Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l'ouverture du procès : 8 décembre 2008

Endroit : Manège militaire Régiment de Maisonneuve, 691 rue Cathcart, Montréal (QC).

Chefs d’accusation
•Chef d’accusation 1 : Art. 129 LDN, acte préjudiciable au bon ordre et à la discipline.
•Chef d’accusation 2 : Art. 93 LDN, comportement déshonorant.

Résultats
•VERDICTS : Chef d’accusation 1 : Coupable. Chef d’accusation 2 : Retiré.
•SENTENCE : Une amende au montant de 750$.

Contenu de la décision

Citation : R. c. Lieutenant F. Déry, 2008 CM 4018

 

Dossier : 200826

 

 

COUR MARTIALE PERMANENTE

CANADA

QUÉBEC

RÉGIMENT DE MAISONNEUVE

 

Date : 9 décembre 2008

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DU LIEUTENANT-COLONEL J-G PERRON, J.M.

 

SA MAJESTÉ LA REINE

c.

LIEUTENANT F. DÉRY

(Accusé)

 

SENTENCE

(Oralement)

 

 

[1]                    Lieutenant Déry, veuillez vous lever.  Lieutenant Déry ayant accepté et enregistré votre aveu de culpabilité au premier chef d'accusation, je vous trouve maintenant coupable du premier chef d'accusation, soit d'avoir fait un usage illégitime des systèmes d'information de l'Unité régional de soutien aux cadets région de l'Est contrairement à l'Ordonnance des cadets de la région de l'Est 902, Sécurité informatique au sein de l'URSC(Est).  Vous pouvez maintenant vous asseoir.

 

[2]                    Vous étiez employé en service de classe B et vous occupiez les fonctions d'officier des technologies d'information et d'officier de sécurité des systèmes d'information du Camp d'instruction d'été des cadets de Cap-Chat au cours de l'été 2005.  Plus précisément, entre le 16 juin et le 19 août 2005, vous avez visionné une vidéo pornographique, vous avez téléchargé de la musique en utilisant un logiciel et vous avez branché un portable au réseau malgré le fait que ces actions étaient prohibées par l'ordonnance 902.  En plus, vous avez invité un caporal, un membre de la Force de la réserve et non un cadet, à venir visionner cette vidéo pornographique avec vous.  Vous étiez pleinement au courant du contenu de l'ordonnance 902 au moment de cette infraction.

 


[3]                    Le procureur de la poursuite suggère que la sentence appropriée pour cette infraction soit un blâme et une amende de 1 200 $.  Il suggère que les principes de détermination de la peine les plus importants sont la dénonciation et la dissuasion générale.  Votre avocat, pour sa part, propose une amende de 500 $.

 

[4]                    Pour déterminer ce qui constitue en l'espèce la sentence appropriée, j'ai pris en compte les circonstances qui ont entourées la commission de l'infraction telles que révélées par le sommaire des circonstances dont vous avez accepté la véracité.  J'ai également considéré la preuve testimoniale provenant du major Gobeil et de vous-même, la preuve documentaire et la jurisprudence qui ont été déposées et des plaidoiries des avocats.  J'ai analysé ces divers éléments à la lumière des objectifs et des principes applicables en matière de la détermination de la peine.  Tel qu'indiqué au paragraphe (2) de l'article 112.48 des Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes, j'ai aussi pris en compte toute conséquence indirecte du verdict et de la sentence et du besoin de prononcer une sentence proportionnée à la gravité de l'infraction et aux antécédents du contrevenant.

 

[5]                    Il est reconnu que pour contribuer à l'un des objectifs essentiels de la discipline militaire, les objectifs et les principes de détermination de la peine sont les suivants :

 

premièrement, la protection du public et le public inclut les Forces canadiennes;

 

deuxièmement, la punition et la dénonciation du contrevenant;

 

troisièmement, la dissuasion spécifique et collective, soit celle du contrevenant et quiconque voudrait commettre les mêmes infractions;

 

quatrièmement, il est parfois important d'isoler le délinquant de la société, y compris des membres des Forces canadiennes;

 

cinquièmement, la réhabilitation et la réforme du contrevenant;

 

sixièmement, la proportionnalité à la gravité des infractions et le degré de responsabilité du contrevenant;

 

septièmement, l'harmonisation des peines;

 

huitièmement, le recours à une peine privative de liberté, soit la détention ou l'emprisonnement et seulement lorsque la cour est satisfaite qu'il s'agit effectivement de la peine de dernier ressort applicable dans les circonstances d'une affaire; et

 


finalement, la cour va prendre en considération les circonstances aggravantes et atténuantes qui sont liées aux circonstances de l'affaire et à la situation personnelle du contrevenant.

 

Dans la présente cause, la protection du public sera atteinte par une sentence qui mettra l'emphase principalement sur la dissuasion collective.  Il est aussi important de mettre l'emphase aussi sur la dénonciation du geste du contrevenant.

 

[6]                    Donc, en considérant quelle sentence serait appropriée, j'ai pris en considération les facteurs aggravants et les facteurs atténuants suivants.  Je considère comme aggravants :

 

La nature de l'infraction et la peine prévue par le législateur.  Vous êtes coupable d'un acte préjudiciable au bon ordre et à la discipline qui est punissable de la destitution ignominieuse du service de Sa Majesté.  Il s'agit d'une infraction objectivement sérieuse.

 

De plus, la nature de la directive qui fut enfreinte, soit l'Ordonnance des cadets de la région de l'Est 902, Sécurité informatique au sein de l'URSC(Est).  Cette ordonnance tout comme toute autre directive sur l'utilisation permise des ressources informatiques des Forces canadiennes vise à protéger nos réseaux et les données qui s'y trouvent.  À titre d'administrateur du réseau informatique du camp, vous étiez pleinement au courant de ces directives et des conséquences possibles des infractions à ces directives.

 

Troisièmement, vous étiez un officier au moment de l'infraction.  Il appert que vous ne vous souciez pas de donner le bon exemple quand vous avez invité le caporal Casse à venir visionner la vidéo pornographique sur un ordinateur des Forces canadiennes, dans la section des services informatiques au cours des heures de travail.  J'espère que vous comprenez maintenant qu'un officier se doit de donner l'exemple à tout subordonné pas seulement qu'aux cadets.  Un officier se doit de faire respecter les règlements par tout subordonné pas seulement les cadets.  Il est clair que pour tous les membres des Forces canadiennes depuis bon nombre d'années maintenant, il est clair que la pornographie n'est pas acceptée dans le milieu de travail.  Les raisons qui justifient cette politique sont bien évidentes,  mais il me semble qu'elles ne l'étaient pas pour vous en 2005.  Je vous suggère fortement de prendre conscience de ceci si vous désirez toujours faire carrière au sein des Forces canadiennes.

 


Vos actions démontrent un manque de maturité, un manque de jugement ainsi qu'un manque de discipline personnelle.  Vous avez manqué à votre devoir d'officier de sécurité des réseaux informatiques et en faisant ainsi, vous avez trahi la confiance de votre chaîne de commandement.

 

Je ne considère pas comme facteur aggravant le fait qu'une des femmes sur la vidéo pornographique était une ancienne cadette de votre corps d'armée.

 

Quant aux facteurs atténuants, je constate que :

 

Vous avez avoué votre culpabilité.  Cet aveu de culpabilité démontre votre remords.  Aussi, vous n'avez pas de fiche de conduite.

 

Bien que je n'ai reçu que peu d'information sur ce sujet, je considère le délai, soit plus de 36 mois depuis la date de l'infraction, comme un facteur qui va atténuer votre sentence quelque peu.  On ne peut plaider avec force la célérité du système de justice militaire et l'impact de ce procès sur la discipline sans offrir à la cour la preuve qui explique la situation précise du délai devant cette cour.  De tels délais sans bonnes explications tendent à miner l'impact des cours martiales sur la discipline et portent atteinte au respect qui est dû au système de justice militaire.

 

Vous étiez un jeune officier en termes d'expérience et en âge, vous aviez reçu votre brevet d'officier en 2001 et vous aviez 25 ans au moment de l'infraction.

 

Vous n'avez pas été employé au sein de l'organisation des cadets depuis février 2006 et ceci semble être dû à l'enquête entourant cette infraction.  Donc, l'enquête et les mesures disciplinaires ont déjà eu un impact sur vous en ce que vous n'avez pas pu continuer de progresser dans votre carrière d'officier CIC et vous avez aussi perdu une source de revenus depuis février 2006.

 

Vous avez de bons rapports annuels de rendement et vous menez une vie productive pour vous et pour la société.  Vous démontrez donc un bon potentiel pour le futur qu'il soit militaire ou civil.

 


La situation devant cette cour est bien différente des deux causes qui me furent présentées par la poursuite.  Vous étiez un jeune officier avec peu d'expérience qui a fait un usage inapproprié des systèmes informatiques qui est bien différent de l'usage dans le cas du capitaine de vaisseau Banks et dans le cas du caporal Campbell.  Vos caractéristiques personnelles sont aussi bien différentes de ces deux autres contrevenants.

 

[7]                    Lieutenant Déry, veuillez vous lever.  Je tiens à vous répéter que les actes qui vous sont reprochés ne sont pas acceptables au sein des Forces canadiennes.  Je vous recommande fortement de réfléchir à ceci si vous désirez poursuivre votre carrière au sein du CIC.  Vous avez manqué à votre devoir en tant qu'officier; vous avez fait fi des règlements, vous avez encouragé un caporal à faire de même.  Prenez conscience de ceci.

 

[8]                    Une sentence juste et adéquate dans un tel cas d'un bris d'une directive si bien connue de tous les membres des Forces canadiennes doit refléter la gravité de ce genre d'infraction mais aussi les antécédents du contrevenant.  Ayant examiné la jurisprudence et les faits de cette affaire, je suis d'avis que la sentence suivante incorpore adéquatement les principes de détermination de la peine et qu'elle constitue la sentence la plus minimale pour assurer la protection du public et le maintien de la discipline dans les Forces canadiennes.  Je ne crois pas qu'un blâme est une peine nécessaire à ce moment-ci compte tenu des facteurs atténuants de cette affaire.

 

[9]Lieutenant Déry, je vous condamne à une amende de 750 $. 

 

 

 

LIEUTENANT-COLONEL J-G PERRON, J.M.

 

Avocats :

 

Major J. Caron, Procureur militaire régional, région de l'Est

Lieutenant de vaisseau L.P.S.P. Goulet, Procureur militaire régional, région de l'Est Avocats de la poursuivante

Lieutenant de vaisseau P.D. Desbiens, Directeur du service d'avocats de la défense

Avocat du Lieutenant F. Déry

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