Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l'ouverture du procès : 12 février 2008
Endroit : BFC Gagetown, édifice B-6, Oromocto (NB).
Chef d’accusation:
• Chef d’accusation 1 : Art. 83 LDN, a désobéi à un ordre légitime d’un supérieur.
Résultats:
• VERDICT : Chef d’accusation 1 : Coupable.
• SENTENCE : Détention pour une période de 15 jours.

Cour martiale disciplinaire (CMD) (est composée d’un juge militaire et d’un comité)

Contenu de la décision

 

COUR MARTIALE

 

Référence :  R c Crockatt, 2008 CM 2004

 

Date : 20080316

Dossier : 200754

 

Cour martiale disciplinaire

 

Base des Forces canadiennes Gagetown

Gagetown (Nouveau-Brunswick), Canada

 

Entre :

 

Sa Majesté la Reine

 

- et –

 

Soldat Z. A. Crockatt, contrevenant

 

En présence du commandant P.J. Lamont, J.M.

 


 

TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE

 

MOTIFS DE LA SENTENCE

 

(Prononcés de vive voix)

 

[1]        Soldat Crockatt, le comité de la présente cour martiale disciplinaire vous a déclaré coupable d’avoir désobéi à un ordre légitime, contrairement à l’article 83 de la Loi sur la défense nationale. Je dois donc maintenant fixer et prononcer votre sentence. Pour ce faire, j’ai examiné les principes de détermination de la peine qu’appliquent les cours ordinaires du Canada ayant compétence en matière criminelle et les cours martiales. J’ai également tenu compte des faits de l’espèce, tels qu’ils ressortent de la preuve recueillie au procès, des témoignages entendus et des documents acceptés à l’étape de la détermination de la peine ainsi que des observations des avocats de la poursuite et de la défense.

 

[2]        Les principes de la détermination de la peine guident la cour dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire afin que celle-ci inflige une peine appropriée et adaptée à chaque cas. En règle générale, la peine doit être proportionnée à la gravité de l’infraction ainsi qu’au degré de responsabilité et au caractère du contrevenant. La cour est guidée par les peines qu’ont infligées d’autres tribunaux dans des affaires similaires, non pas parce qu’elle respecte aveuglément les précédents, mais parce que notre sens commun de la justice veut que les affaires similaires soient jugées de manière similaire. Néanmoins, la cour tient compte des nombreux facteurs qui distinguent chaque affaire dont elle est saisie, autant des facteurs aggravants qui peuvent commander une peine plus lourde que des circonstances atténuantes qui peuvent appeler une réduction de la peine.

 

[3]        Les buts et objectifs de détermination de la peine ont été exprimés de diverses manières dans de nombreuses décisions antérieures. En général, ils ont trait à la protection de la société, laquelle comprend bien sûr les Forces canadiennes, par la promotion du développement et du maintien d’une collectivité juste, paisible, sûre et respectueuse de la loi. Chose importante, dans le contexte des Forces canadiennes, ces objectifs comprennent le maintien de la discipline, cette habitude d’obéissance indispensable à l’efficacité d’une force armée. Les buts et objectifs de la détermination de la peine comprennent aussi la dissuasion individuelle – la peine doit décourager le contrevenant de récidiver – et la dissuasion générale – elle doit décourager les autres de suivre son exemple. La peine vise aussi à assurer la réinsertion sociale du contrevenant, à promouvoir son sens des responsabilités et à dénoncer les comportements illégaux. Un ou plusieurs de ces buts et objectifs prédomineront inévitablement dans la détermination d’une peine juste et appropriée dans un cas donné, mais chacun de ces buts et objectifs mérite l’attention de la cour chargée de fixer la peine; pour être juste et appropriée, celle-ci doit témoigner d’un dosage judicieux de ces buts et objectifs, adapté aux circonstances particulières de l’espèce.

 

[4]        L’article 139 de la Loi sur la défense nationale prévoit les différentes peines que peuvent infliger les cours martiales. Ces peines sont limitées par la disposition législative qui crée l’infraction et prescrit la peine maximale, ainsi que par la compétence que la cour peut exercer. Une seule sentence peut être prononcée à l’égard du contrevenant, qu’il soit déclaré coupable d’une seule infraction ou de plusieurs, mais la sentence peut prévoir plusieurs peines. Selon un principe important, il y a lieu d’infliger la peine la moins sévère qui permettra de maintenir la discipline. Pour déterminer la peine en l’espèce, j’ai tenu compte des conséquences directes et indirectes qu’auront pour le contrevenant la déclaration de culpabilité et la sentence que je m’apprête à prononcer.

 

[5]        Les faits de la présente affaire ont été exposés au cours des témoignages présentés devant le comité. Il appert de ces témoignages que l’infraction a été commise à la base de patrouille Wilson, qui est une base d’opérations avancée située en Afghanistan. Le contrevenant s’est fait réveiller aux petites heures du matin le 18 mars 2006 et a alors reçu l’ordre de prendre le relais à un poste d’observation situé tout près de là. Il a immédiatement refusé verbalement d’obéir à l’ordre du caporal-chef.

 

[6]        La poursuite soutient qu’une période de détention de 30 à 60 jours serait une peine appropriée en l’espèce. Pour sa part, la défense fait valoir qu’une peine appropriée serait une réprimande sévère, assortie d’une amende élevée; la défense demande également la suspension de l’exécution de la peine de détention infligée, le cas échéant.

 

[7]        Je dois dire que j’accepte l’avis qu’ont exprimé les témoins entendus à l’étape de la détermination de la peine, soit le caporal-chef Dickin et l’adjudant-maître Jeans, au sujet des effets de l’infraction visée par la présente affaire sur la discipline et le moral au sein des unités. À mon avis, le fait que l’infraction a été commise dans un théâtre d’opérations actif constitue une circonstance particulière aggravante et ce n’est que si l’infraction avait été commise sous le tir ennemi qu’elle aurait pu être plus grave. Ce n’est pas ce qui s’est produit en l’espèce, mais j’estime que la situation se rapproche de celle des infractions les plus graves de cette nature.

 

[8]        De plus, j’ai tenu compte de l’importance de l’ordre qui a été donné pour les opérations ainsi que de l’importance d’obéir à cet ordre pour assurer la sécurité des autres membres du personnel alors présents. Le manque de ressources humaines à un poste d’observation peut avoir des conséquences très graves. Il n’appartient pas au soldat qui reçoit l’ordre de juger par lui-même si la tâche qui lui est confiée doit être accomplie. Il est indéniable que, lorsqu’un ordre légitime est donné dans un théâtre de l’importance de celui de la présente affaire, il est obligatoire d’obéir immédiatement à cet ordre sans le remettre en question.

 

[9]        J’ai également examiné la situation du contrevenant qui, à la date de l’infraction, comptait près de quatre années de service dans les Forces canadiennes à titre de soldat d’infanterie. Il est permis de présumer que, en raison de l’entraînement qu’il avait suivi à la maison et dans le cadre de la préparation en vue du déploiement, il était au courant de l’importance d’obéir aux ordres légitimes.

 

[10]      Dans la présente affaire, je considère l’état de santé du contrevenant à la date de l’infraction comme une des circonstances atténuantes. Il appert clairement des témoignages présentés pendant le procès qu’au cours des jours qui ont précédé la perpétration de l’infraction, le contrevenant a reçu un diagnostic de gastroentérite virale dont il continuait probablement à subir les effets malgré le traitement efficace qu’il avait reçu le 15 mars 2006, environ trois jours avant l’infraction. Je tiens également compte des conditions de combat difficiles dans le cadre desquelles l’infraction a été perpétrée. La preuve montre clairement que les ressources dont disposait la chaîne de commandement pour s’acquitter de ses lourdes responsabilités étaient alors très limitées et que chaque élément de l’unité donnait plus que son maximum. C’est de cette façon qu’elle a pu se distinguer, ce dont elle peut s’enorgueillir, de même que le pays qu’elle sert. Le contrevenant était lui aussi soumis aux mêmes conditions de combat difficiles, mais il a choisi, dans ces mêmes conditions, de faire valoir ses intérêts individuels plutôt que d’obéir à un ordre légitime.

 

[11]      Je considère également comme une circonstance atténuante le fait que le contrevenant a reçu un avertissement écrit, ce qui constitue une conséquence administrative découlant de l’infraction dont la cour martiale l’a déclaré coupable. De plus, je tiens compte du fait que le contrevenant semble avoir de belles possibilités de carrière au sein des Forces canadiennes.

 

[12]      Lorsque j’examine l’ensemble des circonstances entourant l’infraction et la situation du contrevenant, j’estime que toute peine inférieure à la détention est inadéquate pour assurer le respect en bonne et due forme des principes de détermination de la peine sous-jacents à la dissuasion générale et à la dissuasion particulière. Soldat Crockatt, levez-vous.

 

POUR LES MOTIFS EXPOSÉS CI-DESSUS, LA COUR :

 

VOUS CONDAMNE à une peine de détention d’une durée de 15 jours. Vous pouvez vous asseoir. La peine est prononcée le 16 février 2008, à 10 h 14.

 

Avocats :

 

La capitaine S. MacLeod, Service canadien des poursuites militaires

Avocat de Sa Majesté la Reine

 

Le major L. D'Urbano, Direction du service d’avocats de la défense

Avocat du soldat Z.A. Crockatt

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