Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l'ouverture du procès : 18 novembre 2008

Endroit : BFC Wainwright, Édifice 626, Denwood (AB)

Chefs d'accusation
•Chef d'accusation 1 : Art. 97 LDN, ivresse.

Résultats
•VERDICT : Chef d'accusation 1 : Non coupable.

Contenu de la décision

Citation : R. c. Sergent L. Morin, 2008 CM 4017

 

Dossier : 200841

 

 

COUR MARTIALE PERMANENTE

CANADA

ALBERTA

BASE DES FORCES CANADIENNES WAINWRIGHT

 

Date : 19 novembre 2008

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DU LIEUTENANT-COLONEL J-G PERRON, J.M.

 

SA MAJESTÉ LA REINE

c.

SERGENT L. MORIN

(Accusé)

 

VERDICT

(Oralement)

 

 

Introduction

 

[1]                    L'accusé, le sergent Morin est accusé d'un chef d'accusation déposé en vertu de l'article 97 de la Loi sur la défense nationale.  Plus particulièrement, il est accusé d'avoir été ivre vers le 27 mai 2007 au Manège militaire Mewata,  ville de Calgary, province d'Alberta.

 

[2]                    La preuve produite devant la présente cour se compose des faits et des questions dont la cour a pris judiciairement connaissance selon l'article 15 des Règles militaires de la preuve et des témoignages de l'adjudant MacDonald, des soldats St-Laurent et Goldsmith et de monsieur Langford pour la poursuite et des soldats Callaghan et Duffy pour la défense ainsi que d'une pièce produite par la poursuite.

 

Présomption d'innocence et doute raisonnable

 


[3]                    Avant que la cour ne procède à l'analyse juridique du chef d'accusation, il convient de traiter de la présomption d'innocence et de la preuve hors de tout doute raisonnable, une norme de preuve qui est inextricablement liée aux principes fondamentaux applicables à tout procès criminel.  Si ces principes sont évidemment bien connus des avocates, ils ne le sont peut-être pas des autres personnes qui se trouvent dans la salle d'audience. 

 

[4]                    Il est juste de dire que la présomption d'innocence est le principe le plus fondamental de notre droit pénal et que le principe de la preuve hors de tout doute raisonnable est un élément essentiel de la présomption d'innocence.  Dans les affaires qui relèvent du code de discipline militaire comme dans celles qui relèvent du droit criminel, toute personne accusée d'une infraction est présumée innocente tant que la poursuite ne prouve pas sa culpabilité hors de tout doute raisonnable.  Un accusé n'a pas à prouver qu'il est innocent.  C'est à la poursuite qu'il incombe de prouver hors de tout doute raisonnable chacun des éléments de l'infraction.  L'accusé est présumé innocent tout au long de son procès jusqu'à ce que le juge des faits rende un verdict. 

 

[5]                    La norme de la preuve hors de tout doute raisonnable ne s'applique pas à chacun des éléments de preuve ou différentes parties de la preuve présentée par le poursuite, mais plutôt à l'ensemble de la preuve sur laquelle se fonde la poursuite pour établir la culpabilité de l'accusé.  Il incombe à la poursuite de prouver hors de tout doute raisonnable la culpabilité de l'accusé mais jamais à l'accusé de prouver son innocence. 

Un tribunal doit déclarer un accusé non coupable s'il a un doute raisonnable quant à sa culpabilité après avoir examiné l'ensemble de la preuve.  Cette expression « hors de tout doute raisonnable » est employée depuis très longtemps.  Elle fait partie de notre histoire et de nos traditions juridiques.  La Cour suprême du Canada a proposé un modèle de directive concernant le doute raisonnable.  Les principes décrits dans l'arrêt Lifchus ont été appliqués dans plusieurs autres arrêts de la Cour suprême et des tribunaux d'appel.  Essentiellement, un doute raisonnable n'est pas un doute imaginaire ou frivole.  Il ne doit pas être fondé sur la sympathie ou sur un préjugé.  Il repose sur la raison et le bon sens.  C'est un doute qui surgit à la fin du procès et qui est fondé non seulement sur ce que la preuve révèle au tribunal mais également sur ce qu'elle ne lui révèle pas.  L'accusation portée contre un individu ne préjuge en rien de sa culpabilité.

 

[6]                    Dans un autre arrêt, l'arrêt Starr , la Cour suprême du Canada a statué que :

 

... une manière efficace de définir la norme du doute raisonnable à un jury consiste à expliquer qu'elle se rapproche davantage de la certitude absolue que de la preuve selon la prépondérance des probabilités.

 

[7]       Par ailleurs, il faut se rappeler qu'il est pratiquement impossible de prouver quoi que ce soit avec une certitude absolue.  La poursuite n'est pas tenue de le faire.  La certitude absolue est une norme de preuve qui n'existe pas en droit.  La poursuite doit seulement prouver la culpabilité de l'accusé hors de tout doute raisonnable.

 


[8]                    Pour placer les choses en perspective, si le tribunal est convaincu que l'accusé est probablement ou vraisemblablement coupable, il doit l'acquitter car la preuve d'une culpabilité probable ou vraisemblable ne constitue pas une preuve de culpabilité hors de tout doute raisonnable. Qu'est-ce que la preuve?  La preuve peut comprendre des témoignages sous serment ou des déclarations solennelles de personnes appelées à témoigner sur ce qu'elles ont vu ou fait.  Il peut s'agir de documents, de photographies, de cartes, d'autres éléments de preuve matérielle présentés par les témoins, des témoignages d'experts, des faits admis devant le tribunal par la poursuite ou par la défense ou des questions dont le tribunal a connaissance d'office.  Il n'est pas rare que les éléments de preuve présentés au tribunal soient contradictoires.  Les témoins ont souvent des souvenirs différents d'un fait et le tribunal doit déterminer quels sont les éléments qu'il juge crédible.  La crédibilité n'est pas synonyme de vérité et l'absence de crédibilité n'est pas synonyme de mensonge.  De nombreux facteurs doivent être pris en compte dans l'évaluation que le tribunal fait de la crédibilité d'un témoin.  Par exemple, le tribunal évaluera la possibilité qu'a eu le témoin d'observer ou les raisons qu'il a de se souvenir.  Il se demandera, par exemple, si une chose en particulier a aidé le témoin à se souvenir des détails et d'un évènement qu'il a décrit; si les faits étaient remarquables, inhabituels, et frappants ou au contraire insignifiants et par conséquent, tout naturellement plus difficiles à se remémorer.  Le témoin a-t-il un intérêt dans l'issue du procès?  C'est-à-dire : a-t-il une raison de favoriser la poursuite ou la défense?  Est-il impartial?  Ce dernier facteur s'applique d'une manière quelque peu différente à l'accusé.  Bien qu'il soit raisonnable de présumer que l'accusé a intérêt à se faire acquitter, la présomption d'innocence ne permet pas de conclure que l'accusé mentira lorsqu'il décide de témoigner.

 

[9]                    Un autre élément permet de déterminer la crédibilité; la capacité apparente du témoin à se souvenir.  On peut observer l'attitude du témoin pendant sa déposition pour évaluer sa crédibilité.  Il faut se demander si le témoin a répondu aux questions avec naturel, si ses réponses étaient précises ou évasives, ou encore hésitantes, s'il argumentait et enfin si son témoignage était cohérent et compatible avec les faits non contestés.  Un témoignage peut comporter, et en fait comporte souvent, des contradictions mineures et involontaires mais cela ne doit pas nécessairement conduire à l'écarter.  Il en va autrement d'un mensonge qui constitue toujours un acte grave et peut entacher le témoignage en tout ou en partie.  Le tribunal n'est pas tenu d'accepter le témoignage d'une personne à moins que celui-ci ne lui paraisse crédible.  Cependant, le tribunal jugera un témoignage digne de foi à moins d'avoir une raison de ne pas le croire. La Cour suprême du Canada dans l'arrêt R.c. W.D. informe les juges de première instance de la procédure et des critères à suivre lors d'un procès.  Dans cet arrêt, la Cour suprême a défini ces critères de la manière suivante :

 

premièrement, si vous croyez la déposition de l'accusé manifestement vous devez prononcer l'acquittement;

 


deuxièmement, si vous ne croyez pas le témoignage de l'accusé mais si vous avez un doute raisonnable vous devez prononcez l'acquittement;

 

troisièmement, même si vous n'avez pas de doute à la suite de la déposition de l'accusé, vous devez vous demander si, en vertu de la preuve que vous acceptez, vous êtes convaincu hors de tout doute raisonnable de la preuve de la culpabilité de l'accusé.

 

[10]                  Les éléments essentiels de cette infraction sont :

 

l'identité du contrevenant;

 

la date et le lieu de l'infraction;

 

le fait que l'accusé était sous l'influence de l'alcool ou d'une drogue;

 

le fait que l'accusé n'était pas en état d'accomplir la tâche qu'il devait accomplir, avait une conduite répréhensible ou une conduite susceptible de jeter le discrédit sur le service de Sa Majesté; et

 

l'état d'esprit répréhensible de l'accusé.

 

La preuve

 

[11]                  Un cours de recrue d'infanterie, le BIQ eut lieu au Centre d'entraînement de Wainwright, du mois de mars au mois de juin 2007.  Tous les témoins sauf monsieur Langford, étaient soit stagiaire ou instructeur sur ce cours.  Environ quarante recrues et trois instructeurs se sont rendus à Calgary le 27 mai 2007.  Le sergent Morin était le sous-officier en devoir au cours de cette soirée.  L'unanimité des témoins sur les faits cesse à ce moment.

 

[12]                  L'identité, la date et l'endroit tels qu'indiqués dans l'accusation sont établis par la preuve des témoins de la poursuite et ceux de la défense.  Ces éléments ne furent pas contestés par l'accusé

 

[13]                  La poursuite allègue que le sergent Morin était sous l'influence de l'alcool lors de son retour au manège militaire et qu'il n'était pas en état d'accomplir sa tâche de sous-officier de service.  L'avocate de la défense répond que la poursuite n'a pas présenté de preuve qui prouve hors de tout doute raisonnable que le sergent Morin était sous l'influence de l'alcool et donc incapable d'accomplir sa tâche. 

 


[14]                  La poursuite n'a pas présenté de preuve démontrant que le sergent Morin avait consommé des boissons alcooliques.  La preuve de la poursuite se limite aux effets de la consommation de boisson alcoolique sur le sergent Morin. Je vais maintenant examiner cette preuve. 

 

[15]                  L'adjudant MacDonald a témoigné que le sergent Morin était le seul sous-officier de service au cours de la soirée du 27 mai 2007.  Il a aussi témoigné qu'il avait invité le sergent Morin à l'accompagner au cours de la soirée du 27 mai et qu'il était permis au sergent Morin de consommer de l'alcool mais pas au point où il serait intoxiqué et donc incapable d'accomplir sa tâche.  L'adjudant MacDonald est sorti au cours de cette soirée et serait revenu au manège vers 22 heures ou 23 heures pour ensuite quitter de nouveau et ne revenir que le lendemain matin.  Son témoignage n'informe pas la cour sur l'état d'ébriété du sergent Morin au cours de cette soirée, ni sur la capacité du sergent Morin d'accomplir sa tâche.

 

[16]                  Le soldat St-Laurent a ensuite témoigné.  Il aurait consommé trois ou quatre consommations alcooliques au cours du souper et se dit sobre au moment de son retour au manège vers 23 heures.  Il décrit une scène des plus chaotique en ces mots « mass confusion, Gong Show » , car la plupart des recrues étaient ivres et beaucoup trouvaient donc l'occasion de se défouler.  Il ne parla pas au sergent Morin et garda une certaine distance de celui-ci car le sergent Morin essayait de contrôler les recrues qui étaient les plus ivres.  Le soldat St-Laurent essaya de contrôler les recrues qui étaient un peu moins ivre.  Bien qu'il indiqua durant son interrogatoire en chef que le sergent Morin semblait ivre car il trébuchait « stumbling », qu'il n'articulait pas bien « slurred speech », et qu'il ne pouvait pas concentrer son regard sur la personne à qui il parlait « looking pass people he was speaking to », le soldat St-Laurent a aussi indiqué durant son contre-interrogatoire qu'il était bien possible qu'il ne se souvenait pas exactement du manque d'articulation « slurred speech » et du manque de concentration.  Il appert aussi qu'il n'a pas indiqué ces constatations dans la déclaration qu'il avait complété la semaine suivante malgré le fait que ces évènements importants étaient bien frais dans son esprit à ce moment.

 

[17]                  Le soldat Goldsmith témoigna qu'il avait pris trois ou quatre boissons alcooliques à chaque établissement qu'il avait fréquenté au cours de cette soirée et qu'il était ivre « moderately drunk », selon lui, à son retour au manège.  Il a aussi décrit une scène d'anarchie au manège.  Il témoigna qu'il y avait des bagarres dans le manège, il était le senior du cours cette journée-là et il essaya de contrôler la situation.  Il décrit le sergent Morin comme étant ivre, car le sergent Morin criait beaucoup, il avait un visage rouge, un comportement erratique, qu'il n'articulait pas bien et qu'il sacrait « swearing », qu'il sacrait beaucoup.  Le soldat Goldsmith alla parler au commissionnaire en devoir pour obtenir des conseils.  Durant son contre-interrogatoire, il avoua être très intoxiqué au cours de ces évènements.  Il témoigna que le sergent Morin avait l'habitude de sacrer et que son visage était rouge au cours de la soirée du 27 mai tout comme il l'était à certains moments au cours du procès.

 


[18]                  Monsieur Langford était le seul commissionnaire en service au Manège militaire Mewata au cours de la soirée du 27 mai 2007.  Sa table était installée près de l'entrée du manège, à quelque 30 pieds des lits de camp des recrues qui se situaient sur le terrain de parade au centre du manège.  Il était en position d'observer ce secteur en tout temps.  Il témoigna que le senior du cours essayait de contrôler les recrues qui étaient ivres.  Il témoigna aussi que le senior du cours lui avait parlé et que ce dernier était bouleversé car il ne pouvait contrôler son groupe.  Il a aussi parlé au sergent responsable du groupe pour lui demander ce qui se passait.  Il décrit le sergent Morin comme étant ivre car il n'articulait pas bien, il titubait « staggering », criait et il sentait de l'alcool sur son haleine.  Il témoigna que le sergent Morin n'avait pas une voix normale et parlait plus fort que la normale.  Il croyait qu'il y avait d'autres sous-officiers dans le manège avant son départ à deux heures du matin mais il n'était pas certain de cela à cause du passage du temps depuis cet évènement.  Il a écrit un rapport sur ces incidents.  Il était bouleversé qu'une recrue qui était senior du cours avait dû venir le voir pour lui demander des conseils pour contrôler la situation.

 

[19]                  Au cours de son contre-interrogatoire, monsieur Langford témoigna que la situation s'est détériorée quand le sergent s'en est mêlé.  Il ne se souvient pas d'avoir vu des bagarres entre les soldats sauf celles qui se produisirent quand les recrues étaient en trois rangs derrière le manège.  Il n'avait jamais rencontré le sergent Morin avant cette nuit et ne connaissait pas son comportement normal.  Bien qu'il est certain que le senior du cours était la personne qui avait tout fait pour garder un contrôle sur le groupe, et qu'il lui avait parlé, il était aussi convaincu que le senior du groupe n'avait jamais quitté le manège et qu'il avait demeuré prêt de son bureau car ce dernier était un des piquets d'incendie.  Bien qu'il n'avait pas décrit les signes d'intoxication dans son rapport, il était certain qu'il a indiqué que le sergent Morin était ivre.  Il avait parlé avec le sergent Morin et il indiqua que ce dernier pouvait lui parler sans problème ou en ses mots où il était d'accord avec la question « he was able to carry a conversation with you ».

 

[20]                  Le soldat Callaghan était un des piquets d'incendie et n'a pas quitté le manège cette soirée.  Il était sobre.  Il témoigna que plusieurs bagarres eurent lieu entre 22 h 30 et 23 h 30, alors que les recrues ivres retournaient au manège.  Le senior du cours essaya de contrôler le groupe en criant et celui-ci ne voulait pas prendre les conseils des piquets d'incendie qui étaient sobres.  Il décrit les deux bagarres « scuffling », qui eurent lieu quand le sergent Morin plaça le groupe en trois rangs.  Il témoigna que le sergent Morin avait ultimement bien contrôler la situation car personne ne fut blessé.  Il ne fut pas contre-interrogé par la poursuite.

 


[21]                  Le soldat Duffy sorti au cours de la soirée du 27 mai et il était sobre à son retour au manège.  Il arriva vers l'heure du couvre-feu.  La plupart des recrues étaient déjà arrivées et il décrit une situation comme étant chaotique en ses mots « mad house » car la plupart des recrues étaient ivres.  Il y avait des bagarres « pushing and shoving », il témoigna que le sergent Morin faisait de son mieux pour contrôler la situation.  Il témoigna lors d'un ‒‒ il témoigna que lors de la formation en trois rangs à l'extérieur, le sergent Morin aurait dit à certaines des recrues qui semblaient des plus agressifs qu'ils pouvaient se battre si ils le voulaient.  Il ne fut pas contre-interrogé par la poursuite.

 

[22]                  Je vais à présent appliquer les critères énoncés dans l'arrêt R. c. W.(D.) cité plus haut.  Le sergent Morin n'a pas témoigné, alors je n'ai pas à examiner les deux premiers critères.

 

[23]                  Je dois donc me demander si en vertu de la preuve que j'accepte, je suis convaincu hors de tout doute raisonnable par la preuve de la culpabilité de l'accusé.

 

[24]                  La preuve présentée par la défense ne traite en aucune façon de l'état d'ébriété de l'accusé, seule la poursuite a présenté de la preuve à cet effet. Je vais maintenant examiner cette preuve. 

 

[25]                  Les soldats St-Laurent et Goldsmith ne sont pas considérés par la cour comme étant des témoins crédibles.  Le soldat Goldsmith était nettement ivre au cours de ces évènements.  La cour ne peut placer beaucoup de confiance dans sa capacité de se souvenir correctement du comportement et de l'état d'ébriété du sergent Morin.  Le soldat St-Laurent a avoué qu'il était bien possible qu'il ne se souvenait pas exactement que le sergent Morin n'articulait pas bien ou manquait de concentration.

 


[26]                  Monsieur Langford est aussi un témoin qui manque de crédibilité dû au manque de fiabilité dans son témoignage.  Bien qu'il est convaincu que le senior du cours était celui qui avait nettement mieux contrôlé le groupe, et que ce dernier lui avait demandé des conseils, il est aussi convaincu que ce senior de cours ait passé la soirée prêt de son bureau.  Il est clair du témoignage du soldat Goldsmith qu'il était le senior du cours et qu'il n'avait pas demeuré auprès de monsieur Langford.  Monsieur Langford ne se souvient d'aucune bagarre « pushing or shoving » avant que le sergent Morin ait regroupé les recrues en trois rangs derrière le manège, alors que les autres témoins indiquent que de nombreuses bagarres ont eu lieu entre 22 h 30 et 23 h 30.  Il ne semble pas d'accord avec la manière utilisée par le sergent Morin pour essayer de contrôler le groupe.  La cour ne peut placer beaucoup de confiance dans l'opinion de monsieur Langford sur l'état d'ébriété du sergent Morin compte tenu des indices utilisés de monsieur Langford.  Ce dernier ne connaissait pas le sergent Morin, il ne peut pas affirmer que le sergent Morin parlait, ne parlait pas avec une voix normale, qu'il articulait moins bien ou qu'il criait plus qu'il ne le fait normalement.  L'odeur de l'alcool sur l'haleine ne signifie pas par soit même qu'une personne est sous l'influence de l'alcool.  Le fait que monsieur Langford affirme sans réserve que le senior du cours est demeuré à ses côtés au cours de cette soirée mine grandement sa capacité de se souvenir clairement des évènements du 27 mai 2007 et donc la fiabilité ‒‒ et donc entache la fiabilité de son témoignage. 

 

[27]                  Les soldats Callaghan et Duffy sont des témoins crédibles.  Ils ont témoigné que le sergent Morin faisait de son mieux pour contrôler une situation des plus difficiles.  Bien qu'il appert des témoignages des soldats Duffy et St-Laurent que le sergent Morin a encouragé certaines bagarres, il ressort de l'ensemble de la preuve que la situation était chaotique car la grande majorité des recrues étaient ivres et hors de contrôle, et que le sergent Morin essayait de contrôler la situation.

 

[28]                  Sergent Morin, veuillez vous lever.  Compte tenu de mon évaluation de la preuve de la poursuite sur l'état d'ébriété du sergent Morin, j'en viens à la conclusion que la preuve présentée par la poursuite n'a pas prouvé, hors de tout doute raisonnable, que le sergent Morin était sous l'influence de l'alcool au cours des évènements du 27 mai 2007 et incapable de s'acquitter de ses tâches.  Bien que la preuve démontre que vous aviez probablement consommé de l'alcool et que votre comportement au cours de cette soirée laisse à désirer, surtout quand vous avez encouragé des recrues à se battre; la preuve de la poursuite n'a pas atteint le seuil du doute raisonnable.

 

[29]                  Sergent Morin, pour les motifs énoncés par la cour, je vous trouve non coupable de cette accusation.

 

 

LIEUTENANT-COLONEL J-G PERRON, J.M.

 

 

Avocates :

 

Capitaine de corvette S. Léonard, Directeur des poursuites militaires, région de l'Ouest

Avocate de la poursuite

Major A. Litowski, Directeur du service d'avocats de la défense

Avocate du sergent L. Morin

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