. Vous ne vous êtes pas présenté au défilé. On a demandé au Sergent Hurley de vous trouver. Il a appelé sur votre téléphone cellulaire à cinq reprises, mais vous n’avez pas répondu. Il a demandé à d’autres membres de votre peloton, mais personne ne vous avait vu. À 0846 heures, le Sergent Hurley et le Caporal-chef Nepinak se sont rendus à votre chambre pour voir si vous étiez là. Ils vous ont trouvé encore au lit. Ils ont remarqué que vous sentiez l’alcool et qu’il y avait de 10 à 15 canettes de bière vides sur la table d’appoint. Ils vous ont demandé de vous habiller, de vous raser et de rejoindre le 8e Peloton, à la caserne Kapyong, ce que vous avez fait, à 0900 heures.

 

[7]        Ayant examiné les principaux faits de l’espèce, je vais maintenant déterminer la peine. Comme l’a indiqué la Cour d’appel de la cour martiale, la détermination de la peine est un processus fondamentalement subjectif et individualisé, et c’est l’une des tâches les plus difficiles que le juge du procès doit accomplir.

 

[8]        La Cour d’appel de la cour martiale a clairement affirmé que les objectifs fondamentaux de la détermination de la peine, qui sont énoncés dans le Code criminel du Canada, s’appliquent dans le contexte du système de justice militaire, et le juge militaire doit tenir compte de ces objectifs lorsqu’il détermine la peine. L’objectif fondamental de la détermination de la peine est de contribuer au respect de la loi et à la protection de la société, ce qui comprend les Forces canadiennes, par l’infliction de sanctions justes visant un ou plusieurs des objectifs suivants :

 

a)         dénoncer le comportement illégal;

 

b)         dissuader les contrevenants et autres personnes de commettre des infractions;

 

c)         isoler, au besoin, les contrevenants de la société;

 

d)         favoriser la réinsertion sociale des contrevenants;

 

e)         assurer la réparation des torts causés aux victimes ou à la collectivité;

 

f)         susciter le sens des responsabilités chez les contrevenants, notamment par la reconnaissance des dommages causés à la victime et à la collectivité.

 

La cour doit déterminer si la protection du public serait mieux servie par la dissuasion, par la réinsertion sociale, par la dénonciation ou par une combinaison de ces facteurs.

 

[9]        Les dispositions en matière de détermination de la peine qui sont énoncées aux articles 718 à 718.2 du Code criminel prévoient un processus de détermination de la peine individualisé dans lequel la cour doit tenir compte non seulement des circonstances de l’infraction, mais également de la situation particulière du contrevenant. La peine doit également être semblable aux autres peines imposées en de semblables circonstances. Le principe de la proportionnalité constitue un élément central de la détermination de la peine. La proportionnalité signifie qu’une sanction ne doit pas excéder ce qui est juste et approprié compte tenu de la culpabilité morale du contrevenant et de la gravité de l’infraction.

 

[10]      La cour doit également infliger la peine la moins sévère nécessaire pour maintenir la discipline. L’objectif ultime de la détermination de la peine consiste à rétablir la discipline chez le contrevenant et dans la société militaire. La discipline constitue l’une des conditions fondamentales de l’efficacité opérationnelle de toute armée.

 

[11]      La poursuite et votre avocat ont tous deux proposé que vous soyez condamné à une peine d’emprisonnement de 10 jours et à une amende de 500 $. Ils recommandent aussi que la cour suspende l’exécution de cette peine d’emprisonnement. La Cour d’appel de la cour martiale a mentionné clairement que le juge appelé à déterminer la peine ne doit s’écarter de la recommandation conjointe des avocats que si la peine proposée est de nature à déconsidérer l’administration de la justice ou si elle n’est pas dans l’intérêt public. La procureure de la poursuite fait valoir qu’il faut tenir compte des principes de détermination de la peine de dissuasion générale et de réinsertion sociale et elle a présenté un cas à l’appui de la peine proposée.

 

[12]      Je vais maintenant exposer les circonstances aggravantes et les circonstances atténuantes dont j’ai tenu compte pour déterminer la peine appropriée en l’espèce. À mon avis, les éléments suivants constituent des facteurs aggravants :

 

(a)                l’infraction visée à l’article 90 de la Loi sur la défense nationale n’est pas objectivement aussi grave que certaines autres infractions prévues dans la Loi sur la défense nationale puisqu’une personne peut être condamnée à une peine d’emprisonnement de moins de deux ans ou à une peine moindre dans l’échelle des peines. Vous vous êtes absenté pendant 40 minutes, 2 heures et 40 minutes, et 1 heure et 15 minutes, respectivement. Vos absences démontrent un manque de respect pour votre chaîne de commandement et la discipline. Elles ont fait travailler pour rien vos collègues et ont entraîné des difficultés administratives pour votre chaîne de commandement. Sur le plan subjectif, ces infractions ne constituent pas les exemples les plus flagrants d’absence sans permission, mais elles ont eu une incidence négative sur vos collègues et votre chaîne de commandement.

 

(b)               Vous avez une fiche de conduite. Durant la courte période où vous avez été un membre des Forces canadiennes, vous avez fait l’objet d’un procès sommaire à deux occasions, en avril et mai 2011. Vous avez été déclaré coupable par la Cour provinciale du Manitoba de conduite avec facultés affaiblies par l’alcool en août 2011. Votre fiche de conduite contient deux chefs d’accusation d’absence sans permission et un chef d’accusation d’ivresse. Il s’agit d’une fiche de conduite bien remplie pour un soldat. Cela démontre que vous avez des problèmes d’alcoolisme et d’autodiscipline.

 

[13]      En ce qui concerne les circonstances atténuantes, je souligne les éléments suivants :

 

a)                  vous avez plaidé coupable. Une telle collaboration avec la police et un plaidoyer de culpabilité sont habituellement considérés comme des circonstances atténuantes. Cette approche n’est généralement pas perçue comme étant contraire aux droits de l’accusé de garder le silence et de s’attendre à ce que le ministère public prouve hors de tout doute raisonnable les accusations portées contre lui. Elle est plutôt perçue comme un moyen pour les tribunaux d’infliger une peine moins sévère, car l’aveu de culpabilité signifie habituellement que les témoins n’ont pas à témoigner, ce qui réduit considérablement les coûts associés aux procédures judiciaires. L’aveu est généralement vu aussi comme un signe que l’accusé est disposé à assumer la responsabilité de ses actes illicites et du tort qui en a résulté;

 

b)                  vous aviez 24 ans et serviez au sein des Forces canadiennes depuis seulement 3 ans au moment des infractions. Par conséquent, je vais considérer que le fait que vous étiez jeune et sans expérience en tant que membre de l’armée est un facteur atténuant, mais est tempéré par votre fiche de conduite;

 

c)                  vous avez demandé votre libération des Forces canadiennes, qui vous a été accordée le 6 août 2013 en vertu du point 4c (sur demande – Pour autres motifs). Par conséquent, vous avez été libéré honorablement. Vous travaillez actuellement comme manœuvre pour un installateur de gouttières. Vous travaillez 40 heures par semaine et touchez 14 $ l’heure. Vous partagez un appartement avec votre petite amie et vous payez tous les deux le loyer. Vous avez de nombreuses dettes qui s’élèvent à environ 9 000 $ et vous avez un plan afin de les rembourser. Vous voulez aussi continuer à travailler dans la région jusqu’à ce que vous ayez suffisamment d’argent pour trouver un emploi plus payant dans le Nord de l’Alberta.

 

[14]      Il semble y avoir eu un retard de quelques mois, deux ou trois, parce que l’avocat de la défense a demandé qu’un procès sommaire présidé par votre commandant soit examiné et cassé. La demande a été présentée le 15 mai 2013, et le commandant de l’Armée canadienne a cassé le procès sommaire le 15 octobre 2013. Même si je suis d’accord avec votre avocat à ce sujet, le fait que le procès sommaire ait été examiné et cassé soit une question importante dans le cadre du processus de détermination de la peine en l’espèce, je ne crois pas qu’il faut considérer cela comme un facteur atténuant, puisqu’on ne m’a fourni aucune preuve indiquant que cela avait eu un impact négatif sur vous ou les procédures.

 

[15]      Je suis d’accord avec les avocats. En l’espèce, l’incarcération est une peine appropriée. Il s’agit d’un cas où la détention est la peine appropriée pour un contrevenant qui est encore membre des Forces canadiennes. La Cour d’appel de la cour martiale a déclaré ce qui suit aux paragraphes 58 et 59 de l’arrêt Ex-Soldat St-Onge c R, 2010 CACM 7 :

 

[58]         La peine dans l’arrêt Tupper comprenait une période de détention. Dans le contexte militaire, la détention est une forme d’incarcération ayant un objectif particulier, soit la réhabilitation du contrevenant en qualité de membre des Forces canadiennes. Les notes du paragraphe 104.09 des ORFC l’énoncent clairement de la façon suivante :

 

(A) Comme pour toute mesure disciplinaire, la détention est une punition qui vise à réhabiliter les détenus militaires et à leur redonner l’habitude d’obéir dans un cadre militaire structuré. Ces derniers seront donc soumis à un régime d’entraînement qui insiste sur les valeurs et les compétences propres aux membres des Forces canadiennes, pour leur faire voir ce qui les distingue des autres membres de la société. Des soins spécialisés et des programmes d’orientation seront offerts par ailleurs aux détenus militaires qui en auront besoin pour les aider à surmonter leur dépendance aux drogues et à l’alcool ou à régler des ennuis de santé analogues. Une fois la peine de détention purgée, le militaire retournera à son unité, en temps normal, sans que sa carrière n’en souffre à long terme.

 

 

Voici ce que la Cour a écrit au paragraphe 59 :

 

[59]         Par ailleurs, l’emprisonnement, dans le contexte militaire, est considéré comme précédant le retour du contrevenant dans la société civile. Encore une fois, les notes de la disposition pertinente des ORFC, soit l’article 104.04, le révèlent clairement :

 

(B) Les prisonniers et les condamnés militaires auront besoin le plus souvent d’un programme intensif de recyclage et de réadaptation en vue de se réinsérer dans la société au terme de leur incarcération. Les prisons et les pénitenciers civils possèdent les ressources voulues pour offrir ce genre de programme aux détenus. Dans le but de faciliter leur conversion à la vie civile, les prisonniers et les condamnés militaires qui sont censés être libérés des Forces canadiennes seront transférés, en règle générale, dans une prison ou un pénitencier civil le plus rapidement possible dans les 30 jours suivant la sentence. Le militaire sera d’ordinaire libéré des Forces canadiennes avant son transfert dans un établissement civil.

 

[16]      Un membre actif dans la même situation que l’ex-Soldat Bailey pourrait bien être condamné à une peine de détention. Le but de cette peine serait de faire du contrevenant un soldat plus discipliné. La Cour d’appel de la cour martiale a indiqué que les membres des FC libérés des FC ne peuvent être condamnés à une peine de détention puisque la détention ne vise plus un objectif militaire une fois le contrevenant libéré. Par conséquent, le seul type d’incarcération possible en l’espèce serait une peine d’emprisonnement. Cependant, l’emprisonnement ne semble pas une peine appropriée en l’espèce lorsqu’on tient compte des faits en cause. En fait, c’est un substitut à la détention.

 

[17]      Dans les arrêts Ex-Soldat St-Onge c R, 2010 CACM 7 et Soldat Tupper c R, 2009 CACM 5, il est question de la détermination des peines à imposer à des contrevenants libérés des Forces canadiennes. Dans les deux cas, il n’est pas question d’une retraite volontaire. Tupper a été libéré aux termes du point 2(a), et St-Onge, du point 5(f).

 

[18]      Je détermine que, en l’espèce, la recommandation conjointe des avocats en ce qui  concerne la peine constitue un juste équilibre entre l’exigence touchant la discipline et la jurisprudence de la Cour d’appel de la cour martiale. Le principe de dissuasion générale exigerait qu’une peine d’incarcération soit imposée. La détention serait une peine appropriée, n’eût été le statut actuel de l’accusé. L’emprisonnement est la seule autre forme d’incarcération que peut imposer la cour, mais une période d’incarcération pénaliserait actuellement l’ex-Soldat Bailey beaucoup plus que s’il avait encore été un membre actif des Forces canadiennes puisqu’un soldat condamné à une peine de détention continue à toucher sa solde, tandis que l’ex-Soldat Bailey ne serait pas rémunéré par son employeur civil.

 

[19]      La suspension de la peine de détention a fondamentalement le même effet sur le contrevenant que la suspension de la peine d’emprisonnement. Le contrevenant n’est pas tenu de purger sa peine sauf si sa conduite, depuis la suspension, justifie une remise de la peine.

 

[20]      Vous avez des problèmes financiers et vous avez tenté de rectifier vos erreurs passées. Le montant de l’amende doit tenir compte de votre capacité de payer ainsi que de l’impact que cela aura sur votre situation. Le principe de dissuasion spécifique n’est pas requis en l’espèce.

 

[21]      J’ai conclu que la dissuasion générale et la réinsertion sociale constituent les principaux principes de détermination de la peine qu’il faut appliquer en l’espèce. Après avoir examiné l’ensemble de la preuve et tenu compte de la jurisprudence et des observations de la poursuite et de la défense, je conclus que, vu les circonstances, la peine proposée est la peine minimale nécessaire pour maintenir la discipline. Je conclus aussi que cette peine ne déconsidérerait pas l’administration de la justice et que la peine proposée serait dans l’intérêt public. Par conséquent, je souscris à la recommandation conjointe de la procureure de la poursuite et de votre avocat. Une peine d’emprisonnement avec sursis et une amende de 500 $ faciliteront aussi votre réinsertion sociale.

 

POUR CES MOTIFS, LA COUR :

 

[22]      CONDAMNE l’ex-Soldat Bailey à une peine d’emprisonnement de 10 jours assortie d’une amende de 500 $, et ordonne la suspension de l’exécution de la peine d’emprisonnement.


 

Avocats :

 

Capitaine de corvette S. Torani, Service canadien des poursuites militaires

Procureure de Sa Majesté la Reine

 

Capitaine de corvette B.G. Walden, Direction du service d’avocats de la défense

Avocat de l’ex-Soldat M.L. Bailey

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