Cour martiale
Informations sur la décision
Date de l'ouverture du procès : 19 juin 2008
Endroit : Édifice 33, 2e étage, 33 rue Manston, Hornell Heights (ON)
Chefs d'accusation
•Chef d'accusation 1 : Art. 125(a) LDN, a fait volontairement une fausse inscription dans un document officiel.
Résultats
•VERDICT : Chef d'accusation 1 : Coupable.
•SENTENCE : Une réprimande et une amende au montant de 1200$.
Contenu de la décision
Référence : R. c. Caporal-chef R.P. Joseph, 2008 CM 4008
Dossier : 200803
COUR MARTIALE PERMANENTE
CANADA
ONTARIO
BASE DES FORCES CANADIENNES NORTH BAY
Date : 19 juin 2008
SOUS LA PRÉSIDENCE DU LIEUTENANT-COLONEL J-G PERRON, J.M.
SA MAJESTÉ LA REINE
c.
CAPORAL-CHEF R.P. JOSEPH
(Contrevenant)
SENTENCE
(Prononcée de vive-voix)
[1] Caporal-chef Joseph, après avoir accepté et enregistré votre plaidoyer de culpabilité relativement à l’accusation no 1, la cour vous déclare coupable de cette infraction. Vous avez plaidé coupable à une accusation portée aux termes de l’alinéa 125a) de la Loi sur la défense nationale.
Vous pouvez rompre et vous asseoir près de votre avocat.
[2] Les circonstances entourant la perpétration de cette infraction sont exposées dans le sommaire des circonstances, dont vous avez officiellement admis les faits comme preuve concluante de votre culpabilité. Votre témoignage a également donné à la cour des preuves supplémentaires. Le 14 juillet 2005, vous avez fait une fausse inscription dans le rapport général d’incident 2004-34670. Selon l’inscription en question, il y aurait eu enregistrement audiovisuel d’une entrevue et vous auriez déposé la version originale de cet enregistrement à titre d’élément de preuve. Cependant, vous n’aviez pas déposé cet élément de preuve.
[3] Les principes de détermination de la peine, qui sont les mêmes devant une cour martiale et devant un tribunal civil de compétence criminelle au Canada, ont été énoncés de différentes manières. En règle générale, ces principes s’appuient sur le besoin de protéger le public, lequel comprend, bien entendu, les Forces canadiennes.
[4] Le principe fondamental est celui de la dissuasion, qui comprend la dissuasion particulière, à savoir l’effet dissuasif produit sur une personne en particulier, ainsi que la dissuasion générale, à savoir l’effet dissuasif produit sur toute personne qui pourrait être tentée de commettre des infractions du même genre. Ces principes comprennent également le principe de la dénonciation du comportement illégal et, enfin et surtout, celui de l’amendement et de la réadaptation du contrevenant.
[5] Il revient à la cour de déterminer ce qui protégera le mieux le public : la dissuasion, la réadaptation, la dénonciation ou une combinaison de ces principes.
[6] La cour a également tenu compte des orientations énoncées aux articles 718 à 718.2 du Code criminel du Canada. Selon l’article 718, l’objectif essentiel du prononcé des peines est de contribuer au respect de la loi et au maintien d’une société paisible et juste par l’infliction de sanctions justes visant un ou plusieurs des objectifs suivants : dénoncer le comportement illégal; dissuader les délinquants, et quiconque, de commettre des infractions; isoler, au besoin, le délinquant du reste de la société; favoriser la réinsertion sociale des délinquants; assurer la réparation des torts causés aux victimes ou à la collectivité; et susciter la conscience de leurs responsabilités chez les délinquants, notamment par la reconnaissance du tort qu’ils ont causé aux victimes et à la collectivité.
[7] Lorsqu’elle inflige une peine, la cour doit également suivre les directives de l’article 112.48 des Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes, qui lui impose de tenir compte de toute conséquence indirecte du verdict ou de la sentence et de prononcer une sentence proportionnée à la gravité de l’infraction et aux antécédents du contrevenant.
[8] En général, la cour doit également tenir compte du fait que les peines infligées aux contrevenants qui commettent des infractions similaires dans des circonstances comparables ne doivent pas différer de manière disproportionnée. Je n’ai pu effectuer cet exercice de comparaison étant donné qu’aucune jurisprudence ne m’a été fournie par les avocats des deux parties.
[9] L’objectif fondamental de la peine est le rétablissement de la discipline chez le contrevenant et dans les rangs des Forces armées. La cour est également tenue de prononcer la peine la plus clémente qui soit compatible avec le maintien de la discipline dans les rangs.
[10] Le poursuivant a soutenu que les principes de la dissuasion générale et de la dénonciation sont les plus importants pour ce qui est de l’affaire en cause et a recommandé une sévère réprimande et une amende allant de 1 000 $ à 3 000 $. Votre avocat de la défense a soutenu que les circonstances entourant l’affaire en cause, notamment la longue période s’étant écoulée entre la date de l’infraction et la date de l’instance devant la cour martiale, n’appuient pas la prétention selon laquelle le principe de la dissuasion générale s’applique à cette affaire. Il a fait valoir que les principes de la dissuasion précise et de la dénonciation s’appliquent à l’affaire en cause et qu’une réprimande et une amende de 500 $ constituent une peine appropriée qui aiderait à votre réadaptation.
[11] J’aborderai premièrement les circonstances aggravantes en l’occurrence. Vous aviez presque 34 ans au moment de l’infraction et comptiez environ 14 années de service dans les Forces canadiennes. Vous aviez été nommé caporal-chef environ deux semaines avant l’infraction. Vous aviez suivi plusieurs cours de police militaire et de techniques d’enquête. Bref, vous aviez servi dans les forces depuis assez longtemps et aviez toute la formation et l’expérience nécessaire pour savoir ce que l’on attendait de vous lorsque vous avez rempli votre rapport d’enquête.
[12] Vous êtes membre de la police militaire. Vous étiez agent de la paix au
moment de l’infraction. Ainsi, de vastes pouvoirs vous étaient conférés. Mais ces pouvoirs entraînaient de grandes attentes. Les erreurs telles que celle que vous avez commise le 14 juillet 2005 ne peuvent être tolérées ou pardonnées parce qu’elles peuvent avoir de grandes répercussions sur la vie des gens. La cour n’a reçu aucune preuve indiquant que les fausses inscriptions ont entraîné de telles conséquences, c’est-à-dire qu’on ne lui a pas fait part d’accusations portées à la suite de l’enquête que vous meniez ou d’autres conséquences. Bien que l’on puisse supposer que la poursuite aurait déposé de tels éléments de preuve comme facteur aggravant, je ne ferai aucune hypothèse quant au dépôt d’accusations et je traiterai l’absence de preuve comme un facteur neutre. La cour aurait adopté un point de vue très différent sur cette question s'il y avait eu des éléments de preuve quant aux répercussions de la fausse inscription.
[13] Je traiterai maintenant des circonstances atténuantes que révèle la preuve. Vous avez plaidé coupable. Dans la jurisprudence canadienne, le fait de plaider coupable dès le début et de collaborer avec la police est généralement considéré comme un signe tangible que le contrevenant éprouve du remords à cause de ses actes et qu’il assume la responsabilité de ses actes illicites et du préjudice qui en a découlé.
[14] Par conséquent, le fait de plaider coupable est habituellement considéré comme une circonstance atténuante. En règle générale, on considère que cette approche n’est pas contradictoire avec le droit au silence et le droit d’exiger du ministère public qu’il prouve hors de tout doute raisonnable les chefs d’accusation qui pèsent contre l’accusé. On y voit plutôt un moyen pour les tribunaux d’imposer une peine moins sévère et on interprète ce fait comme un signe de la volonté de l’accusé d’assumer la
responsabilité de ses actes illicites. En outre, les témoins n’auront pas à témoigner et les frais liés à une procédure judiciaire seront largement réduits.
[15] Vous avez aussi indiqué à votre chaîne de commandement par courriel que vous n'avez pas déposé l'enregistrement en tant qu'élément de preuve. Cet aveu témoigne d'une certaine coopération de votre part avec les autorités lorsque des anomalies ont été relevées au cours de l'enquête de la Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire.
[16] Vous avez une fiche de conduite, mais l'infraction d'absence sans permission qui y figure a été perpétrée le 19 février 2007. Par conséquent, aux fins de l'étape de la détermination de la peine de cette cour martiale, vous êtes un délinquant primaire.
[17] Selon la description que vous avez donnée, vous viviez une période très difficile au moment de l'infraction. Vous en étiez aux premières étapes d'une séparation, vous commenciez une dépression et vous étiez le seul employé restant de la section responsable des enquêtes. Bien que ces facteurs n'excusent pas vos agissements, ils aident la cour à comprendre votre situation personnelle au moment de l'infraction.
[18] Les preuves démontrent que vous n'avez pas effectué cette fausse inscription à des fins personnelles, pour aider quelqu'un ou pour cacher un autre acte illégal. Cependant, vous avez commis une infraction d'ordre militaire. De plus, vous l’avez commise dans le cadre de vos fonctions d'enquêteur de la police militaire. Si on souhaite assurer la primauté du droit au sein des Forces canadiennes, les membres des Forces doivent pouvoir compter sur le fait que leurs collègues de la police militaire exécutent leurs fonctions de manière impartiale et correcte. Le fait de savoir qu'une fausse inscription a été faite dans un rapport éroderait sans doute la confiance des membres des Forces canadiennes à l'égard de la police militaire.
[19] Les membres de la police militaire, tout comme leurs homologues civils, doivent respecter des normes élevées et doivent déployer les efforts nécessaires pour atteindre et maintenir ces normes.
Caporal-chef Joseph, veuillez vous lever.
[20] Je crois que les principes de la dissuasion générale et de la dénonciation s’appliquent dans l’affaire en cause. Je conviens avec votre avocat que la période de trois ans qui s’est écoulée depuis la date de l’infraction pourrait mitiger l’effet dissuasif général, mais je souligne que le délai initial découle du simple fait que l’anomalie dans votre rapport qui a donné lieu à l’enquête policière sur cette infraction n’a pas été découverte qu’à l’automne 2006 des suites de l’enquête de la Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire. Je crois que le principe de la dissuasion générale s’applique dans cette affaire étant donné que les autres membres de la police militaire seront certainement informés des faits et des conséquences. En outre, la dénonciation de ce type d’infraction, une fausse inscription dans un rapport d’enquête, est un principe important de la détermination de la peine pour faire en sorte que la police militaire conserve la confiance des militaires, des agents d’application de la loi et de tous les Canadiens.
[21] Cela étant dit, j’ai également tenu compte de votre situation personnelle au moment de l’infraction, ainsi que de votre comportement après coup. Vous subissiez de grandes pressions en raison de vos problèmes émotionnels et psychologiques. Je crois que la peine que je suis sur le point de vous infliger est la peine minimale nécessaire pour maintenir la discipline tout en tenant compte de la gravité subjective de l’infraction et des antécédents du délinquant.
[22] Caporal-chef Joseph, je vous condamne à une réprimande et à une amende de 1 200 $. L’amende sera payable en versements mensuels de 100 $, à compter du premier jour de juillet 2008. Si vous êtes libéré des Forces canadiennes avant le paiement complet de l’amende, le montant non réglé sera exigible le jour précédant votre libération.
LIEUTENANT-COLONEL J-G PERRON, J.M.
Avocat :
Le Major S.A. MacLeod, Direction des poursuites militaires, Ottawa
Procureur de Sa Majesté
Le Capitaine B.L.J. Tremblay, Direction du service d’avocats de la défense, Ottawa
Avocat du Caporal-chef R.P. Joseph