Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

CACM 516 - Appel accordé

Date de l'ouverture du procès : 10 décembre 2007

Endroit : BFC Shilo, Aménagements pour des lectures d'entraînement, Shilo, MB.

Chefs d'accusation
•Chefs d'accusation 1, 2, 3 : Art. 83 LDN, a désobéi à un ordre légitime d'un supérieur.

Résultats
•VERDICTS : Chef d'accusation 1, 2, 3 : Une suspension d'instance.

Cour martiale disciplinaire (CMD) (est composée d’un juge militaire et d’un comité)

Contenu de la décision

Référence : R. c. Caporal A.E. Liwyj, 2008 CM 2001

 

Dossier : 200719

 

COUR MARTIALE DISCIPLINAIRE

CANADA

MANITOBA

BASE DES FORCES CANADIENNES SHILO

 

Date : le 9 janvier 2008

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DU CAPITAINE DE FRÉGATE P.J. LAMONT, J.M.

 

SA MAJESTÉ LA REINE

c.

CAPORAL A.E. LIWYJ

(Accusé)

 

DÉCISION RELATIVE À UNE VIOLATION PRÉSUMÉE DE LARTICLE 7 ET DE LALINÉA 11d) DE LA CHARTE CANADIENNE DES DROITS ET LIBERTÉS

 

 

TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE

 

[1]                    Depuis des siècles, les cours martiales militaires et maritimes ont rendu leurs décisions et déterminé des peines à la majorité des voix des membres de la cour. Lexpression légale de cette coutume se trouve maintenant dans larticle 192 de la Loi sur la défense nationale dont voici le texte :

 

(1)           Le comité de la cour martiale générale et de la cour martiale disciplinaire décide du verdict et statue sur toute autre matière ou question, autre quune question de droit ou une question mixte de droit et de fait, survenant après louverture du procès.

 

(2)          Les décisions du comité se prennent à la majorité de ses membres.

 


[2]                    À louverture de son procès à la cour martiale disciplinaire sur trois chefs daccusation de désobéissance à un ordre légitime dun supérieur et, avant dinscrire son plaidoyer, le caporal Liwyj a sollicité une déclaration selon laquelle le paragraphe 192(2) de la Loi sur la défense nationale est inopérant parce que le vote à la majorité simple est incompatible avec larticle 7 et lalinéa 11d) de la Charte canadienne des droits et libertés, ainsi quune ordonnance selon laquelle il est exigé que les membres de la cour martiale disciplinaire votent à lunanimité.

 

[3]                    Bien que la question de la décision prise à la majorité des membres de la cour martiale ait déjà été soulevée par le passé et portée devant la Cour dappel de la cour martiale, ni les tribunaux militaires de première instance, ni la CACM nen ont traité depuis 1999, quand des modifications importantes ont été apportées à la Loi sur la défense nationale par le projet de loi C‑25, L.C. 1998, c.35.

 

[4]                    Le demandeur fait valoir que lalinéa 11d) de la Charte garantit le droit dun inculpé d'être présumé innocent tant qu'il n'est pas déclaré coupable hors de tout doute raisonnable et que, si une majorité de deux membres seulement du comité dune cour martiale disciplinaire vote pour le déclarer coupable, la culpabilité nest pas conclue hors de tout doute raisonnable parce que la voix dissidente du troisième membre soulève un doute important. Il allègue que, lorsque seulement deux tiers des voix du comité sexpriment en faveur de la déclaration de culpabilité, ce nest rien de plus quun verdict de culpabilité probable.

 

[5]                    La Couronne intimée fait valoir que la question a déjà été traitée et tranchée à lencontre du demandeur dans des décisions de la Cour dappel de la cour martiale qui lient notre cour. De toute façon, le paragraphe 192(2) de la Loi sur la défense nationale devrait être examiné dans le contexte du mode dinstruction en cour martiale et, dans cette optique, la règle du vote majoritaire nenfreint pas la présomption dinnocence prévue à lal. 11d). Dautres ressorts où sapplique lexigence légale de la preuve hors de tout doute raisonnable autorisent un verdict rendu à la majorité des voix par un jury, et larticle 7 de la Charte najoute rien aux protections offertes à lal. 11d).

 

[6]                    Advenant que la cour décide quil y a eu une violation de la Charte, lintimée ne fait pas valoir que la loi doit être confirmée au regard de larticle premier de la Charte.

 

[7]                    Le demandeur répond que les déclarations antérieures de la CACM, soit  constituent des opinions incidentes, soit ne traitaient pas de largument selon lequel la règle du doute raisonnable protégée par lal. 11d) serait compromise par un régime de décisions majoritaires, ou que les décisions seraient confuses de par des renvois à lal. 11f) de la Charte.

 


[8]                    Dans R. c. Brown (1995) 5 CMAR 280, la Cour dappel de la cour martiale a abordé la question de savoir si un régime de majorité des voix à la cour martiale « viol[ait] la présomption d'innocence garantie par l'alinéa 11d». Sexprimant au nom de la Cour, le juge Hugessen a déclaré ce qui suit (au paraphe 19) :

 

En ce qui concerne la présomption d'innocence garantie par l'alinéa 11d), la jurisprudence de la présente Cour établit clairement que cette garantie n'est pas violée par l'absence d'obligation pour une cour martiale de rendre sa décision à l'unanimité.

 

[9]                    La cour ne peut interpréter les déclarations du juge Hugessen dans la décision Brown comme une simple opinion incidente. À mon avis, lorsque le juge Hugessen a affirmé que « l'argument de l'appelant s'appuyant sur la Charte ne peut pas être retenu », il faut laccepter comme le strict ratio decidendi de laffaire sur ce point.

 

[10]                  Le demandeur allègue (paragraphe 22 du mémoire) que la question des verdicts rendus à la majorité des voix à la cour martiale na pas fait lobjet dune [TRADUCTION] « analyse solide et approfondie » de la part des tribunaux militaires. Toutefois, même si le raisonnement de la Cour dappel de la cour martiale peut faire lobjet dune contestation, et je ne voudrais pas quil soit entendu ou compris que jaffirme quil le peut, cela naide en rien le demandeur. Cette cour est tenue par lénoncé clair du tribunal supérieur. Voir R. c. Henry [2005] 3 RCS 609. Si le demandeur estime que la décision du tribunal supérieur est erronée, alors largument doit être porté devant ce tribunal supérieur, ou éventuellement dans un appel interjeté contre le tribunal supérieur.

 

[11]                  La cour nest pas convaincue que la Cour dappel de la cour martiale ne traitait pas spécifiquement de la relation entre les verdicts rendus à la majorité des voix et la règle du doute raisonnable de la décision Brown. Cette règle, bien entendu, est intimement liée à la garantie constitutionnelle de la présomption dinnocence. Voir R. c. Oakes [1986] 1 RCS 103. En fait, la CACM reconnaît clairement un lien étroit lorsque le juge Hugessen écrit, au paragraphe 20 :

 

Il ne peut, bien sûr, y avoir aucun doute que la présomption d'innocence s'applique aux cours martiales et que les membres de ces cours, lorsqu'ils rendent leur verdict, doivent se demander s'ils sont convaincus au-delà du doute raisonnable de la culpabilité de l'accusé.

 

[12]                  Dans son mémoire au nom du demandeur, lavocate se fonde aussi sur larticle 7 de la Charte pour appuyer une demande de déclaration. Le texte de larticle 7 se lit ainsi :

 

Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu'en conformité avec les principes de justice fondamentale.

 


[13]                  Lavocate du demandeur na pas exprimé, que ce soit dans une plaidoirie ou dans une argumentation écrite, un principe de justice fondamentale sur lequel elle sappuie, si ce nest la présomption dinnocence protégée par lalinéa 11d) et la règle du doute raisonnable, en parallèle. Compte tenu de la preuve et de largumentation  présentées dans le cadre de la présente demande, la cour nest pas convaincue que larticle 7 ajoute quoi que ce soit à largument du demandeur fondé sur lalinéa 11d).

 

[14]                  Par conséquent, la cour rejette pour ces motifs la demande.

 

 

 

 

 

                                                            CAPITAINE DE FRÉGATE P.J. LAMONT, J.M.

 

AVOCATS :

 

Capitaine R.J. Henderson, Procureur militaire régional, région de lOuest

Procureur de Sa Majesté la Reine

Lieutenant de vaisseau S.C. Leonard, Direction du service davocats de la défense

Avocat du caporal AE. Liwyj

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